abc revue générale Ann Biol Clin 2003, 61 : 295–6 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Récepteurs activables par les proliférateurs des peroxysomes (PPAR) : leur implication dans le métabolisme des hydrates de carbone et des lipides P. Andrééva-Gatéva Laboratoire central clinique et lipidologie clinique, Hôpital universitaire Tzaritza Joanna, 34, rue de Partchevich, 1000-Sofia, Bulgarie Résumé. Les récepteurs activables par des proliférateurs des peroxysomes (PPAR) appartiennent à un groupe de récepteurs nucléaires largement répandus dans l’organisme. Les investigations de ces dernières années montrent leur rôle pleïotropique, ainsi que leur importance dans le contrôle du cycle cellulaire, la pathogenèse du diabète sucré, de l’obésité, de la carcinogenèse, de l’inflammation et de l’athérosclérose. Les trois types de PPAR identifiés jusqu’à présent diffèrent par leur localisation tissulaire. Les PPARc, principalement identifiés dans les macrophages et les adipocytes, jouent un rôle significatif dans l’expression des protéines du métabolisme des lipides et l’adipogenèse. Les PPARa, localisés dans les hépatocytes, ont aussi une place importante dans le métabolisme lipidique. Ces récepteurs représentent des « détecteurs » des lipides de l’organisme. Le métabolisme des hydrates de carbone est également sous le contrôle des PPAR, ainsi les thiazolidinediones, médicaments antidiabétiques, en sont des ligands. Mots clés : récepteur nucléaire, lipide, hydrate de carbone, obésité, athérosclérose Summary. Peroxisome proliferator activated receptors (PPAR) belong to a family of nuclear receptors broadly distributed in the organism. Their pleiotropic role has been recently proved as well as their pathogenic significance in diabetes, obesity, cell cycle controlling, carcinogenesis, inflammation and atherosclerosis. The three types of PPAR identified until today have different tissue localization. PPARc, primarily identified in macrophages and adipocytes, play an important role in the expression of proteins essential for lipid metabolism and adipogenesis. PPARa are localized predominantly in hepatocytes and have also an important role in lipid metabolism. PPAR are though to be lipid sensors in organism. Carbohydrate metabolism is also under the control of PPAR and their exogenous ligands, (ie: thiasolidinediones), are important antidiabetic drugs. Article reçu le 23 juillet 2001, accepté le 30 novembre 2002 Key words: nuclear receptor, lipide, carbohydrate, obesity, atherosclerosis Les organismes multicellulaires ont développé des mécanismes homéostatiques complexes pour la reconnaissance et la réponse à différents signaux endogènes ou exogènes. L’un de ces mécanismes est représenté par les récepteurs activables par les proliférateurs des peroxysomes (PPAR : Tirés à part : P. Andrééva-Gatéva Ann Biol Clin, vol. 61, n° 3, mai-juin 2003 peroxisome proliferator-activated receptors). Les peroxysomes sont des organelles présentes dans presque toutes les cellules des eucaryotes, et contiennent plus de 50 enzymes dont la plupart sont impliquées dans le métabolisme des lipides [1]. Les récepteurs activables par des proliférateurs des peroxysomes sont appelés ainsi en raison du pouvoir après activation de stimuler la prolifération des peroxysomes dans le foie des rongeurs [2]. L’augmentation du nom295 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. revue générale bre et des dimensions des peroxysomes est le résultat d’une induction sélective des protéines spécifiques de la b-oxydation [1]. Les PPAR appartiennent à une famille qui contient au moins trois types de récepteurs nucléaires : PPARa, PPARd (appelés aussi NUC1, FAAR ou bien PPARb) et PPARc, produits de trois gènes différents. Les PPAR sont des membres du groupe des facteurs de transcription activables par des ligands, comme le sont d’ailleurs les récepteurs pour des hormones stéroïdes, de l’acide rétinoïque, des hormones thyroïdiennes et de la vitamine D [3]. Ils ont été décrits il y a une dizaine d’années [4] et on a considéré jusqu’à présent que leur fonction était limitée seulement à certains tissus (récepteurs orphelins), dans lesquels ils contrôlent le catabolisme des lipides, la prolifération des peroxysomes et l’adipogenèse. Ces dernières années, on a montré que différents types de PPAR sont largement distribués dans l’organisme et on a reconnu leur pleïotropisme. Néanmoins, c’est à l’implication des PPAR dans le métabolisme glucidique et lipidique qu’est consacrée cette revue générale. Structure et mode d’action Les PPARa sont localisés principalement dans le foie, le muscle, le cœur, le rein, le tissu adipeux brun et la muqueuse de l’estomac [3]. Les PPARd sont ubiquitaires, mais leur densité est plus grande dans le système nerveux central. Leur rôle exact y est inconnu. Dernièrement leur participation dans l’implantation et le développement embryonnaire, et l’ostéogenèse a été démontrée [5]. Chez l’homme, trois isoformes de PPARc (PPARc1, PPARc2 et PPARc3) ont été identifiées [6]. Elles résultent de différents points d’initiation de la transcription protéique, ainsi que de différents épissages. Les protéines PPARc1 et PPARc3 sont identiques, tandis que les PPARc2 contiennent 30 acides aminés de plus. Les PPARc1 sont surtout exprimés dans le cœur, l’intestin grêle et le gros intestin, les reins, le pancréas, la rate et le muscle strié. Les PPARc2 sont principalement exprimés dans le tissu adipeux, et les PPARc3 dans le tissu adipeux blanc, dans les macrophages et le côlon [7]. Jusqu’à présent la signification fonctionnelle des différentes isoformes est mal connue. Les trois types de récepteurs (PPARa, PPARd, PPARc) contiennent un domaine hautement conservé pour se lier à l’ADN, et un domaine variable pour chacun des types de PPAR, pour lier des ligands [7]. C’est la protéine PPARc qui montre l’homologie la plus constante parmi les différentes espèces animales examinées [7]. Il est possible que cela soit dû à la place particulière des PPARc dans le métabolisme des lipides et des hydrates de carbone. Dans le noyau, les PPAR agissent sous la forme d’hétérodimères avec les rétinoïdes-X récepteurs (RXR) et influen296 cent la synthèse des gènes cibles. Les RXR existent sous au moins trois isoformes (a, b, c) activables par l’acide 9-cis rétinoïque, et représentent un lien avec les autres récepteurs nucléaires communs (ceux des hormones thyroïdiennes, de l’acide rétinoïque, de la vitamine D) [3]. Les hétérodimères PPAR/RXR se lient à des séquences d’ADN, appelées « éléments de réponse aux PPAR » (PPRE : peroxisome proliferator responsive elements), comprenant une séquence hexanucléotidique deux fois répétées AGGTCA, séparée par un [8] ou deux [9] nucléotides, et appelée éléments de réponse DR (DR (direct repeat)-responsive element) [8]. Les PPRE sont localisés dans des séquences promotrices de gènes dont les transcrits sont des protéines impliquées dans le métabolisme lipidique et des hydrates de carbone, la défense antioxydante, l’inflammation, l’athérogenèse, la tumorogenèse, l’apoptose etc. Ce processus est appelé transactivation [7]. Activateurs endogènes des PPAR Les trois types de récepteurs peuvent être activés par des acides gras et par leurs métabolites, ce qui souligne leur rôle comme détecteurs de lipides (tableau I). Les zones moléculaires liant les ligands sur les PPAR sont de vastes « poches » suggérant la possibilité de lier un spectre assez large de ligands, aucun d’entre eux n’étant très spécifique [10]. La régulation rapide et directe de la transcription des gènes par les constituants lipidiques de l’alimentation est de connaissance récente [11]. Les effets bénéfiques des acides gras polyinsaturés n-6 et n-3 sur le métabolisme, ainsi que de leur dérivés eicosanoïdes, sont médiés par les PPAR, bien que d’autres mécanismes puissent être soupçonnés [11]. Les acides gras insaturés se lient aux trois sous-types de récepteurs [10]. Les acides gras polyinsaturés c-linoléïque, eicosatriénoïque, dihomo-c-linoléïque, arachidonique et eicosapentaénoïque réagissent plus efficacement avec les PPARc qu’avec les PPARd [10]. Le leucotriène B4 (LTB4) a été le premier ligand endogène spécifique des PPARa identifié [12]. Ce qui est caractéristique des PPARa, c’est le vaste spectre de ligands, incluant non seulement des acides gras insaturés mais aussi des acides gras saturés [7]. Le métabolite de la lipo-oxygénase, l’acide 8-(S)-hydroxyeïcosatetraénoïque (8-(S)-HETE), possède la plus forte affinité pour les PPARa, bien que sa concentration physiologique ne soit pas suffisante pour en faire un ligand naturel [7]. Il est probable que le rôle physiologique des PPARa soit d’être sensible à la quantité totale des acides gras entrant dans les tissus métaboliquement actifs. Les PPARc se lient préférentiellement aux acides gras polyinsaturés [9]. Les premiers ligands endogènes des PPARc identifiés sont la 15-déoxy-D-12,14-prostaglandine J2 et la delta-12-prostaglandine J2 [13]. En fait, ce ne sont Ann Biol Clin, vol. 61, n° 3, mai-juin 2003 Proliférateurs des peroxysomes Tableau I. Activateurs endogènes des PPAR (d’après BishopBailey [3]) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Ligand Acide eicosatétraénoique Acide docosatetraénoique Acide linoléique Acide arachidonique Acides gras saturés (C6-C18) Prostaglandine J2 Prostaglandine I2 Prostaglandine A1/2 Prostaglandine D2 Prostaglandines du groupe E Prostaglandines du groupe F Acide hydroxyeïcosapentaénoique (8-HEPE) Acide hydroxyeïcosatetraénoique (8-HETE) Leucotriène B4 LDL oxydées PPARα PPARδ PPARγ ++ + + + + ++ ++ ++ ++ – – ++ nd + + + + ++ ++ ++ + – – nd nd + – + nd ++ + + + – – nd +++ – + ++ nd nd nd nd ++ + + + activateurs agissant à des concentrations nanomolaires ; + + à des concentrations micromolaires basses ; + à des concentrations micromolaires élevées ; – pas d’effet après liaison au récepteur ; nd : absence d’information pas les acides gras, mais leurs dérivés eicosanoïdes obtenus après l’activation de la 15-lipo-oxygénase, acides 9-HODE et 13-HODE, qui sont les activateurs réels des PPARc [7]. Les acides gras n-3-polyinsaturés (a-linoléïque, eicosapentaénoïque, docohexaénoïque) sont également capables de se lier aux récepteurs PPARc et de les activer [6]. La capacité des PPARd de se lier aux acides gras est intermédiaire entre celle des PPARa et celle des PPARc. Les PPARd lient des acides gras saturés, de même que des acides gras insaturés. La prostaglandine semisynthétique carbaprostacycline est reconnue comme l’activateur le plus puissant des PPARd [14]. Facteurs modulant les effets des PPAR Non seulement les ligands des PPAR mais également ceux des RXR peuvent activer les hétérodimères. Pour les ligands propres aux RXR, Mukherjee et al. [15] proposent le terme de rexinoïdes. Les caroténoïdes végétaux peuvent aussi se comporter comme des ligands des RXR. Les agonistes des RXR peuvent avoir des effets mimant l’activation des PPARc ou des PPARa, selon le sous-type des PPAR concernés. À l’état inactif, les PPAR forment dans le cytosol cellulaire des complexes avec les protéines corépressives [3] qui possèdent une activité déacétylase pour les histones [6] (figure 1). Après avoir été activés par les ligands, les PPAR se dissocient des corépresseurs et se lient aux coactivateurs, possédant une activité acétyltransférase des histones dans les régions promotrices des gènes. La liaison des coactivateurs avec les PPAR est facilitée par des changements de Ann Biol Clin, vol. 61, n° 3, mai-juin 2003 conformation induits par les ligands ou par une phosphorylation des récepteurs. Grâce à la distribution tissulaire spécifique des coactivateurs qui varie de façon notable selon le type de cellules, ils sont capables de réguler différemment des gènes identiques [16, 17]. De plus, l’induction par le froid d’un type de coactivateurs décrit dans le tissu adipeux brun, représente une autre voie de modulation de l’expression des protéines sous contrôle des PPAR [17]. Meertens et al. [18] ont décrit un autre mécanisme de régulation par lequel une protéine mitochondriale, dont le gène est transactivé par les PPARa, peut se diriger vers le noyau, réagir avec les PPARa et ainsi autoréguler sa propre transcription, ainsi que celle d’autres gènes sous contrôle des PPAR. Il s’agit de l’enzyme mitochondriale principale de la cétogenèse, la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl CoA synthétase (mHMG-CoAS). On ne sait pas exactement comment la mHMG-CoAS stimule les PPARa, mais on a identifié des séquences dans sa molécule communes à celles d’un grand nombre de co-activateurs des récepteurs nucléaires [18]. La phosphorylation des PPAR est également un mécanisme important par lequel l’insuline et les autres facteurs de croissance modulent les effets des PPAR [6]. PPAR, obésité et diabète sucré Le rôle des PPARγ dans l’adipogenèse Outre son rôle dans le stockage de l’énergie sous forme des triglycérides, il a été établi que le tissu adipeux participe à la régulation métabolique de l’organisme [19], non seulement par la leptine, mais également par les acides gras nonestérifiés, la résistine, le TNFa, l’adiponectine et l’angiotensinogène, sécrétés par le tissu adipeux. co-R HDAC PPAR RXR État inactif co-A HAT PPAR RXR État activé Figure 1. L’hétérodimère PPAR/RXR. À l’état inactif l’hétérodimère PPAR/RXR est lié à un co-répresseur (Co-R), avec une activité histone désacétylase (HDAC). Après activation, le corépresseur s’en détache et l’hétérodimère PPAR/RXR se lie à un co-activateur (Co-A) avec une activité histone acétyltransférase (HAT). Ce complexe activé influence alors la transcription des gènes cibles en se liant aux séquences promotrices correspondantes. 297 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. revue générale Les PPARc jouent un rôle prépondérant dans l’adipogenèse et dans la modulation de l’apoptose des adipocytes [6]. Ce processus est déclenché par des protéines kinases activables par les mitogènes (MAPK) du tissu adipeux, sous l’influence de l’insuline et d’autres facteurs de croissance. Pour que l’adipogenèse se réalise correctement, il est nécessaire que les hétérodimères PPARc/RXR réagissent avec deux autres groupes de facteurs de transcription, les C/EPB et les ADD-1/SREBP-1 [6]. La cascade des facteurs de transcription impliqués dans l’adipogenèse subit des influences positives ou négatives multiples, mais ce sont les lipides d’origine alimentaire qui dirigent le processus vers l’adipogenèse en agissant sur les PPARc [19]. L’activation des PPARc, suivie par l’apoptose des adipocytes, est accompagnée par le déclenchement de la différenciation de novo des adipocytes, résultant en un remodelage du tissu adipeux. En cela les PPARc représentent les coordinateurs principaux de la réponse économique (thrifty response). Chez l’homme des changements brefs de la diète n’influencent pas l’expression des PPARc [20], tandis qu’une diète prolongée hypocalorique la supprime [21]. L’expression des PPARc est particulièrement importante dans le tissu adipeux viscéral chez les sujets obèses [22]. Les PPARc diminuent l’expression des gènes de la leptine [23] et du TNFa [24]. La baisse de concentration en leptine après activation des PPARc est suivie par une hyperphagie [6]. Le TNFa, inhibiteur puissant de la différenciation des adipocytes, peut également diminuer l’expression des PPARc. Il faut en effet souligner le fait que l’obésité s’accompagne d’une expression augmentée du TNFa [25]. Une surexpression de la 11b-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 1 dans le tissu adipeux viscéral a été récemment impliquée dans la pathogenèse de l’obésité [26]. Il a été montré que les thiazolidinediones, ligands pharmacologiques des PPARc, peuvent diminuer les taux d’ARNm de l’enzyme [27]. On connaît des variants génétiques des PPARc, par exemple celui appelé Pro12Ala, associé à un index de masse corporelle abaissé, une meilleure sensibilité à l’insuline, et un cholestérol HDL élevé [6]. Les protéines découplantes, l’obésité et les PPAR Les protéines découplantes (uncoupling proteins) UCP-1, UCP-2 et UCP-3, localisées sur la membrane mitochondriale interne, transforment le potentiel électrochimique en chaleur (en découplant la phosphorylation oxydative). Les PPARc et PPARa sont capables d’augmenter l’expression des gènes codant les UCP-1, UCP-2 et UCP-3 [28]. Les UCP-1 se trouvent principalement dans le tissu adipeux brun. Les UCP-2 sont localisées dans la plupart des tissus, y compris le tissu adipeux blanc. Les UCP-3 sont abondantes dans le muscle strié, tissu où s’effectue une part importante du métabolisme des hydrates du carbone [29]. L’in298 suffisance de l’expression des UCP-3 est suivie par une diminution de l’utilisation des acides gras comme source énergétique du muscle strié, ainsi que par des troubles de la thermogenèse adaptative [30]. Les PPARd augmentent également l’expression génétique des UCP3 [31]. À l’aide de souris transgéniques présentant une surexpression d’UCP1, on a montré que des taux élevés d’UCP1 s’accompagnent d’une diminution de l’adiposité, bien que le déficit génétique en UCP1 ne s’accompagne pas d’obésité [32]. En fait c’est le métabolisme du tissu adipeux blanc, et non celui du tissu adipeux brun, qui joue un rôle dans le développement de l’obésité. Les études de Rossmeisl et al. [33] montrent que le découplage énergétique dans le tissu adipeux blanc s’accompagne d’une synthèse diminuée d’acides gras en raison d’une concentration d’ATP insuffisante dans les mitochondries, et c’est probablement le mécanisme principal liant le processus du découplage énergétique à l’obésité. Certains investigateurs supposent que le manque d’UCP1 chez des souris transgéniques peut être compensé par une expression augmentée des UCP2 et UCP3 [34]. Hofmann et al. [32] rejettent cette hypothèse et proposent l’existence d’un effet d’hétérosis compensant le manque d’UCP1. Le mécanisme exact est mal connu, mais la possibilité de découplage direct par des acides gras est très étudiée [32, 35]. Les PPAR au carrefour des mécanismes hormonaux de signalisation Le métabolisme des lipides, sous le contrôle des PPAR, est étroitement lié au métabolisme énergétique et fait donc l’objet d’un contrôle hormonal multiple : l’insuline, les hormones thyroïdiennes, l’acide rétinoïque, les glucocorticoïdes, les estrogènes, ainsi que d’autres molécules, telles que le TNFa, la leptine et le facteur de croissance semblable à l’insuline (IGF-1) [36]. Dans l’obésité viscérale, l’activité de l’axe hypothalamohypophyso-surrénalien est augmentée et cette suractivité est amplifiée par une insuffisance des récepteurs centraux des glucocorticoïdes [37]. Il en résulte une augmentation de la sécrétion du cortisol par la surrénale, une redistribution des dépôts lipidiques, et une résistance à l’insuline, amplifiée par les acides gras non-estérifiés libérés sous l’effet de l’activation du sympathique. Le contrôle de l’obésité viscérale et de la sensibilité à l’insuline par la testostérone, les estrogènes et la somatostatine est diminué en raison de leurs sécrétions diminuées, autre conséquence de l’hyperactivité de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien [37]. Lemberger et al. [38] ont montré que l’expression des PPARa est sous le contrôle transcriptionnel des glucocorticoïdes. Cela peut expliquer l’influence des rythmes circadiens et l’induction des PPARa par un stress. Ann Biol Clin, vol. 61, n° 3, mai-juin 2003 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Proliférateurs des peroxysomes Juge-Aubry et al. [39] ont décrit des interférences entre hormones thyroïdiennes et PPAR, dues à des RXR communs. Keller et al. [40] ont décrit le croisement de la voie de signalisation des estrogènes et de celle des PPAR, dû à une liaison concurrente à l’élément de réponse des estrogènes sur l’ADN. Ma et al. [41] ont montré la capacité des estrogènes à stimuler la synthèse de la delta-12prostaglandine J2, ce qui indique un lien possible entre les estrogènes et la voie de signalisation des PPAR. L’insuline et les autres facteurs de croissance, agissant par l’intermédiaire des MAPK, peuvent réguler l’activité des PPARc en les phosphorylant. Quant aux effets obtenus (suppression ou activation), les publications sont contradictoires [6, 11]. La glycémie et les PPAR D’une part, l’hyperglycémie favorise l’expression des PPAR. D’autre part, il existe des gènes, sous contrôle des PPAR, impliqués dans le métabolisme des hydrates de carbone. Cela suggère le rôle adaptatif de ces récepteurs vis-à-vis des changements de la glycémie. Iwashima et al. [42] ont prouvé que le stress oxydant, s’accompagnant de la formation de produits de glycation non-enzymatique (AGE : advanced glycation endproducts), entraîne une induction de PPARc et un changement de phénotype dans les cultures cellulaires mésangiales. Sartippour et Renier [43] ont montré que le glucose est un régulateur important des PPARa et PPARb dans les macrophages, y stimulant l’expression du gène de la lipoprotéine lipase. Les travaux de ces investigateurs montrent qu’une dysrégulation des PPAR dans les maladies se caractérisant par une glycémie augmentée, par exemple le diabète de type 2, peut accélérer l’athérosclérose en intervenant dans le métabolisme des lipides dans la paroi des vaisseaux et en induisant une réponse inflammatoire. Pan et al. [44] ont montré le pouvoir des PPARa à inhiber la transcription du gène de la L-pyruvate kinase, une enzyme glycolytique importante dans le métabolisme hépatique du glucose. La sensibilité à l’insuline et les PPARγ Les thiazolidinediones augmentent la sensibilité à l’insuline par une action indirecte, médiée par la leptine et le TNFa, et par un phénomène de vol des acides gras (capture accéléré par le tissu adipeux) [6]. Il peut paraître étonnant que des substances capables de stimuler la différenciation adipocitaire puissent être utilisées en tant que médicaments antidiabétiques, sachant que l’obésité, le résultat final de l’adipogenèse accélérée, est accompagnée par une résistance à l’insuline. Mais la sensibilité à l’insuline, d’après Auwerx [6], est améliorée par l’accumulation des réserves énergétiques dans les adipocyAnn Biol Clin, vol. 61, n° 3, mai-juin 2003 tes. L’ARNm codant le transporteur de glucose, GLUT-4, et la protéine liée par le c-Cb1 (CAP) peuvent être induits par les PPARc [6]. La CAP est présente seulement dans les cellules qui sont métaboliquement sensibles à l’insuline et joue un rôle dans la phosphorylation de la tyrosine induite par l’insuline et effectuée par le c-Cb. La découverte des PPARc dans les îlots du pancréas [45] suggère que les agonistes pharmacologiques des PPARc, les thiazolidinediones, pourraient influencer l’homéostasie du glucose directement en agissant sur les cellules b. Des facteurs sécrétés par des adipocytes, comme les acides gras non-estérifiés, le TNFa, et l’adiponectine sont directement impliqués dans l’induction de l’état d’insulinorésistance [19]. Début 2001, une nouvelle hormone produite dans le tissu adipeux a été découverte, la résistine [46]. On suppose que cette hormone représente le produit d’un gène sous contrôle des PPARc et que son activité, augmentée en cas d’obésité, représenterait le lien depuis longtemps cherché entre l’obésité et le diabète sucré de type 2. PPAR et athérosclérose Le rôle des PPARα dans le métabolisme des lipides Les fibrates, connus depuis longtemps comme diminuant les taux plasmatiques des triglycérides et du cholestérol LDL, augmentant ceux du cholestérol HDL, et réduisant les LDL petites et denses [47], agissent en se liant avec les PPARa et en les activant [48]. Il s’ensuit une transactivation du gène de la lipoprotéine lipase et une expression diminuée du gène codant l’apolipoprotéine C III [49]. De plus, les fibrates entraînent une diminution de la production des VLDL et d’apolipoprotéine B [49]. La réduction des particules VLDL et le catabolisme accéléré des particules riches en triglycérides, peuvent expliquer les effets hypolipémiants des fibrates. À la différence des animaux, les fibrates ne sont pas chez l’homme des inducteurs de la b-oxydation peroxysomale, mais peuvent probablement influencer le captage (uptake) des acides gras, leur conversion et catabolisme via la b-oxydation mitochondriale [49]. Ainsi le métabolisme des triglycérides est détourné de la synthèse vers le catabolisme. Les gènes codant les apolipoprotéines AI et AII subissent eux aussi une transactivation après la liaison des fibrates aux PPARa [49]. Les PPARa influencent le métabolisme des lipides en augmentant l’expression des gènes codant les enzymes nécessaires à la conversion des acides gras en acétyl-CoA, le transport des acides gras dans les muscles du squelette et du cœur (carnitine-palmitoïl transférase I), les enzymes impliquées dans l’x-oxydation microsomale, la b-oxydation peroxysomale et mitochondriale, et la cétogenèse mitochondriale [36, 50]. 299 revue générale Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Le rôle des PPARγ dans le métabolisme des lipides L’activation des PPARc est suivie par l’expression des gènes codant les enzymes lipogènes (acétyl CoA carboxylase, acides gras synthétase, glycérophosphate-acyltransférase [51]), ainsi que des protéines de transport des acides gras [52]. Les PPARc sont importants pour le contrôle du métabolisme des lipoprotéines riches en triglycérides [48]. La leptine et les PPAR Au cours de ces dernières années, la relation entre la leptine et les PPAR, dirigée vers la protection des cellules nonadipeuses contre la surcharge lipidique, a fait l’objet de nombreuses études [51, 53, 54] (figure 2). L’hypothèse a été faite que l’entrée de la leptine dans les cellules nonadipeuses représente la condition nécessaire pour que l’excès d’acides gras puisse activer les PPARa, et donc augmenter l’expression des gènes codant les enzymes impliquées dans l’oxydation des acides gras (la carnitine palmitoïl transférase I, l’acétyl CoA oxydase) et la protéine découplante UCP-2. En l’absence de leptine active, ou bien en présence d’une insensibilité de son récepteur, l’excès d’acides gras dans les cellules non-adipeuses active les PPARc, ce qui conduit à l’activation de la synthèse des enzymes lipogènes, telles que l’acétyl CoA carboxylase et l’acide gras synthétase, ainsi que de la glycérophosphateacyltransférase qui catalyse l’estérification des acides gras. Ce dernier mécanisme nécessite la participation d’un autre facteur de transcription l’ADD-1/SREBP-1 [51]. Effets anti-inflammatoires des PPAR L’importance du processus inflammatoire dans la l’athérogenèse a été soulignée par de nombreux investigateurs. L’effet anti-inflammatoire des PPARc est dû à l’antagonisme vis-à-vis du TNFa, mais aussi à l’inhibition de la production de TNFa, IL-1b, IL-6, NO-synthétase, gélatinase B (MMP-9), et des récepteurs éboueurs (scavenger receptors) [55]. Certains médicaments anti-inflammatoires non-stéroïdiens (indométacine, fenfluramine, ibuprofène) stimulent directement les PPARc, mais à des concentrations plus importantes que celle nécessaire à la suppression de la cyclo-oxygénase [56]. Récemment Sabbaramajah et al. [57] ont montré que les effets anti-inflammatoires des PPARc sont liés à la suppression de la cyclo-oxygénase-2. Cette forme inductible de la cyclo-oxygénase est responsable de la synthèse de la prostaglandine G2 et H2 à partir de l’acide arachidonique. La découverte des propriétés anti-inflammatoires des fibrates a montré l’implication des PPARa dans l’inflammation et ouvert une nouvelle approche du traitement des maladies cardiovasculaires [50, 58]. 300 Effets sur les macrophages Tontonoz et al. [52] ont établi que les PPARc peuvent être stimulés dans les macrophages activés par deux eicosanoïdes présents dans des lipoprotéines oxydées (ox-LDL) : l’acide 9-hydroxyoctadécanoïque (9-HODE) et l’acide 13hydroxyoctadécanoïque (13-HODE). Cela s’accompagne d’une augmentation de la transcription du récepteur pour les ox-LDL CD36/translocase pour des acides gras, ce qui favorise la formation des cellules spumeuses (foam cells). L’augmentation de la concentration des PPARc dans les lésions athéroscléreuses, colocalisés avec des ox-LDL, est en faveur de cette hypothèse [52]. L’accumulation des lipides dans les macrophages est également médiée par des PPARd [59]. L’activation de ce sous-type de récepteurs est suivie par une expression augmentée des gènes nécessaires pour le transport et le stockage des lipides (récepteurs éboueurs A et B, adipophylline). Les PPARd inhibent des gènes impliqués dans le métabolisme des lipides et le transport de cholestérol hors de la cellule [59]. Chinetti et al. [60] ont montré que l’activation des PPARa, de même que celle des PPARc, provoque l’expression du gène codant l’ABCAI, le transporteur pour l’efflux du cholestérol des macrophages. Ces mêmes auteurs ont constaté que l’activation des PPARa et des PPARc est accompagnée par un efflux accéléré du cholestérol des macrophages de sujets sains, mais pas de patients atteints de maladie de Tangier, qui est due à un défaut génétique en ABCAI [60]. Le rôle des PPAR dans le contrôle de l’expression du récepteur des HDL (CLA-1/SR-B-1) est établi pour les macrophages localisés dans des lésions athérosclérotiques [61]. L’expression de ce sous-type de récepteurs éboueurs se trouve sous le contrôle des PPARa et des PPARc. On Acides gras PPARα Oxydation des acides gras Leptine PPARγ Estérifications des acides gras Synthèse de céramide Lipo-oxydation Acides gras Figure 2. Rôle protecteur de la leptine dans des tissus nonadipeux vis-à-vis de l’accumulation des acides gras (d’après Unger et Orci [41] avec modifications). Ann Biol Clin, vol. 61, n° 3, mai-juin 2003 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Proliférateurs des peroxysomes peut supposer que les PPARa et les PPARc sont des régulateurs positifs des récepteurs éboueurs de classe B (CD36 et CLA-1/SR-B-1). Il s’agit de ceux dont la fonction est de lier les HDL et d’accepter sélectivement des esters du cholestérol [61]. Inversement, les PPAR sont des régulateurs négatifs des récepteurs de la classe A (c’est-à-dire ceux qui lient des LDL acétylés ou oxydés). Les SR-B1 délivrent du cholestérol au foie et aux tissus périphériques, mais pourraient également participer à l’efflux du cholestérol, y compris des cellules spumeuses [62]. En fait SR-B1 pourrait aider à l’entrée du cholestérol dans les macrophages normaux et à l’efflux des cellules spumeuses. Comme les autres récepteurs éboueurs, les CLA-1/SR-B-1 peuvent lier aussi d’autres lipoprotéines natives ou modifiées (VLDL, LDL, LDL-oxydées) et mener à l’accumulation des esters de cholestérol dans la paroi des vaisseaux [62]. Chinetti et al. [63] ont montré le rôle des PPAR dans l’induction de l’apoptose des macrophages, qui peut être observée à des concentrations de ligands beaucoup plus faibles que celles nécessaires pour l’induction des récepteurs éboueurs. Il s’agit probablement d’un mécanisme contribuant à l’athérosclérose qui dépend de la concentration en ligands : apoptose et prévention de la formation des cellules spumeuses à des concentrations basses ou bien induction des récepteurs éboueurs et formation accélérée de cellules spumeuses à des concentrations élevées. Effets sur les vaisseaux sanguins Le rôle des PPARc dans l’athérogenèse est complexe. Sur les macrophages, leurs effets dirigés vers la formation des cellules spumeuses prédominent, effets probablement contre-balancés ou même neutralisés par les effets des PPARc sur les myocytes des vaisseaux, en inhibant l’expression de la métalloprotéinase-9 de la matrice extracellulaire et en diminuant la migration cellulaire induite par le facteur de croissance plaquettaire (PGF) [64]. Il est probable que la migration des cellules musculaires lisses des vaisseaux soit un phénomène contribuant à l’athérogenèse et à la resténose. Pour que la migration s’effectue, il est nécessaire que les membranes basales et la matrice extracellulaire interstitielle soient altérées [64]. Cela est réalisé avec la participation des métalloprotéinases de la matrice extracellulaire. Parmi elles, la métalloprotéinase 9 (MMP-9, gélatinase B) est très importante pour la migration des cellules musculaires lisses lors d’une lésion artérielle. Marx et al. [64] ont montré que l’activation des PPARc inhibe l’expression génétique et l’activité de la MMP-9, de même que la migration des cellules musculaires lisses des vaisseaux. L’expression de PPARc dans les myocytes des vaisseaux augmente sous l’influence de divers facteurs de croissance (insuline, angiotensine II, facteurs de croissance fibroblastiques ou thrombocytaires) agissant par la voie des protéiAnn Biol Clin, vol. 61, n° 3, mai-juin 2003 nes kinases activables par les mitogènes (MAPK). Hsueh et Law [65] soulignent que si ces ligands agissent trop tôt, les effets de la voie des MAPK subissent une répression, non obligatoirement par l’inhibition de l’activité de MAPK elle-même, mais probablement par l’inhibition de différents facteurs post-transcriptionels conduisant à l’accélération des processus athérogènes ou de ceux impliqués dans la resténose. L’expression des gènes codant les molécules d’adhésion VCAM-1 dans des cellules endothéliales humaines est réprimée par les PPARa [66], probablement par l’intermédiaire du NFkB. L’activation des PPARc dans des cellules endothéliales supprime la libération d’endothéline-1 [67], un vasoconstricteur puissant possédant des propriétés mitogènes pour les myocytes des vaisseaux, d’urokinase [3] et augmente l’expression de PAI-I [68]. Yamamoto et al. [69] ont montré que l’activation des PPARc mène à la suppression de l’hypertrophie des cardiomyocytes, peut-être par l’intermédiaire du NFkB. Conclusion Les récepteurs activables par les proliférateurs des peroxysomes représentent un point important de rencontre entre le métabolisme des lipides et celui des hydrates de carbone. Un grand nombre de maladies se trouvent associées à l’activation de ces récepteurs (obésité, diabète de type 2, athérosclérose, etc). L’intérêt de l’étude de ces PPAR est l’existence de plusieurs classes de médicaments agissant sur eux (fibrates, thiazolidinediones...). Remerciements. L’auteur remercie le professeur Nachev, président de l’Académie nationale de médecine de Bulgarie pour la lecture critique du manuscrit et ses commentaires. Références 1. Forman BM, Tontonoz P, Chen J, Brun RP, Spiegelman BM, Evans RM. 15-Deoxy-D-12,14-prostaglandin J2 is a ligand for the adipocyte determination factor PPARc. Cell 1995 ; 83 : 803-12. 2. Chevalier S, Macdonald N, Chevalier N, Roberts R. Stimulation de la croissance hepatocytaire par les proliferateurs de peroxisomes. Med Sci 1999 ; 15 : 1388-94. 3. 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