N°18 Août 2013 Service du soutien au réseau Sous-direction de la communication, programmation et veille économique Bureau de la veille économique et des prix Les dispositifs de transparence sur les prix et les marges dans le secteur agroalimentaire - Comparatif international Auteur : Pierre-Alban PILLET1 Cette étude a pour objectif de comparer les dispositifs existant dans différents pays de l’OCDE (Espagne, Etats-Unis, Italie, Royaume-Uni et Suisse) en matière de diffusion d’information sur les prix et les marges dans le secteur agroalimentaire. Il s’agit d’analyser comment ces outils fonctionnent et d’évaluer l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’évolution des prix et pratiques commerciales dans le secteur. Les gouvernements européens et nord-américains sont tous confrontés au même problème depuis 2008 : les prix agricoles stagnent, les exploitants connaissent des difficultés, tandis que les prix des produits alimentaires vendus en supermarché progressent. L’analyse des causes n’est cependant pas partout identique: certains y voient le signe d’une trop forte concentration dans la grande distribution. Pour d’autres, c’est la traduction d’une évolution des goûts du consommateur en faveur de produits alimentaires toujours plus transformés et n’ayant finalement plus qu’un lointain rapport avec l’agriculture. L’administration en charge de l’analyse n’est pas partout la même (ministère de l’agriculture au Royaume-Uni, ministère de l’économie en Italie) et la réponse à apporter diffère largement selon les pays : certaines administrations ont choisi de s’adresser directement au consommateur (Espagne, États-Unis, Italie) pour l’informer de la différence qui existe entre le prix qu’il paye pour un kilo de tomates, par exemple, et ce qui a été versé à l’agriculteur pour ce même kilo de tomates. D’autres privilégient une information à destination des pouvoirs publics et des professionnels du secteur (Royaume-Uni). Toutes ont des techniques différentes pour présenter les chiffres, les analyser et communiquer. 1 Attaché stagiaire au bureau de la veille économique et des prix (1B), DGCCRF 1 NB : Toutes les statistiques présentées dans cette étude sont extraites du service de statistique officiel de la Commission européenne (Eurostat) ou des équivalents nationaux. Les informations sur les différents dispositifs sont toutes extraites de documents publics (sites internet des autorités nationales, base de données de l’OCDE, documents et études ou bien encore bases de données nationales). 1) La problématique de l’analyse des prix et des marges des produits agricoles concerne de nombreux pays de l’OCDE Dans la plupart des grandes économies de l’OCDE, les autorités cherchent à comprendre comment se forment les prix et évoluent les marges entre le moment où un produit est vendu par l’exploitant agricole et le moment où celui-ci est acheté par le consommateur. La question s’est plus particulièrement posée à partir de 2008, année de pic pour les prix des matières premières agricoles. À l’époque, cette hausse des prix des céréales, de la viande ou encore des fruits et légumes, s’est rapidement répercutée sur le prix payé par le consommateur pour les produits transformés. À l’inverse, quand le prix des matières premières agricoles a diminué, le consommateur final, lui, a continué à payer un prix élevé. Ce phénomène, observé dans plusieurs pays, n’a pas manqué d’interroger les pouvoirs publics, rapidement interpellés par des associations de consommateurs. En réponse à ce sujet, les autorités des pays de l’OCDE ont mis en place de nouveaux dispositifs ou renforcé les dispositifs existants afin de surveiller les prix dans le secteur, et analyser le phénomène. Ces dispositifs ont pris la forme de groupes de travail ad hoc, d’Observatoires dédiés ou bien encore de partenariats avec des universités pour mener des études économiques approfondies. En 2011, la Commission européenne a publié une étude sur ce thème2 tandis que l’OCDE a organisé un colloque3 sur « la chaîne alimentaire » afin de permettre aux représentants des différents pays d’échanger sur leurs pratiques en matière de surveillance des prix alimentaires. Il ressort de cette rencontre que, sur les 15 pays ayant participé à l’enquête, 14 ont répondu que le sujet de la formation des prix dans le secteur alimentaire était d’importance. La Nouvelle-Zélande a répondu que ce n’était pas une priorité pour elle, sauf en ce qui concerne les prix du lait. Dix pays avaient récemment mis en place de nouvelles initiatives pour améliorer leur compréhension du mécanisme de formation des prix. La plupart des autres avaient déjà des dispositifs opérationnels et jugés satisfaisants. 2 Food: from farm to fork statistics, commission européenne, Eurostat, edition 2011. 3 2nd OECD Food Chain Network Meeting, 12-13 September 2011 2 Est-ce que le mécanisme de Pays interrogé formation des prix, de par l’OCDE transmission dans la chaîne de production de produits alimentaires et la transparence sont des sujets importants ? Autriche Oui Belgique Canada Estonie Finlande France Oui Oui Oui Oui Oui Japon Mexique Pays-Bas Oui Oui Oui N.-Zélande Non, sauf pour produits laitiers Slovaquie Oui Espagne Oui Suède Oui RoyaumeOui Uni États-Unis Oui Source : OCDE Avez-vous récemment mis en place des initiatives institutionnelles pour améliorer votre compréhension du mécanisme de formation des prix et de la transmission des prix dans la chaîne alimentaire (…)? Oui (mise en place d’un groupe de travail) Oui (création d’un observatoire en 2009) Non (pas d’initiative nouvelle) Non (pas d’initiative nouvelle) Non (pas d’initiative nouvelle) Oui (création d’un observatoire en 2010)4 Non (pas d’initiative nouvelle) Non (pas d’initiative nouvelle) Oui (mise en place de groupes de travail) Oui (étude sur le prix du lait) Oui (réunions, colloques) Oui (création d’un observatoire en 2000) Oui (publication d’un rapport) Oui (nouvel outil d’analyse) Oui (amélioration de la méthodologie) Aux fins d’analyse comparative, il a été retenu dans la présente étude un échantillon de pays (hors France) qui, au sein de l’OCDE, apparaissent comme ayant les dispositifs les plus complets en matière de surveillance et d’analyse : l’Espagne, les États-Unis, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suisse. Le chiffre d’affaires réalisé par les industries alimentaires de ces pays représente entre 2% et près de 10% de leur PIB. Tous considèrent le secteur agroalimentaire, distribution incluse, comme un secteur stratégique de leur économie. À titre de comparaison, le volume des ventes des industries alimentaires en France représente l’équivalent de 8,6% du PIB. 4 Il s’agit de l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de FranceAgriMer 3 CA des industries alimentaires PIB Chiffres d'affaires / PIB Espagne 100 622,7 1 087 749,0 9,25% France 172 282,7 1 933 195,0 8,91% Italie 94 716,6 1 575 143,9 6,01% Royaume-Uni 105 944,3 1 800 710,8 5,88% Suisse 15 668,9 343 346,1 4,56% USA 207 000,4 9 716 820,8 2,13% Données en millions d’euros et pourcentage. Chiffre d’affaires et PIB en valeur (pour l’année 2008, dernières données disponibles en juin 2012) Sources : Eurostat et U.S. Bureau of Economic Analysis, bases de données. 2) L’inflation alimentaire en Europe et aux Etats-Unis est supérieure à l’inflation générale observée Les pays sélectionnés ont tous enregistré, au cours des dix dernières années, un rythme de variation des prix de leurs produits alimentaires supérieur à l’inflation générale. Le prix des produits alimentaires a progressé de 38,6% entre 2000 et 2010 en Espagne, c’est l’une des plus fortes hausses des pays de l’OCDE et la plus élevée pour notre échantillon, dans le contexte de la poussée inflationniste sur les marchés agricoles de 2008 puis de la crise de la dette souveraine de la zone euro. Sur la même période, la progression n’a été que de 21,9% en France et de 32,5% en moyenne pour les pays de l’Union européenne. Quel que soit le pays considéré dans notre échantillon5 le rythme annuel de hausse des prix des produits alimentaires sur ces dix années a dépassé la vitesse de variation de l’indice moyen annuel des prix à la consommation pour l’ensemble des produits (IPCH). On observe également le même rythme de progression rapide entre l’année 2007 et l’année 2008, année du pic des prix des matières premières agricoles, ainsi qu’un ralentissement similaire entre 2008 et 2009. L’Espagne et la Suisse ont même connu des variations négatives en 2009 et 2010, mais pour des raisons différentes. En Espagne, les mouvements des prix à la baisse (-1,3% en 2009 et –0,3% en 2010) reflètent la récession qu’a connue le pays en 2009 (recul du PIB de 3,6%). En Suisse, la force de la devise nationale explique une évolution favorable aux consommateurs. 5 En Suisse, où des données comparables ne sont disponibles que pour les années 2005 à 2010, on observe un phénomène inverse : les prix des produits alimentaires ont progressé deux fois moins vite que l’indice pour l’ensemble des produits IPCH. 4 10 Variation annuelle (en %) 8 6 4 2 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 -2 Espagne France Italie Royaume-Uni Suisse États-Unis Source des données : Eurostat, base de données, juin 2012. Taux de variation moyen annuel de l’indice de prix des produits alimentaires et boissons non alcoolisées. Précisions : Indice en euros / IPCH (2005=100) / données pour la Suisse disponibles à partir de 2005 seulement. 3) Les dispositifs de surveillance mis en place dans les pays comparés diffèrent peu en termes de cibles et d’objectifs, à savoir informer sur les prix, protéger le consommateur et faire respecter la concurrence En raison de la dynamique inflationniste des produits alimentaires, les pays de notre échantillon ont mis en place des dispositifs de surveillance qui ont pour objectif explicite d’améliorer la concurrence sur le marché, notamment en informant davantage le consommateur (Espagne, États-Unis, Italie) sur les différences de prix entre plusieurs magasins situés dans une même zone de chalandise, ainsi que la différence entre le prix qui est versé à l’agriculteur pour sa production et le prix de ce même produit chez un industriel puis chez un commerçant, soit l’équivalent de la marge brute. Dans tous les pays étudiés, et c’est également le cas en France, le ministère de l’agriculture est impliqué dans la surveillance et la production d’analyses sur les prix et les marges pour le secteur alimentaire. En Espagne et en Italie, le ministère de l’économie est également impliqué : les deux entités s’échangent des données, se complètent en termes d’analyse. En Espagne, Italie et au Royaume-Uni, un établissement public fait aussi partie des producteurs d’information. En dehors de ces initiatives institutionnelles, des fédérations professionnelles d’agriculteurs ou d’industriels viennent compléter le dispositif dans certains pays. On trouve également des organismes privés pour publier ce type d’information, comme par exemple au Royaume-Uni où l’on trouve le European Food and Farming Partnership de l’Université Cranfield, le British Retail Consortium/Nielsen Shop Price Index et le Grocer Price Index. Ces derniers ciblent principalement les consommateurs. 5 Ne sont recensés dans le tableau ci-dessous que les dispositifs institutionnels, c’est-à-dire ceux dont les informations sont reprises par les pouvoirs publics dans leurs analyses. Les pouvoirs publics sont donc un public cible prioritaire. Pays Espagne Producteurs d’informations Min. agriculture Min. économie Entreprise publique Public cible Pouvoirs publics Exploitants agricoles Industriels Distributeurs Consommateurs États-Unis Min. agriculture Féd. professionnelle Pouvoirs publics Exploitants agricoles Industriels Consommateurs Italie Min. économie Min. agriculture Entreprise publique Chambres de commerce. Pouvoirs publics Exploitants agricoles Industriels Distributeurs Consommateurs Association de consommateurs RoyaumeUni Min. agriculture Pouvoirs publics Établissement public Exploitants Féd. professionnelle agricoles Industriels Min. agriculture Pouvoirs publics Exploitants agricoles Industriels Distributeurs Consommateurs Suisse Objectifs poursuivis Obtenir de meilleurs prix pour le consommateur en améliorant la transparence du secteur / Favoriser un meilleur partage de la valeur ajoutée / Élaborer des propositions d’actions pour les administrations compétentes Informer le consommateur de la répartition des bénéfices / Comprendre l’évolution du revenu des acteurs / Fournir des données stratégiques aux exploitants agricoles et industriels Accroître la concurrence sur le marché en diffusant davantage d’informations sur les prix / Empêcher toute dynamique injustifiée d’augmentation des prix / Fournir des données stratégiques aux exploitants agricoles. Améliorer la concurrence sur le marché / Fournir des données stratégiques aux exploitants agricoles Améliorer la transparence du marché pour renforcer la concurrence / Fournir des données stratégiques aux exploitants agricoles / Informer les consommateurs Sources principales des données : Ministère de l’économie, Espagne (www.minetur.gob.es), ministère de l’agriculture, Espagne (www.magram.gob.es), Observatoire du ministère de l’industrie, Espagne (www.observatorioprecios.es), entreprise publique Mercasa, Espagne (www.mercasa.es), ministère de l’agriculture, États-Unis (www.usda.gov), Observatoire des prix et tarifs du ministère de l’économie, Italie (osservaprezzi.sviluppoeconomico.gov.it), service du ministère de l’agriculture, Italie (www.smsconsumatori.it), entreprise publique Ismea, Italie (www.ismea.it), ministère de l’agriculture, Royaume-Uni (www.defra.gov.uk), Conseil pour le développement de l’agriculture et de l’horticulture, Royaume-Uni (www.ahdb.org.uk), ministère de l’agriculture, Suisse (www.blw.admin.ch). 6 On observe que les producteurs d’information des pays de notre échantillon ciblent tous les exploitants agricoles : ils constituent le premier maillon de la chaîne et c’est pour eux que l’information sur l’évolution des prix et des marges peut être la plus précieuse. Les consommateurs finaux sont également destinataires des informations sur les prix et les marges, plus particulièrement en Espagne, Italie et aux États-Unis. Il est toutefois difficile de savoir dans quelle mesure la communication d’information sur les marges brutes réalisées par les distributeurs, les industriels ou les exploitants agricoles a une influence sur le comportement du consommateur. Notons que le Royaume-Uni a choisi d’ignorer complètement la cible des consommateurs finaux. Mais, comme nous l’avons vu, des organismes privés sont déjà positionnés sur ce créneau. ZOOM Italie : les consommateurs informés sur leur téléphone des prix et des marges « SMS Consommateurs » est un service gratuit d’information sur les prix des principaux produits agroalimentaires géré par le ministère des politiques agricoles. Grâce à un numéro spécial (le 47947) le consommateur peut recevoir par SMS et en temps réel le prix moyen d'un produit alimentaire dans la région où il se trouve ainsi que son prix de production et son prix de gros. Depuis 2009, le service permet au consommateur équipé d’un iPhone ® de connaître les prix des produits alimentaires à proximité de l’endroit précis où il se trouve par le moyen de la géolocalisation. À noter qu’à la mi-juin 2012, les produits dont les prix étaient les plus demandés étaient : Pain (59 385 demandes, soit 14% du total), Lait frais entier (45 134, 11%), Carotte (41 414, 10%), Tomate rouge (39 638, 9%), Œufs de taille moyenne (35 450, 8%), pâte courte (33 865, 8%), Tranches de bœuf (33 389, 8%), Ail (30 361, 7%), Pommes de terre (28 374, 7%), Jambon cru de marque (27 257, 6%), Bananes (25 910, 6%), Citrons (25 370, 6%) Exemple de réponse reçue sur un téléphone portable pour un SMS comprenant simplement le mot « tomate » envoyé au 47947 : SMS Consommateurs - 21/05 Tomates rouges en grappe prix euro/kg Producteur 0,70– Prix de gros 1,36– Prix au détail nord 2,20 centre 2,20 sud 1,90 7 4) De 10 à 35 produits surveillés de près dans chaque pays Chaque administration ou organisme établit son propre échantillon de produits à suivre en termes de prix et de marges. Cet échantillon est logiquement constitué des produits les plus représentatifs de la consommation du pays. Si les catégories viandes, fruits et légumes sont toujours représentées, certains pays suivent également des produits dans la catégorie céréales, celle dévolue aux poissons et aliments marins, ainsi que la catégorie graisses et huiles. Les produits œuf, poulet, pomme et pomme de terre apparaissent comme étant des incontournables quel que soit le panier considéré. Pays Nombre de produits étudiés* Espagne 35 États-Unis 24 Italie 10 Royaume-Uni 13 Suisse 30 *A été pris en compte uniquement le panier de l’organisme de référence : Observatoire des prix des denrées alimentaires en Espagne, ministère de l’agriculture (USDA) aux Etats-Unis, Observatoire des prix du ministère de l’économie (+service smsconsumatori) en Italie, ministère de l’agriculture (DEFRA) au Royaume-Uni, ministère de l’agriculture (OFAG) en Suisse. 8 Détails des produits alimentaires observés par pays Pays Céréales Espagne États-Unis Italie Royaume-Uni Suisse Viandes Veau Agneau Cochon Poulet Lapin Poissons et Produits Graisses et aliments fermiers huiles marins Merlu Œuf Merlan Sardine Anchois Maquereau Merlan Maquereau Truite Daurade Saumon Espadon congelé Moule Palourde Beure Cheddar Glace Lait entier Œuf Fruits Légumes Citron Pomme Golden Mandarine Orange Poire Banane Pomme de terre Bettes Courgette Oignon Haricots verts plats Laitue Romaine Poivre vert Tomates Carotte Farine Sucre Bœuf Porc Dinde Poulet Semoule de blé dur Riz Farine Poulet Bœuf Porc Veau Farine Bœuf Poulet Agneau Porc Œuf Lait Pomme Tomate Blé Orge Maïs Avoine Fèverole Seigle Triticale Pois Bœuf Agneau Porc Poulet Œuf Lait Fromage Beurre Yaourt Crème Tomate Pomme Poire Fraise Orange Calamar Truite Merlu Espadon Coques Œuf Parmesan Grana Padano Source : analyse de la DGCCRF 9 Raisin Pamplemousse Pomme Citron Fraise Pêche Orange Poire Huile Orange d’olive Abricot extravierge Ananas Pastèque Cerise Fraise Kiwi Citron Pomme Poire Prune Broccoli Laitue Pomme de terre Tomate Courgette Epinard Ail Asperge Bette Oignon Haricot vert Fenouil Endive Aubergine Tomate Radis Carotte Chou Oignon Pomme de terre Pomme de terre Chou-fleur Oignon jaune Carotte Concombre Laitue Endive 5) L’analyse de la marge brute à celle de la marge nette Pour les produits sélectionnés pour leurs études, les producteurs d’information font ressortir trois types de prix : le prix au stade de la production (ce qui est versé à l’exploitant agricole), le prix au stade industriel (le prix de gros) et le prix au stade de la distribution (le prix de détail). À partir de ces trois éléments, il est possible de calculer une marge brute : en calculant la différence entre le prix payé sur un marché de gros et le prix payé à l’exploitant, par exemple. Ce type de marge est la plus aisée à calculer une fois que les données ont été collectées (via les associations de producteurs, la collecte des données sur les marchés de gros et les sociétés d’études marketing pour les prix au détail). Le calcul de la marge brute requiert seulement quelques ajustements: pondération pour refléter le poids des circuits de distribution, retranchement de la TVA et exclusion des produits importés. Le calcul des marges nettes est plus complexe à réaliser, car il nécessite une collaboration entre les pouvoirs publics, les industriels et les distributeurs pour établir la réalité des marges par produit. L’Espagne s’est lancée dans ce type de démarche, ainsi que le AHDB (Conseil pour le développement de l’agriculture et de l’horticulture) au Royaume-Uni, mais uniquement pour le prix du porc. Enfin, il est possible pour un bien ou un panier de biens déterminé d’estimer la part de la valeur de ce panier qui est revenue au producteur. Pour calculer cette part, par exemple pour le prix de la viande, ainsi que le fait l’OFAG, en Suisse, on divise le prix à la production, soit la recette de l’agriculteur-producteur, par le prix obtenu par le boucher pour l'animal abattu. Si un exploitant agricole obtient pour un porc un prix de 290 euros et que le boucher vend ce même produit 730 euros, le prix à la production divisé par le prix de détail donne 0,4, soit 40 %. Ce taux correspond à la part du producteur. Pays Calcul de la marge brute Espagne oui États-Unis oui Italie néant Royaume-Uni oui Suisse oui Source : analyse de la DGCCRF Calcul des marges nettes oui (pour certains produits) néant néant oui (pour le porc) néant 10 Calcul de la part revenant au producteur dans un panier moyen néant oui néant néant oui ZOOM Espagne : les études de la chaîne de valeur du ministère de l’agriculture Le ministère de l’agriculture espagnol présente ses études de la chaîne de valeur, comme étant les premières du genre en Europe. Chacune de ces études porte sur un produit alimentaire (poulet, porc, poire, tomate…) et vise à établir les marges nettes de chacun des intervenants sur la chaîne de production. Elles sont réalisées grâce à la collaboration de tous les acteurs du secteur, du producteur au distributeur, et mises à jour périodiquement6. Chacune des études est rédigée sur le modèle suivant : Introduction Considérations générales et spécifiques de l’étude Méthodologie Caractéristiques et tendances du secteur (viandes, produits laitiers…) Description de la chaîne de valeur Structure générale et description de la chaîne de valeur Propriétés des chaînes de valeur des produits sélectionnés Structure des coûts et prix Schéma de la structure des coûts et des prix Analyse de la structure des coûts et des prix Pour la production des études (16 en 2009, 3 en 2010, 15 en 2011) l’Observatoire des prix des denrées alimentaires travaille avec 27 organisations interprofessionnelles (AIFE, INVAC, INPROVO, OIAH, AILIMPO, PROPOLLO…) qui représentent autant de secteurs de production (citron, raisin, thon, huile d’olive, vin, viande de gibier sauvage…). 6) Jusqu’à huit publications différentes par pays La nature des moyens de communication mis en place par les pouvoirs publics dépend tout à la fois de la cible visée prioritairement (exploitants agricoles ou consommateurs) et du principal objectif poursuivi (informer sur les différences de prix d’un vendeur à un autre ou informer sur les marges). Ainsi, pour informer les consommateurs sur les différences de prix entre distributeurs, le ministère de l’industrie en Espagne a privilégié un site dédié (www.observatorioprecios.es), le ministère de l’agriculture italien a fait de même avec son site www.smsconsumatori.it, en y ajoutant des données permettant de comparer ce qui est versé à l’agriculteur par rapport au prix en magasin. À l’inverse, au Royaume-Uni, le ministère de l’agriculture présente ses analyses sous forme de volumineux rapports à télécharger ou bien de notes d’analyses destinées aux exploitants agricoles. 6 À consulter à cette adresse : http://www.magrama.gob.es/es/alimentacion/servicios/observatoriode-precios-de-los-alimentos/estudios-e-informes/default.aspx 11 Pays Observatoire dédié Espagne Oui États-Unis Non Italie Oui Royaume-Uni Non Suisse Oui Source : analyse de la DGCCRF Nombre de publications 5 6 5 8 6 Site internet spécifique Oui Non Oui Non Non Application spécifique7 Oui (vidéo) Oui (food dollar) Oui (SMS) Non Non Seules l’Espagne et l’Italie disposent d’un site internet indépendant spécifiquement dédié à l’information sur les prix et les marges dans le secteur alimentaire. Mais les autres Etats (États-Unis, Suisse et Royaume-Uni) font figurer ce type d’informations dans des rubriques dédiées du site du ministère de l’agriculture ou du ministère de l’économie. Tous utilisent naturellement internet pour communiquer et mettent des documents en format PDF (magazine électronique, papiers de recherche ou tableaux de données) en téléchargement sur le ou les sites. Certains proposent également des tableaux Excel de données ou l’accès à des bases de données de prix en ligne ou l’abonnement à une lettre d’information par voie de courrier électronique. Pays Site Base de internet données Espagne X néant États-Unis X néant Italie X X Roy.-Uni X néant Suisse X X Source : analyse de la DGCCRF Lettre d’info. néant néant X néant X PDF Magazine Conférence X X X X X néant X néant X néant X X néant néant néant 7) Comparaison des dispositifs : l’Espagne et l’Italie en pointe Au vu des informations précédemment exposées sur les méthodologies employées et les moyens mis en œuvre pour communiquer sur les résultats, il est possible de comparer la qualité et l’exhaustivité des dispositifs des pays étudiés. Ainsi, si l’on pondère chaque élément de méthodologie et chaque moyen de communication mis en place, il ressort que c’est le dispositif espagnol qui obtient le plus grand nombre de points, devant l’Italie et la Suisse. Avec son Observatoire des denrées alimentaires (ministère de l’agriculture) et son Observatoire des prix (ministère de l’industrie) ce pays dispose d’informations pratiques et de recherches afin de renseigner les pouvoirs publics, les exploitants agricoles et les industriels. De même, il a mis en place des moyens de communication qui lui permettent de s’adresser directement aux consommateurs. En Italie, l’Observatoire des prix du ministère de l’économie, ainsi que le service SMS consommateurs du ministère de l’agriculture rendent accessible une information complète sur les prix des denrées alimentaires au plus grand nombre. 7 Module informatique en-ligne favorisant, par son caractère graphique ou ludique, l’accessibilité de l’information aux consommateurs. 12 Comparaison des dipositifs 4 3 2 1 0 Espagne États-Unis Italie Moyens de communication Royaume-Uni Suisse Méthodologie Degré de perfectionnement de la méthodologie employée Pays Facteurs (points) Espagne Nbre produits (1) + diversité produits (0) + types de marge (2) = 3 États-Unis Nbre produits (0) + diversité produits (0) + types de marge (1) = 1 Italie Nbre produits (0) + diversité produits (1) + types de marge (0) = 1 Royaume-Uni Nbre produits (0) + diversité produits (0) + types de marge (2) = 2 Suisse Nbre produits (1) + diversité produits (0) + types de marge (1) = 2 NB : Nombre de produits (+1 si nombre = 30 ou supérieur), Diversité des catégories alimentaires représentées (+1 si supérieur à 5), Type de marges calculées (+2 si calcul de marges nettes, +1 si calcul de marges brutes) Mobilisation des moyens de communication Pays Facteurs (points) Espagne Observatoire (1)+ Nbre publicat. (0)+ Site (1) + Application (1) = 3 États-Unis Observatoire (0)+ Nbre publicat. (1)+ Site (0)+ Application (1) = 2 Italie Observatoire (1)+ Nbre publicat. (0)+ Site (1) + Application (1) = 3 Royaume-Uni Observatoire (0)+ Nbre publicat. (1)+ Site (0) + Application (0) = 1 Suisse Observatoire (1)+ Nbre publicat. (1)+ Site (0) + Application (0) = 2 NB : observatoire dédié (+1 si présence), Nbre de publications (+1 si supérieur à 5), Site internet spécifique (+1 si existant), Application grand public (+1 si existante) 8) Les bonnes pratiques observées pour mieux communiquer Dans les pays de notre échantillon, où l’on trouve plusieurs organismes pour produire une information sur les prix et marges dans le secteur alimentaire, ceux-ci disposent tous de rubriques dédiées sur les sites internet du ministère de l’agriculture ou de l’économie, si ce n’est leur propre site. Cela leur permet de faire connaître leurs recherches auprès des acteurs du secteur et des consommateurs. Certains organismes sont allés plus loin et ont 13 cherché à développer des outils de communication spécifique de manière à accroître encore la visibilité de leur travail. En matière de diffusion d’information sur les prix dans le secteur agroalimentaire, les bonnes pratiques suivantes peuvent être relevées dans les pays étudiés. Pays Bonne pratique ES Le ministère de l’agriculture a mis en ligne des vidéos8 qui ont pour objet de rendre accessibles au grand public les études réalisées par le ministère, notamment sur le mécanisme de formation des prix des produits alimentaires. US Le « food dollar9 » est une application développée par le service de recherche du ministère de l’agriculture (USDA) accessible sur son site qui permet à tout consommateur de comprendre à qui va son argent quand il dépense un dollar pour acheter un produit alimentaire. US Le flyer Farmer’s Share of Retail Food Dollar10 de la National Farmers Union présente en une page 15 produits, chacun illustré par une photo et accompagné de son prix de vente au détail et le prix de vente qu’en a obtenu le producteur. Le flyer est remis à jour chaque mois et envoyé par email aux médias. IT Le service SMS Consommateurs (smsconsumatori) permet au consommateur équipé de recevoir gratuitement par SMS les prix de production, de gros et de détail moyens de 70 produits alimentaires différents (Fruits et légumes, produits laitiers, viande, poissons…) de l’endroit où il se trouve. IT Le site smsconsumatori.it permet aux consommateurs d’évaluer le coût de leurs achats alimentaires à partir d’un panier virtuel à composer soi-même sur la base de prix moyens. Pour chacun des 70 produits, il est possible de consulter une fiche détaillée qui indique le prix de vente selon la région et par circuit de distribution, le prix de production, le prix de gros. Source : analyse de la DGCCRF 8 9 http://www.magrama.gob.es/es/alimentacion/temas/consumo-y-comercializacion-y-distribucionalimentaria/documentos-audiovisuales/ http://www.ers.usda.gov/Data/FoodDollar/app/ 10 http://www.nfu.org/farmers-share 14 Intérêt Permet de sensibiliser les consommateurs au sujet Permet de sensibiliser le consommateur sur la répartition des bénéfices issus de la vente de produits alimentaires. Support visuel constituant un moyen de communication efficace pour s’adresser aux médias sur le sujet des prix et des marges. Permet aux consommateurs d’accéder à des informations détaillées sur les prix des produits qu’ils sont en train d’acheter Permet aux consommateurs d’évaluer le niveau de prix de leurs achats par rapport aux prix moyens du marché. Ils sont également invités à signaler les abus en matière de prix des produits alimentaires. 9) Les dispositifs d’analyses des prix et des marges ont un impact dans le champ législatif dans les pays étudiés Il est intéressant de relever que dans les cinq pays de la présente étude, choisis en raison de la qualité de leur dispositif de surveillance des prix et des marges dans le secteur alimentaire, quatre (Espagne, États-Unis, Italie et Royaume-Uni) ont récemment ou sont en train de mettre en place de nouvelles dispositions législatives qui ont pour objet de faire évoluer le rapport de force entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire. Pays Espagne Dispositions législatives récentes Le gouvernement prépare une loi dite « loi sur la chaîne alimentaire » destinée à stimuler la concurrence dans le secteur et à endiguer des pratiques définies comme «abusives et injustes » dans les relations entre les exploitations agricoles et les industriels, mais aussi entre ces derniers et les entreprises de distribution. Il est prévu que celle-ci soit promulguée d’ici la fin du mois d’août 2012. La nouvelle loi en préparation doit instituer plus particulièrement : - L’obligation de contrats écrits à partir d'un certain seuil. Un renforcement des mesures contre les pratiques abusives. La modification du règlement des organisations interprofessionnelles. États-Unis L’USDA a décrété en décembre 2011 de nouvelles mesures afin d’améliorer l’équité et la transparence dans les relations commerciales au sein des filières viandes conformément à la procédure inscrite dans le Farm Bill de 2008. Elles visent à encadrer davantage certaines clauses des contrats entre éleveurs et acheteurs. Elles établissent notamment qu’un grossiste en volailles doit donner des explications suffisantes et « avec un niveau de détail raisonnable » à un producteur quand il cesse de lui acheter ses produits. Italie L’article 62 de la loi du 24 mars 2012 intitulé « Discipline des relations commerciales en matière de cession des produits agricoles et agroalimentaires » a, pour objectif, de protéger la marge des producteurs agricoles face à la grande distribution. Pour y parvenir le décret impose aux acteurs de la filière agroalimentaire de nouvelles pratiques (contrats écrits obligatoires, interdictions de pratiques contractuelles visant à imposer des conditions d’achat ou de vente injustifiées, interdiction de subordonner la conclusion, l’exécution du contrat ou son achèvement à l’exécution de prestations sans lien avec l’objet du contrat…) Royaume-Uni Le « Groceries Code Adjudicator Bill » de la fin 2011 permet désormais aux fournisseurs de dénoncer anonymement des distributeurs qui abuseraient de leur position dominante. Une autorité indépendante aura bientôt la possibilité d’enquêter sur les pratiques, d’infliger des amendes et de faire publiquement savoir quel distributeur a commis des abus (procédure dite de « Name and shame », dénonciation sur la place publique). Source : analyse de la DGCCRF 15 Le bureau 1B de la veille économique et des prix de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) conçoit et met en place des outils visant à améliorer la transparence économique sur les circuits de production et de commercialisation des biens et services, afin de permettre d’effectuer dans ce domaine des analyses fondées sur des éléments objectifs et partagés. Il intervient notamment dans le domaine des analyses de prix, ainsi que dans l’observation des mécanismes de formation des prix et des marges, en liaison avec les autres observatoires compétents dans ces domaines. Il conduit des études économiques au profit de la direction générale. Il est chargé des fonctions de documentation et de veille économiques internes à la direction générale. Il assure l’exploitation statistique du baromètre des réclamations des consommateurs. Adresse postale : Ministère de l’économie et des finances - DGCCRF Bureau de la veille économique et des prix (1B) Teledoc 042 59 boulevard Vincent Auriol 75703 PARIS CEDEX 13 Adresse électronique : [email protected] 16