Norme 4 : Risques de catastrophe Notre engagement : Nous nous engageons à réduire le risque de catastrophes futures en renforçant les capacités locales et en réduisant la vulnérabilité future aux aléas de catastrophe ainsi qu’en répondant aux besoins à court terme. Aide visuelle pour enseigner la préparation aux séismes dans les écoles, Indonésie Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Les questions qui se posent Autrefois, les ONG ont souvent privilégié principalement les réponses rapides de secours pour sauver des vies et réduire les souffrances en cas de catastrophes, mais elles n’ont pas saisi l’occasion pour investir dans la Réduction des risques de catastrophe (RRC). Une approche de RRC dans la réponse d’urgence signifie un renforcement de la capacité locale et une réduction des vulnérabilités futures ainsi que la réponse aux besoins à court terme. Ces principes sont inscrits dans le Code de conduite pour le Mouvement international de la Croix-Rouge (voir p.141). L’un des exemples les plus parlants des conséquences d’une approche de RRC se trouve au Bangladesh. Les systèmes d’alerte précoce au Bangladesh ont réduit le nombre des victimes des cyclones – en permettant l’évacuation vers des abris anti-cyclone avant que le cyclone ne touche terre. Ceci a considérablement réduit le nombre de morts – de 300 000 morts au cours du cyclone Bhola en 1970 à 3 000 durant le cyclone Sidr en 2008. La simulation suivante est une démonstration de la façon dont les aléas et les vulnérabilités s’unissent pour créer des catastrophes : Vulnérabilité C A T A S T R O P H E Aléa Les aléas sont des événements naturels ou d’origine humaine qui produiront une catastrophe chez les personnes vulnérables. Dans certains pays, ce modèle de « catastrophe » est appelé « crise » ou « désastre » p.ex. la crise alimentaire de la région du Sahel. Sécheresse, inondations et séismes sont des exemples d’aléas. Les vulnérabilités sont les conditions qui réduisent la capacité des personnes à résister ou répondre à ces aléas particuliers. À l’opposé, les capacités sont les forces ou moyens appartenant aux individus, aux foyers et aux collectivités qui accroissent leur capacité à résister ou à répondre à ces aléas. Certains bailleurs de fonds, les Nations Unies et les ONG préfèrent utiliser l’expression « renforcement de la résilience » qui est une façon positive alternative de décrire une approche de RRC. Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Les vulnérabilités et les capacités tombent souvent sous cinq catégories : l’humain, le social, le bâti, le naturel et l’économique. Exemples de vulnérabilités et de capacités classées par catégories : Catégorie Humain Social Bâti Vulnérabilités • manque de savoir-faire ou de connaissance • problèmes de santé étendus (p.ex. prévalence du VIH) • fatalisme • âge, sexe et appartenance ethnique • société désorganisée ou fragmentée • direction insuffisante • • • • Naturel • • bâtiments mal construits conception structurelle insuffisante installation des maisons sur une pente meuble ou dans une zone inondable mauvaise qualité des routes et des ponts manque de ressources naturelles accès restreint aux ressources naturelles Capacités • haut niveau de savoir-faire et de connaissances • population forte, valide • forte motivation et espérance • résilience, autonomie et soutien • structures fortes de soutien social • culture du partage • bonne direction • bâtiments bien construits • bonne conception structurelle • bâtiments bien situés • routes et ponts en bon état • • • Économique • • • • manque d’argent fragilité des moyens de subsistance pas de possibilité de crédit et d’épargne peu d’avoirs commercialisables • • • alimentation en eau abondante bonne couverture forestière et disponibilité du bois présence d’aliments sauvages bonnes options de moyens de subsistance alternatifs possibilité de crédit et d’épargne avoirs commercialisables Fondements bibliques L’Ancien Testament donne deux exemples de préparation à des catastrophes. Dans le déluge de la Genèse (Gn 6-8), Noé sauve sa famille et une large sélection d’animaux terrestres et d’oiseaux en construisant un grand bateau. Dans le récit de Joseph, Joseph interprète les rêves du Pharaon, roi d’Égypte. Il devient Premier ministre et se voit confier un programme de préparation à la famine à l’échelle nationale (Gn 41 et 47.13-26). Son action a sauvé la nation de la famine. Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Engagements déontologiques Dans les réponses d’urgence, notre engagement consiste à concevoir nos projets de manière à s’appuyer sur les capacités de la population et à réduire autant que possible les vulnérabilités sous-jacentes, équipant ainsi la population pour faire face à des aléas futurs. En l’absence d’une telle approche développementale, les capacités peuvent être méconnues, voire minées, et des projets mal conçus peuvent engendrer un esprit d’assisté. Cette approche fondamentale peut être appliquée à toutes les réponses d’urgence, celles qui sont liées à des catastrophes naturelles ou à des urgences politiques complexes, comme aussi aux contextes de développement ; en particulier là où la limite entre urgence et développement est floue en raison d’une vulnérabilité chronique persistante. Liens étroits avec d’autres normes de qualité Il y a des liens étroits avec : Qualité technique, parce que devons traiter les vulnérabilités dans notre conception technique (p.ex. bâtiments résistants aux séismes) Développement et protection de l’enfance, parce que les enfants sont particulièrement vulnérables en raison de leur jeune âge et qu’ils sont moins capables de s’exprimer Égalité des sexes, parce que nous devons étudier les diverses vulnérabilités sousjacentes auxquelles sont confrontés les femmes et les hommes, ainsi que leurs capacités respectives VIH, en prenant en compte les considérations particulières du VIH et de la vulnérabilité Environnement, en prenant en compte les liens étroits entre le risque de catastrophe, le changement climatique et la dégradation de l’environnement Pérennité, parce que réduire le risque de catastrophe et rendre pérenne vont de pair ; et Plaidoyer, parce que les causes fondamentales de la vulnérabilité sont souvent des questions de politique, de pratiques et de tradition culturelle. Où trouver d’autres renseignements : • • • • • • • • • Good Practice Guide on Disaster Risk Reduction ROOTS 9 : Réduire les risques de désastres dans nos communautés ROOTS 13 : Durabilité environnementale Guide PILIERS : Comment se préparer aux désastres Lien Hyogo de SIPC (ONU) : www.unisdr.org/eng/hfa/docs/HFA-brochureFrench.pdf www.fews.net FAO SMIAR perspectives de récoltes et situation alimentaire : http://www.fao.org/giews/french/cpfs/index.htm FAO Prix nationaux des aliments - base de données et outil d’analyse : http://www.fao.org/giews/french/index.htm PAM Évaluation de sécurité alimentaire, rapports pays par pays (en anglais) : http://www.wfp.org/food-security/reports Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe • • • Organisme de coordination des Nations Unies : www.un.org/french/ha/mission.shtml Portail d’information : www.preventionweb.net Réseau mondial des organisations de la société civile impliquées dans la RRC : http://globalnetwork-dr.org Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Étapes pratiques pour concrétiser notre engagement concernant la réduction des risques de catastrophe Identification Étape 1 : Comprendre le contexte de la situation d’urgence, les capacités et les vulnérabilités des personnes Conception et application Étape 2 : Identifier les capacités communautaires existantes et s’appuyer dessus Étape 3 : Identifier et traiter les vulnérabilités à long terme Étape 4 : Soutenir la préparation à des catastrophes futures (le cas échéant) Étape 5 : Identifier les causes sous-jacentes des vulnérabilités et les traiter par un plaidoyer ciblé Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Étape 1 : Comprendre le contexte de la situation d’urgence, les capacités et les vulnérabilités des personnes Assessment Identification Évaluation Conception Il est important de bien comprendre le contexte pour s’assurer que les projets sont conçus de façon appropriée: • Entreprendre une analyse des aléas, vulnérabilités et capacités. Si une situation de catastrophe résulte d’aléas naturels, comme une inondation, une sécheresse ou un séisme, faire une évaluation complète à l’aide d’une méthodologie d’EPRC. Dans le cas d’une catastrophe d’origine humaine, une simple analyse des vulnérabilités et des capacités contribuera à garantir une conception appropriée du projet. • Est-ce une catastrophe imprévisible ou un élément d’un cycle prévisible ? Quelles sont les prévisions concernant les tendances futures et des réponses d’urgences supplémentaires seront-elles nécessaires à l’avenir ? • Quelle est à l’avenir l’incidence potentielle du changement climatique et comment celui-ci devrait-il être pris en compte dans la conception d’une réponse d’urgence ? • Qu’est-ce qui peut être entrepris pour éviter de saper le travail de développement à long terme ou de créer une dépendance de moyens extérieurs ? Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Étape 2 : Identifier les capacités communautaires existantes et s’appuyer dessus La collectivité a des méthodes traditionnelles pour faire face aux aléas. Dans une situation de catastrophe, ces capacités sont souvent bouleversées, mais pas anéanties. Quelques exemples de renforcement des capacités locales : • Utiliser les membres de la collectivité pour les impliquer dans les travaux du projet chaque fois que c’est possible, plutôt que de faire appel à des travailleurs venant de l’extérieur. • Renforcer les structures locales de direction, les mécanismes de résolution de problèmes et les structures de soutien aux membres les plus vulnérables de la collectivité. (Ce faisant, soyez attentifs aux questions d’égalité des sexes et d’exploitation ; elles devront peut-être être mises en question si elles accroissent la vulnérabilité des personnes pauvres ou marginalisées.) • Utiliser les fournisseurs locaux de marchandises pour stimuler l’économie de marché locale. • Identifier et faire revivre les stratégies de survie traditionnelles, p.ex. des récoltes résistantes à la sécheresse pour les zones désertiques. • Identifier et renforcer les mécanismes locaux pour résoudre les litiges. • Quand il y en a une, l’église locale peut posséder de fortes capacités et connaissances de la collectivité, y compris de son tissu complexe social et politique. Grâce à ses relations dans la collectivité et à son expérience pour rassembler des personnes, elle peut jouer un rôle très important dans la facilitation et l’organisation communautaires. L’église locale a des atouts et des moyens qu’elle peut mettre à la disposition des équipes de réponse aux catastrophes. Les personnes sont une ressource importante qui peut être mobilisée pour constituer un corps sérieux de bénévoles. Les bâtiments sont aussi des atouts précieux qui peuvent abriter des personnes déplacées ou servir à stocker du matériel de secours. Les membres se réunissant régulièrement, des messages peuvent être transmis à un grand nombre de personnes. L’information peut être riche en enseignements dans les situations d’urgence, ou plus formatrice quand des mesures préventives doivent être prises. Dans des situations de conflit, l’église locale est parfois bien placée pour encourager la réconciliation et construire la paix. Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Étape 3 : Identifier et traiter les vulnérabilités à long terme En concevant avec soin les projets, certaines vulnérabilités à long terme peuvent être réduites tout en répondant aux besoins immédiats. Quelques exemples : • Utiliser Travail contre nourriture (TCN) ou Travail contre argent (TCA) pour fournir immédiatement de la nourriture et un emploi, mais traiter en même temps un problème sous-jacent – comme le creusement d’un fossé d’irrigation, la construction d’une digue pour retenir l’eau, la construction d’une levée de terre contre les inondations, celles de terrasses sur une pente, etc. • Reconstruire les maisons à un endroit différent (plus sûr) ou selon une conception plus forte, plus résistante aux aléas. • Organiser des activités de promotion de santé contribuera non seulement à garder les familles et les animaux en meilleure santé à court terme, mais cela contribuera aussi à une moindre vulnérabilité face à des catastrophes futures. • Chercher des moyens de subsistance nouveaux ou alternatifs pour diversifier les sources de revenus comme le maraîchage ou ajuster les méthodes d’agriculture ou d’élevage, de manière à être moins touchés par des aléas futurs. • Incorporer des éléments pacificateurs dans le projet pour que les risques de violence communale ou d’escalade des conflits décroissent. • Chaque fois qu’un projet vise la construction de bâtiments, maisons ou écoles, dans un endroit où existe une vulnérabilité à un aléa, séisme ou cyclone p.ex., il est vital de concevoir le bâtiment pour qu’il soit résistant à l’aléa, p.ex. parasismique ou paracyclonique. • Les causes sous-jacentes des vulnérabilités des personnes sont souvent liées à des questions de valeurs ou de croyances culturelles. Un état d’esprit fataliste peut entraver notablement, dans les collectivités, tant la préparation que la réponse aux catastrophes. Quand il y a des églises locales, elles sont bien placées pour traiter ces questions, étant donné leur vision positive de l’avenir. Les églises ont l’habitude de lutter contre les valeurs, les comportements et les visions du monde différentes, et de voir des transformations dans ces domaines. Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Étape 4 : Soutenir la préparation à des catastrophes futures (le cas échéant) Quand il y a un risque important de catastrophe récurrente à l’avenir, p.ex. dans une zone sujette à des inondations annuelles, à une sécheresse cyclique, ou située dans une région d’activité sismique, il faut évaluer avec les collectivités comment elles peuvent mieux se préparer à de futurs aléas ou chocs. Ceci peut inclure : • Établir un bilan de ce qui s’est passé lors de la catastrophe récente et de quels étaient les besoins / services essentiels manquants. Ceci peut conduire à développer un plan de contingence qui permettra à la collectivité de mieux faire front la prochaine fois. Les plans de contingence peuvent être établis tant au niveau communautaire qu’au niveau familial. Il peut être nécessaire de former un comité catastrophe communautaire pour développer et mettre en application le plan. • Pour les aléas d’apparition soudaine comme les inondations, la préparation peut comprendre la mise en place d’un système d’alerte précoce, des plans, routes et abris d’évacuation, des réserves de nourriture et de matériel de sauvetage, ainsi que la formation au secourisme et à d’autres savoir-faire pour des bénévoles valides, en vue des catastrophes. • Pour les aléas d’apparition lente comme les sécheresses, la préparation peut comprendre l’établissement d’un système d’alerte précoce, des formules de réduction des troupeaux, l’utilisation de banques de céréales et la planification de réduction des réserves d’eau disponibles. • Apporter une éducation et un soutien pour la préparation aux catastrophes. Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Étape 5 : Identifier les causes sous-jacentes des vulnérabilités et les traiter par un plaidoyer ciblé Les causes profondes de la vulnérabilité et des risques sont souvent liées à des défaillances dans les processus de développement ou à l’incapacité du gouvernement à accorder les droits et les garanties à sa population. Le plaidoyer est souvent nécessaire pour pousser les autorités et d’autres personnes à prendre les décisions importantes aux différents niveaux sur les questions de réduction des risques de catastrophe. • Aux plus hauts niveaux, les réseaux d’ONG peuvent rappeler au gouvernement ses engagements à l’égard du Cadre d’Action de Hyogo (accord de l’ONU qui décrit cinq domaines d’activités de réduction des catastrophes et qui court de 2005 à 2015). • Localement, une ONG peut influencer le fonctionnement d’un comité gouvernemental de gestion des catastrophes, en encourageant des activités préalables à la catastrophe au lieu de se limiter à une réponse postérieure à la catastrophe. Les propriétaires terriens et les intérêts commerciaux peuvent aussi contribuer à la vulnérabilité et répondre à une pression appropriée. Voir Norme 12 : Plaidoyer pour davantage d’informations. Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009 Norme 4 : Risques de catastrophe Exemples de projets : En Éthiopie, un partenaire a organisé des projets « argent contre travail » avec des collectivités touchées par l’insécurité alimentaire. Ceci a eu le double effet de fournir l’argent vitalement nécessaire pour que les familles les plus vulnérables achètent de la nourriture et d’entreprendre des projets communautaires comme le terrassement et la plantation d’arbres pour améliorer la qualité du sol et réduire ainsi la vulnérabilité. Au Niger, un partenaire qui travaillait avec un groupe de pasteurs a mis en place un programme complet de réduction de troupeaux pour réduire la vulnérabilité en cas de sécheresse. Ce programme comprenait plusieurs volets : suivre les prix du marché, soutenir la vente de bétail au moment où il avait le plus de valeur et aider au transport vers le marché quand il fallait vendre du bétail. En Éthiopie, un partenaire a entrepris un projet d’irrigation, utilisant l’eau d’une rivière pour permettre au moins deux saisons de plantation par an. Ceci a réduit la vulnérabilité des agriculteurs dans la région face aux périodes annuelles de soudure alimentaire. Au Cachemire, Pakistan, la reconstruction de maisons suite au séisme a été accompagnée d’une formation à la conception parasismique et la fourniture d’outils et d’équipements de sauvetage dans les collectivités de manière à ce qu’elles soient mieux préparées à des séismes futurs. Un partenaire a travaillé au nord-est de l’Inde avec des églises locales pour ébranler l’état d’esprit fataliste des collectivités dont les terrains étaient inondés chaque année par la rivière, ainsi que l’état de dépendance induit par les distributions répétées des secours. Cela a été un élément clé de l’approche de réduction des risques de catastrophe. Les églises locales de Puno, Pérou, se sont mobilisées et, avec la collectivité, ont entrepris de construire des kilomètres de canaux pour faire couler l’excès d’eau et prévenir l’érosion de leurs terres. En Inde, des partenaires ont construit des maisons avec des escaliers montant jusqu’au toit en terrasse pour que, en cas d’inondation future ou d’autre raz-demarée, les gens puissent avoir un accès facile à un endroit élevé et sûr. Des systèmes d’alerte précoce ont été installés. De petites équipes ont été formées au niveau communautaire pour organiser l’évacuation et assister les personnes vulnérables. Guide de terrain des Normes de qualité – Première édition, décembre 2009