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Vol. 22 No. 2 2011 Questions au spécialiste
Plusieurs confrères m’ont sollicité pour
s’enquérir du danger potentiel que repré-
sente les «nanos» diffusés par la Migros à
la suite de la publication dans la presse de
plusieurs ingestions accidentelles.
Les «nanos» sont des petites capsules de
plastique déguisées en personnages, qui
mesurent 34 mm de long pour un diamètre
de 16 mm. Ils contiennent une petite bille
métallique mobile qui permet des assem-
blages par déplacement du centre de gra-
vité du jouet.
Ces jouets constituent un risque d’inges-
tion comme tous les autres jouets de petite
taille lorsqu’ils sont mis dans la bouche. Ils
sont trop gros pour menacer les voies res-
piratoires. Ils sont nettement moins dange-
reux que les petites pièces de Lego contre
lesquelles je m’étais (vainement) battu il y
a quelques années, et de bien d’autres
jouets similaires, qui eux présentent un
danger d’inhalation.
Les corps étrangers ingérés ne présentent
que peu de caractère de gravité. Dans la
plupart des cas ils seront éliminés en 1 à 5
jours dans les selles. Les corps étrangers
sont dangereux s’ils restent enclavés. Les
lieux d’enclavement sont la bouche oeso-
phagienne, la crosse de l’aorte, le cardia et
la valve iléo-caecale. Les enclavements
oesophagiens se manifestent par une dys-
phagie et/ou une sialorrhée, qui justifient
de faire une radiographie qui doit impérati-
vement inclure le cou et l’estomac. Du fait
de la présence de la bille métallique, ils
sont aisément identifiables. Un corps étran-
ger enclavé dans l’oesophage doit être re-
tiré sans attendre.
Les ingestions de corps étrangers magné-
tiques peuvent induire des perforations
digestives par accolement des anses diges-
tives qui provoquent une ischémie puis une
perforation. Les Nanos ne sont pas aiman-
tés et ne réalisent donc pas ce risque.
Ils sont adaptés aux normes EU pour les
jouets à ne pas mettre à portée des enfants
de moins de 3 ans et l’emballage est
conforme à la législation. On peut toutefois
reprocher à la Migros de n’apposer sur
l’emballage qu’un logo modérément com-
préhensible (enfant 0–3 ans, dans un cercle
barré), sans inscrire explicitement «ne pas
donner aux enfants de moins de 3 ans» en
plusieurs langues. Il est de la responsabilité
des parents de respecter les instructions
de l’emballage et de ne pas les mettre à
portée des enfants de moins de 3 ans.
La Migros n’a fait que copier ce jeu diffusé
depuis longtemps en Australie, en ajoutant
sa décoration. Or l’Australie, qui est un pays
mieux doté en surveillance et en prévention
des accidents d’enfants que la Suisse, n’a
pas jugé utile de les interdire.
La distribution faite à large échelle par la
Migros, augmente l’exposition au risque en
raison du très grand nombre distribué (di-
zaines de millions de Nanos mis sur le
marché jusqu’à la fin de l’opération, dixit
Martina Bosshard, porte-parole de Migros).
Cependant, ce nombre est inférieur à celui
des petites pièces de Lego qui sont autre-
ment plus dangereuses, et qui elles, ont
généré de nombreux problèmes respira-
toires.
Correspondance
Prof. Olivier Reinberg
Service de Chirurgie Pédiatrique
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
1011 Lausanne – CHUV
olivier.reinberg@chuv.ch
Danger potentiel de la Nanomania
Olivier Reinberg, Lausanne
Commentaire
Rudolph Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
Le vrai danger de la nanomania
Les nanos s’obtiennent à partir d’un certain
montant d’achats – la nanomania des en-
fants influence et encourage la consomma-
tion des parents: une forme indigne de
marketing qui abuse de l’enfant et qui
abuse les parents.
La Suisse ne dispose pas d’une loi digne de
ce nom interdisant, ou qui du moins règle-
mente la publicité adressée aux enfants et
la publicité qui se sert des enfants pour in-
fluencer les habitudes des parents. Une telle
loi existe p.ex. en Suède et au Québec où, en
règle générale, la publicité «à but commer-
cial» destinée à des personnes de moins de
13 ans (12 ans pour la Suède) est interdite.
Les spécialistes du marketing ont décou-
vert ce que les parents savent depuis
longtemps: les enfants adorent faire des
collections. Autrefois, les enfants collec-
tionnaient billes, timbres et monnaie, mais
aujourd’hui ils amassent des collections
d’objets vendus en magasin comme les
Pokémon, paninis, nanos etc.
Les rages de collectionneurs sont généra-
lement de courte durée, les enfants se fati-
guent vite d’une collection et passent rapi-
dement à la nouvelle tendance en mettant
de côté les boîtes de jouets désormais
inutiles.
Aidés de chercheurs et de psychologues
bien rémunérés, les firmes ont accès à une
connaissance profonde des besoins émo-
tifs, des comportements, des mondes
imaginaires des enfants. Les entreprises
sont ainsi en mesure de développer des
stratégies de marketing sophistiquées ca-
pables d’atteindre leur jeune public.
Le recours à des psychologues pour aider
les spécialistes du marketing à cibler les
enfants a retenu l’attention du public en
1999 quand un groupe américain de pro-
fessionnels en santé mentale a adressé une
lettre ouverte à l’American Psychological
Association (APA) réclamant que cette
pratique soit déclarée contraire à l’éthique.
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP)
a abordé la question du marketing alimen-
taire lors de la conférence annuelle actions
santé en novembre 2010 http://www.bag.
admin.ch/themen/ernaehrung_bewe-
gung/05245/11260/index.html?lang=fr.
C’est un début … timide, mais un début.