Le magnésium: un nutriment important

publicité
C U R R I C U LU M
Forum Med Suisse No 27 2 juillet 2003
638
Le magnésium:
un nutriment important
A. Berthelot
Introduction
Métabolisme du magnésium
Pendant longtemps, le magnésium a été un ion
négligé à la fois par les scientifiques et les thérapeutes, mais de nombreuses publications
scientifiques attestent aujourd’hui de son importance en biologie. Il est probable que l’on a
pas encore pris la mesure de toutes ses implications dans les mécanismes physiologiques.
Son ubiquité fait qu’un déficit touche de nombreux métabolismes. Par ailleurs, beaucoup de
pathologies sont accompagnées de perturbations de son métabolisme, pertubations qui
pourraient être un facteur aggravant dans certains cas.
Actuellement, l’alimentation moderne a modifié les apports quotidiens en magnésium et les
enquêtes nutritionnelles mettent en évidence
qu’une partie de la population des pays industrialisés ont des apports inférieurs aux apports
nutritionnels conseillés.
Le magnésium est avant tout intracellulaire. Le
magnésium extracellulaire représente 1% du
magnésium total de l’organisme. Le corps d’un
homme adulte contient 25 g environ de magnésium (1025 mmol). 55 à 60% sont situés dans
les os, le reste étant dans les tissus mous dont
la moitié dans le muscle strié squelettique. Au
niveau plasmatique, le magnésium se situe
aux environs de 0,8 mmol/l. 55% se trouvent
sous forme ionisée. Le magnésium plasmatique
est en faible quantité, cela explique qu’il n’est
qu’un pâle reflet du statut magnésique total.
Cependant, il joue un rôle biologique important
puisque c’est à partir de lui que se feront les
échanges avec les cellules. Il est difficile de déterminer la biodisponibilité du magnésium car
la majeure partie de celui-ci est inaccessible
au dosage. L’utilisation d’isotope radioactif ou
stable a permis de montrer que 15% environ du
magnésium corporel sont rapidement échangeables et que les échanges varient selon les organes (les échanges sont lents avec le cerveau).
L’absorption intestinale dans les conditions
nutritionnelles normales varie de 30 à 50%. Le
magnésium est absorbé tout au long de l’intestin, du duodénum au côlon mais surtout dans
la partie distale. Deux mécanismes d’absorption ont été décrits: un mécanisme passif et un
mécanisme actif saturable, ce dernier n’intervenant, semble-t-il, que pour de faibles apports
en magnésium. Le magnésium sera d’autant
mieux absorbé qu’il sera soluble et que sa
concentration dans la lumière intestinale sera
faible. Le calcium, sauf pour des apports importants supérieurs à 2 grammes, ne diminuera
pas l’absorption du magnésium.
En ce qui concerne l’élimination du magnésium, c’est le rein qui est le principal organe
impliqué. Cependant une sudation importante
peut entraîner une perte en magnésium
quantifiable. Lors de carence, la réabsorption
rénale de magnésium est augmentée et en cas
de surcharge, l’excrétion est accrue. En général, 95% du magnésium filtrés au niveau du
glomérule sont réabsorbés le long du néphron.
Cette régulation de l’homéostasie par le rein ne
semble être sous la dépendance d’aucun facteur, ni d’aucune hormone. Seule, la magnésémie semble être le facteur principal qui module l’excrétion urinaire du magnésium.
Biologie du magnésium
Correspondance:
Pr A. Berthelot
Laboratoire de physiologie
et pharmacie
Faculté de médecine et
de pharmacie
Université de Besançon
Place St Jacques 1
F-25030 Besançon
Le magnésium est indispensable à toutes les
réactions enzymatiques ayant comme substrat
les nucléotides. D’une manière générale, il réagit facilement avec les groupements phosphates. Or les groupements phosphates des
nucléotides sont des liaisons riches en énergie,
libérée lors de leur rupture. Cela explique le lien
entre le magnésium et les métabolismes
consommateurs d’énergie: glucidiques, lipidiques et protidiques. Par ailleurs, en se liant
avec les groupements phosphates, il participe
au maintien de la structure de l’ADN et de
l’ARN.
Le magnésium intervient également dans l’activation d’un nombre important d’enzymes
(plus de 300). C’est aussi et surtout un antagoniste du calcium. En effet, les interactions physiologiques du magnésium avec le calcium sont
nombreuses. Cet antagonisme se manifeste
aussi bien au niveau des mouvements du calcium qu’au niveau de ses liaisons protéiques.
Un excès de magnésium inhibe les mouvements
transmembranaires calciques alors qu’un déficit les facilite. D’une manière générale, le magnésium module des échanges ioniques transmembranaires: sodium, chlore, potassium.
C U R R I C U LU M
Aspects nutritionnels
Les apports conseillés pour la population française sont de l’ordre de 6 mg par kg de poids
corporel. Ces apports sont à majorer chez les
adolescents ainsi qu’au cours de la grossesse et
de la lactation. Une enquête nutritionnelle récente (SU.VI.MAX.) a évalué chez plus de 5000
personnes en France l’apport de magnésium
dans l’alimentation. 75% des hommes et 77%
des femmes ont des apports inférieurs aux
apports nutritionnels conseillés. Cela suggère
fortement que le déficit magnésique par apport
nutritionnel insuffisant peut être fréquent.
Les causes du déficit d’apport sont dues à l’évolution du mode de vie, aux habitudes alimentaires qui écartent les aliments riches en énergie et qui sont aussi souvent riches en magnésium. La consommation des produits végétaux
riches en magnésium tend également à diminuer. Au total, bien que les carences sévères
soient exceptionnelles, les subcarences ou les
carences marginales sont fréquentes et peuvent
entraîner à la longue des déficits préjudiciables
pour la santé de l’individu.
A ces déficits d’origine primaire, peuvent
s’ajouter des déficits secondaires dus à des
pertes digestives, rénales et des dysrégulations
endocrinométaboliques.
Déficit magnésique et pathologie
cardiovasculaire
Le déficit magnésique peut participer au développement de pathologies multifactorielles. Les
études épidémiologiques et nutritionnelles ont
mis en évidence la relation entre apports nutritionnels, pathologies cardiaques et hypertension artérielle. De nombreuses études épidémiologiques rapportent une corrélation inverse
entre le niveau de dureté de l’eau (c’est-à-dire
présence de calcium et de magnésium) et les
Quintessence
Le magnésium, ion principalement intracellulaire, est indispensable à
toutes les réactions enzymatiques ayant comme substrat des nucléotides
et intervient dans l’activation de plus de 300 enzymes.
La magnésémie ne représente que très imparfaitement les stocks
de magnésium.
Il est probable qu’un proportion importante de la population (environ 75%
d’après une étude récente) ait un apport alimentaire insuffisant en
magnésium.
La carence en magnésium se manifeste cliniquement surtout au niveau
cardiovasculaire: hypertension artérielle, coronaropathie et troubles du
rythme cardiaque.
Forum Med Suisse No 27 2 juillet 2003
639
pathologies cardiovasculaires. Bien qu’il n’y ait
pas toujours concordance entre elles, la majorité confirme cette corrélation inverse. L’étude
ARIC (The Arteriosclerosis Risk in Communities
Study) rapporte qu’un faible apport magnésique constitue un facteur de risque de coronaropathie. Dans une étude randomisée récente,
Klevay et al. ont montré qu’un régime à
130 mg/j (5,33 mmol) de magnésium s’accompagne à la fois d’une diminution du magnésium
sérique et érythrocytaire et d’une augmentation significative d’extrasystoles ventriculaires
et supraventriculaires.
Les études de supplémentation au cours de
l’hypertension artérielle sont relativement
nombreuses, hétérogènes quant à l’âge des
sujets, leur nombre et les doses de magnésium
utilisé (de 10 à 402 mmol/j). Jee et al. ont réalisé une méta-analyse des études randomisées
sur les effets d’une supplémentation en magnésium sur la pression artérielle. Les auteurs
concluent à un effet dose sur le niveau de pression artérielle. Plus la quantité de magnésium
apportée est grande, plus le niveau de pression
artérielle est bas.
Le magnésium peut participer aux mécanismes
physiopathologiques de multiples façons. En
effet, le magnésium peut intervenir dans la prolifération et la migration des cellules endothéliales lors de l’angiogénèse. Un magnésium
extracellulaire bas inhibe la migration tandis
qu’un taux supranormal l’augmente. L’effet
antagoniste calcique du magnésium va protéger la cellule myocardique de la surcharge calcique lors des lésions ischémiques de reperfusion. De plus, grâce à cette propriété, il est
impliqué dans les systèmes régulateurs du
tonus musculaire. Aussi, il n’est pas surprenant
que toute variation du magnésium tant au
niveau du plasma qu’au niveau intracellulaire
entraîne des variations du tonus vasculaire
donc de la pression artérielle. Expérimentalement il a été montré que le déficit magnésique
favorise les dyslipidémies et augmente la peroxydabilité des lipoprotéines. Par ailleurs, le
magnésium est un stabilisateur de membrane,
il équilibre le potentiel de membrane cellulaire
et, à ce titre, a des propriétés antiarythmiques.
C’est ainsi que l’hypomagnésémie aggrave la
toxicité des digitaliques et majore l’effet proarythmogène de l’hypokaliémie.
C U R R I C U LU M
Forum Med Suisse No 27 2 juillet 2003
640
Références
1 Flatman PW. The role of magnesium
in regulating ion transport. In: Birch
NJ, ed. Magnesium and the Cell.
Academic Press;1993. p.137–55.
2 Galan P, Presiosi P, Durlach V, Valeix
P, Ribas L, Bouzid D, et al. Dietary
magnesium intake in a french adult
population. Mag Res 1997;10:321–8.
3 Jee SH, Miller ER 3rd, Guallar E,
Singh VK, Appel LJ, Klag MJ. The
effect of magnesium supplementation on blood pressure: meta-anlysis
of randomized clinical trials. Am J
Hypertens 2002;8:691–6.
4 Klevay LM, Milne DB. Low dietary
magnesium increases supraventricular ectopy. Am J Clin Nut 2002;75:
550–4.
5 Liao F, Folson AR, Brancati FL. Is
low magnesium concentration a risk
for coronary heart disease? The
Arteriosclerosis Risk in Communities
(ARIC) Study. Am Heart J 1998;136:
480–90.
6 Rayssiguier Y, Boirie Y, Durlach J.
In: Apports nutritionnels conseillés
pour la population française. 3e éd.
CNERNA – CNRS. Edition Tec & doc
Lavoisier;2001. p.146–9.
7 Rubenowitz E, Molin I, Axelsson G,
Rylander R. Magnesium in drinking
water in relation to morbidity and
mortality from acute myocardial infarction. Epidemiology 2000;11:
416–21.
Téléchargement