Essai d`étalonnage du Test du Dessin du

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Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice - PARIS XVI
L'intérêt de l'évaluation du
schéma corporel des
personnes âgées atteintes
de la maladie d'Alzheimer,
grâce au test du Dessin du
Personnage
Quand la conscience de soi et l'identité
sont menaçées
Mémoire de recherche présenté en vue de l'obtention du Diplôme d'Etat de
Psychomotricité
Maître de mémoire: Noémie Dufour, neuropsychologue
Camille Delobel
Juin 2012
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ......................................................................... 7
INTRODUCTION ........................................................................... 9
I) PARTIE THEORIQUE .................................................................. 11
1- LE VIEILLISSEMENT ....................................................................... 11
1.1. Définitions ......................................................................... 11
1.2. Le corps de la personne âgée ................................................... 13
1.2.1. Aspects physiologiques ......................................................... 13
1.2.2. Aspects psychomoteurs ........................................................ 16
1.3. Les concepts de Schéma Corporel et d’Image du Corps et les conceptions
actuelles ................................................................................. 18
1.3.1. Le Schéma Corporel ............................................................ 18
1.3.2. L'Image du Corps, un concept "controversé" ................................ 20
1.3.3. Image composite du corps et cartographie corporelle .................... 21
2 - LA MALADIE D’ALZHEIMER ............................................................... 22
2.1. Les critères de la "Démence de la maladie d'Alzheimer" selon la CIM-10
(OMS, 1994).............................................................................. 22
2.2. La maladie d’Alzheimer ......................................................... 23
2.2.1. Définition ........................................................................ 23
2.2.2. Problématique de la terminologie ........................................... 24
2.2.3. Epidémiologie ou l'expression chiffrée d'une préoccupation sanitaire et
sociale .................................................................................... 25
2.2.4. Les manifestations cliniques .................................................. 26
2.2.5. Facteurs de risque et facteurs de protection: leur existence discutée 31
2.2.6. Des étiologies plurifactorielles: vers un consensus? ....................... 31
2.2.7. Evolution ......................................................................... 34
2.2.8. Moyens thérapeutiques ........................................................ 35
3 - DEMENCES APPARENTEES ................................................................ 37
3.1. La démence à corps de Lewy .................................................... 37
3.2. La démence fronto-temporale .................................................. 38
3.3. Démence vasculaire .............................................................. 38
4 - LA
DEGRADATION DU SCHEMA CORPOREL CHEZ LA PERSONNE AGEE ATTEINTE D’UNE MALADIE
D'ALZHEIMER................................................................................ 39
5 - LES
TROUBLES DE L’IMAGE DU CORPS CHEZ UNE PERSONNE AGEE ATTEINTE DE MALADIE
D'ALZHEIMER................................................................................ 40
6 - LE DESSIN: UN INDICATEUR DE LA REPRESENTATION DE SOI ................................ 41
II) PARTIE EXPERIMENTALE ............................................................ 45
1 - COMPARAISON
DU SCHEMA CORPOREL DE DEUX POPULATIONS: PERSONNES AGEES SANS
TROUBLE NEUROLOGIQUE VERSUS PERSONNES AGEES ATTEINTES DE MALADIE D'ALZHEIMER
..... 45
1.1. Hypothèses générales théoriques .............................................. 46
1.2. Méthode ............................................................................ 47
1.3. Procédure .......................................................................... 51
1.4. Variables indépendantes ......................................................... 54
1.5. Variables dépendantes ........................................................... 54
1.6. Facteurs secondaires ............................................................. 54
1.7. Hypothèses opérationnelles ..................................................... 55
1.8. Résultats ........................................................................... 55
1.9. Analyse et interprétation des résultats ....................................... 67
2 - ESSAI D'ETALONNAGE .................................................................... 70
2.1. Le test du Dessin du Personnage en fonction de l'âge ....................... 70
2.2. Le test du Dessin du Personnage en fonction du MMSE ..................... 70
2.3. Conclusion.......................................................................... 71
III) ANALYSE CRITIQUE RELATIVE A LA METHODE ET AUX RESULTATS ........... 72
1 - INTERETS ET LIMITES DU TEST DU DESSIN DU PERSONNAGE ................................ 72
1.1. Pour la personne âgée ............................................................ 72
1.2. Pour les professionnels médicaux et paramédicaux ......................... 76
2 - UNE VARIABILITE INTERINDIVIDUELLE MAITRISABLE? ....................................... 79
2.1. Mémoire procédurale et compétences graphiques .......................... 80
2.2. L'apraxie constructive: facteur déterminant ................................. 80
2.3. Difficultés liées au diagnostic différentiel ................................... 81
3 - CONDITIONS EXPERIMENTALES: PRECISIONS
ET AMELIORATIONS NECESSAIRES ............... 82
3.1. Précision de la dégradation du schéma corporel grâce à une
différenciation des stades de la maladie d'Alzheimer ............................ 82
3.2. Le choix des tests ................................................................. 82
3.3. La taille de l'échantillon ......................................................... 84
4 - DISCUSSION ............................................................................. 85
CONCLUSION.............................................................................88
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................... 91
ANNEXE 1: MINI MENTAL STATE EXAMINATION ...................................... 95
ANNEXE 2: FEUILLE DE COTATION DU DP ............................................ 97
ANNEXE 3 : RESULTATS BRUTS - TABLEAUX ET GRAPHIQUES ................... 100
ANNEXE 4 : QUESTIONNAIRE ......................................................... 106
ANNEXE 5: EXEMPLES DE DESSINS DU PERSONNAGE.............................. 108
ANNEXE 5: PHRASES ASSOCIEES AUX DESSINS DU PERSONNAGE ................ 112
ANNEXE 6: AUTOPORTRAITS. WILLIAM UTERMOHLEN (1933-2007), ARTISTE
PEINTRE ATTEINT PAR LA MALADIE D'ALZHEIMER ................................ 113
Remerciements
Je tiens à remercier tout particulièrement Maud Lavergne et Noémie Dufour
pour le temps précieux que vous m'avez consacré, pour vos conseils, votre
écoute, votre bienveillance et votre soutien.
Je remercie également le docteur Michel d'Urso, Joanne et Ariane, vous qui
m'avez également soutenu dans cette démarche et qui m'avez éclairé sur de
nombreux points.
Un grand merci à Madame Piot et Madame Hedaya sans qui ce projet n'aurait
jamais vu le jour.
Merci aussi de tout cœur à Kadija, Jacquotte, Marie-José et Amélie.
Merci à Madame Cornot.
Un immense merci aux personnes venant à l'accueil de jour thérapeutique
Alzheimer ainsi qu'aux locataires de la résidence, qui ont tous accueillis mon
projet avec chaleur et bienveillance.
Je remercie également les médecins généralistes, gériatres, psychiatres et
autres spécialistes qui ont répondu à mon questionnaire.
Et puis, comment ne pas remercier mes chers parents sans qui rien de tout
cela n'aurait été possible. Merci Papa, merci Maman, pour votre foi en moi,
pour votre soutien le long de ses trois années (et plus!) d'études intenses,
pour vos relectures et vos critiques essentielles.
Merci à ma soeur, Flora, pour ta relecture passionnée et merci à Hugo, mon
frère, pour ton écoute et ta présence.
Merci également à Emilie, Marie-José, Sekou, Nadège, Marie-Nathalie, Coline
et Isabelle pour vos critiques constructives, vos relectures et vos conseils.
Enfin, un infini merci à Xavier pour ton écoute, ton soutien, tes paroles
rassurantes, tes conseils, tes critiques constructives et ta patience!
« On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années : on
devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau ;
renoncer à son idéal ride l’âme. Les préoccupations, les doutes, les craintes
et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la
terre et devenir poussière avant la mort. »
Douglas MacArthur
8
Introduction
La maladie d'Alzheimer est au cœur de l'actualité de la Santé. Elle fait
l'objet de nombreuses recherches cliniques et scientifiques. En
psychomotricité, le schéma corporel et l'image du corps de la personne âgée
atteinte de cette maladie, sont peu étudiés. Pourtant, ces deux concepts
sont en lien étroit avec d'autres aspects psychomoteurs qui concernent le
sujet âgé: le tonus, l'équilibre et la marche principalement. Par ailleurs, les
aspects psycho-sociaux tels que l'identité, l'investissement libidinal et
l'acceptation du vieillissement sont également impliqués.
Dans ce mémoire, je me suis intéressée à l'évaluation du schéma
corporel, autrement dit la représentation corticale du corps, chez les
personnes âgées présentant une pathologie neurodégénérative telle que la
maladie d'Alzheimer. Pour ce faire, j'ai choisi d'utiliser un test
psychomoteur, le test du Dessin du Personnage (DP), que j'ai soumis à la
corrélation du Mini Mental State Examination (MMSE), test cognitif global
utilisé pour évaluer le degré d'atteinte des troubles cognitifs. En fonction de
ce dernier, trois stades de la maladie d'Alzheimer sont généralement
observés (stade léger: 24<MMSE<18; stade modéré: 17<MMSE<10; stade
sévère: MMSE<9). Ainsi, l'échantillon de personnes âgées atteintes de la
maladie d'Alzheimer (MA) ayant participé à mon étude a été distribué en
fonction de ces stades. Une population de personnes âgées exempte de
trouble neurodégénératif a constitué le groupe témoin (MMSE > ou = 26).
Un étalonnage du test du Dessin du Personnage est-il réalisable ? Pour
répondre à cette interrogation, pivot de mon mémoire, j'ai dû me poser
plusieurs questions spécifiques. En tout premier lieu, je me suis demandé si
le schéma corporel se modifiait avec l'avancée en âge lors du vieillissement
normal et pathologique. Ensuite, je me suis interrogée sur l'évolution du
schéma corporel de la personne âgée atteinte par la maladie d'Alzheimer, en
fonction de l'avancée de la maladie (stades léger, modéré et sévère). Enfin,
j'ai comparé le schéma corporel d'une personne âgée saine et celui d'une
personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Comme tout sujet de recherche, celui-ci exige une rigueur et une
objectivité particulières. L'intérêt principal du test du Dessin du Personnage
réside dans son utilisation. Quelle serait sa finalité? Comment l'utiliser? À qui
9
pourrait-il servir et pourquoi?
Ainsi, les questions fondatrices de ma problématique ont été les
suivantes: comment les personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer
se perçoivent-elles et comment évolue cette perception dans le temps?
Comment évaluer quantitativement cette représentation de soi?
Afin de répondre à ces questions, j'ai choisi délibérément de centrer ce
travail sur la maladie d'Alzheimer, par nature extrêmement complexe et
difficile à cerner. De même, les notions de schéma corporel et d'image du
corps sont difficilement définissables. Le vieillissement normal et
pathologique (maladie d'Alzheimer et démences apparentées), ainsi que
l'état des lieux concernant le schéma corporel, l'image du corps et leurs
troubles dans cette population et enfin, l'intérêt du test du Dessin du
Personnage dans l'évaluation de la représentation de soi, sont présentés
dans la partie théorique. J'ai souhaité ensuite aborder la question de
l'évaluation de cette dégénérescence de soi en m'attachant aux éléments
psychomoteurs quantifiables, mettant partiellement de côté les aspects
psychologiques et sociaux sous-jacents, et ainsi justifier ma démarche
exposée en seconde partie.
10
I) Partie théorique
1- Le vieillissement
Vieillir est un processus naturel présent dans toute forme de vie. L'être
humain, conscient de sa propre finitude, pose un regard sur son vieillissement
qui dépend de sa propre représentation et de celle de la société à laquelle il
appartient. Pour Paulette GUINCHARD, ancienne secrétaire d'État aux
personnes âgées du gouvernement Lionel Jospin "il n'y a pas une vieillesse, ni
un prototype de l'individu âgé, mais toutes sortes de façons de vieillir, propres
à chacun et différentes selon les moments." (GUINCHARD-KUNSTLER, 2006, p.
79). Les modifications physiques, cognitives, psychiques et sociales qui
caractérisent le vieillissement vont être rappelées dans cette première
partie.
1.1. Définitions
La littérature offre de nombreuses définitions du vieillissement. Selon le
dictionnaire fondamental de la psychologie, le vieillissement est "l'ensemble
des transformations qui affectent la dernière période de la vie et qui
constituent un processus de déclin. [...] En ce sens, le vieillissement offre
apparemment l'image inversée du développement et a pu être décrit comme
une involution". (BLOCH et al., 2002, p. 1377).
L'Organisation Mondiale de la Santé indique que toute personne de 65
ans et plus est considérée comme âgée. Le troisième âge se caractérise par
une fin de l’activité professionnelle et une diminution du champ social de la
personne.
Le vieillissement normal peut être défini comme un « déclin progressif
des structures et fonctions perceptives » (ALBARET & AUBERT, 2001, p. 15)
qui peut « jouer un rôle dans la détérioration des fonctions motrices et
psychomotrices »
(ibid.). Il se traduit par une difficulté progressive de
l’organisme à s’adapter à son environnement. Il entraîne souvent une
fatigabilité plus importante et de fréquentes plaintes d’un déficit mnésique.
11
Par ailleurs, le vieillissement normal amène à un ralentissement mental et
moteur.
La
définition
donnée
par
Marie-Claire
MATE,
consultante
en
gérontopsychologie, nuance l’idée sous-entendue du caractère irréversible du
vieillissement. Pour elle, le vieillissement correspond à "la transformation
avec l'avance en âge de tout organisme vivant. Si certaines modalités de ce
processus sont réversibles, l'ensemble est ou paraît être irréversible. Ce
processus résulte d'un jeu complexe de progrès, comme la croissance en
taille, de régressions, comme la diminution de l'acuité visuelle, de
compensations, qui varient d'un individu à l'autre." (MATE, 1993, pp. 10-11)
Le vieillissement pathologique, lui, s'accompagne d'états lésionnels qui
modifient le vieillissement cognitif et psychomoteur normal avec, par
exemple un syndrome démentiel, un syndrome parkinsonien, ou encore des
accidents vasculaires cérébraux.
Cependant, un vieillissement réussi est possible puisque 7% de la
population âgée voit ses capacités intellectuelles s’améliorer avec l’âge.
Même si l’état de santé reste fluctuant avec l’avancée en âge, il peut rester
suffisamment bon pour assurer une autonomie jusqu’au dernier souffle.
La dépendance se définit par l'impossibilité partielle ou totale pour une
personne d'effectuer sans aide les activités de la vie, qu'elles soient
physiques, psychiques ou sociales, et de s'adapter à son environnement. Le
niveau de dépendance d’une personne âgée se mesure grâce à une grille
AGGIR 1 comprenant 6 niveaux (GIR). Le groupe GIR 6 réunit les personnes
âgées n’ayant pas perdu leur autonomie pour les actes essentiels de la vie
courante et le groupe GIR 1 regroupe les personnes âgées confinées au lit ou
au fauteuil, dont les fonctions mentales sont gravement altérées et qui
nécessitent une présence indispensable et continue d’intervenants.
1
La grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources) est un outil permettant d'évaluer
la perte d'autonomie d'une personne, principalement des personnes âgées, qu'elles résident en
institution ou à domicile. Elle permet une homogénéité du codage au niveau national du groupe IsoRessources (GIR) d'une personne dont le score est pris en compte dans la mise en place d'une aide à
la personne.
12
1.2. Le corps de la personne âgée
1.2.1. Aspects physiologiques
Les transformations physiologiques que je vais décrire affectent
notamment la mobilité et la posture des personnes âgée sans toutefois
entraîner systématiquement une dépendance. Il est classique de distinguer
deux domaines importants du vieillissement physiologique - physique et
cognitif - que nous allons parcourir. Rappelons que le vieillissement
physiologique est propre à chacun et dépend de nombreux facteurs comme
l'hygiène
de
vie
(tabagisme,
alcool,
activité
physique,
nutrition,
médication...), le matériel génétique de base, ou les antécédents médicaux,
chirurgicaux et psychiatriques.
Dans un premier temps, je présente les éléments importants du plan
physique, à savoir la musculature et l'ossature, la respiration, l'alimentation,
le sommeil et les organes des sens.
o Musculature
A
80
ans,
le
volume
de
la
masse
musculaire
s'est
réduit
considérablement, ce qui occasionne "une perte de force et de résistance à
l'effort de 30%" (JUHEL, 2010, p. 11). De même, la force des muscles
respiratoires s'est amoindrie et la pression et le flux sanguin artériels
pulmonaires décroissent, occasionnant un essoufflement de la personne âgée.
o Ossature
La masse osseuse diminue également avec l'âge, causant notamment
chez les femmes (masse osseuse moins importante que celle des hommes) de
l'ostéoporose prédisposant aux fractures. La hauteur des corps vertébraux
diminue également entraînant fréquemment une déviation de la colonne
vertébrale.
13
o Sommeil
Le rythme du sommeil se modifie. L'alternance de périodes de sommeil
et de veille au cours de la nuit est fréquente. La durée de sommeil diminue
(six heures en moyenne) tandis que le besoin de sommeil diurne, lui,
augmente.
o Nutrition
Le déséquilibre hormonal de l'appétit et de la satiété entraîne une baisse
de l'appétit. Une diminution de 20% de la masse hydrique est observée à 60
ans. La sensation de soif diminue avec l'avancée en âge.
o Organes des sens
- Une diminution graduelle de la vision et plus précisément de la
perception et de l'acuité visuelle est la conséquence directe du vieillissement
du cristallin de l'œil.
- L'oreille interne et le nerf auditif s'altèrent progressivement,
entraînant une diminution des performances auditives.
- Ensuite, la gustation et l'olfaction sont atteintes et sont "associées à la
diminution du nombre de papilles gustatives et à la baisse de leur efficacité.
On note une accentuation du goût de l'amer, une attirance pour le sucré et
une diminution de la capacité à identifier les odeurs." (JUHEL, 2010, p. 10)
- De même, la sensibilité thermique est atteinte. "La circulation
sanguine diminue au niveau capillaire, rendant la personne âgée plus sensible
aux changements de température. La diminution du métabolisme et la
réduction de la production de chaleur entraînent un abaissement de la
température du corps de 36,6 degrés à 36 comparativement à 37 chez
l'adulte." (id., p. 11)
14
- Enfin, apparaît une perte progressive de la sensibilité des récepteurs
cutanés, et notamment ceux de la plante des pieds affectant l'équilibre et la
coordination, accompagnée d'une diminution de la perception des vibrations.
Notons que l'organe sensoriel du toucher, la peau, revêt une importance
toute particulière pour l'être humain tout au long de sa vie. C'est l'organe
dont la superficie est la plus grande (environ 2 mètres carrés). La peau
marque la limite entre l'intérieur et l'extérieur de notre corps.
C'est
l'enveloppe corporelle et par extension, l'enveloppe psychique, qui nous
différencie individuellement des autres.
Didier ANZIEU a ainsi conceptualisé cette idée avec son ouvrage "Le Moipeau". Par ce concept, il désigne "une figuration dont le Moi de l'enfant se
sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter
lui-même comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son
expérience de la surface du corps. Cela correspond au moment où le Moi
psychique se différencie du Moi corporel sur le plan opératif et reste confondu
avec lui sur le plan figuratif". (ANZIEU, 1995, p. 61).
Au sens développemental, le sens du toucher est le premier à se mettre
en place mais aussi le dernier à perdurer. Le psychomotricien s'appuiera sur
cette donnée neurophysiologique dans sa prise en charge auprès de personnes
âgées en fin de vie. Le toucher thérapeutique favorise la conscience globale
du corps, restructure le schéma corporel et apporte un certain relâchement
tonique.
Dans un second temps, les fonctions intellectuelles supérieures de la
personne âgée ou ses capacités cognitives sont surtout atteintes dans leur
vitesse du traitement de l'information. En effet, le temps de réaction aux
stimuli est plus lent et la concentration lors d'une double-tâche devient plus
compliquée. La littérature indique une affectation potentielle normale de la
mémoire des faits récents, d'où une prise de décision plus longue que pour
l'adulte en bonne santé. Selon le neurologue et chercheur Christian BOCTI, ces
modifications seraient dues à la légère atrophie du lobe frontal et de
l'hippocampe, responsable des apprentissages nouveaux (cité dans JUHEL,
15
2010, p.12). De même, l'altération des membranes cellulaires ralentit l'influx
nerveux de 10 à 30% à partir de cinquante ans. Enfin, l'apparition de plaques
séniles et de la dégénérescence neurofibrillaire et la diminution modérée du
nombre de neurones participent également à ce ralentissement, selon les
écrits du docteur Danielle VAUTRIN. "A partir de la sixième décennie, le
cerveau perdrait 2% de son poids tous les dix ans en moyenne" (ibid.).
Cependant, ces altérations n'entravent que modérément les capacités
d'apprentissage et d'encodage dans la mémoire à long terme puisque "une fois
acquises, les nouvelles connaissances sont bien intégrées dans la mémoire"
(id. p. 13). La neurologue Mireille PEYRONNET reprend le concept de
plasticité neuronale pour affirmer ce constat: "Tout au long de notre vie, nous
nous servons de la plasticité de notre cerveau à notre insu. Nos neurones
disparaissent à la vitesse de 5% par décennie. Fort heureusement, en
vieillissant, nous augmentons le nombre de connexions synaptiques. Même à
un âge avancé, la plasticité neuronale est présente, laissant des possibilités
au cerveau de se régénérer" (PEYRONNET (2008) cité dans JUHEL, 2010, p.
13).
1.2.2. Aspects psychomoteurs
a. Le tonus et la posture se modifient
Selon Julian DE AJURIAGUERRA, neuropsychiatre, une légère hypertonie
d’opposition et une hypertonie plastique s’observent fréquemment chez les
sujets âgés. L’hypertonie d’opposition est considérée comme un trouble
tonico-émotionnel lors de la mobilisation passive du sujet. Ces phénomènes
prédominent dans un premier temps dans les membres inférieurs et ensuite
on observe une diffusion jusqu’au cou. Ce trouble tonico-émotionnel se
traduit par une élévation défensive du tonus. Par ailleurs, la posture, liée au
tonus d’attitude, se modifie avec le temps : le corps est plus rigide, les
épaules sont en antéflexion, le dos est cyphosé et l’élévation du regard est
plus difficile.
16
b. Un équilibre de plus en plus précaire
L’équilibre est fragilisé et la marche est « plus lente, moins sûre »
(ALBARET & AUBERT, 2001, p. 28). Le mouvement devient limité en amplitude
et le ballant des membres supérieurs diminue. La perte d’équilibre liée à
l’avancée en âge se traduit par une augmentation des « sentiments de
manque de stabilité, de vertige, d’insécurité ainsi que de dépendance lors des
déplacements » (id., p. 22). Elle occasionne des chutes dont 2,7 à 19%
seraient liées à l’instabilité posturale (RUBENSTEIN et al. (1988) cité dans
ALBARET & AUBERT, 2001, p. 23). Selon l’O.M.S., les chutes représentent la
première cause des décès accidentels après 65 ans (2/3 pour les femmes et
1/3 pour les hommes).
c. Une désorientation temporo-spatiale (DTS) possible
Elle peut être observée chez un sujet âgé. La DTS correspond à la
difficulté, pour le sujet qui en est atteint, de se repérer par rapport au temps
et à l’espace.
La désorientation spatiale correspond à la perturbation entre l’espace
réel et l’espace imaginaire. C’est la perte de la capacité à structurer l’espace
et à se le représenter. Si la perception spatiale du sujet semble conservée, en
revanche l’orientation et la structuration spatiale sont perturbées. Ces
différentes modifications amoindrissent les capacités de déplacement de la
personne âgée ainsi que son habileté de locomotion.
La désorientation temporelle, elle, correspond à la perte des repères
dans le temps. On retrouve une perception insuffisante ou erronée des faits
temporels (année, saisons, mois, jours, heures). Le préalable aux repères
dans le temps est d’avoir une bonne structure rythmique. Or, dans la DTS on
observe des troubles de la structuration rythmique qui ont pour conséquence
des troubles de l’orientation temporelle. La DTS est consécutive à la perte de
mémoire, c’est un des grands signes de la phase d’état de la maladie
d’Alzheimer ou d’un syndrome démentiel.
17
d. La double atteinte de la représentation de soi: celle du schéma corporel et de
l’image du corps
Les stimuli sensoriels moins bien perçus et les stimuli kinesthésiques plus
rares déstructurent le schéma corporel. Les modifications corporelles liées à
l'âge entraînent bien souvent une dévalorisation de l’image du corps et les
accidents et/ou maladies liés à l'âge la fragilisent d'autant plus.
Avant d'expliquer comment ces notions s'intriquent, il me semble
important de définir ces dernières et de montrer l'évolution de leur
conceptualisation.
1.3. Les concepts de Schéma Corporel et d’Image du Corps
et les conceptions actuelles
Au début du XXe siècle, Sigmund FREUD, le père de la psychanalyse et
neurologue de formation, évoque l'idée d'une constitution moïque érigée à
partir d'un substrat corporel - sans toutefois employer ni le terme de schéma
corporel ni celui d'image du corps: « Le Moi est avant tout un moi corporel, il
n'est pas seulement un Moi de surface, mais il est lui-même la projection
d'une surface [...] Le Moi est en dernier ressort dérivé de sensations
corporelles, principalement de celles qui naissent à la surface du corps, à
côté du fait qu'il représente la superficie de l'appareil mental
» (FREUD,
1923, p. 238). Ainsi, le lien étroit entretenu entre le schéma corporel et le
Moi est reconnu: il est désormais admis que la constitution du Moi psychique
est corrélée à la constitution du schéma corporel. Certains auteurs ont
développé cette hypothèse que je vais décrire ici.
A la fin de ce chapitre, nous verrons que les découvertes scientifiques du
XXIe siècle permettent de nouvelles hypothèses explicatives de cette énigme
qu'est la conscience de soi.
1.3.1. Le Schéma Corporel
Le terme de "schéma corporel" est issu des recherches en neurosciences.
Il désigne le corps en tant que référent spatio-temporel pour le mouvement. Il
s’établit sur des impressions sensorielles, proprioceptives, labyrinthiques,
18
posturales et motrices. Ce modèle perceptif est permanent, mais évolue sans
arrêt au fil du temps et des expériences sensori- et perceptivo-motrices.
La construction du schéma corporel est relative d'une part, à la
maturation neurologique d'un sujet (loi céphalo-caudale et proximo-distale) et
d'autre part, à ses expériences sensori-motrices qui le font évoluer dans un
univers spatio-temporel donné. Le neuropsychiatre et psychanalyste Julian de
AJURIAGUERRA résume l'évolution du schéma corporel de la façon suivante:
"Les notions de corps perçu, corps connu, corps représenté, corps vécu ont
des sens différents aux divers moments de l'évolution; elles dépendent de la
maturation, d'autre part de l'expérience vécue et de l'expérimentation qui
aboutit à la connaissance". (AJURIAGUERRA, 2010, p. 214)
Les auteurs sont nombreux à avoir tenté de donner une définition
complète et précise de ce concept. Selon AJURIAGUERRA, le schéma corporel
est
«
édifié
sur
la
base
des
impressions
tactiles,
kinesthésiques,
labyrinthiques, visuelles. Il réalise dans une construction active constamment
remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique qui
fournit à nos actes comme à nos perceptions le cadre spatial de référence où
ils prennent leur signification ». (cité dans ANDRÉ, BENAVIDÈS, & CANCHYGIROMINI, 1996, p. 234).
Paul SCHILDER, psychiatre et psychanalyste, a une conception plus
globale de la notion de schéma corporel, qu'il désigne également par le terme
d'image du corps ou encore, de modèle postural: "l’image de notre corps [est
celle] que nous formons dans notre esprit, autrement dit la façon dont notre
corps nous apparaît à nous-mêmes... Nous disons qu’elle est un schéma de
notre corps, ou schéma corporel, ou encore, comme le faisait Head pour bien
rendre l’importance qu’a ici la connaissance de la position du corps, un
modèle postural du corps. Le schéma corporel est l’image tridimensionnelle
que chacun a de soi-même" (SCHILDER, 1968).
Enfin, pour Françoise DOLTO, pédiatre et psychanalyste, "Le schéma
corporel est une réalité de fait, il est en quelque sorte notre vivre charnel au
contact du monde physique. Nos expériences de notre réalité dépendent de
l’intégrité de l'organisme, ou de ses lésions transitoires ou indélébiles,
neurologiques,
musculaires,
osseuses,
et
aussi
de
nos
sensations
19
physiologiques,
viscérales,
circulatoires
on
les
appelle
encore
coenesthésiques." (DOLTO, 1984, p. 18).
1.3.2. L'Image du Corps, un concept "controversé"
Si la notion de schéma corporel est classiquement décrite comme étant
de nature consciente et neurologique, l'image du corps, elle, est souvent
considérée comme relevant de l'inconscient. Elle a donc été plus
fréquemment explicitée par les psychologues et les psychanalystes.
Cependant, tous les auteurs ne différencient pas les deux concepts, tel
que Paul SCHILDER pour qui "le sens postural joue un rôle dans la
connaissance que nous avons de notre corps" (SCHILDER, 1968, p. 44). La mise
en mouvement de notre corps facilite notre orientation spatiale et notre
connaissance de nous-même: "Il est remarquable, comme SCHOLL l’a aussi
souligné, que le mouvement nous aide à mieux nous orienter dans l’espace
par rapport à notre corps. Nous n’en savons pas grand-chose tant qu’il reste
immobile […] La connaissance du corps dépend dans une grande mesure de
l’activité" (id. p. 132).
De même, Eric PIREYRE, dans son récent ouvrage "Clinique de l'image du
corps, du vécu au concept", soulève la difficulté à définir ces termes:
"L'image, comme le schéma (un plan et "un schéma de pensée"), peut donc
être matérielle et immatérielle. Il est quasiment impossible de différencier
les deux termes, ni par l'étymologie ni par la sémantique. Définir le terme
"schéma" par celui d'"image" peut s'accepter d'un dictionnaire destiné au grand
public: mais ce choix du rédacteur reflète, comme un symptôme, les
imprécisions, pour l'époque, de ces deux termes dans le domaine qui nous
intéresse". (PIREYRE, 2011, p. 11). Il affirme qu'"il est nécessaire [...]
d'abandonner le terme de schéma corporel, trop imprécis et ne renvoyant pas
assez clairement à ce qu'il est censé définir et de lui préférer la terminologie
des neurophysiologistes de "sensibilité somato-viscérale"" (PIREYRE, 2011, p.
11).
Pour Françoise DOLTO, en revanche, le schéma corporel et l'image du
corps sont deux notions distinctes. Dans son ouvrage "L'image inconsciente du
corps", elle écrit: "Si le schéma corporel est en principe le même pour tous les
20
individus (à peu près de même âge, sous le même climat) de l’espèce
humaine, l’image du corps, par contre, est propre à chacun: elle est liée au
sujet et à son histoire. (...) l’image du corps est éminemment inconsciente,
[...] [elle] est la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles :
interhumaines, répétitivement vécues à travers les sensations érogènes
électives, archaïques ou actuelles. Elle peut être considérée comme
l’incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant". (DOLTO, 1984, p.
22). Par ailleurs, elle note l'interdépendance de ces deux notions: "C’est grâce
à notre image du corps portée par - et croisée à - notre schéma corporel que
nous pouvons entrer en communication avec autrui; c'est dans l'image du
corps, support du narcissisme, que le temps se croise à l'espace, que le passé
inconscient résonne dans la relation présente... C'est par les deux processus
que sont tensions de douleur ou de plaisir dans le corps, d'une part, paroles
venues d'un autre pour humaniser ces perceptions, d'autre part, que le
schéma corporel et l'image du corps sont en relation" (id. p. 41).
1.3.3. Image composite du corps et cartographie corporelle
Éric PIREYRE enrichit le concept d'image du corps en proposant le terme
d' "image composite du corps" (PIREYRE, 2011, p. 48). Cette image composite
du corps serait constituée de sous-composantes de l'image du corps, qui
seraient les suivantes: "la sensation de continuité d'existence, l'identité,
l'identité sexuée, la peau physique et psychique, la représentation de
l'intérieur du corps, le tonus, la sensibilité somato-viscérale, les compétences
communicationnelles du corps et les angoisses corporelles archaïques" (ibid.).
Il rejoint la conception neuroscientifique d'Antonio DAMASIO pour qui la
"cartographie corporelle" (DAMASIO, 2010, p. 116) est la clé de la
compréhension de la conscience de soi. Cette cartographie corporelle serait
le substrat physique, neuronal et d'emplacement cortico-sous-cortical, du
schéma corporel et de l'image du corps: "[...] certains aspects de la structure
physique et du fonctionnement du corps sont gravés dans les circuits
cérébraux, dès le début du développement; ils engendrent des structures
d'activité persistantes" (DAMASIO, 2010, p. 117). De plus, la plasticité
neuronale expliquerait la variabilité dans le temps et dans l'espace de la
perception de notre corps puisqu'il dit que "l'activité cérébrale recrée en
permanence une version du corps" (ibid.)
21
Je me suis demandée comment évolue la représentation de soi dans une
pathologie neurodégénérative telle que la maladie d'Alzheimer, et s'il est
possible d'évaluer quantitativement cette évolution probable.
2 - La maladie d’Alzheimer
"La démence se définit principalement par la présence de troubles
comportementaux et cognitifs, acquis, progressifs, et chroniques." (ALBARET
& AUBERT, 2001, p. 115). Elle concerne principalement le sujet âgé.
La
maladie d'Alzheimer (MA) ou démence de type Alzheimer (DTA) est la plus
fréquente des démences.
Je vais décrire cette pathologie neurodégénérative avant de m'intéresser
aux deux aspects psychomoteurs de cette maladie, le schéma corporel et
l'image du corps, qui semblent participer à la représentation de soi, ou
autrement dit, à la conscience de l'identité propre à chacun.
2.1. Les critères de la "Démence de la maladie
d'Alzheimer" selon la CIM-102 (OMS, 1994)
"- Répond aux critères généraux d'une démence, soit altération de la mémoire
(légère, moyenne ou sévère) et altération d'autres fonctions cognitives depuis
au moins six mois, persistance de la conscience de l'environnement, altération
du comportement émotionnel, du comportement social ou de la motivation;
- absence d'arguments en faveur de toute autre cause de démence (par
exemple, maladie cérébro-vasculaire, par VIH, de Parkinson, de Huntington,
hydrocéphalie), d'une maladie somatique (par exemple, hypothyroïdie,
carence en vitamine B12 ou en acide folique, hypercalcémie) ou d'un trouble
2
La Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10 e
révision (connue sous la "CIM-10") est une liste de classifications médicales codant notamment les
maladies, signes, symptômes, circonstances sociales et causes externes de maladies ou de
blessures, publiée par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
22
mental organique induit par l'alcool ou une autre substance psycho-active."
(ALBARET & AUBERT, 2001, p. 45)
Je vais maintenant développer la maladie d'Alzheimer en détails, puis
présenter succinctement les pathologies démentielles les plus fréquentes qui
lui sont apparentées. Les symptômes de ces démences (Alzheimer, corps de
Lewy,
fronto-temporale,
vasculaire
et
mixte)
ont
leurs
propres
caractéristiques, bien que le diagnostic soit souvent délicat à poser. J'ai choisi
d'écarter de mon étude les personnes présentant une de ces démences
apparentées. Cette sélection, nous allons le voir, a été faite non sans
difficulté.
2.2. La maladie d’Alzheimer
La maladie d'Alzheimer (MA), est la plus fréquente cause de démence
chez la personne âgée puisqu'elle en représente 70%. Cette pathologie s'incrit
dans une compréhension plurifactorielle. Un lieu commun voudrait qualifier
cette maladie de "retour en enfance" de la personne atteinte. L'enfant, lui,
tend vers une autonomie grandissante tandis que la personne âgée malade
voit au contraire, son champ des possibles s'amoindrir. Ainsi que le psychiatre
Pierre CHARAZAC le rappelle: "Tandis que l’évolution de la dépendance de
l’enfant suit les étapes du développement du moi, celle du patient Alzheimer
reflète les étapes de la perte d’identité" (CHARAZAC, 2009, p.40).
2.2.1. Définition
La maladie d'Alzheimer, décrite pour la première fois par Aloïs
ALZHEIMER en 1906, est une pathologie neurodégénérative dont les atteintes
multiples sont cognitives, fonctionnelles, comportementales et psychoaffectives. Ces détériorations, progressives et irréversibles, semblent causées
notamment par la présence de plaques séniles et de dégénérescences
neurofibrillaires observables jusque récemment uniquement post-mortem lors
d'une autopsie. Les travaux de Bruno DUBOIS, professeur de neurologie à
l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière, et de ses collaborateurs montrent qu' "il n’est
plus nécessaire d’attendre l’examen post-mortem pour confirmer la maladie
23
d'Alzheimer, le diagnostic peut désormais être posé grâce aux biomarqueurs
identifiables facilement chez les patients vivants, même à un stade très
précoce de la maladie" (DUBOIS, 2010). Par ailleurs, les nombreux tests
neuropsychologiques3 viennent compléter et affiner le diagnostic.
2.2.2. Problématique de la terminologie
Au siècle dernier, le terme de "démence présénile" prévalait quand la
maladie commençait avant 65 ans et celui de "démence sénile" était employé
après 65 ans. On sait maintenant que ces deux groupes représentent la même
affection, d’après les données neuropathologiques. L’ensemble de ces
démences est donc actuellement regroupé sous le terme de "démence de type
Alzheimer" (DTA) ou encore de "maladie d'Alzheimer" (MA).
Se posent alors certains problèmes éthiques qui retentissent de façon
non-négligeable sur les différentes approches thérapeutiques pratiquées
auprès des personnes âgées concernées et sur l'investigation des différents
domaines
de
recherche
(médicale,
pharmaceutique,
psychiatrique,
psychologique et neuropsychologique, psychomotrice, orthophonique...).
Michel PONCET, neuropsychiatre à l'Institut de la Maladie d'Alzheimer (CHU
Timone, Marseille) et membre du comité de pilotage de l’EREMA (Espace de
Réflexion Ethique sur la Maladie d'Alzheimer) le souligne: "L’éponyme «
maladie d’Alzheimer » est actuellement utilisé pour qualifier la quasi-totalité
des affections responsables de troubles cognitifs et comportementaux
d’installation insidieuse et d’aggravation progressive. Sa sur utilisation,
indéniable, pose des problèmes éthiques qui mériteraient d’être discutés car
elle n’est pas sans danger pour la clinique, la recherche clinique, la vision que
nous avons des sujets âgés en difficulté, etc.[...]." (PONCET, 2011).
D'emblée, une première difficulté apparaît, avec l'intuition qu'une
évolution des mœurs et des pratiques actuelles faciliterait toute entreprise
de recherche rigoureuse et quantifiable dans le domaine.
3
Principalement: le Mini Mental State Examination, le test des cinq mots de Dubois, le test de
l'horloge, RL-RI 16 (Grober et Buschke), TMTA-TMTB, Mattis et la figure de Rey.
24
2.2.3. Epidémiologie4 ou l'expression chiffrée d'une préoccupation
sanitaire et sociale
La démence est une affection déjà présente chez les personnes âgées
dans l'Antiquité. Ainsi, Juvenal, poète satirique du 1er siècle, écrit: "Misère
pire encore que toutes les déchéances physiques, le vieillard n'a plus sa tête à
lui. Il ne se rappelle pas le nom de ses esclaves, il ne reconnaît ni le visage
d'un ami avec lequel il a soupé la nuit passée, ni ses enfants qu'il a
engendré..."
(AQUINO,
2007).
Actuellement,
la
forte
prévalence
et
l'inquiétante incidence semblent s'expliquer par le diagnostic précoce et
l'augmentation de l'espérance de vie.
-
La prévalence
La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies neuro-
dégénératives. Selon les études, elle serait en cause dans 70 % des troubles
chez les personnes âgées de plus de 65 ans, et dans 50 % des cas chez les
malades jeunes. Elle affecterait plus de 25 millions de personnes dans le
monde (dont la moitié dans les pays occidentaux dans lesquels l’âge moyen de
la population est élevé). En France, on estime à 860 000 personnes le nombre
de personnes atteintes d’Alzheimer ou de maladies apparentées. Selon
l’étude PAQUID (personnes âgées QUID), l’affection touche plus de femmes
que d’hommes puisqu’au-delà de 75 ans, les proportions sont de 13,2 % pour
les hommes et de 20,5 % pour les femmes. Au-delà de 85 ans, la prévalence
s’accroît de manière exponentielle avec une proportion de 25 % de sujets
atteints. Les formes précoces ne sont pas rares puisqu’elles concernent 32 000
cas avant 60 ans et 1 000 cas avant 50 ans.
-
L'incidence
L’incidence s’élève actuellement à 225 000 nouveaux cas par an en
France et l’espérance de vie après l’apparition des symptômes est en
moyenne de 8,5 ans. Le niveau de dépendance est très variable et
actuellement 40 % des patients sont pris en charge dans une institution, ce qui
signifie que 60 % des sujets atteints sont à la charge des familles.
4
www.francealzheimer.org
25
Les recherches clinique et scientifique s'avèrent indispensables pour
tenter de pallier à ce problème de santé publique, dans un contexte de
vieillissement important de la population.
2.2.4. Les manifestations cliniques
La pathologie, à départ hippocampique (siège de la mémoire), touche
principalement les fonctions mnésiques, praxiques, gnosiques, phasiques et
exécutives auxquels s'ajoutent des troubles de l'orientation spatio-temporelle
et des troubles psycho-comportementaux.
a. Les troubles mnésiques
La mémoire, cette fonction cognitive complexe, permet d'assurer la
cohérence et la continuité de l'histoire d'un individu, tout en construisant et
en maintenant son sentiment d'identité. Le système mnésique fonctionne
grâce à plusieurs systèmes interdépendants que je vais maintenant détailler.
- La mémoire sensorielle correspond à l'aptitude des organes des sens à
conserver brièvement (entre 250 et 500 millisecondes) l'empreinte d'un
stimulus sensoriel. Ainsi, nous possédons une mémoire échoïque (auditive),
une mémoire iconique (visuelle), une mémoire haptique (tactile), une
mémoire gustative et une mémoire olfactive, toutes responsables de nos
éprouvés sensoriels. L'expérience de la madeleine de Proust en est la preuve:
une perception sensorielle peut raviver un souvenir chargé émotionnellement.
La courte persistance de ces informations sensorielles couplée à notre
mémoire à plus long terme et à notre mémoire émotionnelle nous permet de
percevoir l'environnement dans lequel nous évoluons.
- La mémoire de travail permet de garder en mémoire temporairement
des informations pour une utilisation immédiate, comme par exemple pour
composer un numéro de téléphone. Elle est de court terme et limitée en
nombre d’informations. Nous savons qu’une personne sans trouble particulier
peut, en moyenne, maintenir dans cette mémoire entre cinq et neuf
informations différentes (empan mnésique). Dans la maladie d'Alzheimer, elle
26
diminue graduellement, jusqu'à zéro parfois. C’est un phénomène appelé
oubli à mesure.
- La mémoire à long terme concerne les informations encodées et
stockées dans le cortex cérébral. Cette mémoire est constituée de deux
entités : la mémoire épisodique, qui correspond aux évènements de l'histoire
personnelle et la mémoire sémantique qui, elle, est constituée de
connaissances apprises.
- La mémoire procédurale correspond à l’automatisation motrice d’un
apprentissage (habiletés motrices, savoirs-faire (tricoter, faire du vélo,
écrire...)). On peut faire appel à cette mémoire procédurale même à un stade
évolué de la maladie. De nouveaux automatismes, simples, peuvent être ainsi
créés. La psychomotricité a alors toute sa place pour ce type de mémoire
dans la prise en charge de personnes en fin de maladie.
- La mémoire corporelle, elle, ne rentre pas dans la catégorie des
fonctions cognitives dites supérieures. La mémoire du corps est beaucoup plus
archaïque et inconsciente. Comme le rappelle Alice Miller, psychothérapeute
"C'est la mémoire corporelle et émotionnelle, par définition non contrôlée par
l'esprit, qui dirige la main." (MILLER, 2002). Le toucher thérapeutique utilisé
par les psychomotriciens fait appel à cette mémoire.
Si l'oubli est un processus nécessaire à la vie de chacun (nous stockons
les informations pertinentes de notre environnement et oublions celles que
nous savons inutiles, bien que ces dernières laissent tout de même une trace
inconsciente), il devient une des caractéristiques principale de la maladie
d'Alzheimer. En début de maladie, ce sont d’abord les faits récents qui ne
sont plus traités. En l'absence de traitement de l'information, la récupération
est inenvisageable puisque l'information n'est pas inscrite. Puis, il y aura un
processus d’effacement des souvenirs, atteignant progressivement l’histoire
de la personne.
b. L'apraxie
L'apraxie est un "trouble de l'activité gestuelle apparaissant chez un
sujet dont les organes d'exécution sont intacts (n'ayant pas d'atteinte
27
paralytique motrice ni coordinatrice) et qui possède la pleine connaissance de
l'acte à accomplir" (BLOCH, 2002, p. 98).
Dans la maladie d'Alzheimer, l'apraxie touche d'abord des actions
complexes comme l’écriture, pour à terme se manifester dans des gestes
simples, comme mâcher ou avaler des aliments. Ce trouble est à l’origine
d’une grande perte d'autonomie et nécessite l'aide d'un tiers pour les gestes
de la vie quotidienne.
c. Les agnosies
L'agnosie concerne les capacités de reconnaissances. Elle correspond à
l’incapacité de faire le lien entre un objet et son utilité. C'est "l'atteinte des
fonctions d'intégration perceptive caractérisée par une incapacité d'identifier
certains objets et formes. On distingue, selon la modalité sensorielle
concernée, des agnosies tactiles, auditives et visuelles [...]. On décrit aussi
des agnosies somatiques (somatognosies) liées à des perturbations du schéma
corporel. Les lésions corticales responsables de ces troubles se situent
essentiellement dans le lobe pariétal pour les agnosies tactiles et somatiques,
dans le lobe temporal pour les agnosies auditives et dans le lobe occipital
(aires associatives) pour les agnosies visuelles". (id., p. 37-38)
Très souvent, les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer souffrent
d’agnosie visuelle. Cependant, d’autres modalités sensorielles encore
préservées peuvent être utilisées pour compenser cette perte, comme le sens
tactile. Au quotidien, les agnosies sont à l’origine de nombreux troubles du
comportement.
Dans ce type de maladie on retrouve spécifiquement deux agnosies bien
particulières :

La prosopagnosie. Elle concerne la difficulté à reconnaître les visages. C’est à
cause de cette agnosie spécifique que les personnes parfois ne reconnaissent
pas l'entourage. Ce trouble arrive assez tardivement dans l'évolution de la
maladie.

L’anosognosie. Elle est parfois confondue avec le déni, qui est un mécanisme
de défense psychologique. Il s’agit de la non-reconnaissance de sa maladie.
28
Les troubles de la mémoire, de l’orientation, des gestes, ne sont pas perçus
par le malade. Cette agnosie rend l’accompagnement difficile car elle
empêche la mise en place de stratégies conscientes de compensation par le
malade et suscite des réactions d’agressivité car celui-ci ne peut pas accepter
les mesures d'adaptation de sa vie quotidienne. Ces dernières lui semblent
totalement injustifiées.
d. Les aphasies
L'aphasie correspond à "l'ensemble des troubles du langage consécutifs à
une atteinte cérébrale, plus souvent corticale que sous-corticale et
hémisphérique gauche que droite" (BLOCH, 2002, p. 77), le langage étant
structurellement dominant dans l'hémisphère gauche (aires de BROCA pour sa
production et de WERNICKE pour sa compréhension).
Dans la maladie d'Alzheimer, l’aphasie peut toucher les capacités de
compréhension et de production. La difficulté ou l'impossibilité à s'exprimer
peut se développer de plusieurs manières : réduction du vocabulaire pouvant
aller jusqu'au mutisme; écholalie, jargon, logorrhée... Les difficultés de
compréhension du langage sont également progressives. Au début, certaines
phrases compliquées ou un vocabulaire précis mettent la personne en
difficulté. Graduellement, des phrases ou des mots simples perdent leur
signification.
e. Les troubles exécutifs
Les fonctions exécutives coordonnent des actions et des pensées
finalisées vers un but. Elles correspondent à la "capacité à penser de façon
abstraite, de planifier, initier, organiser dans le temps, contrôler et arrêter
un comportement complexe" (PANCRAZI, 2004, p. 147). Elles sont rapidement
atteintes dans la maladie d'Alzheimer. Leurs manifestations cliniques
dépendent de l'atteinte corticale prévalente (cortex pré-frontal, moteur,
limbique et aires sensorielles associatives).
29
f. La désorientation temporo-spatiale (DTS)
La désorientation dans le temps se traduit souvent dans un premier
temps par une difficulté à retenir la date du jour. Elle apparaît généralement
de façon assez précoce dans la maladie d'Alzheimer.
La désorientation dans l’espace est habituellement plus tardive mais
aussi plus spécifique. Lorsque le patient se trouve dans des lieux inhabituels,
non familiers, il éprouve des difficultés à s'y repérer. Plus tard, la
désorientation spatiale touchera les trajets habituels et les espaces familiers,
tel que le lieu de vie de la personne.
g. Les troubles psycho-comportementaux
Il s'agit des changements dans le comportement du patient apparus
depuis le début de la maladie et repérés par l'entourage comme perturbants.
La NPI (Neuropsychiatric Inventory) permet d’évaluer douze troubles du
comportement regroupés en cinq groupes:

Apathie: la perte d'initiative est au premier plan.

Symptômes pseudo psychotiques dont des idées délirantes et des
hallucinations

Symptômes d'hyperactivité: une agitation et/ou de l'agressivité peuvent
apparaître. Des comportements moteurs aberrants tels que la déambulation
peuvent
être
observés
chez
certaines
personnes.
L'irritabilité
et/ou
l'instabilité de l’humeur sont également fréquentes. Enfin, une désinhibition
ou encore, de l'euphorie sont assez fréquemment observés.

Symptômes affectifs: dépression et anxiété.

Symptômes végétatifs: troubles du sommeil et troubles de l’appétit
(anorexie ou hyperphagie).
30
2.2.5. Facteurs de risque et facteurs de protection: leur
existence discutée5
L'âge est indiscutablement un facteur de risque. Une personne âgée de
plus de 80 ans a plus de risque de développer la maladie qu'une autre. Les
femmes sont également plus touchées que les hommes. Leur risque relatif
s’établit entre 1,5 et 2 cas (pour 1 cas masculin). De plus, la maladie
d’Alzheimer possède une base génétique. Le risque de la contracter est en
effet multiplié par trois si un apparenté au premier degré est touché, par sept
si deux ou plus le sont. Cet aspect est développé plus loin. L’environnement
joue aussi un rôle. Parmi les facteurs de risque ayant été cités dans la
littérature, mais toujours débattus, on peut citer le (faible) niveau de revenus
et d’instruction, l’exposition à l’aluminium et aux solvants organiques, les
microtraumatismes crâniens à répétition ou une moindre stimulation
intellectuelle.
Les facteurs protecteurs comme la consommation régulière de vin rouge
en petites quantités (étude PAQUID), les traitements anti-inflammatoires à
base de substances non stéroïdiennes, le traitement hormonal de substitution
ou la consommation régulière d’antioxydants sont tout aussi discutés.
2.2.6. Des étiologies plurifactorielles: vers un consensus?
Les causes de la maladie d'Alzheimer, étudiées depuis plus d'un siècle,
semblent multifactorielles. Les facteurs neurobiologiques, indéniables,
pourraient s'adjoindre à certaines composantes environnementales et psychoaffectives. Dans cette partie, je présente ces trois domaines de recherche.
a. Neuropathologie
Le schéma ci-après illustre les conséquences physiologiques de la
maladie d'Alzheimer sur le cerveau, causées par la prolifération des plaques
séniles et des dégénérescences neurofibrillaires, caractéristiques principales
de cette pathologie neurodégénérative que je développe ici.
5
http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologiepsychiatrie/dossiers-d-information/alzheimer
31
Conséquences physiologiques sur le cerveau de la maladie d'Alzheimer6
Les plaques séniles, essentiellement localisées dans le néocortex et
l'hippocampe, correspondent à l'accumulation extracellulaire d’un peptide dit
« β-amyloïde » (PbA). Cette anomalie permettrait une entrée anormale de
calcium
dans
le
neurone,
ce
qui
activerait
la
microglie
(réaction
inflammatoire), entraînant la mort inéluctable du neurone par nécrose ou par
apoptose (encore appelé "mort cellulaire programmée". Il s'agit du processus
par lequel des cellules déclenchent leur auto-destruction en réponse à un
signal).
Les
dégénérescences
neurofibrillaires
sont
augmentation de la capacité de phosphorylation
7
consécutives
d'une
de la protéine Tau,
macromolécule essentielle à la stabilité de la tubuline 8 . Les substances
nécessaires au fonctionnement du neurone ne pouvant plus être acheminées
jusqu'au corps cellulaire, le neurone finit par mourir.
La recherche génétique a mis en évidence des mutations génétiques dans
les formes familiales de la maladie à début précoce. Les études de jumeaux
confirment cette agrégation familiale. Trois gènes 9 sont impliqués dans les
formes familiales précoces, associées à une transmission autosomique
dominante. Néanmoins, cette forme ne représente qu'entre 5% et 7% des
patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Dans la forme la plus courante
dite sporadique ou tardive, la présence d'allèles de plusieurs gènes codant en
particulier pour l'apolipoprotéine E augmente de façon significative le risque
6
http://www.ahaf.org/alzdis/about/adabout.htm
Addition d'un groupe de phosphate à une protéine
8
Protéine constituant majoritairement l'assemblage des microtubules qui forment le cytosquelette
des axones neuronaux
9
APP, préséniline 1, préséniline 2
7
32
de développer la maladie. Plusieurs associations génétiques ont été décrites
dans les formes tardives. L’allèle APOEe4, présent chez 10 à 20 % de la
population, multiplie par exemple le risque de maladie d’Azheimer par deux.
b. Facteurs environnementaux
La piste environnementale fait l'objet de diverses recherches. La
présence de métaux comme l'aluminium sous sa forme hydrique, l'exposition à
des solvants ou aux champs électromagnétiques, le contact avec les métaux
lourds tels que le mercure, des amalgames dentaires sont des hypothèses qui
sont envisagées sans toutefois qu'aucun consensus médico-scientifique n'ait
été trouvé à ce jour. Ces pistes, encore insuffisamment concordantes
scientifiquement et lourdes de conséquences économiques, n'incitent pas les
gouvernements à prendre de quelconques mesures sanitaires. Comme je l'ai
évoqué plus haut, il est également envisagé que des micro-traumatismes
crâniens répétés et un faible niveau intellectuel soit à l'origine de la maladie.
c. Psychiatrie
Conscients des enjeux neurologiques et lésionnels de la maladie
d'Alzheimer,
certains
auteurs
d'orientation
psychanalytique
proposent
l'existence d'une composante psycho-dynamique à l'œuvre dans le processus
démentiel.
Le psychiatre Jean MAISONDIEU développe une thèse centrée sur
l'angoisse de mort des personnes âgées démentes. "La psychopathologie de la
vieillesse peut être vue sous cet éclairage: la peur de mourir, d'autant plus
grande que l'échéance paraît plus proche" (MAISONDIEU, 2011, p. 174). Il
affirme qu' "il faut contester l'explication univoque par une atteinte cérébrale
exclusive, et non pas seulement lui adjoindre la dimension psychique si
importante et si négligée jusqu'à ces dernières années". (id. p. 172).
Pour Pierre CHARAZAC, psychiatre également, la perte d'identité
occasionne les troubles cognitifs retrouvés dans la démence de type
Alzheimer et non l'inverse. "C’est le moi lui-même qui se trouve atteint et son
identité perdue" (CHARAZAC, 2009, p. 9)
33
d. Multifactorialité
Je tends à partager la conception multifactorielle de Louis PLOTON,
professeur de gérontologie à Lyon II. Ce dernier pense que les aspects
neurologiques
et
psychiques
doivent
s'adjoindre
pour
une
meilleure
compréhension de la maladie d'Alzheimer. Il invite d'ailleurs à une réflexion
complémentaire à celle prédominante sur la question de la prise en charge
non médicamenteuse et sur l'accompagnement psychologique des aidants,
qu'ils soient familiaux ou professionnels.
Marion PERUCHON s'attache également à concevoir la maladie d'Alzeimer
comme étant d'étiologie plurifactorielle. Dans un de ses ouvrages, elle
développe l'idée d'une approche complexe de cette démence alliant la
psychosomatique et la neuropsychanalyse. Elle analyse notamment la manière
dont les personnes touchées par cette pathologie peuvent sublimer cette
dernière. J'y reviendrai dans la discussion à la fin de ce mémoire.
2.2.7. Evolution
La maladie d'Alzheimer est à ce jour incurable et irréversible. L'évolution
est la plupart du temps lente et insidieuse, malgré des disparités observées
entre les patients. A l'annonce de la maladie, l'espérance de vie est estimée
entre 5 et 7 ans, parfois plus.
Classiquement, trois stades d'évolution de la maladie sont décrits. Le
premier stade dit "léger", le second dit "modéré" et enfin, le troisième et
dernier stade dit "sévère". Chaque stade correspond à une fourchette de
scores obtenus au Mini Mental State Examination (MMSE) 10 , un des tests
neuropsychologiques pratiqué lors d'une suspicion de démence et dans le
cadre de son suivi. Ainsi, le stade léger correspond aux personnes obtenant un
score au MMSE compris entre 24 et 18. Le stade modéré inclut des scores
MMSE compris entre 17 et 10. Enfin, le stade sévère correspond aux scores
inférieurs à 9.
10
Ce test, de passation rapide, explore l'orientation temporo-spatiale, l'apprentissage, le calcul et
l'attention, la mémoire à court terme, le langage et la praxie constructive. Un score inférieur à 24
sur 30 confirme fortement la présence d'une démence mais ne permet en aucun cas de la
diagnostiquer. Seuls des examens complémentaires d'imagerie cérébrale ainsi que des tests
neuropsychologiques le permettent. Le MMSE servira par la suite à suivre l'évolution de la démence
diagnostiquée.
34
Notons qu'actuellement, il n'existe pas de consensus à proprement parler
pour décrire l'évolution des stades de la maladie; certains ajoutent le stade
dit "modérément sévère", d'autres pas. Pour éviter toute confusion, j'ai décidé
d'utiliser les trois stades précédemment décrits.
2.2.8. Moyens thérapeutiques
En 2000, Michel YLIEFF, psychologue spécialiste du vieillissement,
distingue trois types de prise en charge du patient dément:
"- l'approche médicale (organogénétique), adoptée par les généralistes
et les neurologues, utilisant les moyens pharmacologiques pour atténuer les
troubles gênants des patients;
- l'approche relationnelle (psychogénétique), proposée par des psychiatres et
des psychologues, s'inspirant des théories analytiques, systémiques ou
humanistes dans le but de réanimer le travail psychique du sujet par la
communication, l'écoute et le dialogue (MAISONDIEU, 1989, PLOTON, 1995);
-
l'approche réadaptative, développée par des psychologues et des
ergothérapeutes qui envisage l'étude, l'analyse et le traitement des troubles
cognitifs, des conduites déficitaires, des perturbations comportementales et
de l'humeur, en rapport avec la maladie, mais aussi en réaction avec
l'environnement, l'entourage familial et le soignant (YLIEFF, 1989, VAN DER
LINDEN, 1994)." (Cité dans LESNIEWSKA, 2003, pp. 19-20)
Arrêtons-nous sur les aspects médicamenteux et non-médicamenteux
utilisés actuellement pour "traiter" la maladie d'Alzheimer.
a. Traitements médicamenteux
Il existe quatre sortes de médicaments visant à réduire les symptômes
de la maladie d'Alzheimer: les anticholinestérasiques (donépézil, galantamine,
rivastigmine) aux stades léger, modéré et modérément sévère de la maladie
d’Alzheimer et la mémantine aux stades modéré, modérément sévère et
sévère. Depuis 2008, la Haute Autorité de Santé (H.A.S.) a actualisé sa
recommandation «Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et
35
des maladies apparentées» publiée en mars 2008 et retirée par la H.A.S. en
mai 2011. Elle reconnaît "l'efficacité modeste" des médicaments cités plus
haut (profits pharmaceutiques) et la nouvelle recommandation parue dans la
Commission de la Transparence sur les médicaments de la maladie
d’Alzheimer rendue le 27 octobre 2011 est la suivante:
"Le traitement médicamenteux est une option dont l’instauration ou le
renouvellement
est
laissé
à
l’appréciation
du
médecin
spécialiste
prescripteur; - au-delà d’un an, une concertation pluri professionnelle avec
le patient (si son état le permet), son aidant, le médecin généraliste traitant,
le gériatre et le neurologue ou le psychiatre est préconisée pour réviser la
prescription et vérifier l’intérêt pour le patient de poursuivre le traitement
et ce, afin d’assurer un suivi de qualité et personnalisé." 11
Par ailleurs, la prescription de psychotropes (antidépresseurs ou
antipsychotiques) pour le traitement des troubles de l’humeur et du
comportement se justifie chez certains patients, toujours selon la H.A.S. On
ignore
cependant
ce
que
devient
l’efficacité
des
médicaments
anticholinestérasiques lors de l’administration de ces psychotropes.
b. Thérapies non-médicamenteuses
Pierre CHARAZAC cite Gérard LE GOUES, psychanalyste, pour rappeler
une évidence parfois oubliée: « Un climat affectif adéquat étaye la pensée et
restaure la capacité d’échange par la parole » (CHARAZAC P. , 2009, p. 80).
De même, il souligne la responsabilité particulière de l'aidant qui « [...] se
fait moi-auxiliaire du patient » (id. p.14).
L'art thérapie, l'ergothérapie, l'orthophonie, la kinésithérapie, la
neuropsychologie et la psychomotricité sont reconnues utiles au maintien ou
au ralentissement de la dégradation des facultés de la personne atteinte de la
maladie d'Alzheimer. Les accueils de jour ont démontré leur efficacité au
maintien des compétences liées à l'autonomie des personnes qui fréquentent
ce type de structure. Véritables lieux de vie thérapeutiques rythmés par des
activités et les repas (petit-déjeuner, déjeuner et collation), la personne âgée
11
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1148955/maladie-dalzheimer-une-nouvellerecommandation-has-pour-le-diagnostic-et-la-prise-encharge?xtmc=recommandation%20alzheimer&xtcr=1
36
atteinte d'une démence de type Alzheimer ou d'une démence apparentée est,
durant une ou plusieurs journées par semaine, entourée et stimulée par ses
pairs et par l'équipe. L'ambiance conviviale dans laquelle la personne malade
baigne favorise sa re-socialisation, son ouverture aux autres, mobilise ses
envies d'être et de faire. L'écoute bienveillante, la disponibilité psychique et
physique des soignants, la complicité établie ainsi que les médiations
proposées complètent ce cadre véritablement thérapeutique et bénéfique aux
personnes accueillies.
Dans les établissements de soins gériatriques, les prises en charges
paramédicales individuelles et/ou groupales s'inscrivent généralement dans un
projet de vie individualisé déterminé avec la personne concernée et l'équipe
soignante, dans un souci d'éthique et de bientraitance.
Les démences apparentées à la maladie d'Alzheimer présentent "un
certain degré de chevauchement [...] entre les déficits observés chez les
patients Alzheimer et ceux des patients non-Alzheimer" (ALBARET & AUBERT,
2001, p. 123). Dans la partie qui suit, j'en présente trois à forte prévalence. Il
s'agit de la démence à corps de Lewy, de la démence fronto-temporale et de
la démence vasculaire.
3 - Démences apparentées
3.1. La démence à corps de Lewy
La forme clinique la plus typique de cette maladie, deuxième cause des
démences après la maladie d'Alzheimer, se caractérise par une triade clinique
associant
déficit
cognitif
fluctuant,
syndrome
extra-pyramidal
12
et
hallucinations visuelles récurrentes. Le risque de chute est élevé pour ces
patients.
12
Le syndrome extra-pyramidal est un syndrome neurologique qui associe trois signes : un
tremblement de repos ; une hypertonie ou rigidité, décrite comme « plastique » (par opposition à la
spasticité du syndrome pyramidal) et une akinésie c'est-à-dire des mouvements rares et lents.
37
3.2. La démence fronto-temporale
La démence fronto-temporale est la troisième cause des démences en
terme de fréquence. Hélène OLLAT, docteur en neurologie donne la définition
suivante de la DFT: "Le terme de démence fronto-temporale (DFT) décrit un
syndrome clinique associé à une dégénérescence des lobes frontaux et
temporaux ainsi que du striatum." (OLLAT, 2002). Les troubles du
comportement
(apathie, désinhibition, stéréotypies ou comportements
moteurs aberrants) et les troubles du langage (aphasie progressive)
prédominent. Contrairement à la maladie d'Alzheimer, les troubles mnésiques
n'apparaissent pas en début de maladie.
3.3. Démence vasculaire
Les démences vasculaires (DV) regroupent l'ensemble des états
démentiels secondaires à des lésions cérébro-vasculaires, à une ischémie souscorticale ou à un infarctus lacunaire. Elles représentent environ 15 à 30% des
cas de démences. La DV est un syndrome cognitivo-comportemental qui se
manifeste par des troubles mnésiques (mémoires épisodique et procédurale
notamment), une dépression, une apathie, une labilité émotionnelle et des
dysfonctionnements des fonctions exécutives et par un syndrome moteur avec
une marche d'amplitude réduite, une dysarthrie 13 , une dysphagie 14 et un
syndrome parkinsonien. Des troubles sphinctériens sont également présents.
Les
fonctions
instrumentales
(apraxie,
aphasie,
agnosie)
sont
mieux
préservées que dans la maladie d'Alzheimer. Le début, ici, est soudain
contrairement aux autres types de démence où le début est insidieux.
L'évolution est fluctuante et progresse souvent par palier, se différenciant ici
également des autres démences où la progression est plus lente et
progressive.
Enfin, notons l'existence d'une démence dite "mixte" où une démence
vasculaire s'additionne à la maladie d'Alzheimer. Le terme de "maladie
d'Alzheimer à composante cérébro-vasculaire" est parfois employé pour
désigner cette démence particulièrement compliquée à diagnostiquer.
13
Difficulté de l'élocution non liée à une atteinte des organes de la phonation (langue, lèvres, voile du
palais, etc.) ou de la commande nerveuse de ces organes.
14
La dysphagie est à la fois la perturbation du processus de déglutition et le symptôme caractérisé
par la sensation de blocage, d’arrêt de la progression alimentaire.
38
Ce descriptif permet de rendre compte de la variabilité d'expressions
symptomatologiques et d'évolution des démences apparentées à la maladie
d'Alzheimer, les différences et les ressemblances d'avec cette dernière. Par
ailleurs, il justifie ma volonté à me centrer sur des personnes dont la maladie
d'Alzheimer a été clairement diagnostiquée.
Revenons à la maladie d'Alzheimer et aux deux troubles psychomoteurs
qui nous intéressent particulièrement ici: la dégradation du schéma corporel
et les troubles de l'image du corps.
4 - La dégradation du schéma corporel chez la personne
âgée atteinte d’une maladie d'Alzheimer
Il est aisé d'imaginer que, "privé par l’immobilité de l’ensemble des
sensations kinesthésiques, proprioceptives, tactiles, le schéma corporel va se
déstructurer, sans compter les répercussions néfastes d'un alitement prolongé
pour le bon maintien des fonctions tant physiologiques que psychologiques
comme la désorganisation temporo-spatiale." (CALZA & CONTANT, 2007, p.
240).
Selon l'inventaire neuro-psychiatrique NPI, outil utilisé pour l'évaluation
des troubles psychologiques et comportementaux dans les démences, l'apathie
est le signe psycho-comportemental des démences le plus fréquent,
notamment aux stades modérés et sévères. Le tonus et la posture de la
personne âgée atteinte de maladie d'Alzheimer se modifient. Le mouvement
perd en spontanéité et en fluidité. L'harmonie gestuelle n'est plus, les
paratonies s'accentuent.
Je m'interroge sur la possibilité d'exister, sur la conscience même que
ces personnes ont de leur identité alors qu'il leur est devenu difficile, voire
impossible, de se représenter mentalement. Le schéma corporel joue le rôle
organisateur de la pensée "en tant que représentation de soi et du corps" et à
l'inverse, les voies afférentes sensori-motrices sont organisatrices du schéma
corporel. Si ces voies afférentes se détériorent
d'immobilisme,
du fait de lésions ou
alors il est possible que leur atteinte "se répercute sur la
pensée." (CHARAZAC P.-M. , 2009, p. 171).
39
5 - Les troubles de l’image du corps chez une personne
âgée atteinte de maladie d'Alzheimer
Les multiples pertes psychiques et physiques que la maladie engendre,
semblent fragiliser la personne âgée atteinte de maladie d'Alzheimer dans
son sentiment d'identité. Selon NKAYÉ, psychosomaticienne, "la perte du
sentiment d’intégrité se traduit par une crise d’identité du sujet devant la
perte de ses capacités physiques et une nouvelle image du corps imposée par
la perte d’autonomie et diverses maladies." (NKAYÉ, 2000)
CHARAZAC décrit également les processus désintégratifs du sentiment
d'identité en jeu dans la maladie d'Alzheimer. Pour cet auteur d'orientation
psychanalytique, ce type de pathologie occasionne "[...] des déficits et des
pertes de fonctions qui se traduisent par une perte d’autonomie blessant le
narcissisme. Ils constituent une double atteinte du schéma corporel et de
l’image de soi vécue comme diminuée ou amputée mais sans encore remettre
en cause l’identité." A un stade avancé de la maladie, l'auteur parle du vécu
de la personne âgée malade avec "[...] l’expérience psychotique du
morcellement ou de la désintégration de soi." (CHARAZAC P.-M. , 2009, p.
171).
Ainsi, la maladie d'Alzheimer entraîne, entre autres, un ralentissement
psychomoteur notable et par conséquent, une atteinte de la représentation
corticale du corps et une perte identitaire. À travers ce mémoire, je me suis
demandé comment je pouvais évaluer, quantifier voire prédire cette
dégénérescence de soi. En tant que future psychomotricienne, je dispose de
différents outils me permettant d'observer la représentation que les
personnes âgées atteintes de maladie d'Alzheimer (MA) ont de leur propre
corps. J'ai choisi de m'intéresser au test du Dessin du Personnage (DP) pour
plusieurs raisons que je présente dans la partie qui suit.
40
6 - Le dessin: un indicateur de la représentation de soi
Le dessin du personnage s'avère être un test reflétant de multiples
facettes d'un sujet. De volonté psychométrique à sa naissance, il est
également utilisé comme test projectif dévoilant tout ou parties de la
personnalité du dessinateur.
L'appellation de ce test apparaît dans la littérature sous le nom de "test
du bonhomme", "test de Machover", "dessin de la figure humaine" ou encore,
"test du personnage".
De nombreuses études utilisant le test du Dessin du Personnage ont été
menées auprès d'enfants, d'adolescents et d'adultes. Chez l'enfant, Florence
Laura GOOGENOUGH (1886-1959), psychologue américaine et professeur à
l'Université du Minnesota, est la première à avoir élaboré l'étalonnage du test
du dessin du bonhomme. Au cours des années 1920, elle recueille des milliers
de dessins faits par des enfants de trois à dix ans, issus d'écoles primaires du
monde entier. Sa recherche vise à objectiver ce test, qui évalue le schéma
corporel, en le corrélant au quotient intellectuel. Ainsi, le dépistage d'enfants
présentant une déficience intellectuelle ou une précocité peut se faire de
façon très rapide et au sein même de la classe, par le biais du dessin. Depuis,
le dessin du bonhomme est proposé par nombre d'instituteurs aux enfants de
classe maternelle.
Par ailleurs, elle montre l'évolution du graphisme chez l'enfant en
fonction de sa maturation neurologique et de son âge. A mesure qu'il grandit,
l'enfant gagne en motricité, il passe par différents stades moteurs (décubitus
dorsal, retournements dos-ventre/ventre-dos, reptation, enroulement, quatre
pattes, chevalier servant, orthostatique, marche) qui lui permettent de
gagner en autonomie et en connaissance de son corps dans l'espace, grâce aux
sensations multiples (notamment le toucher, la kinesthésie, l'audition et la
vision) qu'il intègre et synthétise progressivement. Ces compétences motrices
favorisent la conscience et la connaissance du corps propre de l'enfant.
L'image mentale de son substrat corporel se définit, s'affine et s'inscrit dans sa
psyché. L'enfant peut alors le représenter graphiquement de mieux en mieux:
du gribouillage à la figuration d'un bonhomme complet et sexué, en passant
par le bonhomme-tétard au bonhomme-fil-de-fer, l'évolution du graphisme et
celle de la représentation de soi semblent être universelles, à niveau
41
intellectuel
équivalent,
selon
les
travaux
de
GOODENOUGH
et
ses
collaborateurs. Jacqueline ROYER (1977) a repris ce test et a mis en évidence
sa capacité à refléter les traits de caractères de l'enfant.
Le test du Dessin du Personnage a, d'autre part, été très étudié auprès
des préadolescents et des adolescents (OSTERRIETH et CAMBIER (1976);
MACHOVER (1949); DEUTSCH (1953); ERIKSON E.H. (1954); RIOUX (1951));
auprès des adultes névrotiques (BERMAN et al. (1953) et auprès des adultes
psychotiques (FINGERT et al. (1939) ; BALDWIN (1964); MODELL (1951).
Concernant ces derniers, "une disparition des limites corporelles et de la
différenciation sexuelle du personnage dessiné" (ANUSAKSATHIEN, 2011, p. 95)
sont observées, avec notamment une "désorganisation ou une rotation du
corps" (ibid.)
J'ai choisi pour ma part d'étudier l'évolution du schéma corporel d'une
personne atteinte de la maladie d'Alzheimer à travers le test du Dessin du
Personnage
15
. Comme nous le rappellent Sophie SAINJEON-CAILLIET et
Aurélien RIBADIER, tous deux psychomotriciens: "[...] tout trouble du schéma
corporel subit une altération de l'image cérébrale du corps qui se projette
dans la représentation du bonhomme que le patient réalise" (SAINJEONCAILLIET & RIBADIER, 2009, p. 143).
Ce choix est motivé par plusieurs raisons. D'une part, il s'agit d'un test
plutôt ludique que la majorité des personnes invitées à participer à l'étude a
apprécié. Les personnes malades ont déjà passé de nombreux tests médicaux
et neuropsychologiques dans le cadre du diagnostic. Ma volonté a été de leur
proposer quelque chose de nouveau et de valorisant dans la mesure du
possible. Dolto écrit dans ce sens: "La feuille et la trace graphique permettent
la création d'un espace utilisé par la personne pour se distancier de son image
de malade et retrouver un état de sujet désirant (LIOTARD, 1990)" (DOLTO,
1984, p. 24).
D'autre part, ce test met en évidence d'autres aspects psychomoteurs,
comme l'écrit Denise LIOTARD: "Portant sur l'aspect de l'équipement
psychomoteur, que nous situons sur le mode de l'avoir: le dessin apporte un
autre éclairage et complète le bilan psychomoteur. Ce qu'il donne à voir
renseigne sur l'organisation et la structuration du schéma corporel, la
15
Que je pourrai noter "DP" pour simplifier.
42
latéralité, l'organisation spatiale et le tonus à travers le tracé [...]." Elle
complète son observation en s'intéressant aux personnes âgées présentant une
pathologie: "Certaines atteintes corticales, certains troubles de la sensibilité,
de la motricité vont perturber la réalisation du dessin; celui-ci montrera une
image du corps altérée, incomplète." (LIOTARD, 1991, p. 88).
De plus, ce test met en évidence non seulement le schéma corporel mais
aussi l'image du corps à un moment et dans un lieu donné. Je ne pense pas
pouvoir intégrer cette donnée dans une étude scientifique tant son contenu
projectif est important. CALZA et CONTANT écrivent à ce propos:
"L’introduction du dessin permet à la fois de capter une des traces possibles
de l’image du corps et de dépasser le contrôle du discours se traduisant
souvent par une banale énonciation de plaintes somatiques. Les commentaires
présents
durant
la
réalisation
ou
dans
l’après-coup
seront
riches
d’informations sur le vécu du vieillissement, des troubles, de l’isolement…
Temps d’expression, de symbolisation, de sublimation, privilégié, le dessin
permet à la personne âgée de se relier à son affectivité et au monde de ses
pensées » (CALZA & CONTANT, 2007, p. 245). Cependant, l'observation des
dessins et des réactions durant la passation du test a enrichi mon regard porté
sur les personnes qui fréquentent l'accueil de jour dans lequel je travaille en
tant qu'apprentie psychomotricienne.
Enfin, la capacité de se représenter soi-même intéresse et interroge
psychologues, psychiatres et neurologues depuis plusieurs décennies. Certains
d'entre eux ont relevé des difficultés qu'ont les personnes âgées (sans
pathologie) à dessiner un personnage. Selon leur courant de pensée, ce
trouble a différentes origines.
Selon Karl ABRAHAM, médecin et psychanalyste, il serait lié au vécu du
processus de vieillissement: "Ce n'est pas seulement le vieillissement qui
détermine l'image qu'il a de lui-même, mais la manière dont il ressent son
vieillissement et se situe par rapport au problème qu'il pose" (ABRAHAM, 1985,
p. 36).
Le Dr. Milton LAKIN, lui, interprète ce trouble à partir de l'occupation
spatiale du dessin: "En général les dessins des vieillards couvrent une surface
moindre et ont une hauteur moindre. Ils sont moins bien centrés sur la page
que ceux des enfants normaux de dix ans. Les plus grandes dimensions et le
meilleur centrage des enfants de cet âge correspondent à ce que ces derniers
se trouvent dans une période d'expansion de la personnalité et d'affirmation
43
euphorique du soi, et cela contraste avec l'involution des vieillards." (LAKIN,
1960, p. 471).
Pour d'autres auteurs tels que LORGE, TUCKMAN et DUNN, psychiatres et
psychologues, cette difficulté est motrice: "Les dessins des vieillards sont
incomplets, plats, bizarres, manquent d'intégration, de proportion et de
différenciation sexuelle. Ils révèlent une insuffisance de coordination" (LORGE
& TUCKMAN, 1954). Je développerai cette hypothèse non négligeable dans la
troisième partie de ce mémoire.
44
II) Partie expérimentale
1 - Comparaison du schéma corporel de deux populations:
personnes âgées sans trouble neurologique versus
personnes âgées atteintes de maladie d'Alzheimer
L'absence d'étalonnage d'un test relatif au schéma corporel pour les
personnes âgées dans la littérature m'a interpellée. Le schéma corporel se
construit dans l'enfance. Il s'enrichit, se précise et s'affine tout au long de la
vie, suivant la loi de maturation neurologique. Qu'advient-il durant la
vieillesse? Nous l'avons vu plus haut, des chercheurs ont observé une
désorganisation du schéma corporel des personnes âgées. Pouvons-nous
l'affirmer statistiquement grâce à un test cotable?
Par ailleurs, la maladie d'Alzheimer est au centre des préoccupations
sanitaires et sociales actuelles. Elle fait l'objet de plans gouvernementaux
incitant à la recherche médicamenteuse et non-médicamenteuse. Ainsi, je me
suis demandée comment évolue le schéma corporel des personnes touchées
par cette maladie.
Je vais tenter de montrer à travers une étude statistique que le score
obtenu au test du Dessin du Personnage (DP) est corrélé au score obtenu au
Mini Mental State Examination (MMSE), test cognitif rapide effectué durant le
diagnostic des démences. Autrement dit, je vais essayer de reproduire l'étude
menée par F.-L. GOODENOUGH auprès de personnes âgées saines et malades.
Nous verrons alors si le test du Dessin du Personnage peut prétendre à un
quelconque dépistage d'une entrée dans la maladie d'Alzheimer ou si son
utilisation peut être différente.
Il est courant de constater qu'à partir de 90 ans, le score du MMSE est
égal ou inférieur à 24, ce qui est lié au vieillissement de l'encéphale. On
suspecte une démence lorsqu'une personne âgée de moins de 90 ans obtient
un score égal ou inférieur à 24 au MMSE.
45
Classiquement, la maladie d'Alzheimer comporte trois stades relatifs aux
scores du MMSE. Le stade dit "léger" correspond aux scores compris entre 24
et 18, le stade dit "modéré" correspond aux scores compris entre 10 et 17 et
le stade dit avancé, aux scores inférieurs à 9.
Je me suis inspirée des travaux de Florence L. GOODENOUGH portant sur
la cotation du test du bonhomme, établie pour les enfants scolarisés entre 3
et 10 ans, pour coter le dessin du personnage (cf. annexe 2). La feuille de
cotation de GOODENOUGH date de 1957. Sachant que la moyenne d'âge des
sujets de l'expérience est de 83,2 ans, ces derniers avaient une trentaine
d'année à l'époque des travaux de Mme GOODENOUGH. Les critères
vestimentaires de l'époque étaient sensiblement les mêmes entre enfants et
adultes. J'ai donc choisi de conserver ces critères, fruit de longues recherches
de Mme GOODENOUGH et de ses collaborateurs.
1.1. Hypothèses générales théoriques
J'émets plusieurs hypothèses générales, que je rendrai opérationnelles
plus loin, concernant l'évolution de la représentation - plus ou moins
consciente - du corps de la personne âgée.
D'une part, il nous est permis de penser que plus une personne est âgée,
plus son schéma corporel se dégrade. Cette première hypothèse se réfère à
l'idée que la diminution des afférences sensori-motrices liées au vieillissement
normal apporte moins d'informations proprioceptives et sensorielles au cortex
et cette diminution de stimuli tend à désorganiser la représentation corticale
du soma.
D'autre part, chez une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer,
l'avancée de la maladie, caractérisée par une perte progressive de
l'autonomie, accentue l'altération de la représentation corporelle et rend
cette dernière plus précaire, voire désorganisée. L'avancée dans la maladie
d'Alzheimer diminuerait la possibilité de se représenter soi-même.
Enfin, je pense que la dégradation du schéma corporel se fera d'autant
plus rapidement chez la personne âgée si celle-ci est atteinte de la maladie
d'Alzheimer que si elle n'a aucun trouble neurologique ou vasculaire; l'apathie
46
réduisant considérablement les afférences et les efférences sensori-motrices
du sujet.
1.2. Méthode
a. Cadre de l'expérience
Avant la passation de ces deux tests, j'ai expliqué à chaque personne
volontaire que, dans le cadre de mon mémoire de fin d'étude, je souhaitais
évaluer ses performances mnésiques et la représentation qu’elle avait de son
corps. Le caractère anonyme des informations recueillies a été assuré à
chacun des personnes.
Chaque passation s'est déroulée individuellement et ce dans un
environnement calme - atelier isolé afin de réduire au maximum les
distracteurs. J'ai veillé à ce qu'aucun indice ne puisse aider d'une manière ou
d'une autre la personne testée (calendrier, représentation d'un personnage,
photographie...).
J'ai procédé à l'administration des deux tests de façon successive. Le test
du Dessin du Personnage a été proposé en dernier afin de terminer
l'expérience de manière plutôt agréable et ludique. J'ai comptabilisé les
points à l’issue de la double passation.
b. Modalités de recrutement des sujets
Tout d'abord, les hommes ont été exclus de l'étude afin d'éliminer un
éventuel facteur secondaire lié au sexe. Les sujets de l'étude ont ensuite été
sélectionnés en fonction de différents critères, sensiblement identiques à
ceux établis par le GRECO16 pour l'étalonnage du M.M.S.E.
Les sujets présentant des déficits sensoriels patents (vue, ouïe) n'ont
pas été retenus, de même que les personnes dont la langue maternelle n'était
pas le français et que les personnes institutionnalisées au moment de
l'examen.
16
Groupe d’Etats contre la Corruption
47
Pour le groupe de personnes atteintes de maladie d'Alzheimer (MA) et
après lecture des dossiers, j'ai retenu uniquement les personnes ayant été
diagnostiquées a priori 17 comme atteintes de la MA et appartenant à la
catégorie socio-éducative la plus élevée, c'est-à-dire que les participantes ont
toutes obtenu le baccalauréat.
J'ai également exclu de mon étude les personnes ayant été hospitalisées
au cours des deux derniers mois, celles présentant des pathologies
psychiatriques
connues
(autre
qu'une
démence),
celles
ayant
chuté
(traumatisme crânien, perte de connaissance, syndrome post-chute) au cours
des deux derniers mois et celles présentant un alcoolisme.
Aucun des sujets sélectionnés ne prend de psychotropes, neuroleptiques,
anxiolytiques ou antidépresseurs à dose suffisamment élevée pour avoir une
action notable sur les fonctions cognitives.
c. Passation du Mini Mental State Examination (MMSE)
Le Mini Mental State Examination18 (M.M.S.E. ou M.M.S.) (cf. annexe 1)
de FOLSTEIN M.F., FOLSTEIN S.E. & McHUGH PR. (1975) est un "instrument
d'évaluation des fonctions cognitives conçu pour un dépistage rapide des
déficits cognitifs." (KALAFAT, HUGONOT-DIENER, & POITRENAUD, 2002, p. 6) Il
évalue les capacités mnésiques (mémoire immédiate et mémoire de travail),
d'apprentissage, de compréhension, d’orientation spatio-temporelle, logicomathématique et visuo-constructives d'une personne à un moment précis. "Sa
facilité d'administration, sa rapidité ainsi que l'étendue des fonctions
explorées, l'ont rapidement imposé parmi les instruments d'évaluation brève
des fonctions cognitives. Il est largement utilisé dans de nombreux pays et
existe dans les langues européennes les plus courantes" (ibid.).
Ce test ne permet en aucun cas de faire un diagnostic clinique de la
cause du trouble cognitif. Il s’agit presque d’une photographie de l'état
cognitif de la personne. Il est important de relativiser le score obtenu qui
peut varier avec l'état de fatigue de la personne ainsi qu'avec sa
concentration.
17
18
Nous verrons dans la partie III les difficultés relatives au diagnostic de MA.
cf. annexe 1
48
Le M.M.S.E. se compose de 30 questions auxquelles un point est attribué
à chaque tâche réussie. Le score global s'étend de 0 à 30 et les seuils
pathologiques dépendent du niveau socio-éducatif de la personne testée. Les
fonctions cognitives sont altérées si le score est inférieur à:
 19 pour les patients ayant bénéficié de 0 à 4 ans de scolarité
 23 pour les patients ayant bénéficié de 5 à 8 ans de scolarité
 27 pour les patients ayant bénéficié de 9 à 12 ans de scolarité
 29 pour les patients ayant le baccalauréat.
Certaines personnes désiraient connaître l'exactitude de leurs réponses.
Je leur indiquais alors en fin de passation et je veillais à valoriser les bonnes
réponses pour ne pas les laisser sur un sentiment d'échec. Pendant la
passation, j'ai pu observer des réactions de prestance et de contenance19 et
des verbalisations d'une anxiété ressentie, principalement chez les personnes
en début de maladie.
d. Passation du test du Dessin du Personnage (DP)
Ensuite, j'invitais les personnes à dessiner un personnage sans limitation
de temps et en précisant que mon regard serait dénué de jugement.
Les réactions des personnes face à cette demande peu courante ont été
riches d'indications sur leur personnalité. Certaines se sont prêtées à
l'exercice immédiatement après la consigne, parfois avec enthousiasme.
D'autres m'ont exprimé leur sentiment d'incompétence lié au dessin ("Je n'ai
jamais su dessiner"). Des personnes m'ont indiqué qu'elles avaient su dessiner
par le passé mais que désormais elles étaient en difficulté. D'autres encore
n'ont rien dit mais le temps de latence entre la consigne, leurs mimiques et
19
Les réactions de prestance et de contenance désignent l’inadéquation de l’adaptation
relationnelle dans ses éléments tonico-moteur, postural, gestuel ou mimique (par
exemple, se toucher les cheveux, les mains, les rires et/ou sourires inadaptés...)
49
leurs réactions de prestance m'ont indiqué leurs difficultés. Au contraire,
certaines personnes se sont exécutées immédiatement après la consigne
verbale, parfois avec enthousiasme (sourires), parfois avec des mimiques
d'étonnement (élévation des sourcils).
Le temps de passation a été beaucoup plus long pour les personnes
présentant une démence de type Alzheimer que pour les sujets sans troubles
neurologiques. Ces derniers m'ont semblé plus « expéditifs » dans leur
production. Je me suis demandé si cette réaction manifeste n'était pas
l'expression d'un malaise quant à la consigne peu commune.
Mon rôle de future psychomotricienne a été de rassurer les personnes
testées sur l'absence de jugement porté, de rappeler le caractère confidentiel
du test et de veiller à valoriser les compétences sans pour autant minimiser
les difficultés. Un petit nombre de personnes, ayant accepté au préalable de
faire l'expérience, étaient tellement désemparées face à la feuille blanche
qu'elles n'ont pas dessinée. Je les ai bien sûr rassurées en dédramatisant la
culpabilité qu'elles ressentaient par rapport à moi dans une attitude
bienveillante et sécurisante.
La consigne est la suivante: "Voulez-vous me dessiner un personnage du
mieux que vous pouvez. Prenez votre temps, ce test n'est pas chronométré".
Le matériel utilisé est composé d'une feuille blanche de format A4, d'un
crayon à papier, d'une feuille de cotation, d'une chaise et d'une table. La
personne est libre de choisir l'orientation de la feuille.
Durant la passation, j'ai fait des observations graphomotrices qui ont
concerné la posture de la personne, la tenue du crayon et la pression exercée
sur la feuille. J'ai noté les remarques faites avant, pendant et après la
passation, la mimique des personnes, le temps passé, les réactions de
prestance et l'ordre des éléments du corps du personnage dessiné. Seuls les
éléments du corps dessiné ont fait l'objet d'une cotation ultérieure.
A l'issue du dessin, j'ai demandé à chaque participant s'il souhaitait
écrire une phrase courte pour accompagner son dessin. Je voulais ainsi noter
si les personnes projetaient consciemment ou non leur image propre. Parmi
les personnes ayant écrit, certaines utilisaient le pronom personnel "je" tandis
50
que d'autres utilisaient le pronom personnel "il" ou "elle". Cette donnée m'a
renseigné sur leur capacité d'écriture, sur leur capacité d'imagination et sur
leur degré de projection affective. Je ne me suis pas servie de cette donnée
dans mon étude statistique, par nature quantitative, mais elle a enrichi mon
expérience en terme qualitatif.
À noter tout de même, ces phrases ont fait ressortir une donnée
intéressante qui mériterait d'être analysée à plus grande échelle: les
personnes saines n'ont pas souhaité écrire de phrase, les personnes au stade
léger de la maladie d'Alzheimer (MA) ont utilisé préférentiellement le pronom
personnel "mon", tandis que les personnes aux stades modéré et sévère de la
MA ont utilisé le pronom personnel "je" (cf. annexe 5).
La cotation consiste à attribuer un point pour chaque item présent. Ce
test se compose de 51 items (cf. annexe 1). Apparemment simple à coter, ce
test exige une rigueur et une neutralité de la part de l'examinateur. F.L.
GOODENOUGH a explicité sa passation dans son ouvrage.
1.3. Procédure
a. Lieux de passation de l'expérience
Les sujets de l'expérience sont issus de deux lieux distincts: un accueil
de Jour thérapeutique Alzheimer et un foyer logement.
- L'ACCUEIL DE JOUR THERAPEUTIQUE ALZHEIMER
L’accueil de jour Alzheimer est destiné aux personnes souffrant de la
maladie d’Alzheimer ou d’affections apparentées. C’est un lieu de vie pour
les personnes accueillies, de soutien et d’expression pour les aidants dans un
cadre adapté et chaleureux.
Ce centre apparaît comme une des solutions pour demeurer le plus
longtemps possible à domicile. Il permet de maintenir les acquis des
personnes accueillies au travers d’un projet d’accompagnement élaboré avec
les aidants et en partenariat avec les structures spécialisées.
51
Sous la responsabilité d’un médecin psycho-gériatre, une équipe de
professionnels qualifiés (une psychologue, une psychomotricienne, une
ergothérapeute, une aide-soignante, une aide médico-psychologique et deux
art-thérapeutes de formation infirmière et psychothérapeute) propose aux
personnes accueillies des activités :

de préservation du lien social : échange et partages, gestes de la vie
quotidienne : courses dans le quartier, cuisine, couvert, coiffure, revue de
presse, esthétique…

de maintien et/ou amélioration des fonctions existantes : art thérapie,
relaxation, gymnastique douce, sorties, jardinage…

de stimulation et estime de soi : orientation dans la réalité,
réminiscence, ergothérapie, groupes de parole…
L’accueil de jour permet aux aidants de se reposer ou de s’accorder un
peu de temps libre une à trois journées par semaine. Il leur apporte aussi un
soutien et une guidance ainsi que des conseils pour poursuivre l’action de
l’accueil de jour au domicile.
L'espace de l'accueil de jour est également pensé en terme de
convivialité puisqu'il se présente sous la forme d'un espace ouvert. La cuisine
est équipée d'un bar semi-circulaire ouvrant sur un grand salon-salle à manger
d'une centaine de mètres carrés. L'espace de relaxation est séparé du salon
par un grand rideau et est attenant à la salle d'esthétique (coin coiffure,
manucure, coiffeuse, grande douche et toilettes), elle, fermée par une baie
vitrée. La salle à manger donne sur un bureau réservé aux professionnels mais
accessible aux personnes accueillies, ainsi que sur un atelier où se pratique
des groupes semi-fermés ou fermés (atelier mémoire, atelier tissu, ateliers
cognitifs). C'est dans ce dernier que j'ai pratiqué les deux tests nécessaires à
la présente étude.
- FOYER LOGEMENT
Le foyer logement propose des services de qualité fondés sur les valeurs
de tolérance et de bienveillance. Son équipe met tout en œuvre pour que ses
52
résidants puissent y vivre dans le respect de leur liberté individuelle et de
leur vie privée.
Le bâtiment est composé de studios et de chambres individuelles pour
personnes âgées valides. Dans le respect de la vie privée et la liberté de
chacun, chaque logement peut être aménagé par la personne selon ses
besoins et ses envies. Etablissement semi médicalisé, un infirmier présent
quotidiennement assure la continuité des soins selon les besoins des
personnes. Les locataires peuvent garder leur médecin traitant ainsi que les
personnes qui interviennent à domicile (kinésithérapeute, auxiliaires de vie,
femmes de ménages, ...).
Le personnel de restauration est composé d’une équipe de quatre
collaborateurs présents par roulement sur le site. Deux collaborateurs sont en
charge de l’entretien des parties communes et une fois par mois du logement.
Ils connaissent chacun des résidents, ce qui leur permet de mieux répondre à
leurs besoins et d'être à leur écoute si le besoin s'en fait sentir.
Après avoir expliqué l'objet de ma recherche à la directrice de
l'établissement, cette dernière a informé les locataires lors d'une réunion et a
proposé aux volontaires de venir s'inscrire auprès d'elle. Plus tard, j'ai obtenu
la liste des quinze personnes volontaires et j'ai pris rendez-vous auprès de
chacune d'elle. La passation des deux tests a été effectuée dans le studio de
chaque personne, ce qui leur a permis de se sentir à l'aise dans un
environnement familier.
b. Appariement des groupes de sujets
L'appariement de groupes de sujets d'une expérience nécessite la
constitution de groupes les plus homogènes possibles. Dans cette étude, les
groupes de sujets sont au nombre de deux: l'échantillon de personnes
atteintes par la maladie d'Alzheimer et celui des personnes sans trouble
neurologique. Il s'agit de groupe appariés, distincts selon leur état cognitif
(sans trouble neurologique, stade léger, stade modéré, stade sévère de la
maladie d'Alzheimer). Tous les sujets passent les mêmes tests dans le même
ordre (M.M.S.E. puis D.P.).
53
1.4. Variables indépendantes
Les variables indépendantes sont les facteurs manipulables par
l'expérimentateur.
Dans
ce
mémoire
de
recherche,
les
variables
indépendantes sont au nombre de trois:
- l'âge (les personnes de moins de 75 ans et de plus de 90 ans n'ont pas été
retenues);
-
l'échantillon
de
personnes
atteintes
par
la
maladie
d'Alzheimer,
diagnostiquées en tant que telles;
- l'échantillon de personnes ne présentant aucun trouble neurologique,
vasculaire et/ou psychiatrique.
1.5. Variables dépendantes
Les variables dépendantes correspondent aux données recueillies grâce
aux différents tests. Dans cette étude, il s'agit du score obtenu au MMSE et du
score obtenu au DP.
Par ailleurs, il est important de préciser que la variable dépendante
"score obtenu au MMSE" peut également être qualifiée de variable
indépendante puisqu'elle a permis la sélection et la catégorisation des
personnes dans les stades d'évolution de la maladie d'Alzheimer (MMSE < 24;
MMSE < 18 et MMSE < 9) et le choix de l'échantillon "personnes âgées sans
trouble neurologique" (MMSE > 26) parmi les personnes testées.
1.6. Facteurs secondaires
En situation expérimentale, il est essentiel de contrôler certains facteurs
pouvant biaiser les résultats et leurs interprétations. Ces facteurs sont
appelés "facteurs secondaires". Ainsi, je me suis attachée à contrôler les
facteurs suivants:
- le sexe des sujets: seules les femmes ont participé à l'étude,
- la latéralité: tous les sujets sont droitiers,
- l'examinateur identique: j'ai personnellement fait passer les deux tests,
54
- l'heure de passation: les tests ont été administrés aux environs de 15h, après
la sieste,
- le lieu de passation identique: atelier de l'accueil de jour et studios
personnels de la résidence/foyer logement,
- la verbalisation des consignes: la présentation de ma recherche ainsi que les
consignes ont été explicitées de la même façon pour tous les sujets,
- la catégorie socio-éducative/professionnelle: tous les sujets ont obtenus le
baccalauréat et ont fait des études supérieures.
1.7. Hypothèses opérationnelles
Voici les hypothèses opérationnelles qui vont me permettre de valider ou
d'invalider les hypothèses générales théoriques que j'ai présentées plus haut:
- Plus une personne est âgée, plus son score au test du Dessin du Personnage
est bas.
- Une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer obtient un score au test du
Dessin du Personnage inférieur à celui d'une personne âgée saine.
- Une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer obtient un score au test du
Dessin du Personnage corrélé au score qu'il obtient au MMSE.
1.8. Résultats
a. Description des groupes de population
Dans le groupe "MA" (atteints de la maladie d'Alzheimer), un échantillon
de dix-huit personnes a accepté de participer à l'étude et a passé le M.M.S.E.
ainsi que le D.P. Après l'examen des dossiers et l'avancée de ma réflexion
concernant les critères d'inclusion, neuf personnes ont été retenus selon les
modalités de recrutement des sujets décrites plus haut. L'âge moyen de cette
population est de 83,6 ans (écart-type = 4,6 ; médiane = 84 ; étendue = 75-90
ans). Le score M.M.S.E. moyen de cette population est de 14,4/30 (écart-type
55
= 5,65; médiane = 13; étendue = 6-21). Le score D.P. moyen de cette
population est de 21,55/51 (écart-type = 13,125 ; médiane = 28 ; étendue = 034).
Dans le groupe "sain", un échantillon de quinze personnes a été
volontaire pour ma recherche et a passé les deux tests. Lors du petit
entretien précédant la passation, je me suis informée de leur âge et de leur
niveau d'éducation. Certaines personnes étaient trop âgées (plus de 90 ans) et
certaines n'avaient pas obtenu le baccalauréat. Je leur ai malgré tout fait
passé les tests mais je n'ai pas tenu compte des résultats de ces personnes.
Ainsi, neuf personnes ont été retenues. L'âge moyen de cette population est
de 82,8 ans (écart-type = 5,8 ; médiane = 83 ; étendue = 74-90 ans). Le score
moyen au MMSE est de 28/30 (écart-type = 1,3 ; médiane = 27 ; étendue =
26-30). Le score DP moyen de cette population est de 25,28/51 (écart-type =
7,3 ; médiane = 23 ; étendue = 15-37).
De façon globale, on s'aperçoit que le score moyen obtenu au DP de la
population saine est supérieur à celui de la population atteinte de la maladie
d'Alzheimer.
Par ailleurs, lorsque l’on compare les écarts-types et les étendues des
scores obtenus au test du Dessin du Personnage des deux populations, on
s’aperçoit que l’écart-type et l’étendue de la population atteinte de la
maladie d’Alzheimer sont plus grands que ceux de la population sans trouble
neurologique (écart-type = 13.125 versus 7.3 ; étendue = 0-34 versus 15-37).
La disparité est plus importante pour la population malade.
b. Test statistique utilisé: le coefficient de corrélation de Pearson
Le but de la corrélation est de savoir s'il existe une relation entre deux
variables.
Définition: le coefficient de corrélation (de Pearson), noté cor., est la racine
carré du coefficient de détermination; son signe (±) donne le sens de la
relation. Il est toujours compris entre -1 et +1:
56

Si cor = 0 ou voisin de 0, on conclut à une absence de relation entre les deux
variables, ou une relation qui, globalement, n'est ni croissante ni
décroissante.

Si cor < 0, on conclut à une relation négative (la relation va dans le sens
contraire de l'hypothèse de départ).

Si cor > 0, on conclut à une relation positive (la relation va dans le sens de
l'hypothèse de départ).

Enfin, si cor = 1 ou cor = -1, la relation linéaire est parfaite.
Plus la valeur de cor se rapproche de ±1, plus la relation linéaire positive
ou négative est forte et plus la valeur de cor est voisine de 0, plus la relation
linéaire est faible:
Corrélation
Négative
Positive
Faible
de −0.5 à 0.0
de 0.0 à 0.5
Forte
de −1.0 à −0.5
de 0.5 à 1.0
Enfin, pour que le test de corrélation soit significatif, il faut que la
valeur de p soit égale ou inférieure à 5% (p<0,05). En effet, lorsque p ≤ 5%, la
différence est dite « statistiquement significative ». C'est-à-dire qu'elle est
suffisamment importante par rapport aux fluctuations aléatoires pour que sa
probabilité d’être observée en l'absence de réelle différence soit inférieure
au seuil préalablement choisi de 5% (seuil de la signification statistique).
Au contraire, quand p > 5%, la différence n’est pas « statistiquement
significative ». En simplifiant, elle n’est pas suffisamment importante par
rapport aux fluctuations aléatoires pour pouvoir raisonnablement exclure
qu’elle soit un artefact dû au hasard. Une différence non significative n’est
pas
synonyme
d’absence
d’effet.
La
comparaison
est
peut-être
57
insuffisamment puissante pour mettre en évidence la différence qui existe.
L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence.20
c. Tableaux de données et graphiques
Je présente ici les résultats moyens obtenus aux deux tests (MMSE et DP)
par les deux groupes (sujets atteints de la maladie d'Alzheimer et sujets sans
trouble neurologique). Ces résultats sont l'un après l'autre comparés à l'âge
moyen des sujets. En dernier lieu, une comparaison entre les résultats des
deux tests est réalisée. Ces résultats sont analysés statistiquement et
interprétés par la suite.
- POPULATION ATTEINTE DE LA MALADIE D'ALZHEIMER
 DP en fonction des tranches d'âge
Age
DP
Tranche 1:
75-82 ans
79,5
17
87
25,2
Tranche 2:
83-90 ans
Tableau 1 - Répartition des moyennes d'âge en deux tranches (75-82 ans et
83-90 ans) et résultats moyens correspondant obtenus au DP
Histogramme groupé 1 - DP moyen en fonction de l'âge moyen
20
http://www.spc.univ-lyon1.fr/polycop/principe%20du%20test%20statistique.htm
58
On constate ici que contrairement à mon hypothèse, les personnes atteintes
de maladie d'Alzheimer les plus âgées obtiennent un meilleur score au test du
Dessin du Personnage que les plus "jeunes".
 MMSE en fonction des tranches d'âge
Age moyen
MMSE moyen
Tranche d'âge 1:
75-82 ans
79,5
10,25
87
17,8
Tranche d'âge 2:
83-90 ans
Tableau 2 - Répartition des moyennes d'âge en deux tranches (75-82 ans et
83-90 ans) et résultats moyens correspondant obtenus au MMSE
Histogramme groupé 2: Score moyen obtenu au MMSE en fonction des deux
tranches d'âge (75-82 ans et 83-90 ans)
De même, les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer les plus âgées
obtiennent un meilleur score au test du Mini Mental State Examination.
59
 DP en fonction du MMSE
Moyennes
Moyennes MMSE
DP
Stade 1 "léger"
21
31
Stade 2 "modéré"
14
29
8,33
4,66
Stade 3 "sévère"
Tableau 3 - Scores moyens obtenus au DP dans les trois stades d'évolution de
la maladie d'Alzheimer
Courbe 3 - Moyenne des scores obtenus au DP en fonction des trois stades de
la MA (moyenne des scores obtenus au MMSE)
Ici, plus les personnes se situent dans un stade avancé de la maladie
d'Alzheimer, plus elles semblent obtenir un score faible au test du Dessin du
Personnage.
60
- POPULATION SANS TROUBLE NEUROLOGIQUE
 DP en fonction des tranches d'âge
Age moyen
DP moyen
Tranche d'âge 1:
76-82 ans
79
17,33
87,75
25,75
Tranche d'âge 2:
83-90 ans
Tableau A - Répartition des moyennes d'âge en deux tranches (75-82 ans et
83-90 ans) et résultats moyens correspondants obtenus au DP
Histogramme groupé A - DP moyen en fonction de l'âge moyen pour chaque
tranche d'âge (76-82 ans et 83-90 ans)
On retrouve ici les mêmes résultats contradictoires avec mon hypothèse de
départ: les personnes sans trouble neurologique les plus âgées obtiennent un
meilleur score au test du Dessin du Personnage.
61
 MMSE en fonction de l'âge
Age
MMSE
Tranche d'âge 1:
76-82 ans
79
27,33
87,75
27,25
Tranche d'âge 2:
83-90 ans
Tableau B - Résultats moyens obtenus au DP pour les deux tranches d'âge
(75-82 ans et 83-90 ans)
Histogramme groupé B - MMSE moyen fonction de l'âge moyen pour chaque
tranche d'âge
Les résultats moyens au MMSE des deux tranches d'âge sont sensiblement
identiques, ce qui correspond aux données retrouvées dans la littérature.
62
 DP en fonction du MMSE
Ci-après, les résultats au MMSE et au DP pour chaque sujet ne présentant pas
de trouble neurologique:
MMSE
DP
Sujet 1
27
15
Sujet 2
27
20
Sujet 3
28
17
Sujet 4
27
23
Sujet 5
26
31
Sujet 6
27
23
Sujet 7
29
26
Sujet 8
26
37
Sujet 9
30
32
27,4
24,8
Moyennes
Tableau C - Scores obtenus au MMSE et au DP pour chaque sujet sans trouble
neurologique
40
35
30
25
MMSE
20
DP
15
10
5
0
Sujet 1 Sujet 2 Sujet 3 Sujet 4 Sujet 5 Sujet 6 Sujet 7 Sujet 8 Sujet 9
Histogramme groupé C - Scores obtenus au MMSE en fonction
des scores obtenus au DP pour chaque sujet
On constate ici une grande variabilité entre les sujets au score du DP malgré
un MMSE sensiblement similaire.
63
 Comparaison des scores au test du Dessin du Personnage et au
MMSE de la population de personnes âgées sans trouble
neurologique et de la population âgée atteintes de la maladie
d'Alzheimer
MMSE
Sans trouble
neurologique
DP
27,4
24,8
Stade 1
21
31
Stade 2
14
29
Stade 3
8,33
4,66
Tableau D - Scores moyens obtenus au MMSE et au DP
pour tous les groupes de sujets
Histogramme groupé D - Scores moyens obtenus au MMSE et au DP
en fonction des groupes de sujets
Courbe D - Scores moyens obtenus au MMSE et au DP en fonction des groupes
de sujets
64
Cette comparaison montre qu'en moyenne, les personnes aux stades léger (1)
et modéré (2) de la maladie d'Alzheimer obtiennent de meilleurs résultats au
test du Dessin du Personnage que les personnes sans trouble neurologique, ce
qui n'est pas le cas des personnes se trouvant au stade sévère (3) de la
maladie.
- COMPARAISON GRAPHIQUE DES SCORES MMSE ET DP ENTRE LA
POPULATION TEMOIN (STADE 0) ET LES STADES D'AVANCEE DE LA
MALADIE D'ALZHEIMER
`
Courbe E - Moyennes obtenues au MMSE et au DP pour la population sans
trouble neurologique et pour la population au stade léger (1) de la maladie
d'Alzheimer
Une personne en début de la maladie d'Alzheimer semble obtenir un score
supérieur au test du Dessin du Personnage à celui d'une personne ne
présentant pas de trouble neurologique.
65
Courbe F - Moyennes obtenues au MMSE et au DP pour la population sans
trouble neurologique et pour la population au stade modéré (2) de la maladie
d'Alzheimer
Une personne au stade modéré de la maladie d'Alzheimer semble également
obtenir un score supérieur au test du Dessin du Personnage à celui d'une
personne ne présentant pas de trouble neurologique.
Courbe G - Moyennes obtenues au MMSE et au DP pour la population sans
trouble neurologique et pour la population au stade sévère (3) de la maladie
d'Alzheimer
Ici, on constate que les scores au test du Dessin du Personnage chez les
personnes en stade sévère de la maladie d'Alzheimer sont nettement
inférieurs à ceux des personnes sans trouble neurologique.
66
1.9. Analyse et interprétation des résultats

L'hypothèse de départ, selon laquelle plus une personne est âgée, plus
son score au test du Dessin du Personnage est bas, est invalidée pour les
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ainsi que pour les personnes
sans trouble neurologique.
Pour les groupes de sujets atteintes de la maladie d'Alzheimer, les
données contenues dans le tableau 2 (annexe 3) indiquent une corrélation
positive entre le facteur "âge" et le facteur "DP" (cor = 0.52). Cependant, le
degré de significativité est trop bas (p-value = 0.14) pour conclure à un effet
de corrélation significatif entre les deux facteurs. Le nombre insuffisant de
sujets ne m'a pas permis de faire un test de corrélation interstades.
On ne peut donc pas conclure à un impact significativement négatif de
l'avancée en âge d'une personne atteinte de maladie d'Alzheimer sur son
résultat au test du Dessin du Personnage.
Pour les sujets sans trouble neurologique, les données du tableau 4
(annexe 3) indiquent une corrélation positive significative entre le facteur
"âge" et le facteur "DP" (p-value = 0.036; cor = 0.78). Ainsi, on peut dire que
plus la personne avance en âge, plus son score DP est élevé.
L'avancée en âge, chez les sujets de mon étude sans trouble
neurologique, semble avoir un impact positif sur leur capacité à représenter
un corps graphiquement. Ce résultat est contraire à mon hypothèse,
puisqu'ici, plus une personne avance en âge et plus son score au test du DP est
élevé. Je me questionne alors sur la place de l'investissement corporel. Ce
dernier peut être envisagé comme plus important à mesure que le sujet
vieillit, le corps étant perçu comme le dernier représentant de l'identité
propre. En effet, la personne âgée subit de nombreuses pertes (conjoint,
travail, logement parfois) et bien souvent, le corps et ses maux est un sujet
de préoccupation central. Ce n'est qu'une hypothèse explicative. Il en existe
certainement
d'autres.
Par
ailleurs,
une
question
émerge
de
ce
questionnement: au-delà de 90 ans, qu'advient le DP? À l'instar du MMSE, le
score du DP diminue-t-il?
67

Ensuite, la seconde hypothèse, selon laquelle les personnes atteintes de
la maladie d'Alzheimer obtiennent des scores inférieurs au test du Dessin du
Personnage que les personnes sans troubles neurologiques, est invalidée.
En effet, le test de corrélation de Pearson indique une corrélation égale
à 0.49, non significative (p-value = 0.26). Pour rappel, une corrélation
positive est comprise entre 0 et 1. Elle est ici faiblement positive.
La
variable
"maladie
d'Alzheimer"
n'est
donc
pas
corrélée
significativement à la variable "Dessin du Personnage".
Dans cette étude, la présence d'une pathologie neurodégénérative telle
que la maladie d'Alzheimer n'est pas suffisante à elle seule pour expliquer les
résultats obtenus au test du Dessin du Personnage. En effet, les personnes
sans trouble neurodégénératif obtiennent, en moyenne, un moins bon score
que celui des personnes atteintes par la maladie alors que je m'attendais au
résultat inverse.
Cet étonnant résultat me questionne. Il peut s'expliquer, encore une
fois, de bien des manières. Est-ce que les personnes âgées saines investissent
moins leur corps que les personnes âgées malades, qui eux, bénéficient de
multiples
stimulations
corporelles
(kinésithérapie,
psychomotricité,
ergothérapie...) ayant toutes des objectifs thérapeutiques? Dans ce cas, qu'en
est-il des personnes âgées exemptes de trouble neurologique qui présentent
une ou des affections corporelles? Mais encore: est-il possible que les
personnes âgées saines pressentent - de façon préconsciente et/ou
inconsciente - l'aspect projectif du test du Dessin du Personnage et qu'elles
soient réticentes à l'idée de livrer une partie de leur personnalité à une
étudiante qu'elles ne connaissent pas? Ces questions restent ouvertes.
Néanmoins, il paraît plus probable que le vécu corporel (faillible,
fatigué, douloureux) de la vieillesse induise une mise à distance du corps par
la personne âgée qui dessine. Ceci expliquerait qu'une personne âgée saine
investisse moins le Dessin du Personnage, avec tout ce que cela peut lui
renvoyer de négatif.
En revanche, la motivation de réaliser un Dessin du Personnage, pour
une personne atteinte par la maladie d'Alzheimer dans les premiers stades,
est certainement liée à l'envie de démontrer ses compétences préservées. En
68
effet, en début de maladie, les personnes sont généralement très désireuses
de travailler leurs mémoires. De plus, dans le cadre de l'Accueil de Jour, les
personnes ont bien conscience de l'enjeu thérapeutique.

Enfin, ma dernière hypothèse, selon laquelle une personne atteinte de la
maladie d'Alzheimer obtient un score au test du Dessin du Personnage corrélé
au score qu'il obtient au MMSE, est validée.
Dans la courbe D, on observe un point de croisement entre les deux
courbes au niveau du stade 3 (stade dit "sévère") de la maladie d'Alzheimer.
On observe également que la courbe DP décroît moins rapidement que la
courbe MMSE (chute brutale à partir du stade 2). Ces observations incitent à
croire en une corrélation, qui se vérifie statistiquement.
En effet, les résultats statistiques obtenus grâce à la formule de
corrélation de Pearson nous indique une corrélation positive hautement
significative (p-value = 0.004; cor = 0.83) puisque la valeur de p est inférieure
à 0.05 et l'indice de corrélation se rapproche de 1.
Une personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer obtient un score
au DP corrélé significativement au score obtenu au MMSE et ceci est d'autant
plus vrai que la personne se situe au stade 3 d'évolution de la maladie
d'Alzheimer.
Cependant, ces résultats doivent être interprétés avec la plus grande
prudence. En effet, deux des trois sujets appartenant au stade 3 (sévère)
présentent une apraxie constructive détectée grâce au MMSE, ce qui peut
biaiser les résultats. Si j'exclus les deux personnes apraxiques de l'analyse
statistique, j'obtiens un indice de corrélation égal à 0.65, donc positif. Par
contre, la significativité n'est pas suffisante puisque la valeur de p est
supérieur à 0.05 (p-value = 0.11).
Un nombre plus important de sujets, dans chaque stade d'évolution,
ayant réussi l'épreuve des praxies constructives du MMSE est donc requis avant
d'avancer une quelconque interprétation. Je reprends cette donnée capitale
dans la troisième partie du mémoire.
69
Concernant la population témoin (sans trouble neurologique), une faible
corrélation négative (cor = -0.20) et non-significative (p-value = 0.66) est
retrouvée, lorsque les facteurs "DP" et "MMSE" sont testés statistiquement.
Cela semble signifier que l'état cognitif des personnes âgées sans trouble
neurologique (MMSE) n'influence pas leur score obtenu au test DP de façon
significative. D'autres facteurs non contrôlés dans cette étude semblent
intervenir. Encore une fois, le caractère projectif du test du DP,
l'investissement corporel de ces personnes, ou encore les compétences
graphiques des personnes testées peuvent constituer des biais potentiels aux
résultats de cette étude et à leur interprétation.
2 - Essai d'étalonnage
2.1. Le test du Dessin du Personnage en fonction de l'âge
Pour l'échantillon de la population atteinte de la maladie d'Alzheimer,
nous avons vu que les résultats statistiques indiquent que le test du DP n'est
pas corrélé à l'âge. Je ne peux alors pas prétendre à l'étalonnage du test du
Dessin du Personnage, relatif à l'âge, des personnes atteintes de maladie
d'Alzheimer.
Pour l'échantillon de la population saine, les résultats obtenus sont
surprenants. En effet, plus l'âge des personnes est grand, meilleur est leur
score au test du DP. On peut alors s'interroger sur l'effet positif du temps sur
l'affinement et la consolidation de la représentation corticale du corps.
Cependant, un étalonnage quelconque est inenvisageable actuellement. Une
étude à plus grande échelle serait pertinente.
2.2. Le test du Dessin du Personnage en fonction du MMSE
Nous l'avons vu, les scores moyens obtenus au test du Dessin du
Personnage sont corrélés positivement et de façon significative aux scores
moyens obtenus au MMSE. Cependant, on observe une grande variabilité
70
interindividuelle (cf. annexe 3, courbe 3, p. 105). Le faible nombre de sujets
atteints de la maladie d'Alzheimer ne permet donc pas de justifier un
étalonnage fiable du test du dessin du personnage. De plus, deux sujets
appartenant au stade 3 de la maladie d'Alzheimer présentent une apraxie
constructive, ce qui peut expliquer leur faible score obtenu au test du DP.
Cependant, ces premiers résultats encourageants peuvent être envisagés
comme le prélude à une recherche ultérieure menée à une plus grande
échelle.
2.3. Conclusion
En regard du tableau regroupant les résultats moyens (présenté à
nouveau ci-dessous pour mémoire), nous pouvons noter une baisse des
performances au test du DP associée à la progression dans les trois stades de
la maladie.
MMSE
DP
Stade 1
21
31
Stade 2
14
29
Stade 3
8,33
4,66
Le test du DP, riche d'indications, de passation rapide et nécessitant peu
de moyens, peut dès lors être envisagé comme un outil complémentaire au
suivi régulier d'une personne atteinte par la maladie d'Alzheimer, si tant est
que la maladie est déjà installée et que la personne se situe déjà dans un
stade modéré à sévère. Ce test ne permet en aucun cas de compléter le
diagnostic. Néanmoins, il peut intéresser le médecin qui suit le patient dans
l'orientation de ce dernier vers un(e) psychomotricien(ne). Je développe cette
idée dans la partie qui suit.
71
III) Analyse critique relative à la
méthode et aux résultats
1 - Intérêts et limites du test du Dessin du Personnage
"Avec le vieillissement, nous ne sommes [...] pas tout à fait du côté de
l'involution." (MATE, 1993, pp. 10-11)
1.1. Pour la personne âgée
1.1.1. Sans trouble neurologique
A première vue, l'administration d'un test comme celui du Dessin du
Personnage présente peu d'intérêt pour la personne âgée qui ne présente pas
de troubles cognitifs.
Néanmoins, j'ai noté durant la passation du test que les sujets ont
tendance à dessiner leur axe corporel, en commençant leur dessin de la tête
aux pieds, puis du centre aux extrémités. Comme si le geste de la personne
dessinant un personnage témoignait d'une organisation graphique globale
suivant les lois céphalo-caudale (axe vertical) et proximo-distale (axe
horizontal). La trace concrète de leur schéma corporel et de sa mise en place,
permise grâce à la maturation neurologique, semble passer du représentable
au représenté.
Cette
donnée
me
paraît
particulièrement
intéressante
pour
la
compréhension de l'organisation et du remaniement permanent du schéma
corporel et de l'image du corps, qu'Antonio DAMASIO regroupe sous le terme
de "cartographie corporelle" (DAMASIO, 2010, p. 116), ainsi que pour la
construction du sentiment d'identité sous-tendu par la conscience de soi. En
effet, cet éminent neuroscientifique auteur de nombreux ouvrages, explique
que "[...] c'est en cartographiant son corps de façon intégrée que le cerveau
réussit à créer le composant essentiel qui deviendra le soi. [...] la
72
cartographie corporelle est la clé pour élucider le problème de la conscience"
(ibid.).
Par ailleurs, la plasticité quasi constante de ces cartes neuronales est
liée à nos propres modifications métaboliques (pathologiques ou pas) ainsi
qu'aux évènements de la vie impactant sur la représentation de notre
personne, sur notre identité.
DAMASIO souligne cette intrication du corps et de l'esprit dont le
réceptacle de ce dernier serait le cerveau: "[...] l'ajustement de ce corps à
l'activité cartographique a un caractère très particulier qu'on néglige
systématiquement: même si le corps est la chose qui est cartographiée, il ne
perd jamais contact avec l'entité qui la cartographie, à savoir le cerveau" (id.,
p. 114).
On peut ainsi dire que notre perception de nous-même, ce sentiment
identitaire si particulier, dépend à la fois de nos expériences - physiologiques,
psychomotrices, psychologiques et sociales -, de notre vécu psychocorporel et
de la façon dont notre cerveau traite et interprète ces informations pour les
rendre cohérentes.
La défaillance du traitement de ces informations parasiterait-t-elle
l'organisation graphique, suivant les lois céphalo-caudale et proximo-distale,
qui témoigne d'un schéma corporel structuré?
1.1.2. Atteinte de la maladie d'Alzheimer
La question de la perte identitaire dans la maladie d'Alzheimer dont
parle CHARAZAC prend ici tout son sens lorsque le point de vue neurocognitif
de DAMASIO est pris en compte.
Si certaines couches neuronales du cerveau des personnes malades
dégénèrent, partiellement ou totalement, on peut aisément imaginer que la
cartographie corporelle peut être atteinte puisque les structures souscorticales et corticales impliquées dans son élaboration sont nombreuses et
en partie responsables du sentiment identitaire (il s'agit principalement des
73
noyaux sous-corticaux, "du complexe somatomoteur de l'opercule rolandique
et pariétal, ainsi que le cortex insulaire" (DAMASIO, 2010, p. 130).
Toutefois, une des particularités de la maladie d'Alzheimer concerne le
caractère aléatoire et non prévisible des atteintes corticales. Certaines
personnes sont atteintes d'aphasie rapidement, tandis que pour d'autres, les
fonctions gnoso-praxiques sont les premières à être touchées. La variabilité
interindividuelle est importante et elle permet très difficilement de
pronostiquer l'évolution de la maladie.
Nous allons voir dans quelles mesures et à quel moment, en fonction des
résultats obtenus au cours de cette recherche, un test comme celui du Dessin
du Personnage peut apporter des éléments de compréhension de cette perte
identitaire liée à la possibilité de se représenter graphiquement.
a. Lors d'une suspicion de maladie d'Alzheimer
Les résultats de cette étude ne permettent vraisemblablement pas de
proposer un quelconque dépistage de la maladie d'Alzheimer grâce au test du
DP, puisque la dégradation des performances de ce test n'apparaît qu'après le
stade 2 de la maladie, stade où, généralement, les personnes sont déjà
diagnostiquées.
Ceci dit, comme je l'ai souligné dans le premier paragraphe de cette
dernière partie, la passation d'un tel test n'est pas dénuée d'intérêt et elle
peut ainsi être envisagée à tout moment en vue d'enrichir le regard des
différents professionnels de santé porté au patient.
b. Lors du diagnostic
Actuellement, les professionnels habilités à établir un diagnostic de la
maladie d'Alzheimer sont les médecins généralistes traitants, les neurologues,
les gériatres et les psychiatres, en collaboration avec des équipes
pluridisciplinaires qualifiées (neuropsychologues, psychologues) et grâce à des
examens para cliniques complémentaires.
74
Selon la Haute Autorité de Santé: "Il n’y a pas d’accord professionnel
concernant le choix des autres tests de repérage [autres que le MMSE] à
effectuer dans le cadre d’une évaluation des fonctions cognitives. Parmi les
tests utilisés et de passation brève, on peut citer: des tests de mémoire :
épreuve de rappel des 5 mots, Memory Impairment Screen (MIS), etc. ;
d’autres tests de repérage : test de l’horloge, tests de fluence verbale,
etc.”21.
Rien n'oppose donc les professionnels de santé à proposer le test du
Dessin du Personnage (DP). Certains trouveront ce test infantilisant et
difficilement administrable, notamment en début de maladie où la personne
âgée a souvent pleinement conscience de ses troubles. Par ailleurs, dans
cette étude la sensibilité du test du DP n'étant pas très forte lors des deux
premiers stades de la maladie, l'intérêt de l'administration de ce test qui
s'ajoute à tant d'autres, est très discutable.
Par ailleurs, la H.A.S. recommande : "le diagnostic ne se conçoit que
dans le cadre d’un plan de soins et d’aides, qui comprend en fonction du
stade de la maladie:

une prise en charge thérapeutique;

une prise en charge coordonnée médico-psycho-sociale et environnementale
du patient et de son entourage;

d’éventuelles mesures juridiques.
Ce plan de soins et d’aides est suivi et réévalué régulièrement. Un
référent identifiable (coordonnateur paramédical) pourrait coordonner et
assurer le suivi du plan de soins et d’aides."22
c. Au long du suivi de l'évolution pathologique
Ainsi, au cours du suivi et de la réévaluation régulière d'une personne
atteinte de la maladie d'Alzheimer avérée, le test du DP pourrait présenter un
21
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/201201/reco2clics_maladie_d_alzheimer_et_maladies_apparentees_diagnostic_et_prise_en_charge.pdf
22
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/201201/reco2clics_maladie_d_alzheimer_et_maladies_apparentees_diagnostic_et_prise_en_charge.pdf
75
intérêt plus pertinent que lors du dépistage et du diagnostic, notamment pour
l'orientation d'une prise en charge psychomotrice par le médecin.
En effet, au regard des résultats obtenus dans cette étude, le déclin des
performances au test du DP est corrélé significativement au déclin des
performances cognitives du MMSE. Le test du DP met en évidence d'éventuels
troubles mnésiques, praxiques, gnosiques, ainsi que des troubles spatiaux, du
tonus, du schéma corporel et de l'image du corps.
Le médecin généraliste, gériatre ou neurologue ignore encore trop
souvent, et notamment dans le domaine de la gériatrie, comment et pourquoi
orienter des personnes âgées vers un psychomotricien.
1.2. Pour les professionnels médicaux et paramédicaux
1.2.1. Pour le médecin
Comme je l'ai dit plus haut, l'intérêt d'un tel test pour le médecin, qu'il
soit généraliste ou spécialiste, réside essentiellement dans la facilitation de
l'orientation de son patient vers un psychomotricien, afin de rendre sa prise
en charge la plus complète possible.
Les tests cognitivo-praxiques utilisés actuellement, tels que le test de
l'Horloge, mettent en évidence des troubles cognitifs instrumentaux comme
l'apraxie visuo-constructive et l'orientation temporo-spatiale. Plusieurs études
comparatives ont montré une sensibilité élevée et une haute spécificité. Mais
ce test ne met résolument pas en évidence un quelconque trouble du schéma
corporel, contrairement au test du Dessin du Personnage. Ce test pourrait
alors permettre aux médecins de proposer une prise en charge psychomotrice,
dans le cas où, après cotation, il s'avère qu'un trouble significatif du schéma
corporel est repéré chez un patient.
Un questionnaire adressé aux médecins généralistes et spécialistes 23 m'a
permis de connaître plus précisément leur positionnement concernant
l'utilisation possible du test du Dessin du Personnage (DP) qui vise l'orientation
éventuelle d'une prise en charge psychomotrice. Il ressort que la majorité des
23
cf. annexe 4
76
médecins généralistes et spécialistes (79,4%) sont favorables à l'utilisation
d'un
tel
test
facilitant
l'orientation
de
leurs
patients
vers
un(e)
psychomotricien(nne).
Par ailleurs, et de façon paradoxale, les trois quart des médecins
interrogés ne connaissent pas bien les actes d'un(e) psychomotricien(nne)
auprès de la personne âgée et autant ne collaborent pas avec un(e)
psychomotricien(ne). Il me semble important d'informer explicitement les
médecins des indications possibles en gérontopsychomotricité.
Les remarques pertinentes ressorties dans ce questionnaire sont les
suivantes:

le manque d'accessibilité des psychomotricien(nne)s, en particulier dans les
petites villes,

le manque de temps rendant parfois compliqué l'ajout d'un test auquel une
formation minimale est nécessaire,

l'importance de la clarification auprès des médecins des indications possibles
en psychomotricité,

l'importance d'un outil reproductible et validé scientifiquement facilitant ces
indications,

le souci d'une optimisation de prise en charge de la personne âgée liée à une
indication réfléchie,

le souci de l'amélioration de la pratique médicale enrichie de la
psychomotricité.
En admettant que ce test puisse un jour être utilisé par les médecins,
une formation visant la maîtrise de l'administration du test du DP et sa
cotation me semble primordiale. Cette nécessité entraînera inévitablement
un investissement, tant financier que temporel, qui, je le crains, freinera
l'utilisation de ce test au sein des consultations médicales.
77
1.2.2. Pour le neuropsychologue et le psychologue
Le neuropsychologue pourra s'attacher à observer les aspects plus
instrumentaux que le test propose, tels que l'organisation, la planification et
l'organisation de la tâche. Le test DP pourra venir compléter les autres tests
neuropsychologiques existants mais évidemment, il ne pourra en aucun cas les
remplacer.
Quant au psychologue, il pourra s'attarder sur l'aspect projectif du test.
En effet, le dessin du personnage met également en relief l'image du corps,
qui on l'a vu, est liée à l'histoire de vie propre à chacun, aux angoisses et aux
investissements libidinaux. De plus, les remarques et les propos tenus par la
personne
évaluée
peuvent
être
riches d'informations
relatives
à
la
personnalité et aux émotions ressenties.
1.2.3. Pour le psychomotricien
Suite à l'indication d'une prise en soin d'un patient par le médecin, le
psychomotricien peut (ré-)utiliser ce test à diverses fins.
D'une part, il lui permet d'évaluer la conscience corporelle qu'a son
patient de lui-même et il peut l'aider à objectiver l'évolution du suivi en
psychomotricité. Cette dernière visera la prise de conscience du corps dans sa
globalité, grâce à divers moyens maîtrisés par le psychomotricien. Des
médiations
telles
que
la
relaxation,
la
stimulation
sensorielle,
la
balnéothérapie, les enveloppements, ou encore la gymnastique douce, la
danse, le parcours psychomoteur (cette "liste" n'est aucunement exhaustive)
seront utilisées en fonction de la fatigue, des envies et des possibilités de
chaque personne.
D'autre part, le psychomotricien peut se saisir de cet outil afin d'évaluer
les autres aspects psychomoteurs révélés par le test tels que:

l'organisation temporo-spatiale: utilisation de l'espace "feuille", temps mis
pour exécuter la consigne, trajets aller et retour de la personne vers et
depuis la salle de psychomotricité
78

le tonus et la graphomotricité: pince scripturale, tonus du tracé et de la
posture, appuis podal et manuel, syncinésies

les réactions de prestance et de contenance: anxiété, timidité, stress...

les mimiques: émotions ressenties, état thymique

la coordination visuo-manuelle

les praxies constructives: "traitement visuel, traitement de programmation et
d'analyse, traitement mnésique et traitement corporel"
(BOUTTIER, 2002, p. 4)

la latéralité: utilisation d'une main préférentiellement à l'autre

l'attention et la concentration: elles peuvent être de type soutenu, labile,
moyen ou faible. Elles sont dépendantes de l'âge de la personne, de sa
fatigue, de son état psychologique mais aussi de l'horaire de passation, ou
encore de la douleur physique.
Enfin, le psychomotricien s'attachera à apprécier le vécu corporel de la
personne, grâce à ses verbalisations, sa communication infra-verbale
(mimiques, attitudes, réactions de prestance et de contenance), son
application à la tâche demandé et sa concentration.
Ces observations et évaluations pourront l'aider à affiner et/ou
réorienter le suivi en psychomotricité.
2 - Une variabilité interindividuelle maîtrisable?
Une étude expérimentale nécessite une attitude de neutralité, un souci
d'objectivation, une prise en considération et un contrôle rigoureux des
nombreux facteurs intervenant dans l'expérience. A mesure qu'avançait mon
étude, certaines données que je n'avais pas prises en compte auparavant se
sont imposées en tant que variables probables influençant la cotation d'un tel
test.
79
2.1. Mémoire procédurale et compétences graphiques
La mémoire procédurale, fortement enracinée grâce à la répétition des
apprentissages tout au long de la vie, est la mémoire qui perdure le plus
longtemps et ce en dépit d'une atteinte neurologique telle que la maladie
d'Alzheimer. L'écriture et la lecture en font partie. Qu'en est-il du graphisme
"représentatif"?
Les compétences graphiques ne correspondent pas à un apprentissage
scolaire indispensable à l'intégration socioprofessionnelle des individus. En
revanche, certaines personnes développent cette capacité à représenter la
réalité observable au cours de leur existence. Cette compétence graphique
développée, travaillée, affinée, répétée, aura peut-être répondu à une
exigence professionnelle ou à un intérêt artistique personnel. Comment alors
ne pas prendre en compte cette habileté, soutenue par la mémoire
procédurale, dans la réalisation d'un dessin de personnage?
Bien que rarement rencontré dans l'échantillon de personnes de cette
présente expérience, ce biais éventuel peut être écarté en demandant, par
exemple à la personne ou à un proche si le graphisme lui est familier
(profession ou plaisir). L'interprétation du score final obtenu au DP dépendrait
du niveau de compétence graphique, qui reste à déterminer.
2.2. L'apraxie constructive: facteur déterminant
L'apraxie constructive semble être un facteur déterminant dans la
désorganisation d'un personnage dessiné chez la personne âgée atteinte de
maladie d'Alzheimer. En effet, l'apraxie constructive est au centre d'une
symptomatologie démentielle et apparaît comme un signe précoce des
déficits
cognitifs
dans
l'évolution
de la
maladie
témoignant
de
la
désorientation temporo-spatiale et des déficits moteurs.
"Selon AJURIAGUERRA et al. (1960), la démence entraîne une désintégration
des fonctions cognitives qui reproduit l'ordre inverse de la chronologie de leur
acquisition. Dans le dernier stade de la maladie, les dessins deviennent
incomplets et désorganisés comme les premières productions de jeunes
80
enfants." (AJURIAGUERRA, MULLER, & TISSOT, 1960 cités dans LESNIEWSKA,
2003, p. 82).
L'apraxie constructive est succinctement évaluable grâce au MMSE. Il
s'avère que deux des sujets de mon étude présentent une apraxie
constructive, ce qui est fâcheux car ces derniers appartiennent à l'échantillon
du stade "sévère" de la maladie. Ces deux sujets font donc inévitablement
chuter leur score au DP et discrédite quelque peu la forte corrélation
retrouvée.
Un moyen d'endiguer ce problème pourrait être de reproduire cette
étude en évaluant ce facteur de façon plus précise que le MMSE, à l'aide d'un
test évaluant les praxies par exemple (Batterie d'Evaluation des Praxies).
L'ampleur de ce protocole expérimental, à non plus deux mais trois facteurs
(MMSE, DP et test des praxies), nécessiterait plus de temps et certainement
des co-expérimentateurs.
2.3. Difficultés liées au diagnostic différentiel
Le diagnostic de maladie d'Alzheimer est encore compliqué à poser et les
erreurs diagnostiques, difficilement estimables en terme de fréquence,
existent et ce, en dépit d'une constante amélioration de la stratégie
diagnostique et thérapeutique.
"Les erreurs diagnostiques portent également sur les pathologies
associées, car 30% des patients atteints de maladie d'Alzheimer ont également
des corps de Lewy. De plus, la pathologie vasculaire se surajoute
fréquemment aux maladies neurodégénératives" (DELACOURTE, 1998).
Une évolution plus rapide que celle observée généralement lors d'une
maladie d'Alzheimer "pure" implique une réévaluation du diagnostic initial et
la recherche d'une pathologie associée. En effet, l'existence de lésions
vasculaires cérébrales associées (démence mixte) et/ou d'autres lésions
histologiques comme les corps de Lewy (démence à corps de Lewy) ou encore
81
d'atrophie corticale localisée (démence frontotemporale) remettent en
question le diagnostic initial et les moyens thérapeutiques utilisés.
Les dossiers médicaux des personnes de mon étude indiquaient un
diagnostic de maladie d'Alzheimer. Je peux alors me poser la question d'une
éventuelle erreur diagnostic pouvant biaiser les résultats de cette recherche.
L'amélioration constante actuelle du diagnostic permettrait d'envisager une
recherche ultérieure plus objective.
3 - Conditions expérimentales: précisions et améliorations
nécessaires
3.1. Précision de la dégradation du schéma corporel grâce à une
différenciation des stades de la maladie d'Alzheimer
Dans cette étude, seuls trois stades de la maladie d'Alzheimer ont été
retenus. Dans la littérature, on retrouve une classification qui varie entre
trois et cinq stades. Le stade dit "très sévère" (scores inférieurs à 3 au
M.M.S.E.) me semble compliqué à inclure du fait d'un fréquent alitement des
personnes à ce stade, voire de leur grabatisation, mais il serait intéressant
d'affiner cette recherche en incluant le stade dit "modérément sévère"
comprenant les scores entre 10 et 15 au M.M.S.E.
Un échantillon de sujets plus important (N<50), ne présentant pas
d'apraxie constructive, permettrait d'étudier plus précisément à quel moment
de la maladie le schéma corporel représenté commence à se dégrader.
3.2. Le choix des tests
Le schéma corporel peut être évalué au moyen de différents tests
psychomoteurs comme la somatognosie de Bergès 24 , l'épreuve du sens
24
Evalue la capacité à nommer et à démontrer les parties du corps sur soi et sur autrui.
82
musculaire de G.B. Soubiran25, l'épreuve de Piaget26, le test de Head27, ou le
test de Bergès-Lézine 28 . La variabilité des moyens d'évaluation du schéma
corporel semble laisser transparaître un spectre de compétences étendu,
relatif à sa construction et à sa représentation.
A travers ces tests, la latéralité et la réversibilité sont parfois
recherchées. L'un évalue le stock lexical relatif au corps et la dénomination
de
ses
parties,
l'autre
fait
appel
aux
mémoires
kinesthésique
et
proprioceptive. D'autres encore se penchent sur les capacités visuo-praxiques
(praxies idéomotrices) en demandant à la personne testée d'imiter une série
de gestes simples puis complexes.
L'acte de dessiner un personnage implique également des compétences
praxiques préservées, une capacité de décentration (réversibilité) et des
verbalisations possibles (de prestance ou de nom des parties du corps). Le test
du bonhomme est ainsi le dépositaire d'une "trace", d'une représentation de
soi objectivable (incluant son corps et son psychisme) dans sa globalité, dans
un lieu et à un moment donné.
Il serait utile de comparer ces tests statistiquement en fonction de
l'avancée de la maladie d'Alzheimer afin de déterminer lequel est le plus
sensible à la dégradation du schéma corporel, car rien ne m'indique que le
dessin du personnage est le plus pertinent. Il serait intéressant de l'enrichir
d'autres tests ou épreuves le rendant plus globale encore.
Le MMSE, lui, évalue le fonctionnement cognitif global et prend peu en
compte la capacité de jugement, la résolution de problèmes, les intérêts et
l'autonomie. Il peut ainsi tout à fait être discuté, quant à son utilisation faite
ici pour regrouper les sujets en stades d'avancée dans la maladie. Le Clinical
Dementia Rating scale (CDR) 29 , échelle mixte tenant compte des déficits
cognitifs et du retentissement sur la vie quotidienne, bien que peu utilisée en
25
Evalue la capacité à mémoriser et à reproduire une posture "modelée" par la psychomotricienne
(mémoires kinesthésique et proprioceptive).
26
Evalue la capacité d'orientation droite-gauche sur soi (latéralité) et la capacité de réversibilité,
c'est-à-dire de se décentrer de son propre corps.
27
Evalue la reproduction de gestes fins, ipsi et controlatéraux (main-oeil-oreille) à partir d'une
démontration, puis de consignes verbales et enfin d'une représentation graphique d'un personnage.
28
Evalue la reproduction de gestes simples et complexes.
29
http://www.dementia-assessment.com.au/global/CDR_Scale.pdf
83
France, pourrait être une complémentarité intéressante au MMSE. Elle tient
compte de cinq niveaux d'atteinte de la maladie d'Alzheimer (aucune
atteinte, probable, légère, modérée et sévère). Il s’agit d’une échelle de
passation rapide, mais qui nécessite une évaluation complète, à la fois des
troubles cognitifs et des capacités du patient à accomplir les activités de la
vie quotidienne. Elle est essentiellement utilisée lors des suivis de cohorte de
patients déments afin de définir la dégradation fonctionnelle et cognitive du
syndrome démentiel. L'association de ces deux tests permettrait de rendre
compte de l'état de la personne de façon plus complète et globale.
3.3. La taille de l'échantillon
Bien évidemment, j'ai conscience qu'une étude expérimentale nécessite
un échantillon représentatif des populations testées, ce qui est loin d'être le
cas pour la présente étude. En psychologie expérimentale, la taille minimale
d'un échantillon est de cinquante sujets et mon étude n'en comporte que dixhuit.
 Conclusion
À l'issu de ma formation en psychomotricité, je souhaite poursuivre et
améliorer cette étude à plus grande échelle en prenant en compte les
différents facteurs indispensables que je viens d'évoquer.
D'autres recherches sont envisageables. D'une part, un couplage du test
du Dessin du Personnage à l'Examen Gérontopsychomoteur (EGP) pourrait être
étudié, améliorant certainement le bilan psychomoteur d'une personne âgée
et facilitant l'élaboration du projet thérapeutique de la prise en soin
psychomotrice.
D'autre
part,
cette
recherche
pourrait
être
réalisée
de
façon
longitudinale. De cette manière, la comparaison entre un échantillon de
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (MA) suivies en psychomotricité
et
un
second,
de personnes atteintes par
la
MA
non
suivies en
psychomotricité. Cette étude permettrait d'objectiver la pertinence de cette
84
discipline dans l'évolution de la représentation de soi et par extension, de
valider scientifiquement une des spécificités de la psychomotricité qui
concerne les troubles de l'image du corps et du schéma corporel.
Par ailleurs, la recherche en neurosciences permettra peut-être un jour,
grâce à l'imagerie cérébrale, de rendre compte de la cartographie corporelle
et de son évolution dans le vieillissement normal et pathologique.
4 - Discussion
- William UTERMOHLEN : un témoignage unique sur le vécu et la
créativité d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer
Une personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer a retenu mon
attention. Il s'agit de William UTERMOHLEN (1933-2007), artiste peintre. Né
aux Etats-Unis, il passe la majeure partie de sa vie et de sa carrière d'artiste à
Londres. Il réalise des autoportraits durant les cinq années qui ont suivi
l'annonce de son diagnostic en 1995. L'ensemble de cette œuvre témoigne de
la dégradation du schéma corporel ainsi que de la recherche du maintien
identitaire. Le psychiatre Patrice POLINI a analysé cette démarche: "La
création artistique a été [...] pour William UTERMOHLEN, une tentative
d'autoguérison. Elle lui a permis de lutter contre le processus pathologique de
désorganisation psychique en maintenant ses repères existentiels, son
sentiment d'identité, sa présence au monde et parmi les siens [...] il a réussi à
maintenir l'investissement de son propre univers, à se représenter pour ne pas
disparaitre." (POLINI, 2007, p. 6)
D'autres auteurs, tels que Marion PERUCHON analyse de façon complexe
et globale cette démentalisation qu'est la maladie d'Alzheimer. Elle invite le
lecteur à une compréhension plurifactorielle de cette maladie, en articulant
les approches psychosomatiques et neuropsychanalytique. Ainsi, les concepts
du Moi-peau et du schéma corporel sont repris afin de comprendre la
sublimation dans la démence, dont William UTERMOHLEN a laissé des traces
(cf. autoportraits en annexe 6), riche d'indications notamment en regard des
enveloppes psychiques.
85
La production picturale réalisée juste après l'annonce du diagnostic,
"Blue Skies" (cf. annexe 6), met en évidence la notion de maintenance
psychique 30 , en déperdition dans la maladie d'Alzheimer. En effet, W.
UTERMOHLEN se représente assis sur une chaise, la main gauche agrippée à la
table, "comme s'il ressentait l'urgence de trouver un appui sécurisant devant
l'inéluctable perte subjective de la maintenance psychique; retour donc au
toucher primaire d'agrippement que l'on rencontre d'ailleurs dans certaines
démences avancées lorsque la pensée défaille, et qui vise à juguler l'angoisse
de perte de l'objet-support31" (PERUCHON, 2011, p. 59).
Par ailleurs, elle évoque le lien entre la désorganisation du schéma
corporel et la fonction de maintenance du Moi-peau défaillante dans cette
pathologie: "Associée à l'usure de l'enveloppe contenante, cette perte de
l'objet-support qui [...] entraîne des troubles de la maintenance, ne peut pas
ne pas avoir de répercussions néfastes sur cette structure qu'est le schéma
corporel. En effet, "Broken figure" nous expose un pantin désarticulé au crâne
de mort qui paraît avoir perdu son axe central ou sa verticalité [...]" (ibid.)
(cf. annexe 6).
Elle reprend également l'idée de la perte identitaire: "À partir de cette
date-là, William UTERMOHLEN va s'adonner durant quatre ans à une série
d'autoportraits sans doute en vue de faire durer le plus longtemps possible la
fonction d'individuation de soi, ou son identité, ainsi que la fonction
d'inscription, pourtant déjà toutes deux atteintes - les déficits de la mémoire,
l'effacement des détails, la désorientation spatiale, l'altération de la
perspective et des proportions se dévoilant régulièrement dans ses œuvres."
(ibid.) P. POLINI écrit également en ce sens, concernant "Broken figure": "Le
moi n'est plus identifié qu'à un corps désarticulé, fragmenté. L'image de soi,
disloquée, n'assure plus aucune expérience de continuité identitaire".
La peau a la fonction biologique de maintenance: WINNICOTT a désigné le holding la façon
dont, lors des interactions précoces, la mère soutient le corps du bébé. Par ailleurs,
l'intériorisation du holding maternel permet le développement de la fonction psychique
(ANZIEU, 1995, p. 121).
30
L'état d'unité et de solidité du corps du bébé et son fonctionnement psychique sont permis
par l'étayage physique des mains et du corps de la mère soutenant son enfant. Cet appui
externe, ce corps-à-corps, "conduit le bébé à acquérir l'appui interne sur sa colonne
vertébral, comme arête solide permettant de se redresser" (ANZIEU, 1995, p. 122). C'est ce
qu'ANZIEU nomme "l'objet-support".
31
86
Tout au long de l'avancée de sa maladie, et ce jusqu'en l'an 2000, sept
ans avant son décès, W. UTERMOHLEN a semblé utiliser son art comme une
moyen, une médiation, de pallier à la perte progressive de son schéma
corporel et de son identité.
- Le toucher thérapeutique : une médiation utilisée en
psychomotricité pour les personnes âgées atteintes de la maladie
d'Alzheimer
La psychomotricité est une spécialité paramédicale qui fait intervenir le
corps et qui le prend en considération. Les professionnels de cette discipline
peuvent utiliser de nombreuses médiations visant la re-structuration du
schéma corporel et l'étayage de l'image du corps. DOLTO l'avait bien compris:
"L'image du corps est à chaque moment mémoire inconsciente de tout le vécu
relationnel, et, en même temps, elle est actuelle, vivante, en situation
dynamique, à la fois narcissique et interrelationnelle: camouflable ou
actualisable dans la relation ici et maintenant, par toute expression
langagière, dessin, modelage, invention musicale, plastique, comme aussi
mimiques et gestes" (DOLTO, 1984).
Le toucher thérapeutique peut être une médiation intéressante visant la
re-structuration du schéma corporel chez les personnes atteintes de la
maladie d'Alzheimer. En effet, le toucher contenant, les mobilisations
passives, le gantage, les pressions sont des outils simples qui apportent bienêtre, détente et prise de conscience de leur globalité corporelle aux
personnes qui reçoivent ces soins particuliers. Le schéma corporel est ainsi
progressivement re-structuré (chaque partie du corps étant touchée et
nommée) et l'image du corps est valorisée, puisqu'une relation de confiance
est établie.
Le toucher thérapeutique peut également s'avérer être un outil
intéressant dans la prise en soin psychomotrice des personnes âgées aux
stades avancés de la maladie d'Alzheimer qui, dépendantes, alitées, voire
grabataires, sont essentiellement mobilisées lors des soins (médicaux,
hygiéniques...) et sont très peu touchées de façon agréable et détendue.
87
Françoise GIROMINI, psychomotricienne et diplômée en philosophie,
rappelle l'importance du toucher dans la constitution du corps propre, de sa
représentation et de son engagement relationnel: "Le toucher est le mode
originaire de constitution du corps propre. Le toucher est le modèle de
relation-affection au monde, une disponibilité qui se transforme en
détermination. Ces groupes de sensations sont insérés dans la sphère de
l’affect et participent à l’activité relationnelle avec le monde. Tous ces
groupes de sensation ont, en tant qu’impressions sensibles, une localisation
somatique immédiate. Cette couche de sensations forme le tissu du corps
propre à tel point qu’ils permettent de découvrir de façon évidente la chair,
c’est-à-dire la relation de soi-même à soi-même." (GIROMINI, 2003-2004, pp.
31-32)
Ainsi, le vécu corporel et la recherche du maintien identitaire peuvent
être sublimés par le dessin ou la peinture, comme William UTERMOHLEN l'a
démontré dans sa dernière œuvre. Par ailleurs, le toucher thérapeutique
s'avère être une médiation intéressante - ce n'est pas la seule - visant d'une
part la re-structuration du schéma corporel de la personne âgée démente et
d'autre part, la ré-appropriation d'un corps-plaisir étayant l'image du corps.
88
Conclusion
La maladie d'Alzheimer est une pathologie neurodégénérative dont
l'expression clinique est variable aux différents stades de la maladie. Le
psychomotricien intervient auprès des personnes âgées au sein de diverses
structures gériatriques ainsi qu'au domicile, en utilisant divers outils
professionnels. Le bilan gérontopsychomoteur (EGP) permet de mettre en
exergue les difficultés et les capacités de la personne âgée grâce à une
observation objective, dans le but de lui proposer un projet thérapeutique et
une prise en charge adaptée. De nombreux tests constituent ce bilan, dont
ceux qui évaluent le schéma corporel dans la connaissance des parties du
corps.
L'objectif de ce mémoire était d'évaluer le schéma corporel de façon
objective grâce au test du Dessin du Personnage (DP) et de s'intéresser à la
possibilité de l'étalonnage de ce dernier, corrélé à un test cognitif simple et
global, le Mini Mental State Examination (MMSE). J'ai procédé à la passation
de ces deux tests auprès d'une population générale de dix-huit personnes,
dont neuf atteintes de la maladie d'Alzheimer réparties équitablement dans
les trois stades d'avancée de la maladie et neuf personnes saines, constituant
la population témoin. Les résultats indiquent que le degré de sévérité de la
maladie d'Alzheimer, évaluable grâce au MMSE, est corrélé de façon
significative au test du DP. Autrement dit, la perte progressive des capacités
cognitives semble entraîner une difficulté également progressive à se
représenter soi-même.
Cependant, l'étalonnage du test du Dessin du Personnage est une
entreprise rigoureuse qui nécessite un nombre élevé de sujets. Cette étude
aurait été d'autant plus riche avec un nombre plus important de sujets afin de
réduire les importantes variabilités interstade et interpersonnelle que j'ai pu
constater. Ces dernières auraient pu être réduites en tenant compte des
compétences graphiques et de la conservation des praxies constructives des
personnes testées. De même, j'ai été confronté à la difficulté que représente
le diagnostic des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Il me
semblerait utile d'analyser la sensibilité au test du Dessin du Personnage
quant à la distinction des différents symptômes démentiels que sont la
89
démence à corps de Léwy, la démence fronto-temporale, la démence
vasculaire et la démence mixte.
L'intérêt du test du Dessin du Personnage semble être actuellement
pertinent dans l'utilisation que pourrait en faire les médecins et les
psychomotriciens. Pour les premiers, ce test de passation rapide permettrait
une indication facilitée d'un patient vers un psychomotricien, en supposant
que les médecins soient bien informés des actes relevant du champ de
compétences des psychomotriciens. Pour les seconds, ce test permet
d'évaluer la représentation corticale du corps du patient et de suivre
l'évolution d'une prise en soin psychomotrice axée sur la restructuration du
schéma corporel grâce, notamment, au toucher thérapeutique.
90
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94
Annexe 1: Mini Mental State Examination
M ini M ental State Examination (M M SE) (Version consensuelle du GRECO)
Orientation
/ 10
Je vais vous poser quelques questions pour apprécier comment fonctionne votre mémoire.
Les unes sont très simples, les autres un peu moins. Vous devez répondre du mieux que vous pouvez.
Quelle est la date complète d’aujourd’hui ?
Si la réponse est incorrecte ou incomplète, posées les questions restées sans réponse, dans l’ordre suivant :
1. En quelle année sommes-nous ?
2. En quelle saison ?
3. En quel mois ?
4. Quel jour du mois ?
5. Quel jour de la semaine ?
Je vais vous poser maintenant quelques questions sur l’endroit où nous trouvons.
6. Quel est le nom de l’hôpital où nous sommes ?*
7. Dans quelle ville se trouve-t-il ?
8. Quel est le nom du département dans lequel est située cette ville ?**
9. Dans quelle province ou région est située ce département ?
10. A quel étage sommes-nous ?
Apprentissage
/3
Je vais vous dire trois mots ; je vous voudrais que vous me les répétiez et que vous essayiez de les retenir
car je vous les redemanderai tout à l’heure.
11. Cigare
Citron
Fauteuil
12. Fleur
ou
Clé
ou
Tulipe
13. Porte
Ballon
Canard
Répéter les 3 mots.
Attention et calcul
Voulez-vous compter à partir de 100 en retirant 7 à chaque fois ?*
14.
15.
16.
17.
18.
/5
93
86
79
72
65
Pour tous les sujets, même pour ceux qui ont obtenu le maximum de points, demander :
Voulez-vous épeler le mot MONDE à l’envers ?**
Rappel
/3
Pouvez-vous me dire quels étaient les 3 mots que je vous ai demandés de répéter et de retenir tout à l’heure ?
11. Cigare
Citron
Fauteuil
12. Fleur
ou
Clé
ou
Tulipe
13. Porte
Ballon
Canard
Langage
/8
Montrer un crayon.
22. Quel est le nom de cet objet ?*
Montrer votre montre.
23. Quel est le nom de cet objet ?**
24. Ecoutez bien et répétez après moi : « PAS DE MAIS, DE SI, NI DE ET »***
Poser une feuille de papier sur le bureau, la montrer au sujet en lui disant : « Ecoutez bien et faites ce que je vais vous dire :
25. Prenez cette feuille de papier avec votre main droite,
26. Pliez-la en deux,
27. Et jetez-la par terre. »****
Tendre au sujet une feuille de papier sur laquelle est écrit en gros caractère : « FERMEZ LES YEUX » et dire au sujet :
28. « Faites ce qui est écrit ».
Tendre au sujet une feuille de papier et un stylo, en disant :
29. « Voulez-vous m’écrire une phrase, ce que vous voulez, mais une phrase entière. »*****
Praxies constructives
/1
Tendre au sujet une feuille de papier et lui demander : 30. « Voulez-vous recopier ce dessin ? »
95
96
Annexe 2: Feuille de cotation du DP
Nom:
Age:
Sexe:
Score MMSE:
Score DP (dessin du personnage):
Catégorie A (premier stade dans lequel le bonhomme est
méconnaissable)
1. Gribouillage sans but, incontrôlé
2. Lignes grossièrement géométriques, quelque peu contrôlées
Catégorie B (dessins dans lesquels on peut reconnaître un
bonhomme).
Les 51 points correspondent aux dessins de cette catégorie:
POINTS
0
1
1. Présence de la tête
2. Jambes présentes
3. Bras présents
4.a) Tronc présent
4.b) Tronc plus long que large
4.c) Epaules indiquées
97
5.a) Bras et jambes attachés tous quatre au tronc
et à l'endroit correct
5.b) Jambes attachées au tronc. Bras attachés
au tronc et à l'endroit correct
6.a) Cou présent
6.b) Lignes du cou continuant celles de la tête,
du tronc ou des deux
7.a) Yeux présents
7.b) Nez présent
7.c) Bouche présente
7.d) Nez et bouche à la fois; deux lèvres indiquées
7.e) Narines présentes
8.a) Présence des cheveux
8.b) Cheveux dépassant la circonférence de la tête
et sans transparence (du crâne à travers les cheveux).
Représentation meilleure qu'un gribouillage
9.a) Vêtements présents
9.b) Deux pièces du vêtement non transparentes
9.c) Dessin entièrement sans transparence lorsque
le veston et le pantalon sont représentés
9.d) Quatre ou plus de quatre pièces du vêtement
nettement indiquées
9.e) Costume complet, sans naïveté
10.a) Doigts indiqués
10.b) Nombre exacte de doigts
10.c) Les deux dimensions des doigts, plus longs
que larges et l'angle formé par eux ne dépassant
pas 180°
10.d) Opposition du pouce
10.e) Mains représentées de façon distincte des
doigts ou des bras
11.a) Articulations des bras, le coude ou l'épaule,
ou les deux
98
11.b) Articulations des jambes, genoux, hanches,
ou les deux
12.a) Proportion de la tête
12.b) Proportion des bras
12.c) Proportion des jambes
12.d) Proportion des pieds
12.e) Les bras et les jambes représentés en 2D
13. Talon indiqué
14.a) Coordination motrice. Ligne A
14.b) Coordination motrice. Ligne B
14.c) Coordination motrice. Lignes de la tête
14.d) Coordination motrice. Lignes du tronc
14.e) Coordination motrice. Bras et jambes
14.f) Coordination motrice. Traits du visage
15.a) Oreilles présentes
15.b) Oreilles présentes avec une position et une
proportion correctes
16.a) Détail des yeux. Sourcils;
16.b) Détail des yeux. Pupille indiquée;
16.c) Détail des yeux. Proportions;
16.d) Détail des yeux. Regard vers l'avant dans
les dessins de profil
17.a) Front et menton indiqués tous deux
17.b) Dépassement du menton
18.a) Un dessin de profil avec une seule erreur
au maximum
18.b) Profil correct
TOTAL
99
Annexe 3 : Résultats bruts - Tableaux et
graphiques
 Population atteinte de la maladie d'Alzheimer
Âge
MMSE
DP
Sujet 1
75
6
0
Sujet 2
81
13
25
Sujet 3
81
13
34
Sujet 4
81
9
9
Sujet 5
84
16
28
Sujet 6
87
21
30
Sujet 7
87
10
5
Sujet 8
87
21
30
Sujet 9
90
21
33
83,6
14,4
21,5
Moyenne
Tableau 1 - Ages ordonnés, MMSE et DP correspondant à chaque sujet de la
population atteinte de la MA
100
Age
Tranche d'âge 1
Moyenne
Tranche d'âge 2
Moyenne
DP
75
0
81
25
81
34
81
9
79,5
17
84
28
87
5
87
30
87
30
90
33
87
25,2
Tableau 2 - Ages ordonnés et scores obtenus au DP
Stade 1
Moyenne
Stade 2
Moyenne
Stade 3
Moyenne
MMSE
DP
21
30
21
33
21
30
21
31
MMSE
DP
13
25
13
34
16
28
14
29
MMSE
DP
6
0
10
5
9
9
8,3
4,6
Tableau 3 - Répartition des scores obtenus au MMSE et au DP dans les trois stades
d'évolution de la MA
101
Courbe 1 - Distribution des âges en fonction des scores DP
Courbe 2 - Scores obtenus au MMSE en fonction de l'âge des personnes atteintes de
MA
102
Courbe 3 - Scores obtenus au MMSE en fonction des scores obtenus au DP
 Population sans trouble neurologique
Age
Sujet 1
Sujet 2
Sujet 3
Sujet 4
Sujet 5
Sujet 6
Sujet 7
Sujet 8
Sujet 9
Moyenne
76
79
82
83
88
90
90
74
84
82,889
MMSE
27
27
28
27
26
27
29
26
30
27,444
DP
15
20
17
23
31
23
26
37
32
24,889
Tableau 4 - Ages des personnes sans troubles neurologiques ordonnés et scores
correspondants obtenus au MMSE et au DP
103
Tranche d'âge 1
Age
Moyennes
Tranche d'âge 2
Moyennes
DP
76
15
79
20
82
17
79
17,33333333
Age
DP
83
23
88
31
90
23
90
26
87,75
25,75
Tableau 5 - Ages ordonnés et scores obtenus au DP
Courbe 4 - Distribution des âges en fonction des scores DP
104
Courbe 5 - Scores obtenus au MMSE en fonction de l'âge
105
Annexe 4 : QUESTIONNAIRE
- Etes-vous:

Médecin généraliste

Gériatre

Neurologue

Psychiatre

Autre (précisez):..........................................................
- A quelle catégorie d'âge appartenez-vous?

- de 35 ans

35-45 ans

45-55 ans

55-65 ans

+ de 65 ans
- Connaissez-vous bien les actes de la prise en charge psychomotrice auprès
de la personne âgée?

Oui

Non
- Travaillez-vous avec un(e) psychomotricien(ne)?

Oui

Non
- A quelle fréquence prescrivez-vous une thérapie ou une rééducation
psychomotrice pour un patient âgé?

Jamais

Rarement

Occasionnellement

Fréquemment
106
- Seriez-vous favorable à l'idée d'utiliser l'épreuve du dessin du personnage
dans le but d'orienter un patient présentant une démence de type Alzheimer
vers une prise en charge psychomotrice?

Oui - Non

Pour quelle(s) raison(s)?
............................................................................................................................................................................
............................................................................................................................................................................
............................................................................................................................................................................
- Commentaires - suggestions éventuelles - remarques:
................................................................................................
................................................................................................
................................................................................................
................................................................................................
................................................................................................
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Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre à ce questionnaire et je
vous souhaite une bonne continuation!
Camille DELOBEL
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Annexe 5: Exemples de dessins du personnage
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Dessins réalisés par des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer
Mme B., 90 ans. MMSE = 21; DP = 33
108
Mme T., 81 ans. MMSE = 13; DP = 25
109
Mme P., 81 ans. MMSE = 9; DP = 9
110
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Dessin réalisé par une personne âgée sans trouble neurologique
Mme B., 74 ans. MMSE = 26; DP = 37
111
Annexe 5: Phrases associées aux dessins du
personnage
Stade 1 (24-18):
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MMSE: 21/30; DP: 30/51: "C'est mon voisin qui arrose ses plantes"

MMSE: 21/30; DP: 33/51: "Le jardinier de mon grand'Père il y a plus de
cinquante ans"
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MMSE: 19/30; DP: 34/51: "Bientôt les vacances chercher l'endroit où nous
pouvons aller; voir la côte d'AZUR"
Stade 2 (10-17)
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MMSE: 16/30; DP: 28/51: "Je suis un peu fatiguée".
MMSE: 13/31; DP: 25/51: "Je vous aime je vous très belle et jolie"
Stade 3 (<9):
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MMSE: 9/30; DP: 9/51: "J'aime bien le calme du pays"
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Annexe 6: Autoportraits. William UTERMOHLEN
(1933-2007), artiste peintre atteint par la
maladie d'Alzheimer
Blue skies (1995) OIL ON CANVAS, 152 x 122 cm
Broken Figure (1996) MIXED MEDIA ON PAPER, 32.5 X 47 CM
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Self-Portrait with Easel (Yellow and Green) (1996)
OIL ON CANVAS, 46x35cm
Self-Portrait (Red) (1996) MIXED MEDIA ON PAPER, 46.5 X 33 CM
Private Collection
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Self-Portrait (With Easel—Yellow and Green) (1996) MIXED MEDIA ON PAPER,
46 X 35 CM.
ELAN PHARMACEUTICALS COLLECTION, SAN FRANCISCO
Self-Portrait (With Saw) (1997) OIL ON CANVAS, 35.5 X 35.5 CM.
BOÏCOS COLLECTION, PARIS
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Self-Portrait (Yellow) (1997) OIL ON CANVAS, 35.5 X 35.5 CM
ELAN PHARMACEUTICALS COLLECTION, SAN FRANCISCO
Self-Portrait (Green) (1997) OIL ON CANVAS, 35.5 X 35.5 CM
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Erased Self-Portrait (1999) OIL ON CANVAS, 45.5 X 35.5 CM
Head I (2000) PENCIL ON PAPER , 40.5 X 33 CM
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Résumé
La maladie d'Alzheimer est une affection neurodégénérative très
fréquente dans la population âgée. Elle perturbe les fonctions cognitives,
instrumentales, exécutives et psychomotrices de la personne qui en est
atteinte. Le psychomotricien, professionnel paramédical de plus en plus
présent dans les établissements de soins gériatriques, procède au bilan
gérontopsychomoteur des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer,
entre autres, afin d'établir un projet thérapeutique personnalisé. L'Examen
Gérontopsychomoteur (EGP) a été étalonné en 2011 auprès de personnes
âgées saines et a été validé auprès de personnes présentant des démences. La
"connaissance des parties du corps" est un item de l'EGP qui évalue
partiellement le schéma corporel. Cet écrit propose un complément de
l'évaluation de ce dernier chez la personne âgée atteinte de la maladie
d'Alzheimer, grâce au test du Dessin du Personnage.
Mots-clés: maladie d'Alzheimer - schéma corporel - évaluation
Summary
The Alzheimer's disease is a very frequent neurodegenerative condition in the
old population. It disrupts the cognitive, instrumental, executive and
psychomotor functions of the person who is affected. The psychomotor
therapist, the paramedical professional who is more and more present in the
geriatric health care establishments, proceeds to the balance sheet geronto
psychomotor of the persons affected, among others, by the Alzheimer's
disease, in order to draw up a personalized therapeutic project. The Geronto
Psychomotor Exam (EGP) was tested in 2011 with healthy elderly and was
validated with persons presenting insanities. The "knowledge of parts of the
body" is an item of the EGP which estimates partially the body image. This
paper proposes a complement to the evaluation of the body image of the
eldely person affected by the Alzheimer's disease, thanks to the test of the
drawing of the character.
Keywords: Alzheimer's disease - body image - evaluation
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