CURRICULUM Forum Med Suisse No27 2 juillet 2003 638
Introduction
Pendant longtemps, le magnésium a été un ion
négligé à la fois par les scientifiques et les thé-
rapeutes, mais de nombreuses publications
scientifiques attestent aujourd’hui de son im-
portance en biologie. Il est probable que l’on a
pas encore pris la mesure de toutes ses impli-
cations dans les mécanismes physiologiques.
Son ubiquité fait qu’un déficit touche de nom-
breux métabolismes. Par ailleurs, beaucoup de
pathologies sont accompagnées de perturba-
tions de son métabolisme, pertubations qui
pourraient être un facteur aggravant dans cer-
tains cas.
Actuellement, l’alimentation moderne a modi-
fié les apports quotidiens en magnésium et les
enquêtes nutritionnelles mettent en évidence
qu’une partie de la population des pays indus-
trialisés ont des apports inférieurs aux apports
nutritionnels conseillés.
Biologie du magnésium
Le magnésium est indispensable à toutes les
réactions enzymatiques ayant comme substrat
les nucléotides. D’une manière générale, il ré-
agit facilement avec les groupements phos-
phates. Or les groupements phosphates des
nucléotides sont des liaisons riches en énergie,
libérée lors de leur rupture. Cela explique le lien
entre le magnésium et les métabolismes
consommateurs d’énergie: glucidiques, lipi-
diques et protidiques. Par ailleurs, en se liant
avec les groupements phosphates, il participe
au maintien de la structure de l’ADN et de
l’ARN.
Le magnésium intervient également dans l’ac-
tivation d’un nombre important d’enzymes
(plus de 300). C’est aussi et surtout un antago-
niste du calcium. En effet, les interactions phy-
siologiques du magnésium avec le calcium sont
nombreuses. Cet antagonisme se manifeste
aussi bien au niveau des mouvements du cal-
cium qu’au niveau de ses liaisons protéiques.
Un excès de magnésium inhibe les mouvements
transmembranaires calciques alors qu’un défi-
cit les facilite. D’une manière générale, le ma-
gnésium module des échanges ioniques trans-
membranaires: sodium, chlore, potassium.
Métabolisme du magnésium
Le magnésium est avant tout intracellulaire. Le
magnésium extracellulaire représente 1% du
magnésium total de l’organisme. Le corps d’un
homme adulte contient 25 g environ de magné-
sium (1025 mmol). 55 à 60% sont situés dans
les os, le reste étant dans les tissus mous dont
la moitié dans le muscle strié squelettique. Au
niveau plasmatique, le magnésium se situe
aux environs de 0,8 mmol/l. 55% se trouvent
sous forme ionisée. Le magnésium plasmatique
est en faible quantité, cela explique qu’il n’est
qu’un pâle reflet du statut magnésique total.
Cependant, il joue un rôle biologique important
puisque c’est à partir de lui que se feront les
échanges avec les cellules. Il est difficile de dé-
terminer la biodisponibilité du magnésium car
la majeure partie de celui-ci est inaccessible
au dosage. L’utilisation d’isotope radioactif ou
stable a permis de montrer que 15% environ du
magnésium corporel sont rapidement échan-
geables et que les échanges varient selon les or-
ganes (les échanges sont lents avec le cerveau).
L’absorption intestinale dans les conditions
nutritionnelles normales varie de 30 à 50%. Le
magnésium est absorbé tout au long de l’intes-
tin, du duodénum au côlon mais surtout dans
la partie distale. Deux mécanismes d’absorp-
tion ont été décrits: un mécanisme passif et un
mécanisme actif saturable, ce dernier n’inter-
venant, semble-t-il, que pour de faibles apports
en magnésium. Le magnésium sera d’autant
mieux absorbé qu’il sera soluble et que sa
concentration dans la lumière intestinale sera
faible. Le calcium, sauf pour des apports impor-
tants supérieurs à 2 grammes, ne diminuera
pas l’absorption du magnésium.
En ce qui concerne l’élimination du magné-
sium, c’est le rein qui est le principal organe
impliqué. Cependant une sudation importante
peut entraîner une perte en magnésium
quantifiable. Lors de carence, la réabsorption
rénale de magnésium est augmentée et en cas
de surcharge, l’excrétion est accrue. En géné-
ral, 95% du magnésium filtrés au niveau du
glomérule sont réabsorbés le long du néphron.
Cette régulation de l’homéostasie par le rein ne
semble être sous la dépendance d’aucun fac-
teur, ni d’aucune hormone. Seule, la magné-
sémie semble être le facteur principal qui mo-
dule l’excrétion urinaire du magnésium.
Le magnésium:
un nutriment important
A. Berthelot
Correspondance:
Pr A. Berthelot
Laboratoire de physiologie
et pharmacie
Faculté de médecine et
de pharmacie
Université de Besançon
Place St Jacques 1
F-25030 Besançon
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Aspects nutritionnels
Les apports conseillés pour la population fran-
çaise sont de l’ordre de 6 mg par kg de poids
corporel. Ces apports sont à majorer chez les
adolescents ainsi qu’au cours de la grossesse et
de la lactation. Une enquête nutritionnelle ré-
cente (SU.VI.MAX.) a évalué chez plus de 5000
personnes en France l’apport de magnésium
dans l’alimentation. 75% des hommes et 77%
des femmes ont des apports inférieurs aux
apports nutritionnels conseillés. Cela suggère
fortement que le déficit magnésique par apport
nutritionnel insuffisant peut être fréquent.
Les causes du déficit d’apport sont dues à l’évo-
lution du mode de vie, aux habitudes alimen-
taires qui écartent les aliments riches en éner-
gie et qui sont aussi souvent riches en magné-
sium. La consommation des produits végétaux
riches en magnésium tend également à dimi-
nuer. Au total, bien que les carences sévères
soient exceptionnelles, les subcarences ou les
carences marginales sont fréquentes et peuvent
entraîner à la longue des déficits préjudiciables
pour la santé de l’individu.
A ces déficits d’origine primaire, peuvent
s’ajouter des déficits secondaires dus à des
pertes digestives, rénales et des dysrégulations
endocrinométaboliques.
Déficit magnésique et pathologie
cardiovasculaire
Le déficit magnésique peut participer au déve-
loppement de pathologies multifactorielles. Les
études épidémiologiques et nutritionnelles ont
mis en évidence la relation entre apports nutri-
tionnels, pathologies cardiaques et hyperten-
sion artérielle. De nombreuses études épidé-
miologiques rapportent une corrélation inverse
entre le niveau de dureté de l’eau (c’est-à-dire
présence de calcium et de magnésium) et les
pathologies cardiovasculaires. Bien qu’il n’y ait
pas toujours concordance entre elles, la majo-
rité confirme cette corrélation inverse. L’étude
ARIC (The Arteriosclerosis Risk in Communities
Study) rapporte qu’un faible apport magné-
sique constitue un facteur de risque de corona-
ropathie. Dans une étude randomisée récente,
Klevay et al. ont montré qu’un régime à
130 mg/j (5,33 mmol) de magnésium s’accom-
pagne à la fois d’une diminution du magnésium
sérique et érythrocytaire et d’une augmenta-
tion significative d’extrasystoles ventriculaires
et supraventriculaires.
Les études de supplémentation au cours de
l’hypertension artérielle sont relativement
nombreuses, hétérogènes quant à l’âge des
sujets, leur nombre et les doses de magnésium
utilisé (de 10 à 402 mmol/j). Jee et al. ont réa-
lisé une méta-analyse des études randomisées
sur les effets d’une supplémentation en magné-
sium sur la pression artérielle. Les auteurs
concluent à un effet dose sur le niveau de pres-
sion artérielle. Plus la quantité de magnésium
apportée est grande, plus le niveau de pression
artérielle est bas.
Le magnésium peut participer aux mécanismes
physiopathologiques de multiples façons. En
effet, le magnésium peut intervenir dans la pro-
lifération et la migration des cellules endo-
théliales lors de l’angiogénèse. Un magnésium
extracellulaire bas inhibe la migration tandis
qu’un taux supranormal l’augmente. L’effet
antagoniste calcique du magnésium va proté-
ger la cellule myocardique de la surcharge cal-
cique lors des lésions ischémiques de reper-
fusion. De plus, grâce à cette propriété, il est
impliqué dans les systèmes régulateurs du
tonus musculaire. Aussi, il n’est pas surprenant
que toute variation du magnésium tant au
niveau du plasma qu’au niveau intracellulaire
entraîne des variations du tonus vasculaire
donc de la pression artérielle. Expérimentale-
ment il a été montré que le déficit magnésique
favorise les dyslipidémies et augmente la per-
oxydabilité des lipoprotéines. Par ailleurs, le
magnésium est un stabilisateur de membrane,
il équilibre le potentiel de membrane cellulaire
et, à ce titre, a des propriétés antiarythmiques.
C’est ainsi que l’hypomagnésémie aggrave la
toxicité des digitaliques et majore l’effet pro-
arythmogène de l’hypokaliémie.
Quintessence
Le magnésium, ion principalement intracellulaire, est indispensable à
toutes les réactions enzymatiques ayant comme substrat des nucléotides
et intervient dans l’activation de plus de 300 enzymes.
La magnésémie ne représente que très imparfaitement les stocks
de magnésium.
Il est probable qu’un proportion importante de la population (environ 75%
d’après une étude récente) ait un apport alimentaire insuffisant en
magnésium.
La carence en magnésium se manifeste cliniquement surtout au niveau
cardiovasculaire: hypertension artérielle, coronaropathie et troubles du
rythme cardiaque.
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