Questions au spécialiste Vol. 22 No. 2 2011 Danger potentiel de la Nanomania Rudolph Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds Olivier Reinberg, Lausanne Plusieurs confrères m’ont sollicité pour s’enquérir du danger potentiel que représente les «nanos» diffusés par la Migros à la suite de la publication dans la presse de plusieurs ingestions accidentelles. Les «nanos» sont des petites capsules de plastique déguisées en personnages, qui mesurent 34 mm de long pour un diamètre de 16 mm. Ils contiennent une petite bille métallique mobile qui permet des assemblages par déplacement du centre de gravité du jouet. Ces jouets constituent un risque d’ingestion comme tous les autres jouets de petite taille lorsqu’ils sont mis dans la bouche. Ils sont trop gros pour menacer les voies respiratoires. Ils sont nettement moins dangereux que les petites pièces de Lego contre lesquelles je m’étais (vainement) battu il y a quelques années, et de bien d’autres jouets similaires, qui eux présentent un danger d’inhalation. Les corps étrangers ingérés ne présentent que peu de caractère de gravité. Dans la plupart des cas ils seront éliminés en 1 à 5 jours dans les selles. Les corps étrangers sont dangereux s’ils restent enclavés. Les lieux d’enclavement sont la bouche oesophagienne, la crosse de l’aorte, le cardia et la valve iléo-caecale. Les enclavements oesophagiens se manifestent par une dysphagie et/ou une sialorrhée, qui justifient de faire une radiographie qui doit impérativement inclure le cou et l’estomac. Du fait de la présence de la bille métallique, ils sont aisément identifiables. Un corps étranger enclavé dans l’oesophage doit être retiré sans attendre. Commentaire de moins de 3 ans et l’emballage est conforme à la législation. On peut toutefois reprocher à la Migros de n’apposer sur l’emballage qu’un logo modérément compréhensible (enfant 0–3 ans, dans un cercle barré), sans inscrire explicitement «ne pas donner aux enfants de moins de 3 ans» en plusieurs langues. Il est de la responsabilité des parents de respecter les instructions de l’emballage et de ne pas les mettre à portée des enfants de moins de 3 ans. La Migros n’a fait que copier ce jeu diffusé depuis longtemps en Australie, en ajoutant sa décoration. Or l’Australie, qui est un pays mieux doté en surveillance et en prévention des accidents d’enfants que la Suisse, n’a pas jugé utile de les interdire. La distribution faite à large échelle par la Migros, augmente l’exposition au risque en raison du très grand nombre distribué (dizaines de millions de Nanos mis sur le marché jusqu’à la fin de l’opération, dixit Martina Bosshard, porte-parole de Migros). Cependant, ce nombre est inférieur à celui des petites pièces de Lego qui sont autrement plus dangereuses, et qui elles, ont généré de nombreux problèmes respiratoires. Correspondance Prof. Olivier Reinberg Service de Chirurgie Pédiatrique Centre Hospitalier Universitaire Vaudois 1011 Lausanne – CHUV [email protected] Les ingestions de corps étrangers magnétiques peuvent induire des perforations digestives par accolement des anses digestives qui provoquent une ischémie puis une perforation. Les Nanos ne sont pas aimantés et ne réalisent donc pas ce risque. Ils sont adaptés aux normes EU pour les jouets à ne pas mettre à portée des enfants 29 Le vrai danger de la nanomania Les nanos s’obtiennent à partir d’un certain montant d’achats – la nanomania des enfants influence et encourage la consommation des parents: une forme indigne de marketing qui abuse de l’enfant et qui abuse les parents. La Suisse ne dispose pas d’une loi digne de ce nom interdisant, ou qui du moins règlemente la publicité adressée aux enfants et la publicité qui se sert des enfants pour influencer les habitudes des parents. Une telle loi existe p.ex. en Suède et au Québec où, en règle générale, la publicité «à but commercial» destinée à des personnes de moins de 13 ans (12 ans pour la Suède) est interdite. Les spécialistes du marketing ont découvert ce que les parents savent depuis longtemps: les enfants adorent faire des collections. Autrefois, les enfants collectionnaient billes, timbres et monnaie, mais aujourd’hui ils amassent des collections d’objets vendus en magasin comme les Pokémon, paninis, nanos etc. Les rages de collectionneurs sont généralement de courte durée, les enfants se fatiguent vite d’une collection et passent rapidement à la nouvelle tendance en mettant de côté les boîtes de jouets désormais inutiles. Aidés de chercheurs et de psychologues bien rémunérés, les firmes ont accès à une connaissance profonde des besoins émotifs, des comportements, des mondes imaginaires des enfants. Les entreprises sont ainsi en mesure de développer des stratégies de marketing sophistiquées capables d’atteindre leur jeune public. Le recours à des psychologues pour aider les spécialistes du marketing à cibler les enfants a retenu l’attention du public en 1999 quand un groupe américain de professionnels en santé mentale a adressé une lettre ouverte à l’American Psychological Association (APA) réclamant que cette pratique soit déclarée contraire à l’éthique. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a abordé la question du marketing alimentaire lors de la conférence annuelle actions santé en novembre 2010 http://www.bag. admin.ch/themen/ernaehrung_bewegung/05245/11260/index.html?lang=fr. C’est un début … timide, mais un début.