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N°18
Août
2013
Service du soutien au réseau
Sous-direction de la communication, programmation et veille économique
Bureau de la veille économique et des prix
Les dispositifs de transparence sur les prix et
les marges dans le secteur agroalimentaire
- Comparatif international
Auteur : Pierre-Alban PILLET
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Cette étude a pour objectif de comparer les dispositifs existant dans différents pays
de l’OCDE (Espagne, Etats-Unis, Italie, Royaume-Uni et Suisse) en matière de
diffusion d’information sur les prix et les marges dans le secteur agroalimentaire. Il
s’agit d’analyser comment ces outils fonctionnent et d’évaluer l’impact qu’ils
peuvent avoir sur l’évolution des prix et pratiques commerciales dans le secteur.
Les gouvernements européens et nord-américains sont tous confrontés au même
problème depuis 2008 : les prix agricoles stagnent, les exploitants connaissent des
difficultés, tandis que les prix des produits alimentaires vendus en supermarché
progressent.
L’analyse des causes n’est cependant pas partout identique: certains y voient le
signe d’une trop forte concentration dans la grande distribution. Pour d’autres,
c’est la traduction d’une évolution des goûts du consommateur en faveur de
produits alimentaires toujours plus transformés et n’ayant finalement plus qu’un
lointain rapport avec l’agriculture.
L’administration en charge de l’analyse n’est pas partout la même (ministère de
l’agriculture au Royaume-Uni, ministère de l’économie en Italie) et la réponse à
apporter diffère largement selon les pays : certaines administrations ont choisi de
s’adresser directement au consommateur (Espagne, États-Unis, Italie) pour
l’informer de la différence qui existe entre le prix qu’il paye pour un kilo de
tomates, par exemple, et ce qui a été verà l’agriculteur pour ce même kilo de
tomates. D’autres privilégient une information à destination des pouvoirs publics et
des professionnels du secteur (Royaume-Uni). Toutes ont des techniques différentes
pour présenter les chiffres, les analyser et communiquer.
1
Attaché stagiaire au bureau de la veille économique et des prix (1B), DGCCRF
2
NB : Toutes les statistiques présentées dans cette étude sont extraites du service de
statistique officiel de la Commission européenne (Eurostat) ou des équivalents nationaux.
Les informations sur les différents dispositifs sont toutes extraites de documents publics
(sites internet des autorités nationales, base de données de l’OCDE, documents et études
ou bien encore bases de données nationales).
1) La problématique de l’analyse des prix et des marges des produits agricoles
concerne de nombreux pays de l’OCDE
Dans la plupart des grandes économies de l’OCDE, les autorités cherchent à comprendre
comment se forment les prix et évoluent les marges entre le moment un produit est
vendu par l’exploitant agricole et le moment celui-ci est acheté par le consommateur.
La question s’est plus particulièrement posée à partir de 2008, année de pic pour les prix
des matières premières agricoles. À l’époque, cette hausse des prix des céréales, de la
viande ou encore des fruits et légumes, s’est rapidement répercutée sur le prix payé par le
consommateur pour les produits transformés. À l’inverse, quand le prix des matières
premières agricoles a diminué, le consommateur final, lui, a continué à payer un prix
élevé. Ce phénomène, observé dans plusieurs pays, n’a pas manqué d’interroger les
pouvoirs publics, rapidement interpellés par des associations de consommateurs.
En réponse à ce sujet, les autorités des pays de l’OCDE ont mis en place de nouveaux
dispositifs ou renforcé les dispositifs existants afin de surveiller les prix dans le secteur, et
analyser le phénomène. Ces dispositifs ont pris la forme de groupes de travail ad hoc,
d’Observatoires diés ou bien encore de partenariats avec des universités pour mener
des études économiques approfondies.
En 2011, la Commission européenne a publié une étude sur ce thème
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tandis que l’OCDE
a organisé un colloque
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sur « la chaîne alimentaire » afin de permettre aux représentants
des différents pays d’échanger sur leurs pratiques en matière de surveillance des prix
alimentaires. Il ressort de cette rencontre que, sur les 15 pays ayant participé à l’enquête,
14 ont répondu que le sujet de la formation des prix dans le secteur alimentaire était
d’importance. La Nouvelle-Zélande a répondu que ce n’était pas une priorité pour elle,
sauf en ce qui concerne les prix du lait. Dix pays avaient récemment mis en place de
nouvelles initiatives pour améliorer leur compréhension du mécanisme de formation des
prix. La plupart des autres avaient déjà des dispositifs opérationnels et jugés satisfaisants.
2
Food: from farm to fork statistics, commission européenne, Eurostat, edition 2011.
3
2nd OECD Food Chain Network Meeting, 12-13 September 2011
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Pays
interrogé
par l’OCDE
Est-ce que le mécanisme de
formation des prix, de
transmission dans la chaîne de
production de produits
alimentaires et la transparence
sont des sujets importants ?
Avez-vous récemment mis en place des
initiatives institutionnelles pour
améliorer votre compréhension du
mécanisme de formation des prix et de
la transmission des prix dans la chaîne
alimentaire (…)?
Autriche Oui Oui (mise en place d’un groupe de
travail)
Belgique Oui Oui (création d’un observatoire en 2009)
Canada Oui Non (pas d’initiative nouvelle)
Estonie Oui Non (pas d’initiative nouvelle)
Finlande Oui Non (pas d’initiative nouvelle)
France Oui Oui (création d’un observatoire en
2010)
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Japon Oui Non (pas d’initiative nouvelle)
Mexique Oui Non (pas d’initiative nouvelle)
Pays-Bas Oui Oui (mise en place de groupes de
travail)
N.-Zélande Non, sauf pour produits laitiers Oui (étude sur le prix du lait)
Slovaquie Oui Oui (réunions, colloques)
Espagne Oui Oui (création d’un observatoire en 2000)
Suède Oui Oui (publication d’un rapport)
Royaume-
Uni Oui Oui (nouvel outil d’analyse)
États-Unis Oui Oui (amélioration de la méthodologie)
Source : OCDE
Aux fins d’analyse comparative, il a été retenu dans la présente étude un échantillon de
pays (hors France) qui, au sein de l’OCDE, apparaissent comme ayant les dispositifs les
plus complets en matière de surveillance et d’analyse : l’Espagne, les États-Unis,
l’Italie, le Royaume-Uni et la Suisse.
Le chiffre d’affaires réalisé par les industries alimentaires de ces pays représente entre 2%
et près de 10% de leur PIB. Tous considèrent le secteur agroalimentaire, distribution
incluse, comme un secteur stratégique de leur économie. À titre de comparaison, le
volume des ventes des industries alimentaires en France représente l’équivalent de 8,6%
du PIB.
4
Il s’agit de l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de
FranceAgriMer
4
CA des industries alimentaires
PIB Chiffres d'affaires / PIB
Espagne 100 622,7 1 087 749,0 9,25%
France 172 282,7 1 933 195,0 8,91%
Italie 94 716,6 1 575 143,9 6,01%
Royaume-Uni 105 944,3 1 800 710,8 5,88%
Suisse 15 668,9 343 346,1 4,56%
USA 207 000,4 9 716 820,8 2,13%
Données en millions d’euros et pourcentage. Chiffre d’affaires et PIB en valeur (pour
l’année 2008, dernières données disponibles en juin 2012)
Sources : Eurostat et U.S. Bureau of Economic Analysis, bases de données.
2) L’inflation alimentaire en Europe et aux Etats-Unis est supérieure à
l’inflation générale observée
Les pays sélectionnés ont tous enregistré, au cours des dix dernières années, un rythme de
variation des prix de leurs produits alimentaires supérieur à l’inflation générale.
Le prix des produits alimentaires a progressé de 38,6% entre 2000 et 2010 en Espagne,
c’est l’une des plus fortes hausses des pays de l’OCDE et la plus élevée pour notre
échantillon, dans le contexte de la poussée inflationniste sur les marchés agricoles de
2008 puis de la crise de la dette souveraine de la zone euro. Sur la me période, la
progression n’a été que de 21,9% en France et de 32,5% en moyenne pour les pays de
l’Union européenne.
Quel que soit le pays considéré dans notre échantillon
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le rythme annuel de hausse des
prix des produits alimentaires sur ces dix années a dépassé la vitesse de variation de
l’indice moyen annuel des prix à la consommation pour l’ensemble des produits (IPCH).
On observe également le même rythme de progression rapide entre l’année 2007 et
l’année 2008, année du pic des prix des matières premières agricoles, ainsi qu’un
ralentissement similaire entre 2008 et 2009. L’Espagne et la Suisse ont même connu des
variations négatives en 2009 et 2010, mais pour des raisons différentes. En Espagne, les
mouvements des prix à la baisse (-1,3% en 2009 et –0,3% en 2010) reflètent la récession
qu’a connue le pays en 2009 (recul du PIB de 3,6%). En Suisse, la force de la devise
nationale explique une évolution favorable aux consommateurs.
5
En Suisse, des données comparables ne sont disponibles que pour les années 2005 à 2010, on
observe un pnomène inverse : les prix des produits alimentaires ont progressé deux fois
moins vite que l’indice pour l’ensemble des produits IPCH.
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-2
0
2
4
6
8
10
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Variation annuelle (en %)
Espagne France Italie
Royaume-Uni Suisse États-Unis
Source des données : Eurostat, base de données, juin 2012.
Taux de variation moyen annuel de l’indice de prix des produits alimentaires et boissons non alcoolisées.
Précisions : Indice en euros / IPCH (2005=100) / données pour la Suisse disponibles à partir de 2005 seulement.
3) Les dispositifs de surveillance mis en place dans les pays comparés diffèrent
peu en termes de cibles et d’objectifs, à savoir informer sur les prix, protéger
le consommateur et faire respecter la concurrence
En raison de la dynamique inflationniste des produits alimentaires, les pays de notre
échantillon ont mis en place des dispositifs de surveillance qui ont pour objectif explicite
d’améliorer la concurrence sur le marché, notamment en informant davantage le
consommateur (Espagne, États-Unis, Italie) sur les différences de prix entre plusieurs
magasins situés dans une même zone de chalandise, ainsi que la différence entre le prix
qui est versé à l’agriculteur pour sa production et le prix de ce même produit chez un
industriel puis chez un commerçant, soit l’équivalent de la marge brute.
Dans tous les pays étudiés, et c’est également le cas en France, le ministère de
l’agriculture est impliqué dans la surveillance et la production d’analyses sur les prix et
les marges pour le secteur alimentaire. En Espagne et en Italie, le ministère de l’économie
est également impliqué : les deux entités s’échangent des données, se complètent en
termes d’analyse. En Espagne, Italie et au Royaume-Uni, un établissement public fait
aussi partie des producteurs d’information. En dehors de ces initiatives institutionnelles,
des fédérations professionnelles d’agriculteurs ou d’industriels viennent compléter le
dispositif dans certains pays. On trouve également des organismes privés pour publier ce
type d’information, comme par exemple au Royaume-Uni où l’on trouve le European
Food and Farming Partnership de l’Université Cranfield, le British Retail
Consortium/Nielsen Shop Price Index et le Grocer Price Index. Ces derniers ciblent
principalement les consommateurs.
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