Les grands thèmes
La peur :
La peur est au centre de ce texte. Comme elle l’est, d’ailleurs, au centre de nos vies,
constitutive de notre qualité d’être humain. La peur a plusieurs visages. Elle peut aider à se
protéger, ou au contraire paralyser. Mais la peur de quoi, au juste ? De mourir, du noir, d’être
séparé de ceux que l’on aime, d’aller à l’école, de tomber, de ne pas réussir, de ne pas être à
la hauteur, de décevoir, d’être seul… La liste est longue.
Déjà dans les grottes qu’habitaient les hommes préhistoriques, on retrouve des
tentatives de représentation “des peurs” sous différentes formes. Entre autres celle d’une
déesse, puis plus tard d’un serpent. Tout au long de l’histoire humaine, on a usé d’une
imagination sans limite dans le but de représenter les peurs. C’est une manière de se les
raconter, mais aussi de les mettre à distance, de se donner une emprise sur elles.
Si je devais rapprocher ce texte à l’aide d’une figure mythologique, je choisirais Persée
qui part à la recherche de Méduse, la Gorgone, pour la tuer. C’est le récit d’une quête
initiatique où le héros quitte le monde qu’il connaît, un monde sécurisant, pour partir à la
découverte du monstre, de ses peurs, dans le but de les combattre. Dans cette histoire,
Persée est armé d’un bouclier donné par Athéna, déesse de la Sagesse, dont il utilise le reflet
pour éviter le regard direct de la Gorgone: il parvient ainsi à la terrasser. Persée utilise un jeu
de miroir que l’on retrouve dans Histoires pour faire des cauchemars. Damien et Patricia se
regardent sans cesse l’un l’autre en train d’avoir peur ou de jouer à avoir peur. Ils utilisent les
phrases et les jeux de mots comme des boucliers et se renvoient sans cesse les images de
leurs peurs, le reflet de leurs peurs. Et ils font tout cela avec intelligence, comme Persée, qui
a eu l’idée d’éviter le regard de la Gorgone, en utilisant non son arme, mais son bouclier.
Damien et Patricia jouent à se faire peur et parfois, comme Persée, ils ont peur
réellement, ils sont dépassés. Mais qu’est ce que ce mécanisme de “jouer à se faire peur” ? À
quoi correspond-il dans la construction de l’être humain?
“L’enfant montre le plaisir qu’il éprouve à jouer ou à écouter des
histoires qui font peur et qui lui permettent d’externaliser et d’innocenter
ses propres fantasmes agressifs. En effet, ceux-ci sont chargés d’une
toute puissance destructrice caractéristique de la vision infantile, liés
aux vécus de séparation et de perte de la mère et des personnes
familières. La joie de l’enfant de découvrir que les tragédies
shakespeariennes qui le tourmentent à travers les fantasmes de son
monde interne peuvent se dérouler au-dehors de lui, sur une autre
scène (et peut-être même parvenir à une fin heureuse du style : ils
vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… comme dans les
contes) le tranquillise.”
Francisco Palacio Espasa. Psychiatre.