Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice - PARIS XVI L'intérêt de l'évaluation du schéma corporel des personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer, grâce au test du Dessin du Personnage Quand la conscience de soi et l'identité sont menaçées Mémoire de recherche présenté en vue de l'obtention du Diplôme d'Etat de Psychomotricité Maître de mémoire: Noémie Dufour, neuropsychologue Camille Delobel Juin 2012 SOMMAIRE REMERCIEMENTS ......................................................................... 7 INTRODUCTION ........................................................................... 9 I) PARTIE THEORIQUE .................................................................. 11 1- LE VIEILLISSEMENT ....................................................................... 11 1.1. Définitions ......................................................................... 11 1.2. Le corps de la personne âgée ................................................... 13 1.2.1. Aspects physiologiques ......................................................... 13 1.2.2. Aspects psychomoteurs ........................................................ 16 1.3. Les concepts de Schéma Corporel et d’Image du Corps et les conceptions actuelles ................................................................................. 18 1.3.1. Le Schéma Corporel ............................................................ 18 1.3.2. L'Image du Corps, un concept "controversé" ................................ 20 1.3.3. Image composite du corps et cartographie corporelle .................... 21 2 - LA MALADIE D’ALZHEIMER ............................................................... 22 2.1. Les critères de la "Démence de la maladie d'Alzheimer" selon la CIM-10 (OMS, 1994).............................................................................. 22 2.2. La maladie d’Alzheimer ......................................................... 23 2.2.1. Définition ........................................................................ 23 2.2.2. Problématique de la terminologie ........................................... 24 2.2.3. Epidémiologie ou l'expression chiffrée d'une préoccupation sanitaire et sociale .................................................................................... 25 2.2.4. Les manifestations cliniques .................................................. 26 2.2.5. Facteurs de risque et facteurs de protection: leur existence discutée 31 2.2.6. Des étiologies plurifactorielles: vers un consensus? ....................... 31 2.2.7. Evolution ......................................................................... 34 2.2.8. Moyens thérapeutiques ........................................................ 35 3 - DEMENCES APPARENTEES ................................................................ 37 3.1. La démence à corps de Lewy .................................................... 37 3.2. La démence fronto-temporale .................................................. 38 3.3. Démence vasculaire .............................................................. 38 4 - LA DEGRADATION DU SCHEMA CORPOREL CHEZ LA PERSONNE AGEE ATTEINTE D’UNE MALADIE D'ALZHEIMER................................................................................ 39 5 - LES TROUBLES DE L’IMAGE DU CORPS CHEZ UNE PERSONNE AGEE ATTEINTE DE MALADIE D'ALZHEIMER................................................................................ 40 6 - LE DESSIN: UN INDICATEUR DE LA REPRESENTATION DE SOI ................................ 41 II) PARTIE EXPERIMENTALE ............................................................ 45 1 - COMPARAISON DU SCHEMA CORPOREL DE DEUX POPULATIONS: PERSONNES AGEES SANS TROUBLE NEUROLOGIQUE VERSUS PERSONNES AGEES ATTEINTES DE MALADIE D'ALZHEIMER ..... 45 1.1. Hypothèses générales théoriques .............................................. 46 1.2. Méthode ............................................................................ 47 1.3. Procédure .......................................................................... 51 1.4. Variables indépendantes ......................................................... 54 1.5. Variables dépendantes ........................................................... 54 1.6. Facteurs secondaires ............................................................. 54 1.7. Hypothèses opérationnelles ..................................................... 55 1.8. Résultats ........................................................................... 55 1.9. Analyse et interprétation des résultats ....................................... 67 2 - ESSAI D'ETALONNAGE .................................................................... 70 2.1. Le test du Dessin du Personnage en fonction de l'âge ....................... 70 2.2. Le test du Dessin du Personnage en fonction du MMSE ..................... 70 2.3. Conclusion.......................................................................... 71 III) ANALYSE CRITIQUE RELATIVE A LA METHODE ET AUX RESULTATS ........... 72 1 - INTERETS ET LIMITES DU TEST DU DESSIN DU PERSONNAGE ................................ 72 1.1. Pour la personne âgée ............................................................ 72 1.2. Pour les professionnels médicaux et paramédicaux ......................... 76 2 - UNE VARIABILITE INTERINDIVIDUELLE MAITRISABLE? ....................................... 79 2.1. Mémoire procédurale et compétences graphiques .......................... 80 2.2. L'apraxie constructive: facteur déterminant ................................. 80 2.3. Difficultés liées au diagnostic différentiel ................................... 81 3 - CONDITIONS EXPERIMENTALES: PRECISIONS ET AMELIORATIONS NECESSAIRES ............... 82 3.1. Précision de la dégradation du schéma corporel grâce à une différenciation des stades de la maladie d'Alzheimer ............................ 82 3.2. Le choix des tests ................................................................. 82 3.3. La taille de l'échantillon ......................................................... 84 4 - DISCUSSION ............................................................................. 85 CONCLUSION.............................................................................88 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................... 91 ANNEXE 1: MINI MENTAL STATE EXAMINATION ...................................... 95 ANNEXE 2: FEUILLE DE COTATION DU DP ............................................ 97 ANNEXE 3 : RESULTATS BRUTS - TABLEAUX ET GRAPHIQUES ................... 100 ANNEXE 4 : QUESTIONNAIRE ......................................................... 106 ANNEXE 5: EXEMPLES DE DESSINS DU PERSONNAGE.............................. 108 ANNEXE 5: PHRASES ASSOCIEES AUX DESSINS DU PERSONNAGE ................ 112 ANNEXE 6: AUTOPORTRAITS. WILLIAM UTERMOHLEN (1933-2007), ARTISTE PEINTRE ATTEINT PAR LA MALADIE D'ALZHEIMER ................................ 113 Remerciements Je tiens à remercier tout particulièrement Maud Lavergne et Noémie Dufour pour le temps précieux que vous m'avez consacré, pour vos conseils, votre écoute, votre bienveillance et votre soutien. Je remercie également le docteur Michel d'Urso, Joanne et Ariane, vous qui m'avez également soutenu dans cette démarche et qui m'avez éclairé sur de nombreux points. Un grand merci à Madame Piot et Madame Hedaya sans qui ce projet n'aurait jamais vu le jour. Merci aussi de tout cœur à Kadija, Jacquotte, Marie-José et Amélie. Merci à Madame Cornot. Un immense merci aux personnes venant à l'accueil de jour thérapeutique Alzheimer ainsi qu'aux locataires de la résidence, qui ont tous accueillis mon projet avec chaleur et bienveillance. Je remercie également les médecins généralistes, gériatres, psychiatres et autres spécialistes qui ont répondu à mon questionnaire. Et puis, comment ne pas remercier mes chers parents sans qui rien de tout cela n'aurait été possible. Merci Papa, merci Maman, pour votre foi en moi, pour votre soutien le long de ses trois années (et plus!) d'études intenses, pour vos relectures et vos critiques essentielles. Merci à ma soeur, Flora, pour ta relecture passionnée et merci à Hugo, mon frère, pour ton écoute et ta présence. Merci également à Emilie, Marie-José, Sekou, Nadège, Marie-Nathalie, Coline et Isabelle pour vos critiques constructives, vos relectures et vos conseils. Enfin, un infini merci à Xavier pour ton écoute, ton soutien, tes paroles rassurantes, tes conseils, tes critiques constructives et ta patience! « On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années : on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme. Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort. » Douglas MacArthur 8 Introduction La maladie d'Alzheimer est au cœur de l'actualité de la Santé. Elle fait l'objet de nombreuses recherches cliniques et scientifiques. En psychomotricité, le schéma corporel et l'image du corps de la personne âgée atteinte de cette maladie, sont peu étudiés. Pourtant, ces deux concepts sont en lien étroit avec d'autres aspects psychomoteurs qui concernent le sujet âgé: le tonus, l'équilibre et la marche principalement. Par ailleurs, les aspects psycho-sociaux tels que l'identité, l'investissement libidinal et l'acceptation du vieillissement sont également impliqués. Dans ce mémoire, je me suis intéressée à l'évaluation du schéma corporel, autrement dit la représentation corticale du corps, chez les personnes âgées présentant une pathologie neurodégénérative telle que la maladie d'Alzheimer. Pour ce faire, j'ai choisi d'utiliser un test psychomoteur, le test du Dessin du Personnage (DP), que j'ai soumis à la corrélation du Mini Mental State Examination (MMSE), test cognitif global utilisé pour évaluer le degré d'atteinte des troubles cognitifs. En fonction de ce dernier, trois stades de la maladie d'Alzheimer sont généralement observés (stade léger: 24<MMSE<18; stade modéré: 17<MMSE<10; stade sévère: MMSE<9). Ainsi, l'échantillon de personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer (MA) ayant participé à mon étude a été distribué en fonction de ces stades. Une population de personnes âgées exempte de trouble neurodégénératif a constitué le groupe témoin (MMSE > ou = 26). Un étalonnage du test du Dessin du Personnage est-il réalisable ? Pour répondre à cette interrogation, pivot de mon mémoire, j'ai dû me poser plusieurs questions spécifiques. En tout premier lieu, je me suis demandé si le schéma corporel se modifiait avec l'avancée en âge lors du vieillissement normal et pathologique. Ensuite, je me suis interrogée sur l'évolution du schéma corporel de la personne âgée atteinte par la maladie d'Alzheimer, en fonction de l'avancée de la maladie (stades léger, modéré et sévère). Enfin, j'ai comparé le schéma corporel d'une personne âgée saine et celui d'une personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer. Comme tout sujet de recherche, celui-ci exige une rigueur et une objectivité particulières. L'intérêt principal du test du Dessin du Personnage réside dans son utilisation. Quelle serait sa finalité? Comment l'utiliser? À qui 9 pourrait-il servir et pourquoi? Ainsi, les questions fondatrices de ma problématique ont été les suivantes: comment les personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer se perçoivent-elles et comment évolue cette perception dans le temps? Comment évaluer quantitativement cette représentation de soi? Afin de répondre à ces questions, j'ai choisi délibérément de centrer ce travail sur la maladie d'Alzheimer, par nature extrêmement complexe et difficile à cerner. De même, les notions de schéma corporel et d'image du corps sont difficilement définissables. Le vieillissement normal et pathologique (maladie d'Alzheimer et démences apparentées), ainsi que l'état des lieux concernant le schéma corporel, l'image du corps et leurs troubles dans cette population et enfin, l'intérêt du test du Dessin du Personnage dans l'évaluation de la représentation de soi, sont présentés dans la partie théorique. J'ai souhaité ensuite aborder la question de l'évaluation de cette dégénérescence de soi en m'attachant aux éléments psychomoteurs quantifiables, mettant partiellement de côté les aspects psychologiques et sociaux sous-jacents, et ainsi justifier ma démarche exposée en seconde partie. 10 I) Partie théorique 1- Le vieillissement Vieillir est un processus naturel présent dans toute forme de vie. L'être humain, conscient de sa propre finitude, pose un regard sur son vieillissement qui dépend de sa propre représentation et de celle de la société à laquelle il appartient. Pour Paulette GUINCHARD, ancienne secrétaire d'État aux personnes âgées du gouvernement Lionel Jospin "il n'y a pas une vieillesse, ni un prototype de l'individu âgé, mais toutes sortes de façons de vieillir, propres à chacun et différentes selon les moments." (GUINCHARD-KUNSTLER, 2006, p. 79). Les modifications physiques, cognitives, psychiques et sociales qui caractérisent le vieillissement vont être rappelées dans cette première partie. 1.1. Définitions La littérature offre de nombreuses définitions du vieillissement. Selon le dictionnaire fondamental de la psychologie, le vieillissement est "l'ensemble des transformations qui affectent la dernière période de la vie et qui constituent un processus de déclin. [...] En ce sens, le vieillissement offre apparemment l'image inversée du développement et a pu être décrit comme une involution". (BLOCH et al., 2002, p. 1377). L'Organisation Mondiale de la Santé indique que toute personne de 65 ans et plus est considérée comme âgée. Le troisième âge se caractérise par une fin de l’activité professionnelle et une diminution du champ social de la personne. Le vieillissement normal peut être défini comme un « déclin progressif des structures et fonctions perceptives » (ALBARET & AUBERT, 2001, p. 15) qui peut « jouer un rôle dans la détérioration des fonctions motrices et psychomotrices » (ibid.). Il se traduit par une difficulté progressive de l’organisme à s’adapter à son environnement. Il entraîne souvent une fatigabilité plus importante et de fréquentes plaintes d’un déficit mnésique. 11 Par ailleurs, le vieillissement normal amène à un ralentissement mental et moteur. La définition donnée par Marie-Claire MATE, consultante en gérontopsychologie, nuance l’idée sous-entendue du caractère irréversible du vieillissement. Pour elle, le vieillissement correspond à "la transformation avec l'avance en âge de tout organisme vivant. Si certaines modalités de ce processus sont réversibles, l'ensemble est ou paraît être irréversible. Ce processus résulte d'un jeu complexe de progrès, comme la croissance en taille, de régressions, comme la diminution de l'acuité visuelle, de compensations, qui varient d'un individu à l'autre." (MATE, 1993, pp. 10-11) Le vieillissement pathologique, lui, s'accompagne d'états lésionnels qui modifient le vieillissement cognitif et psychomoteur normal avec, par exemple un syndrome démentiel, un syndrome parkinsonien, ou encore des accidents vasculaires cérébraux. Cependant, un vieillissement réussi est possible puisque 7% de la population âgée voit ses capacités intellectuelles s’améliorer avec l’âge. Même si l’état de santé reste fluctuant avec l’avancée en âge, il peut rester suffisamment bon pour assurer une autonomie jusqu’au dernier souffle. La dépendance se définit par l'impossibilité partielle ou totale pour une personne d'effectuer sans aide les activités de la vie, qu'elles soient physiques, psychiques ou sociales, et de s'adapter à son environnement. Le niveau de dépendance d’une personne âgée se mesure grâce à une grille AGGIR 1 comprenant 6 niveaux (GIR). Le groupe GIR 6 réunit les personnes âgées n’ayant pas perdu leur autonomie pour les actes essentiels de la vie courante et le groupe GIR 1 regroupe les personnes âgées confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions mentales sont gravement altérées et qui nécessitent une présence indispensable et continue d’intervenants. 1 La grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources) est un outil permettant d'évaluer la perte d'autonomie d'une personne, principalement des personnes âgées, qu'elles résident en institution ou à domicile. Elle permet une homogénéité du codage au niveau national du groupe IsoRessources (GIR) d'une personne dont le score est pris en compte dans la mise en place d'une aide à la personne. 12 1.2. Le corps de la personne âgée 1.2.1. Aspects physiologiques Les transformations physiologiques que je vais décrire affectent notamment la mobilité et la posture des personnes âgée sans toutefois entraîner systématiquement une dépendance. Il est classique de distinguer deux domaines importants du vieillissement physiologique - physique et cognitif - que nous allons parcourir. Rappelons que le vieillissement physiologique est propre à chacun et dépend de nombreux facteurs comme l'hygiène de vie (tabagisme, alcool, activité physique, nutrition, médication...), le matériel génétique de base, ou les antécédents médicaux, chirurgicaux et psychiatriques. Dans un premier temps, je présente les éléments importants du plan physique, à savoir la musculature et l'ossature, la respiration, l'alimentation, le sommeil et les organes des sens. o Musculature A 80 ans, le volume de la masse musculaire s'est réduit considérablement, ce qui occasionne "une perte de force et de résistance à l'effort de 30%" (JUHEL, 2010, p. 11). De même, la force des muscles respiratoires s'est amoindrie et la pression et le flux sanguin artériels pulmonaires décroissent, occasionnant un essoufflement de la personne âgée. o Ossature La masse osseuse diminue également avec l'âge, causant notamment chez les femmes (masse osseuse moins importante que celle des hommes) de l'ostéoporose prédisposant aux fractures. La hauteur des corps vertébraux diminue également entraînant fréquemment une déviation de la colonne vertébrale. 13 o Sommeil Le rythme du sommeil se modifie. L'alternance de périodes de sommeil et de veille au cours de la nuit est fréquente. La durée de sommeil diminue (six heures en moyenne) tandis que le besoin de sommeil diurne, lui, augmente. o Nutrition Le déséquilibre hormonal de l'appétit et de la satiété entraîne une baisse de l'appétit. Une diminution de 20% de la masse hydrique est observée à 60 ans. La sensation de soif diminue avec l'avancée en âge. o Organes des sens - Une diminution graduelle de la vision et plus précisément de la perception et de l'acuité visuelle est la conséquence directe du vieillissement du cristallin de l'œil. - L'oreille interne et le nerf auditif s'altèrent progressivement, entraînant une diminution des performances auditives. - Ensuite, la gustation et l'olfaction sont atteintes et sont "associées à la diminution du nombre de papilles gustatives et à la baisse de leur efficacité. On note une accentuation du goût de l'amer, une attirance pour le sucré et une diminution de la capacité à identifier les odeurs." (JUHEL, 2010, p. 10) - De même, la sensibilité thermique est atteinte. "La circulation sanguine diminue au niveau capillaire, rendant la personne âgée plus sensible aux changements de température. La diminution du métabolisme et la réduction de la production de chaleur entraînent un abaissement de la température du corps de 36,6 degrés à 36 comparativement à 37 chez l'adulte." (id., p. 11) 14 - Enfin, apparaît une perte progressive de la sensibilité des récepteurs cutanés, et notamment ceux de la plante des pieds affectant l'équilibre et la coordination, accompagnée d'une diminution de la perception des vibrations. Notons que l'organe sensoriel du toucher, la peau, revêt une importance toute particulière pour l'être humain tout au long de sa vie. C'est l'organe dont la superficie est la plus grande (environ 2 mètres carrés). La peau marque la limite entre l'intérieur et l'extérieur de notre corps. C'est l'enveloppe corporelle et par extension, l'enveloppe psychique, qui nous différencie individuellement des autres. Didier ANZIEU a ainsi conceptualisé cette idée avec son ouvrage "Le Moipeau". Par ce concept, il désigne "une figuration dont le Moi de l'enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps. Cela correspond au moment où le Moi psychique se différencie du Moi corporel sur le plan opératif et reste confondu avec lui sur le plan figuratif". (ANZIEU, 1995, p. 61). Au sens développemental, le sens du toucher est le premier à se mettre en place mais aussi le dernier à perdurer. Le psychomotricien s'appuiera sur cette donnée neurophysiologique dans sa prise en charge auprès de personnes âgées en fin de vie. Le toucher thérapeutique favorise la conscience globale du corps, restructure le schéma corporel et apporte un certain relâchement tonique. Dans un second temps, les fonctions intellectuelles supérieures de la personne âgée ou ses capacités cognitives sont surtout atteintes dans leur vitesse du traitement de l'information. En effet, le temps de réaction aux stimuli est plus lent et la concentration lors d'une double-tâche devient plus compliquée. La littérature indique une affectation potentielle normale de la mémoire des faits récents, d'où une prise de décision plus longue que pour l'adulte en bonne santé. Selon le neurologue et chercheur Christian BOCTI, ces modifications seraient dues à la légère atrophie du lobe frontal et de l'hippocampe, responsable des apprentissages nouveaux (cité dans JUHEL, 15 2010, p.12). De même, l'altération des membranes cellulaires ralentit l'influx nerveux de 10 à 30% à partir de cinquante ans. Enfin, l'apparition de plaques séniles et de la dégénérescence neurofibrillaire et la diminution modérée du nombre de neurones participent également à ce ralentissement, selon les écrits du docteur Danielle VAUTRIN. "A partir de la sixième décennie, le cerveau perdrait 2% de son poids tous les dix ans en moyenne" (ibid.). Cependant, ces altérations n'entravent que modérément les capacités d'apprentissage et d'encodage dans la mémoire à long terme puisque "une fois acquises, les nouvelles connaissances sont bien intégrées dans la mémoire" (id. p. 13). La neurologue Mireille PEYRONNET reprend le concept de plasticité neuronale pour affirmer ce constat: "Tout au long de notre vie, nous nous servons de la plasticité de notre cerveau à notre insu. Nos neurones disparaissent à la vitesse de 5% par décennie. Fort heureusement, en vieillissant, nous augmentons le nombre de connexions synaptiques. Même à un âge avancé, la plasticité neuronale est présente, laissant des possibilités au cerveau de se régénérer" (PEYRONNET (2008) cité dans JUHEL, 2010, p. 13). 1.2.2. Aspects psychomoteurs a. Le tonus et la posture se modifient Selon Julian DE AJURIAGUERRA, neuropsychiatre, une légère hypertonie d’opposition et une hypertonie plastique s’observent fréquemment chez les sujets âgés. L’hypertonie d’opposition est considérée comme un trouble tonico-émotionnel lors de la mobilisation passive du sujet. Ces phénomènes prédominent dans un premier temps dans les membres inférieurs et ensuite on observe une diffusion jusqu’au cou. Ce trouble tonico-émotionnel se traduit par une élévation défensive du tonus. Par ailleurs, la posture, liée au tonus d’attitude, se modifie avec le temps : le corps est plus rigide, les épaules sont en antéflexion, le dos est cyphosé et l’élévation du regard est plus difficile. 16 b. Un équilibre de plus en plus précaire L’équilibre est fragilisé et la marche est « plus lente, moins sûre » (ALBARET & AUBERT, 2001, p. 28). Le mouvement devient limité en amplitude et le ballant des membres supérieurs diminue. La perte d’équilibre liée à l’avancée en âge se traduit par une augmentation des « sentiments de manque de stabilité, de vertige, d’insécurité ainsi que de dépendance lors des déplacements » (id., p. 22). Elle occasionne des chutes dont 2,7 à 19% seraient liées à l’instabilité posturale (RUBENSTEIN et al. (1988) cité dans ALBARET & AUBERT, 2001, p. 23). Selon l’O.M.S., les chutes représentent la première cause des décès accidentels après 65 ans (2/3 pour les femmes et 1/3 pour les hommes). c. Une désorientation temporo-spatiale (DTS) possible Elle peut être observée chez un sujet âgé. La DTS correspond à la difficulté, pour le sujet qui en est atteint, de se repérer par rapport au temps et à l’espace. La désorientation spatiale correspond à la perturbation entre l’espace réel et l’espace imaginaire. C’est la perte de la capacité à structurer l’espace et à se le représenter. Si la perception spatiale du sujet semble conservée, en revanche l’orientation et la structuration spatiale sont perturbées. Ces différentes modifications amoindrissent les capacités de déplacement de la personne âgée ainsi que son habileté de locomotion. La désorientation temporelle, elle, correspond à la perte des repères dans le temps. On retrouve une perception insuffisante ou erronée des faits temporels (année, saisons, mois, jours, heures). Le préalable aux repères dans le temps est d’avoir une bonne structure rythmique. Or, dans la DTS on observe des troubles de la structuration rythmique qui ont pour conséquence des troubles de l’orientation temporelle. La DTS est consécutive à la perte de mémoire, c’est un des grands signes de la phase d’état de la maladie d’Alzheimer ou d’un syndrome démentiel. 17 d. La double atteinte de la représentation de soi: celle du schéma corporel et de l’image du corps Les stimuli sensoriels moins bien perçus et les stimuli kinesthésiques plus rares déstructurent le schéma corporel. Les modifications corporelles liées à l'âge entraînent bien souvent une dévalorisation de l’image du corps et les accidents et/ou maladies liés à l'âge la fragilisent d'autant plus. Avant d'expliquer comment ces notions s'intriquent, il me semble important de définir ces dernières et de montrer l'évolution de leur conceptualisation. 1.3. Les concepts de Schéma Corporel et d’Image du Corps et les conceptions actuelles Au début du XXe siècle, Sigmund FREUD, le père de la psychanalyse et neurologue de formation, évoque l'idée d'une constitution moïque érigée à partir d'un substrat corporel - sans toutefois employer ni le terme de schéma corporel ni celui d'image du corps: « Le Moi est avant tout un moi corporel, il n'est pas seulement un Moi de surface, mais il est lui-même la projection d'une surface [...] Le Moi est en dernier ressort dérivé de sensations corporelles, principalement de celles qui naissent à la surface du corps, à côté du fait qu'il représente la superficie de l'appareil mental » (FREUD, 1923, p. 238). Ainsi, le lien étroit entretenu entre le schéma corporel et le Moi est reconnu: il est désormais admis que la constitution du Moi psychique est corrélée à la constitution du schéma corporel. Certains auteurs ont développé cette hypothèse que je vais décrire ici. A la fin de ce chapitre, nous verrons que les découvertes scientifiques du XXIe siècle permettent de nouvelles hypothèses explicatives de cette énigme qu'est la conscience de soi. 1.3.1. Le Schéma Corporel Le terme de "schéma corporel" est issu des recherches en neurosciences. Il désigne le corps en tant que référent spatio-temporel pour le mouvement. Il s’établit sur des impressions sensorielles, proprioceptives, labyrinthiques, 18 posturales et motrices. Ce modèle perceptif est permanent, mais évolue sans arrêt au fil du temps et des expériences sensori- et perceptivo-motrices. La construction du schéma corporel est relative d'une part, à la maturation neurologique d'un sujet (loi céphalo-caudale et proximo-distale) et d'autre part, à ses expériences sensori-motrices qui le font évoluer dans un univers spatio-temporel donné. Le neuropsychiatre et psychanalyste Julian de AJURIAGUERRA résume l'évolution du schéma corporel de la façon suivante: "Les notions de corps perçu, corps connu, corps représenté, corps vécu ont des sens différents aux divers moments de l'évolution; elles dépendent de la maturation, d'autre part de l'expérience vécue et de l'expérimentation qui aboutit à la connaissance". (AJURIAGUERRA, 2010, p. 214) Les auteurs sont nombreux à avoir tenté de donner une définition complète et précise de ce concept. Selon AJURIAGUERRA, le schéma corporel est « édifié sur la base des impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques, visuelles. Il réalise dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique qui fournit à nos actes comme à nos perceptions le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification ». (cité dans ANDRÉ, BENAVIDÈS, & CANCHYGIROMINI, 1996, p. 234). Paul SCHILDER, psychiatre et psychanalyste, a une conception plus globale de la notion de schéma corporel, qu'il désigne également par le terme d'image du corps ou encore, de modèle postural: "l’image de notre corps [est celle] que nous formons dans notre esprit, autrement dit la façon dont notre corps nous apparaît à nous-mêmes... Nous disons qu’elle est un schéma de notre corps, ou schéma corporel, ou encore, comme le faisait Head pour bien rendre l’importance qu’a ici la connaissance de la position du corps, un modèle postural du corps. Le schéma corporel est l’image tridimensionnelle que chacun a de soi-même" (SCHILDER, 1968). Enfin, pour Françoise DOLTO, pédiatre et psychanalyste, "Le schéma corporel est une réalité de fait, il est en quelque sorte notre vivre charnel au contact du monde physique. Nos expériences de notre réalité dépendent de l’intégrité de l'organisme, ou de ses lésions transitoires ou indélébiles, neurologiques, musculaires, osseuses, et aussi de nos sensations 19 physiologiques, viscérales, circulatoires on les appelle encore coenesthésiques." (DOLTO, 1984, p. 18). 1.3.2. L'Image du Corps, un concept "controversé" Si la notion de schéma corporel est classiquement décrite comme étant de nature consciente et neurologique, l'image du corps, elle, est souvent considérée comme relevant de l'inconscient. Elle a donc été plus fréquemment explicitée par les psychologues et les psychanalystes. Cependant, tous les auteurs ne différencient pas les deux concepts, tel que Paul SCHILDER pour qui "le sens postural joue un rôle dans la connaissance que nous avons de notre corps" (SCHILDER, 1968, p. 44). La mise en mouvement de notre corps facilite notre orientation spatiale et notre connaissance de nous-même: "Il est remarquable, comme SCHOLL l’a aussi souligné, que le mouvement nous aide à mieux nous orienter dans l’espace par rapport à notre corps. Nous n’en savons pas grand-chose tant qu’il reste immobile […] La connaissance du corps dépend dans une grande mesure de l’activité" (id. p. 132). De même, Eric PIREYRE, dans son récent ouvrage "Clinique de l'image du corps, du vécu au concept", soulève la difficulté à définir ces termes: "L'image, comme le schéma (un plan et "un schéma de pensée"), peut donc être matérielle et immatérielle. Il est quasiment impossible de différencier les deux termes, ni par l'étymologie ni par la sémantique. Définir le terme "schéma" par celui d'"image" peut s'accepter d'un dictionnaire destiné au grand public: mais ce choix du rédacteur reflète, comme un symptôme, les imprécisions, pour l'époque, de ces deux termes dans le domaine qui nous intéresse". (PIREYRE, 2011, p. 11). Il affirme qu'"il est nécessaire [...] d'abandonner le terme de schéma corporel, trop imprécis et ne renvoyant pas assez clairement à ce qu'il est censé définir et de lui préférer la terminologie des neurophysiologistes de "sensibilité somato-viscérale"" (PIREYRE, 2011, p. 11). Pour Françoise DOLTO, en revanche, le schéma corporel et l'image du corps sont deux notions distinctes. Dans son ouvrage "L'image inconsciente du corps", elle écrit: "Si le schéma corporel est en principe le même pour tous les 20 individus (à peu près de même âge, sous le même climat) de l’espèce humaine, l’image du corps, par contre, est propre à chacun: elle est liée au sujet et à son histoire. (...) l’image du corps est éminemment inconsciente, [...] [elle] est la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles : interhumaines, répétitivement vécues à travers les sensations érogènes électives, archaïques ou actuelles. Elle peut être considérée comme l’incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant". (DOLTO, 1984, p. 22). Par ailleurs, elle note l'interdépendance de ces deux notions: "C’est grâce à notre image du corps portée par - et croisée à - notre schéma corporel que nous pouvons entrer en communication avec autrui; c'est dans l'image du corps, support du narcissisme, que le temps se croise à l'espace, que le passé inconscient résonne dans la relation présente... C'est par les deux processus que sont tensions de douleur ou de plaisir dans le corps, d'une part, paroles venues d'un autre pour humaniser ces perceptions, d'autre part, que le schéma corporel et l'image du corps sont en relation" (id. p. 41). 1.3.3. Image composite du corps et cartographie corporelle Éric PIREYRE enrichit le concept d'image du corps en proposant le terme d' "image composite du corps" (PIREYRE, 2011, p. 48). Cette image composite du corps serait constituée de sous-composantes de l'image du corps, qui seraient les suivantes: "la sensation de continuité d'existence, l'identité, l'identité sexuée, la peau physique et psychique, la représentation de l'intérieur du corps, le tonus, la sensibilité somato-viscérale, les compétences communicationnelles du corps et les angoisses corporelles archaïques" (ibid.). Il rejoint la conception neuroscientifique d'Antonio DAMASIO pour qui la "cartographie corporelle" (DAMASIO, 2010, p. 116) est la clé de la compréhension de la conscience de soi. Cette cartographie corporelle serait le substrat physique, neuronal et d'emplacement cortico-sous-cortical, du schéma corporel et de l'image du corps: "[...] certains aspects de la structure physique et du fonctionnement du corps sont gravés dans les circuits cérébraux, dès le début du développement; ils engendrent des structures d'activité persistantes" (DAMASIO, 2010, p. 117). De plus, la plasticité neuronale expliquerait la variabilité dans le temps et dans l'espace de la perception de notre corps puisqu'il dit que "l'activité cérébrale recrée en permanence une version du corps" (ibid.) 21 Je me suis demandée comment évolue la représentation de soi dans une pathologie neurodégénérative telle que la maladie d'Alzheimer, et s'il est possible d'évaluer quantitativement cette évolution probable. 2 - La maladie d’Alzheimer "La démence se définit principalement par la présence de troubles comportementaux et cognitifs, acquis, progressifs, et chroniques." (ALBARET & AUBERT, 2001, p. 115). Elle concerne principalement le sujet âgé. La maladie d'Alzheimer (MA) ou démence de type Alzheimer (DTA) est la plus fréquente des démences. Je vais décrire cette pathologie neurodégénérative avant de m'intéresser aux deux aspects psychomoteurs de cette maladie, le schéma corporel et l'image du corps, qui semblent participer à la représentation de soi, ou autrement dit, à la conscience de l'identité propre à chacun. 2.1. Les critères de la "Démence de la maladie d'Alzheimer" selon la CIM-102 (OMS, 1994) "- Répond aux critères généraux d'une démence, soit altération de la mémoire (légère, moyenne ou sévère) et altération d'autres fonctions cognitives depuis au moins six mois, persistance de la conscience de l'environnement, altération du comportement émotionnel, du comportement social ou de la motivation; - absence d'arguments en faveur de toute autre cause de démence (par exemple, maladie cérébro-vasculaire, par VIH, de Parkinson, de Huntington, hydrocéphalie), d'une maladie somatique (par exemple, hypothyroïdie, carence en vitamine B12 ou en acide folique, hypercalcémie) ou d'un trouble 2 La Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10 e révision (connue sous la "CIM-10") est une liste de classifications médicales codant notamment les maladies, signes, symptômes, circonstances sociales et causes externes de maladies ou de blessures, publiée par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). 22 mental organique induit par l'alcool ou une autre substance psycho-active." (ALBARET & AUBERT, 2001, p. 45) Je vais maintenant développer la maladie d'Alzheimer en détails, puis présenter succinctement les pathologies démentielles les plus fréquentes qui lui sont apparentées. Les symptômes de ces démences (Alzheimer, corps de Lewy, fronto-temporale, vasculaire et mixte) ont leurs propres caractéristiques, bien que le diagnostic soit souvent délicat à poser. J'ai choisi d'écarter de mon étude les personnes présentant une de ces démences apparentées. Cette sélection, nous allons le voir, a été faite non sans difficulté. 2.2. La maladie d’Alzheimer La maladie d'Alzheimer (MA), est la plus fréquente cause de démence chez la personne âgée puisqu'elle en représente 70%. Cette pathologie s'incrit dans une compréhension plurifactorielle. Un lieu commun voudrait qualifier cette maladie de "retour en enfance" de la personne atteinte. L'enfant, lui, tend vers une autonomie grandissante tandis que la personne âgée malade voit au contraire, son champ des possibles s'amoindrir. Ainsi que le psychiatre Pierre CHARAZAC le rappelle: "Tandis que l’évolution de la dépendance de l’enfant suit les étapes du développement du moi, celle du patient Alzheimer reflète les étapes de la perte d’identité" (CHARAZAC, 2009, p.40). 2.2.1. Définition La maladie d'Alzheimer, décrite pour la première fois par Aloïs ALZHEIMER en 1906, est une pathologie neurodégénérative dont les atteintes multiples sont cognitives, fonctionnelles, comportementales et psychoaffectives. Ces détériorations, progressives et irréversibles, semblent causées notamment par la présence de plaques séniles et de dégénérescences neurofibrillaires observables jusque récemment uniquement post-mortem lors d'une autopsie. Les travaux de Bruno DUBOIS, professeur de neurologie à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière, et de ses collaborateurs montrent qu' "il n’est plus nécessaire d’attendre l’examen post-mortem pour confirmer la maladie 23 d'Alzheimer, le diagnostic peut désormais être posé grâce aux biomarqueurs identifiables facilement chez les patients vivants, même à un stade très précoce de la maladie" (DUBOIS, 2010). Par ailleurs, les nombreux tests neuropsychologiques3 viennent compléter et affiner le diagnostic. 2.2.2. Problématique de la terminologie Au siècle dernier, le terme de "démence présénile" prévalait quand la maladie commençait avant 65 ans et celui de "démence sénile" était employé après 65 ans. On sait maintenant que ces deux groupes représentent la même affection, d’après les données neuropathologiques. L’ensemble de ces démences est donc actuellement regroupé sous le terme de "démence de type Alzheimer" (DTA) ou encore de "maladie d'Alzheimer" (MA). Se posent alors certains problèmes éthiques qui retentissent de façon non-négligeable sur les différentes approches thérapeutiques pratiquées auprès des personnes âgées concernées et sur l'investigation des différents domaines de recherche (médicale, pharmaceutique, psychiatrique, psychologique et neuropsychologique, psychomotrice, orthophonique...). Michel PONCET, neuropsychiatre à l'Institut de la Maladie d'Alzheimer (CHU Timone, Marseille) et membre du comité de pilotage de l’EREMA (Espace de Réflexion Ethique sur la Maladie d'Alzheimer) le souligne: "L’éponyme « maladie d’Alzheimer » est actuellement utilisé pour qualifier la quasi-totalité des affections responsables de troubles cognitifs et comportementaux d’installation insidieuse et d’aggravation progressive. Sa sur utilisation, indéniable, pose des problèmes éthiques qui mériteraient d’être discutés car elle n’est pas sans danger pour la clinique, la recherche clinique, la vision que nous avons des sujets âgés en difficulté, etc.[...]." (PONCET, 2011). D'emblée, une première difficulté apparaît, avec l'intuition qu'une évolution des mœurs et des pratiques actuelles faciliterait toute entreprise de recherche rigoureuse et quantifiable dans le domaine. 3 Principalement: le Mini Mental State Examination, le test des cinq mots de Dubois, le test de l'horloge, RL-RI 16 (Grober et Buschke), TMTA-TMTB, Mattis et la figure de Rey. 24 2.2.3. Epidémiologie4 ou l'expression chiffrée d'une préoccupation sanitaire et sociale La démence est une affection déjà présente chez les personnes âgées dans l'Antiquité. Ainsi, Juvenal, poète satirique du 1er siècle, écrit: "Misère pire encore que toutes les déchéances physiques, le vieillard n'a plus sa tête à lui. Il ne se rappelle pas le nom de ses esclaves, il ne reconnaît ni le visage d'un ami avec lequel il a soupé la nuit passée, ni ses enfants qu'il a engendré..." (AQUINO, 2007). Actuellement, la forte prévalence et l'inquiétante incidence semblent s'expliquer par le diagnostic précoce et l'augmentation de l'espérance de vie. - La prévalence La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies neuro- dégénératives. Selon les études, elle serait en cause dans 70 % des troubles chez les personnes âgées de plus de 65 ans, et dans 50 % des cas chez les malades jeunes. Elle affecterait plus de 25 millions de personnes dans le monde (dont la moitié dans les pays occidentaux dans lesquels l’âge moyen de la population est élevé). En France, on estime à 860 000 personnes le nombre de personnes atteintes d’Alzheimer ou de maladies apparentées. Selon l’étude PAQUID (personnes âgées QUID), l’affection touche plus de femmes que d’hommes puisqu’au-delà de 75 ans, les proportions sont de 13,2 % pour les hommes et de 20,5 % pour les femmes. Au-delà de 85 ans, la prévalence s’accroît de manière exponentielle avec une proportion de 25 % de sujets atteints. Les formes précoces ne sont pas rares puisqu’elles concernent 32 000 cas avant 60 ans et 1 000 cas avant 50 ans. - L'incidence L’incidence s’élève actuellement à 225 000 nouveaux cas par an en France et l’espérance de vie après l’apparition des symptômes est en moyenne de 8,5 ans. Le niveau de dépendance est très variable et actuellement 40 % des patients sont pris en charge dans une institution, ce qui signifie que 60 % des sujets atteints sont à la charge des familles. 4 www.francealzheimer.org 25 Les recherches clinique et scientifique s'avèrent indispensables pour tenter de pallier à ce problème de santé publique, dans un contexte de vieillissement important de la population. 2.2.4. Les manifestations cliniques La pathologie, à départ hippocampique (siège de la mémoire), touche principalement les fonctions mnésiques, praxiques, gnosiques, phasiques et exécutives auxquels s'ajoutent des troubles de l'orientation spatio-temporelle et des troubles psycho-comportementaux. a. Les troubles mnésiques La mémoire, cette fonction cognitive complexe, permet d'assurer la cohérence et la continuité de l'histoire d'un individu, tout en construisant et en maintenant son sentiment d'identité. Le système mnésique fonctionne grâce à plusieurs systèmes interdépendants que je vais maintenant détailler. - La mémoire sensorielle correspond à l'aptitude des organes des sens à conserver brièvement (entre 250 et 500 millisecondes) l'empreinte d'un stimulus sensoriel. Ainsi, nous possédons une mémoire échoïque (auditive), une mémoire iconique (visuelle), une mémoire haptique (tactile), une mémoire gustative et une mémoire olfactive, toutes responsables de nos éprouvés sensoriels. L'expérience de la madeleine de Proust en est la preuve: une perception sensorielle peut raviver un souvenir chargé émotionnellement. La courte persistance de ces informations sensorielles couplée à notre mémoire à plus long terme et à notre mémoire émotionnelle nous permet de percevoir l'environnement dans lequel nous évoluons. - La mémoire de travail permet de garder en mémoire temporairement des informations pour une utilisation immédiate, comme par exemple pour composer un numéro de téléphone. Elle est de court terme et limitée en nombre d’informations. Nous savons qu’une personne sans trouble particulier peut, en moyenne, maintenir dans cette mémoire entre cinq et neuf informations différentes (empan mnésique). Dans la maladie d'Alzheimer, elle 26 diminue graduellement, jusqu'à zéro parfois. C’est un phénomène appelé oubli à mesure. - La mémoire à long terme concerne les informations encodées et stockées dans le cortex cérébral. Cette mémoire est constituée de deux entités : la mémoire épisodique, qui correspond aux évènements de l'histoire personnelle et la mémoire sémantique qui, elle, est constituée de connaissances apprises. - La mémoire procédurale correspond à l’automatisation motrice d’un apprentissage (habiletés motrices, savoirs-faire (tricoter, faire du vélo, écrire...)). On peut faire appel à cette mémoire procédurale même à un stade évolué de la maladie. De nouveaux automatismes, simples, peuvent être ainsi créés. La psychomotricité a alors toute sa place pour ce type de mémoire dans la prise en charge de personnes en fin de maladie. - La mémoire corporelle, elle, ne rentre pas dans la catégorie des fonctions cognitives dites supérieures. La mémoire du corps est beaucoup plus archaïque et inconsciente. Comme le rappelle Alice Miller, psychothérapeute "C'est la mémoire corporelle et émotionnelle, par définition non contrôlée par l'esprit, qui dirige la main." (MILLER, 2002). Le toucher thérapeutique utilisé par les psychomotriciens fait appel à cette mémoire. Si l'oubli est un processus nécessaire à la vie de chacun (nous stockons les informations pertinentes de notre environnement et oublions celles que nous savons inutiles, bien que ces dernières laissent tout de même une trace inconsciente), il devient une des caractéristiques principale de la maladie d'Alzheimer. En début de maladie, ce sont d’abord les faits récents qui ne sont plus traités. En l'absence de traitement de l'information, la récupération est inenvisageable puisque l'information n'est pas inscrite. Puis, il y aura un processus d’effacement des souvenirs, atteignant progressivement l’histoire de la personne. b. L'apraxie L'apraxie est un "trouble de l'activité gestuelle apparaissant chez un sujet dont les organes d'exécution sont intacts (n'ayant pas d'atteinte 27 paralytique motrice ni coordinatrice) et qui possède la pleine connaissance de l'acte à accomplir" (BLOCH, 2002, p. 98). Dans la maladie d'Alzheimer, l'apraxie touche d'abord des actions complexes comme l’écriture, pour à terme se manifester dans des gestes simples, comme mâcher ou avaler des aliments. Ce trouble est à l’origine d’une grande perte d'autonomie et nécessite l'aide d'un tiers pour les gestes de la vie quotidienne. c. Les agnosies L'agnosie concerne les capacités de reconnaissances. Elle correspond à l’incapacité de faire le lien entre un objet et son utilité. C'est "l'atteinte des fonctions d'intégration perceptive caractérisée par une incapacité d'identifier certains objets et formes. On distingue, selon la modalité sensorielle concernée, des agnosies tactiles, auditives et visuelles [...]. On décrit aussi des agnosies somatiques (somatognosies) liées à des perturbations du schéma corporel. Les lésions corticales responsables de ces troubles se situent essentiellement dans le lobe pariétal pour les agnosies tactiles et somatiques, dans le lobe temporal pour les agnosies auditives et dans le lobe occipital (aires associatives) pour les agnosies visuelles". (id., p. 37-38) Très souvent, les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer souffrent d’agnosie visuelle. Cependant, d’autres modalités sensorielles encore préservées peuvent être utilisées pour compenser cette perte, comme le sens tactile. Au quotidien, les agnosies sont à l’origine de nombreux troubles du comportement. Dans ce type de maladie on retrouve spécifiquement deux agnosies bien particulières : La prosopagnosie. Elle concerne la difficulté à reconnaître les visages. C’est à cause de cette agnosie spécifique que les personnes parfois ne reconnaissent pas l'entourage. Ce trouble arrive assez tardivement dans l'évolution de la maladie. L’anosognosie. Elle est parfois confondue avec le déni, qui est un mécanisme de défense psychologique. Il s’agit de la non-reconnaissance de sa maladie. 28 Les troubles de la mémoire, de l’orientation, des gestes, ne sont pas perçus par le malade. Cette agnosie rend l’accompagnement difficile car elle empêche la mise en place de stratégies conscientes de compensation par le malade et suscite des réactions d’agressivité car celui-ci ne peut pas accepter les mesures d'adaptation de sa vie quotidienne. Ces dernières lui semblent totalement injustifiées. d. Les aphasies L'aphasie correspond à "l'ensemble des troubles du langage consécutifs à une atteinte cérébrale, plus souvent corticale que sous-corticale et hémisphérique gauche que droite" (BLOCH, 2002, p. 77), le langage étant structurellement dominant dans l'hémisphère gauche (aires de BROCA pour sa production et de WERNICKE pour sa compréhension). Dans la maladie d'Alzheimer, l’aphasie peut toucher les capacités de compréhension et de production. La difficulté ou l'impossibilité à s'exprimer peut se développer de plusieurs manières : réduction du vocabulaire pouvant aller jusqu'au mutisme; écholalie, jargon, logorrhée... Les difficultés de compréhension du langage sont également progressives. Au début, certaines phrases compliquées ou un vocabulaire précis mettent la personne en difficulté. Graduellement, des phrases ou des mots simples perdent leur signification. e. Les troubles exécutifs Les fonctions exécutives coordonnent des actions et des pensées finalisées vers un but. Elles correspondent à la "capacité à penser de façon abstraite, de planifier, initier, organiser dans le temps, contrôler et arrêter un comportement complexe" (PANCRAZI, 2004, p. 147). Elles sont rapidement atteintes dans la maladie d'Alzheimer. Leurs manifestations cliniques dépendent de l'atteinte corticale prévalente (cortex pré-frontal, moteur, limbique et aires sensorielles associatives). 29 f. La désorientation temporo-spatiale (DTS) La désorientation dans le temps se traduit souvent dans un premier temps par une difficulté à retenir la date du jour. Elle apparaît généralement de façon assez précoce dans la maladie d'Alzheimer. La désorientation dans l’espace est habituellement plus tardive mais aussi plus spécifique. Lorsque le patient se trouve dans des lieux inhabituels, non familiers, il éprouve des difficultés à s'y repérer. Plus tard, la désorientation spatiale touchera les trajets habituels et les espaces familiers, tel que le lieu de vie de la personne. g. Les troubles psycho-comportementaux Il s'agit des changements dans le comportement du patient apparus depuis le début de la maladie et repérés par l'entourage comme perturbants. La NPI (Neuropsychiatric Inventory) permet d’évaluer douze troubles du comportement regroupés en cinq groupes: Apathie: la perte d'initiative est au premier plan. Symptômes pseudo psychotiques dont des idées délirantes et des hallucinations Symptômes d'hyperactivité: une agitation et/ou de l'agressivité peuvent apparaître. Des comportements moteurs aberrants tels que la déambulation peuvent être observés chez certaines personnes. L'irritabilité et/ou l'instabilité de l’humeur sont également fréquentes. Enfin, une désinhibition ou encore, de l'euphorie sont assez fréquemment observés. Symptômes affectifs: dépression et anxiété. Symptômes végétatifs: troubles du sommeil et troubles de l’appétit (anorexie ou hyperphagie). 30 2.2.5. Facteurs de risque et facteurs de protection: leur existence discutée5 L'âge est indiscutablement un facteur de risque. Une personne âgée de plus de 80 ans a plus de risque de développer la maladie qu'une autre. Les femmes sont également plus touchées que les hommes. Leur risque relatif s’établit entre 1,5 et 2 cas (pour 1 cas masculin). De plus, la maladie d’Alzheimer possède une base génétique. Le risque de la contracter est en effet multiplié par trois si un apparenté au premier degré est touché, par sept si deux ou plus le sont. Cet aspect est développé plus loin. L’environnement joue aussi un rôle. Parmi les facteurs de risque ayant été cités dans la littérature, mais toujours débattus, on peut citer le (faible) niveau de revenus et d’instruction, l’exposition à l’aluminium et aux solvants organiques, les microtraumatismes crâniens à répétition ou une moindre stimulation intellectuelle. Les facteurs protecteurs comme la consommation régulière de vin rouge en petites quantités (étude PAQUID), les traitements anti-inflammatoires à base de substances non stéroïdiennes, le traitement hormonal de substitution ou la consommation régulière d’antioxydants sont tout aussi discutés. 2.2.6. Des étiologies plurifactorielles: vers un consensus? Les causes de la maladie d'Alzheimer, étudiées depuis plus d'un siècle, semblent multifactorielles. Les facteurs neurobiologiques, indéniables, pourraient s'adjoindre à certaines composantes environnementales et psychoaffectives. Dans cette partie, je présente ces trois domaines de recherche. a. Neuropathologie Le schéma ci-après illustre les conséquences physiologiques de la maladie d'Alzheimer sur le cerveau, causées par la prolifération des plaques séniles et des dégénérescences neurofibrillaires, caractéristiques principales de cette pathologie neurodégénérative que je développe ici. 5 http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologiepsychiatrie/dossiers-d-information/alzheimer 31 Conséquences physiologiques sur le cerveau de la maladie d'Alzheimer6 Les plaques séniles, essentiellement localisées dans le néocortex et l'hippocampe, correspondent à l'accumulation extracellulaire d’un peptide dit « β-amyloïde » (PbA). Cette anomalie permettrait une entrée anormale de calcium dans le neurone, ce qui activerait la microglie (réaction inflammatoire), entraînant la mort inéluctable du neurone par nécrose ou par apoptose (encore appelé "mort cellulaire programmée". Il s'agit du processus par lequel des cellules déclenchent leur auto-destruction en réponse à un signal). Les dégénérescences neurofibrillaires sont augmentation de la capacité de phosphorylation 7 consécutives d'une de la protéine Tau, macromolécule essentielle à la stabilité de la tubuline 8 . Les substances nécessaires au fonctionnement du neurone ne pouvant plus être acheminées jusqu'au corps cellulaire, le neurone finit par mourir. La recherche génétique a mis en évidence des mutations génétiques dans les formes familiales de la maladie à début précoce. Les études de jumeaux confirment cette agrégation familiale. Trois gènes 9 sont impliqués dans les formes familiales précoces, associées à une transmission autosomique dominante. Néanmoins, cette forme ne représente qu'entre 5% et 7% des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Dans la forme la plus courante dite sporadique ou tardive, la présence d'allèles de plusieurs gènes codant en particulier pour l'apolipoprotéine E augmente de façon significative le risque 6 http://www.ahaf.org/alzdis/about/adabout.htm Addition d'un groupe de phosphate à une protéine 8 Protéine constituant majoritairement l'assemblage des microtubules qui forment le cytosquelette des axones neuronaux 9 APP, préséniline 1, préséniline 2 7 32 de développer la maladie. Plusieurs associations génétiques ont été décrites dans les formes tardives. L’allèle APOEe4, présent chez 10 à 20 % de la population, multiplie par exemple le risque de maladie d’Azheimer par deux. b. Facteurs environnementaux La piste environnementale fait l'objet de diverses recherches. La présence de métaux comme l'aluminium sous sa forme hydrique, l'exposition à des solvants ou aux champs électromagnétiques, le contact avec les métaux lourds tels que le mercure, des amalgames dentaires sont des hypothèses qui sont envisagées sans toutefois qu'aucun consensus médico-scientifique n'ait été trouvé à ce jour. Ces pistes, encore insuffisamment concordantes scientifiquement et lourdes de conséquences économiques, n'incitent pas les gouvernements à prendre de quelconques mesures sanitaires. Comme je l'ai évoqué plus haut, il est également envisagé que des micro-traumatismes crâniens répétés et un faible niveau intellectuel soit à l'origine de la maladie. c. Psychiatrie Conscients des enjeux neurologiques et lésionnels de la maladie d'Alzheimer, certains auteurs d'orientation psychanalytique proposent l'existence d'une composante psycho-dynamique à l'œuvre dans le processus démentiel. Le psychiatre Jean MAISONDIEU développe une thèse centrée sur l'angoisse de mort des personnes âgées démentes. "La psychopathologie de la vieillesse peut être vue sous cet éclairage: la peur de mourir, d'autant plus grande que l'échéance paraît plus proche" (MAISONDIEU, 2011, p. 174). Il affirme qu' "il faut contester l'explication univoque par une atteinte cérébrale exclusive, et non pas seulement lui adjoindre la dimension psychique si importante et si négligée jusqu'à ces dernières années". (id. p. 172). Pour Pierre CHARAZAC, psychiatre également, la perte d'identité occasionne les troubles cognitifs retrouvés dans la démence de type Alzheimer et non l'inverse. "C’est le moi lui-même qui se trouve atteint et son identité perdue" (CHARAZAC, 2009, p. 9) 33 d. Multifactorialité Je tends à partager la conception multifactorielle de Louis PLOTON, professeur de gérontologie à Lyon II. Ce dernier pense que les aspects neurologiques et psychiques doivent s'adjoindre pour une meilleure compréhension de la maladie d'Alzheimer. Il invite d'ailleurs à une réflexion complémentaire à celle prédominante sur la question de la prise en charge non médicamenteuse et sur l'accompagnement psychologique des aidants, qu'ils soient familiaux ou professionnels. Marion PERUCHON s'attache également à concevoir la maladie d'Alzeimer comme étant d'étiologie plurifactorielle. Dans un de ses ouvrages, elle développe l'idée d'une approche complexe de cette démence alliant la psychosomatique et la neuropsychanalyse. Elle analyse notamment la manière dont les personnes touchées par cette pathologie peuvent sublimer cette dernière. J'y reviendrai dans la discussion à la fin de ce mémoire. 2.2.7. Evolution La maladie d'Alzheimer est à ce jour incurable et irréversible. L'évolution est la plupart du temps lente et insidieuse, malgré des disparités observées entre les patients. A l'annonce de la maladie, l'espérance de vie est estimée entre 5 et 7 ans, parfois plus. Classiquement, trois stades d'évolution de la maladie sont décrits. Le premier stade dit "léger", le second dit "modéré" et enfin, le troisième et dernier stade dit "sévère". Chaque stade correspond à une fourchette de scores obtenus au Mini Mental State Examination (MMSE) 10 , un des tests neuropsychologiques pratiqué lors d'une suspicion de démence et dans le cadre de son suivi. Ainsi, le stade léger correspond aux personnes obtenant un score au MMSE compris entre 24 et 18. Le stade modéré inclut des scores MMSE compris entre 17 et 10. Enfin, le stade sévère correspond aux scores inférieurs à 9. 10 Ce test, de passation rapide, explore l'orientation temporo-spatiale, l'apprentissage, le calcul et l'attention, la mémoire à court terme, le langage et la praxie constructive. Un score inférieur à 24 sur 30 confirme fortement la présence d'une démence mais ne permet en aucun cas de la diagnostiquer. Seuls des examens complémentaires d'imagerie cérébrale ainsi que des tests neuropsychologiques le permettent. Le MMSE servira par la suite à suivre l'évolution de la démence diagnostiquée. 34 Notons qu'actuellement, il n'existe pas de consensus à proprement parler pour décrire l'évolution des stades de la maladie; certains ajoutent le stade dit "modérément sévère", d'autres pas. Pour éviter toute confusion, j'ai décidé d'utiliser les trois stades précédemment décrits. 2.2.8. Moyens thérapeutiques En 2000, Michel YLIEFF, psychologue spécialiste du vieillissement, distingue trois types de prise en charge du patient dément: "- l'approche médicale (organogénétique), adoptée par les généralistes et les neurologues, utilisant les moyens pharmacologiques pour atténuer les troubles gênants des patients; - l'approche relationnelle (psychogénétique), proposée par des psychiatres et des psychologues, s'inspirant des théories analytiques, systémiques ou humanistes dans le but de réanimer le travail psychique du sujet par la communication, l'écoute et le dialogue (MAISONDIEU, 1989, PLOTON, 1995); - l'approche réadaptative, développée par des psychologues et des ergothérapeutes qui envisage l'étude, l'analyse et le traitement des troubles cognitifs, des conduites déficitaires, des perturbations comportementales et de l'humeur, en rapport avec la maladie, mais aussi en réaction avec l'environnement, l'entourage familial et le soignant (YLIEFF, 1989, VAN DER LINDEN, 1994)." (Cité dans LESNIEWSKA, 2003, pp. 19-20) Arrêtons-nous sur les aspects médicamenteux et non-médicamenteux utilisés actuellement pour "traiter" la maladie d'Alzheimer. a. Traitements médicamenteux Il existe quatre sortes de médicaments visant à réduire les symptômes de la maladie d'Alzheimer: les anticholinestérasiques (donépézil, galantamine, rivastigmine) aux stades léger, modéré et modérément sévère de la maladie d’Alzheimer et la mémantine aux stades modéré, modérément sévère et sévère. Depuis 2008, la Haute Autorité de Santé (H.A.S.) a actualisé sa recommandation «Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et 35 des maladies apparentées» publiée en mars 2008 et retirée par la H.A.S. en mai 2011. Elle reconnaît "l'efficacité modeste" des médicaments cités plus haut (profits pharmaceutiques) et la nouvelle recommandation parue dans la Commission de la Transparence sur les médicaments de la maladie d’Alzheimer rendue le 27 octobre 2011 est la suivante: "Le traitement médicamenteux est une option dont l’instauration ou le renouvellement est laissé à l’appréciation du médecin spécialiste prescripteur; - au-delà d’un an, une concertation pluri professionnelle avec le patient (si son état le permet), son aidant, le médecin généraliste traitant, le gériatre et le neurologue ou le psychiatre est préconisée pour réviser la prescription et vérifier l’intérêt pour le patient de poursuivre le traitement et ce, afin d’assurer un suivi de qualité et personnalisé." 11 Par ailleurs, la prescription de psychotropes (antidépresseurs ou antipsychotiques) pour le traitement des troubles de l’humeur et du comportement se justifie chez certains patients, toujours selon la H.A.S. On ignore cependant ce que devient l’efficacité des médicaments anticholinestérasiques lors de l’administration de ces psychotropes. b. Thérapies non-médicamenteuses Pierre CHARAZAC cite Gérard LE GOUES, psychanalyste, pour rappeler une évidence parfois oubliée: « Un climat affectif adéquat étaye la pensée et restaure la capacité d’échange par la parole » (CHARAZAC P. , 2009, p. 80). De même, il souligne la responsabilité particulière de l'aidant qui « [...] se fait moi-auxiliaire du patient » (id. p.14). L'art thérapie, l'ergothérapie, l'orthophonie, la kinésithérapie, la neuropsychologie et la psychomotricité sont reconnues utiles au maintien ou au ralentissement de la dégradation des facultés de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. Les accueils de jour ont démontré leur efficacité au maintien des compétences liées à l'autonomie des personnes qui fréquentent ce type de structure. Véritables lieux de vie thérapeutiques rythmés par des activités et les repas (petit-déjeuner, déjeuner et collation), la personne âgée 11 http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1148955/maladie-dalzheimer-une-nouvellerecommandation-has-pour-le-diagnostic-et-la-prise-encharge?xtmc=recommandation%20alzheimer&xtcr=1 36 atteinte d'une démence de type Alzheimer ou d'une démence apparentée est, durant une ou plusieurs journées par semaine, entourée et stimulée par ses pairs et par l'équipe. L'ambiance conviviale dans laquelle la personne malade baigne favorise sa re-socialisation, son ouverture aux autres, mobilise ses envies d'être et de faire. L'écoute bienveillante, la disponibilité psychique et physique des soignants, la complicité établie ainsi que les médiations proposées complètent ce cadre véritablement thérapeutique et bénéfique aux personnes accueillies. Dans les établissements de soins gériatriques, les prises en charges paramédicales individuelles et/ou groupales s'inscrivent généralement dans un projet de vie individualisé déterminé avec la personne concernée et l'équipe soignante, dans un souci d'éthique et de bientraitance. Les démences apparentées à la maladie d'Alzheimer présentent "un certain degré de chevauchement [...] entre les déficits observés chez les patients Alzheimer et ceux des patients non-Alzheimer" (ALBARET & AUBERT, 2001, p. 123). Dans la partie qui suit, j'en présente trois à forte prévalence. Il s'agit de la démence à corps de Lewy, de la démence fronto-temporale et de la démence vasculaire. 3 - Démences apparentées 3.1. La démence à corps de Lewy La forme clinique la plus typique de cette maladie, deuxième cause des démences après la maladie d'Alzheimer, se caractérise par une triade clinique associant déficit cognitif fluctuant, syndrome extra-pyramidal 12 et hallucinations visuelles récurrentes. Le risque de chute est élevé pour ces patients. 12 Le syndrome extra-pyramidal est un syndrome neurologique qui associe trois signes : un tremblement de repos ; une hypertonie ou rigidité, décrite comme « plastique » (par opposition à la spasticité du syndrome pyramidal) et une akinésie c'est-à-dire des mouvements rares et lents. 37 3.2. La démence fronto-temporale La démence fronto-temporale est la troisième cause des démences en terme de fréquence. Hélène OLLAT, docteur en neurologie donne la définition suivante de la DFT: "Le terme de démence fronto-temporale (DFT) décrit un syndrome clinique associé à une dégénérescence des lobes frontaux et temporaux ainsi que du striatum." (OLLAT, 2002). Les troubles du comportement (apathie, désinhibition, stéréotypies ou comportements moteurs aberrants) et les troubles du langage (aphasie progressive) prédominent. Contrairement à la maladie d'Alzheimer, les troubles mnésiques n'apparaissent pas en début de maladie. 3.3. Démence vasculaire Les démences vasculaires (DV) regroupent l'ensemble des états démentiels secondaires à des lésions cérébro-vasculaires, à une ischémie souscorticale ou à un infarctus lacunaire. Elles représentent environ 15 à 30% des cas de démences. La DV est un syndrome cognitivo-comportemental qui se manifeste par des troubles mnésiques (mémoires épisodique et procédurale notamment), une dépression, une apathie, une labilité émotionnelle et des dysfonctionnements des fonctions exécutives et par un syndrome moteur avec une marche d'amplitude réduite, une dysarthrie 13 , une dysphagie 14 et un syndrome parkinsonien. Des troubles sphinctériens sont également présents. Les fonctions instrumentales (apraxie, aphasie, agnosie) sont mieux préservées que dans la maladie d'Alzheimer. Le début, ici, est soudain contrairement aux autres types de démence où le début est insidieux. L'évolution est fluctuante et progresse souvent par palier, se différenciant ici également des autres démences où la progression est plus lente et progressive. Enfin, notons l'existence d'une démence dite "mixte" où une démence vasculaire s'additionne à la maladie d'Alzheimer. Le terme de "maladie d'Alzheimer à composante cérébro-vasculaire" est parfois employé pour désigner cette démence particulièrement compliquée à diagnostiquer. 13 Difficulté de l'élocution non liée à une atteinte des organes de la phonation (langue, lèvres, voile du palais, etc.) ou de la commande nerveuse de ces organes. 14 La dysphagie est à la fois la perturbation du processus de déglutition et le symptôme caractérisé par la sensation de blocage, d’arrêt de la progression alimentaire. 38 Ce descriptif permet de rendre compte de la variabilité d'expressions symptomatologiques et d'évolution des démences apparentées à la maladie d'Alzheimer, les différences et les ressemblances d'avec cette dernière. Par ailleurs, il justifie ma volonté à me centrer sur des personnes dont la maladie d'Alzheimer a été clairement diagnostiquée. Revenons à la maladie d'Alzheimer et aux deux troubles psychomoteurs qui nous intéressent particulièrement ici: la dégradation du schéma corporel et les troubles de l'image du corps. 4 - La dégradation du schéma corporel chez la personne âgée atteinte d’une maladie d'Alzheimer Il est aisé d'imaginer que, "privé par l’immobilité de l’ensemble des sensations kinesthésiques, proprioceptives, tactiles, le schéma corporel va se déstructurer, sans compter les répercussions néfastes d'un alitement prolongé pour le bon maintien des fonctions tant physiologiques que psychologiques comme la désorganisation temporo-spatiale." (CALZA & CONTANT, 2007, p. 240). Selon l'inventaire neuro-psychiatrique NPI, outil utilisé pour l'évaluation des troubles psychologiques et comportementaux dans les démences, l'apathie est le signe psycho-comportemental des démences le plus fréquent, notamment aux stades modérés et sévères. Le tonus et la posture de la personne âgée atteinte de maladie d'Alzheimer se modifient. Le mouvement perd en spontanéité et en fluidité. L'harmonie gestuelle n'est plus, les paratonies s'accentuent. Je m'interroge sur la possibilité d'exister, sur la conscience même que ces personnes ont de leur identité alors qu'il leur est devenu difficile, voire impossible, de se représenter mentalement. Le schéma corporel joue le rôle organisateur de la pensée "en tant que représentation de soi et du corps" et à l'inverse, les voies afférentes sensori-motrices sont organisatrices du schéma corporel. Si ces voies afférentes se détériorent d'immobilisme, du fait de lésions ou alors il est possible que leur atteinte "se répercute sur la pensée." (CHARAZAC P.-M. , 2009, p. 171). 39 5 - Les troubles de l’image du corps chez une personne âgée atteinte de maladie d'Alzheimer Les multiples pertes psychiques et physiques que la maladie engendre, semblent fragiliser la personne âgée atteinte de maladie d'Alzheimer dans son sentiment d'identité. Selon NKAYÉ, psychosomaticienne, "la perte du sentiment d’intégrité se traduit par une crise d’identité du sujet devant la perte de ses capacités physiques et une nouvelle image du corps imposée par la perte d’autonomie et diverses maladies." (NKAYÉ, 2000) CHARAZAC décrit également les processus désintégratifs du sentiment d'identité en jeu dans la maladie d'Alzheimer. Pour cet auteur d'orientation psychanalytique, ce type de pathologie occasionne "[...] des déficits et des pertes de fonctions qui se traduisent par une perte d’autonomie blessant le narcissisme. Ils constituent une double atteinte du schéma corporel et de l’image de soi vécue comme diminuée ou amputée mais sans encore remettre en cause l’identité." A un stade avancé de la maladie, l'auteur parle du vécu de la personne âgée malade avec "[...] l’expérience psychotique du morcellement ou de la désintégration de soi." (CHARAZAC P.-M. , 2009, p. 171). Ainsi, la maladie d'Alzheimer entraîne, entre autres, un ralentissement psychomoteur notable et par conséquent, une atteinte de la représentation corticale du corps et une perte identitaire. À travers ce mémoire, je me suis demandé comment je pouvais évaluer, quantifier voire prédire cette dégénérescence de soi. En tant que future psychomotricienne, je dispose de différents outils me permettant d'observer la représentation que les personnes âgées atteintes de maladie d'Alzheimer (MA) ont de leur propre corps. J'ai choisi de m'intéresser au test du Dessin du Personnage (DP) pour plusieurs raisons que je présente dans la partie qui suit. 40 6 - Le dessin: un indicateur de la représentation de soi Le dessin du personnage s'avère être un test reflétant de multiples facettes d'un sujet. De volonté psychométrique à sa naissance, il est également utilisé comme test projectif dévoilant tout ou parties de la personnalité du dessinateur. L'appellation de ce test apparaît dans la littérature sous le nom de "test du bonhomme", "test de Machover", "dessin de la figure humaine" ou encore, "test du personnage". De nombreuses études utilisant le test du Dessin du Personnage ont été menées auprès d'enfants, d'adolescents et d'adultes. Chez l'enfant, Florence Laura GOOGENOUGH (1886-1959), psychologue américaine et professeur à l'Université du Minnesota, est la première à avoir élaboré l'étalonnage du test du dessin du bonhomme. Au cours des années 1920, elle recueille des milliers de dessins faits par des enfants de trois à dix ans, issus d'écoles primaires du monde entier. Sa recherche vise à objectiver ce test, qui évalue le schéma corporel, en le corrélant au quotient intellectuel. Ainsi, le dépistage d'enfants présentant une déficience intellectuelle ou une précocité peut se faire de façon très rapide et au sein même de la classe, par le biais du dessin. Depuis, le dessin du bonhomme est proposé par nombre d'instituteurs aux enfants de classe maternelle. Par ailleurs, elle montre l'évolution du graphisme chez l'enfant en fonction de sa maturation neurologique et de son âge. A mesure qu'il grandit, l'enfant gagne en motricité, il passe par différents stades moteurs (décubitus dorsal, retournements dos-ventre/ventre-dos, reptation, enroulement, quatre pattes, chevalier servant, orthostatique, marche) qui lui permettent de gagner en autonomie et en connaissance de son corps dans l'espace, grâce aux sensations multiples (notamment le toucher, la kinesthésie, l'audition et la vision) qu'il intègre et synthétise progressivement. Ces compétences motrices favorisent la conscience et la connaissance du corps propre de l'enfant. L'image mentale de son substrat corporel se définit, s'affine et s'inscrit dans sa psyché. L'enfant peut alors le représenter graphiquement de mieux en mieux: du gribouillage à la figuration d'un bonhomme complet et sexué, en passant par le bonhomme-tétard au bonhomme-fil-de-fer, l'évolution du graphisme et celle de la représentation de soi semblent être universelles, à niveau 41 intellectuel équivalent, selon les travaux de GOODENOUGH et ses collaborateurs. Jacqueline ROYER (1977) a repris ce test et a mis en évidence sa capacité à refléter les traits de caractères de l'enfant. Le test du Dessin du Personnage a, d'autre part, été très étudié auprès des préadolescents et des adolescents (OSTERRIETH et CAMBIER (1976); MACHOVER (1949); DEUTSCH (1953); ERIKSON E.H. (1954); RIOUX (1951)); auprès des adultes névrotiques (BERMAN et al. (1953) et auprès des adultes psychotiques (FINGERT et al. (1939) ; BALDWIN (1964); MODELL (1951). Concernant ces derniers, "une disparition des limites corporelles et de la différenciation sexuelle du personnage dessiné" (ANUSAKSATHIEN, 2011, p. 95) sont observées, avec notamment une "désorganisation ou une rotation du corps" (ibid.) J'ai choisi pour ma part d'étudier l'évolution du schéma corporel d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer à travers le test du Dessin du Personnage 15 . Comme nous le rappellent Sophie SAINJEON-CAILLIET et Aurélien RIBADIER, tous deux psychomotriciens: "[...] tout trouble du schéma corporel subit une altération de l'image cérébrale du corps qui se projette dans la représentation du bonhomme que le patient réalise" (SAINJEONCAILLIET & RIBADIER, 2009, p. 143). Ce choix est motivé par plusieurs raisons. D'une part, il s'agit d'un test plutôt ludique que la majorité des personnes invitées à participer à l'étude a apprécié. Les personnes malades ont déjà passé de nombreux tests médicaux et neuropsychologiques dans le cadre du diagnostic. Ma volonté a été de leur proposer quelque chose de nouveau et de valorisant dans la mesure du possible. Dolto écrit dans ce sens: "La feuille et la trace graphique permettent la création d'un espace utilisé par la personne pour se distancier de son image de malade et retrouver un état de sujet désirant (LIOTARD, 1990)" (DOLTO, 1984, p. 24). D'autre part, ce test met en évidence d'autres aspects psychomoteurs, comme l'écrit Denise LIOTARD: "Portant sur l'aspect de l'équipement psychomoteur, que nous situons sur le mode de l'avoir: le dessin apporte un autre éclairage et complète le bilan psychomoteur. Ce qu'il donne à voir renseigne sur l'organisation et la structuration du schéma corporel, la 15 Que je pourrai noter "DP" pour simplifier. 42 latéralité, l'organisation spatiale et le tonus à travers le tracé [...]." Elle complète son observation en s'intéressant aux personnes âgées présentant une pathologie: "Certaines atteintes corticales, certains troubles de la sensibilité, de la motricité vont perturber la réalisation du dessin; celui-ci montrera une image du corps altérée, incomplète." (LIOTARD, 1991, p. 88). De plus, ce test met en évidence non seulement le schéma corporel mais aussi l'image du corps à un moment et dans un lieu donné. Je ne pense pas pouvoir intégrer cette donnée dans une étude scientifique tant son contenu projectif est important. CALZA et CONTANT écrivent à ce propos: "L’introduction du dessin permet à la fois de capter une des traces possibles de l’image du corps et de dépasser le contrôle du discours se traduisant souvent par une banale énonciation de plaintes somatiques. Les commentaires présents durant la réalisation ou dans l’après-coup seront riches d’informations sur le vécu du vieillissement, des troubles, de l’isolement… Temps d’expression, de symbolisation, de sublimation, privilégié, le dessin permet à la personne âgée de se relier à son affectivité et au monde de ses pensées » (CALZA & CONTANT, 2007, p. 245). Cependant, l'observation des dessins et des réactions durant la passation du test a enrichi mon regard porté sur les personnes qui fréquentent l'accueil de jour dans lequel je travaille en tant qu'apprentie psychomotricienne. Enfin, la capacité de se représenter soi-même intéresse et interroge psychologues, psychiatres et neurologues depuis plusieurs décennies. Certains d'entre eux ont relevé des difficultés qu'ont les personnes âgées (sans pathologie) à dessiner un personnage. Selon leur courant de pensée, ce trouble a différentes origines. Selon Karl ABRAHAM, médecin et psychanalyste, il serait lié au vécu du processus de vieillissement: "Ce n'est pas seulement le vieillissement qui détermine l'image qu'il a de lui-même, mais la manière dont il ressent son vieillissement et se situe par rapport au problème qu'il pose" (ABRAHAM, 1985, p. 36). Le Dr. Milton LAKIN, lui, interprète ce trouble à partir de l'occupation spatiale du dessin: "En général les dessins des vieillards couvrent une surface moindre et ont une hauteur moindre. Ils sont moins bien centrés sur la page que ceux des enfants normaux de dix ans. Les plus grandes dimensions et le meilleur centrage des enfants de cet âge correspondent à ce que ces derniers se trouvent dans une période d'expansion de la personnalité et d'affirmation 43 euphorique du soi, et cela contraste avec l'involution des vieillards." (LAKIN, 1960, p. 471). Pour d'autres auteurs tels que LORGE, TUCKMAN et DUNN, psychiatres et psychologues, cette difficulté est motrice: "Les dessins des vieillards sont incomplets, plats, bizarres, manquent d'intégration, de proportion et de différenciation sexuelle. Ils révèlent une insuffisance de coordination" (LORGE & TUCKMAN, 1954). Je développerai cette hypothèse non négligeable dans la troisième partie de ce mémoire. 44 II) Partie expérimentale 1 - Comparaison du schéma corporel de deux populations: personnes âgées sans trouble neurologique versus personnes âgées atteintes de maladie d'Alzheimer L'absence d'étalonnage d'un test relatif au schéma corporel pour les personnes âgées dans la littérature m'a interpellée. Le schéma corporel se construit dans l'enfance. Il s'enrichit, se précise et s'affine tout au long de la vie, suivant la loi de maturation neurologique. Qu'advient-il durant la vieillesse? Nous l'avons vu plus haut, des chercheurs ont observé une désorganisation du schéma corporel des personnes âgées. Pouvons-nous l'affirmer statistiquement grâce à un test cotable? Par ailleurs, la maladie d'Alzheimer est au centre des préoccupations sanitaires et sociales actuelles. Elle fait l'objet de plans gouvernementaux incitant à la recherche médicamenteuse et non-médicamenteuse. Ainsi, je me suis demandée comment évolue le schéma corporel des personnes touchées par cette maladie. Je vais tenter de montrer à travers une étude statistique que le score obtenu au test du Dessin du Personnage (DP) est corrélé au score obtenu au Mini Mental State Examination (MMSE), test cognitif rapide effectué durant le diagnostic des démences. Autrement dit, je vais essayer de reproduire l'étude menée par F.-L. GOODENOUGH auprès de personnes âgées saines et malades. Nous verrons alors si le test du Dessin du Personnage peut prétendre à un quelconque dépistage d'une entrée dans la maladie d'Alzheimer ou si son utilisation peut être différente. Il est courant de constater qu'à partir de 90 ans, le score du MMSE est égal ou inférieur à 24, ce qui est lié au vieillissement de l'encéphale. On suspecte une démence lorsqu'une personne âgée de moins de 90 ans obtient un score égal ou inférieur à 24 au MMSE. 45 Classiquement, la maladie d'Alzheimer comporte trois stades relatifs aux scores du MMSE. Le stade dit "léger" correspond aux scores compris entre 24 et 18, le stade dit "modéré" correspond aux scores compris entre 10 et 17 et le stade dit avancé, aux scores inférieurs à 9. Je me suis inspirée des travaux de Florence L. GOODENOUGH portant sur la cotation du test du bonhomme, établie pour les enfants scolarisés entre 3 et 10 ans, pour coter le dessin du personnage (cf. annexe 2). La feuille de cotation de GOODENOUGH date de 1957. Sachant que la moyenne d'âge des sujets de l'expérience est de 83,2 ans, ces derniers avaient une trentaine d'année à l'époque des travaux de Mme GOODENOUGH. Les critères vestimentaires de l'époque étaient sensiblement les mêmes entre enfants et adultes. J'ai donc choisi de conserver ces critères, fruit de longues recherches de Mme GOODENOUGH et de ses collaborateurs. 1.1. Hypothèses générales théoriques J'émets plusieurs hypothèses générales, que je rendrai opérationnelles plus loin, concernant l'évolution de la représentation - plus ou moins consciente - du corps de la personne âgée. D'une part, il nous est permis de penser que plus une personne est âgée, plus son schéma corporel se dégrade. Cette première hypothèse se réfère à l'idée que la diminution des afférences sensori-motrices liées au vieillissement normal apporte moins d'informations proprioceptives et sensorielles au cortex et cette diminution de stimuli tend à désorganiser la représentation corticale du soma. D'autre part, chez une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, l'avancée de la maladie, caractérisée par une perte progressive de l'autonomie, accentue l'altération de la représentation corporelle et rend cette dernière plus précaire, voire désorganisée. L'avancée dans la maladie d'Alzheimer diminuerait la possibilité de se représenter soi-même. Enfin, je pense que la dégradation du schéma corporel se fera d'autant plus rapidement chez la personne âgée si celle-ci est atteinte de la maladie d'Alzheimer que si elle n'a aucun trouble neurologique ou vasculaire; l'apathie 46 réduisant considérablement les afférences et les efférences sensori-motrices du sujet. 1.2. Méthode a. Cadre de l'expérience Avant la passation de ces deux tests, j'ai expliqué à chaque personne volontaire que, dans le cadre de mon mémoire de fin d'étude, je souhaitais évaluer ses performances mnésiques et la représentation qu’elle avait de son corps. Le caractère anonyme des informations recueillies a été assuré à chacun des personnes. Chaque passation s'est déroulée individuellement et ce dans un environnement calme - atelier isolé afin de réduire au maximum les distracteurs. J'ai veillé à ce qu'aucun indice ne puisse aider d'une manière ou d'une autre la personne testée (calendrier, représentation d'un personnage, photographie...). J'ai procédé à l'administration des deux tests de façon successive. Le test du Dessin du Personnage a été proposé en dernier afin de terminer l'expérience de manière plutôt agréable et ludique. J'ai comptabilisé les points à l’issue de la double passation. b. Modalités de recrutement des sujets Tout d'abord, les hommes ont été exclus de l'étude afin d'éliminer un éventuel facteur secondaire lié au sexe. Les sujets de l'étude ont ensuite été sélectionnés en fonction de différents critères, sensiblement identiques à ceux établis par le GRECO16 pour l'étalonnage du M.M.S.E. Les sujets présentant des déficits sensoriels patents (vue, ouïe) n'ont pas été retenus, de même que les personnes dont la langue maternelle n'était pas le français et que les personnes institutionnalisées au moment de l'examen. 16 Groupe d’Etats contre la Corruption 47 Pour le groupe de personnes atteintes de maladie d'Alzheimer (MA) et après lecture des dossiers, j'ai retenu uniquement les personnes ayant été diagnostiquées a priori 17 comme atteintes de la MA et appartenant à la catégorie socio-éducative la plus élevée, c'est-à-dire que les participantes ont toutes obtenu le baccalauréat. J'ai également exclu de mon étude les personnes ayant été hospitalisées au cours des deux derniers mois, celles présentant des pathologies psychiatriques connues (autre qu'une démence), celles ayant chuté (traumatisme crânien, perte de connaissance, syndrome post-chute) au cours des deux derniers mois et celles présentant un alcoolisme. Aucun des sujets sélectionnés ne prend de psychotropes, neuroleptiques, anxiolytiques ou antidépresseurs à dose suffisamment élevée pour avoir une action notable sur les fonctions cognitives. c. Passation du Mini Mental State Examination (MMSE) Le Mini Mental State Examination18 (M.M.S.E. ou M.M.S.) (cf. annexe 1) de FOLSTEIN M.F., FOLSTEIN S.E. & McHUGH PR. (1975) est un "instrument d'évaluation des fonctions cognitives conçu pour un dépistage rapide des déficits cognitifs." (KALAFAT, HUGONOT-DIENER, & POITRENAUD, 2002, p. 6) Il évalue les capacités mnésiques (mémoire immédiate et mémoire de travail), d'apprentissage, de compréhension, d’orientation spatio-temporelle, logicomathématique et visuo-constructives d'une personne à un moment précis. "Sa facilité d'administration, sa rapidité ainsi que l'étendue des fonctions explorées, l'ont rapidement imposé parmi les instruments d'évaluation brève des fonctions cognitives. Il est largement utilisé dans de nombreux pays et existe dans les langues européennes les plus courantes" (ibid.). Ce test ne permet en aucun cas de faire un diagnostic clinique de la cause du trouble cognitif. Il s’agit presque d’une photographie de l'état cognitif de la personne. Il est important de relativiser le score obtenu qui peut varier avec l'état de fatigue de la personne ainsi qu'avec sa concentration. 17 18 Nous verrons dans la partie III les difficultés relatives au diagnostic de MA. cf. annexe 1 48 Le M.M.S.E. se compose de 30 questions auxquelles un point est attribué à chaque tâche réussie. Le score global s'étend de 0 à 30 et les seuils pathologiques dépendent du niveau socio-éducatif de la personne testée. Les fonctions cognitives sont altérées si le score est inférieur à: 19 pour les patients ayant bénéficié de 0 à 4 ans de scolarité 23 pour les patients ayant bénéficié de 5 à 8 ans de scolarité 27 pour les patients ayant bénéficié de 9 à 12 ans de scolarité 29 pour les patients ayant le baccalauréat. Certaines personnes désiraient connaître l'exactitude de leurs réponses. Je leur indiquais alors en fin de passation et je veillais à valoriser les bonnes réponses pour ne pas les laisser sur un sentiment d'échec. Pendant la passation, j'ai pu observer des réactions de prestance et de contenance19 et des verbalisations d'une anxiété ressentie, principalement chez les personnes en début de maladie. d. Passation du test du Dessin du Personnage (DP) Ensuite, j'invitais les personnes à dessiner un personnage sans limitation de temps et en précisant que mon regard serait dénué de jugement. Les réactions des personnes face à cette demande peu courante ont été riches d'indications sur leur personnalité. Certaines se sont prêtées à l'exercice immédiatement après la consigne, parfois avec enthousiasme. D'autres m'ont exprimé leur sentiment d'incompétence lié au dessin ("Je n'ai jamais su dessiner"). Des personnes m'ont indiqué qu'elles avaient su dessiner par le passé mais que désormais elles étaient en difficulté. D'autres encore n'ont rien dit mais le temps de latence entre la consigne, leurs mimiques et 19 Les réactions de prestance et de contenance désignent l’inadéquation de l’adaptation relationnelle dans ses éléments tonico-moteur, postural, gestuel ou mimique (par exemple, se toucher les cheveux, les mains, les rires et/ou sourires inadaptés...) 49 leurs réactions de prestance m'ont indiqué leurs difficultés. Au contraire, certaines personnes se sont exécutées immédiatement après la consigne verbale, parfois avec enthousiasme (sourires), parfois avec des mimiques d'étonnement (élévation des sourcils). Le temps de passation a été beaucoup plus long pour les personnes présentant une démence de type Alzheimer que pour les sujets sans troubles neurologiques. Ces derniers m'ont semblé plus « expéditifs » dans leur production. Je me suis demandé si cette réaction manifeste n'était pas l'expression d'un malaise quant à la consigne peu commune. Mon rôle de future psychomotricienne a été de rassurer les personnes testées sur l'absence de jugement porté, de rappeler le caractère confidentiel du test et de veiller à valoriser les compétences sans pour autant minimiser les difficultés. Un petit nombre de personnes, ayant accepté au préalable de faire l'expérience, étaient tellement désemparées face à la feuille blanche qu'elles n'ont pas dessinée. Je les ai bien sûr rassurées en dédramatisant la culpabilité qu'elles ressentaient par rapport à moi dans une attitude bienveillante et sécurisante. La consigne est la suivante: "Voulez-vous me dessiner un personnage du mieux que vous pouvez. Prenez votre temps, ce test n'est pas chronométré". Le matériel utilisé est composé d'une feuille blanche de format A4, d'un crayon à papier, d'une feuille de cotation, d'une chaise et d'une table. La personne est libre de choisir l'orientation de la feuille. Durant la passation, j'ai fait des observations graphomotrices qui ont concerné la posture de la personne, la tenue du crayon et la pression exercée sur la feuille. J'ai noté les remarques faites avant, pendant et après la passation, la mimique des personnes, le temps passé, les réactions de prestance et l'ordre des éléments du corps du personnage dessiné. Seuls les éléments du corps dessiné ont fait l'objet d'une cotation ultérieure. A l'issue du dessin, j'ai demandé à chaque participant s'il souhaitait écrire une phrase courte pour accompagner son dessin. Je voulais ainsi noter si les personnes projetaient consciemment ou non leur image propre. Parmi les personnes ayant écrit, certaines utilisaient le pronom personnel "je" tandis 50 que d'autres utilisaient le pronom personnel "il" ou "elle". Cette donnée m'a renseigné sur leur capacité d'écriture, sur leur capacité d'imagination et sur leur degré de projection affective. Je ne me suis pas servie de cette donnée dans mon étude statistique, par nature quantitative, mais elle a enrichi mon expérience en terme qualitatif. À noter tout de même, ces phrases ont fait ressortir une donnée intéressante qui mériterait d'être analysée à plus grande échelle: les personnes saines n'ont pas souhaité écrire de phrase, les personnes au stade léger de la maladie d'Alzheimer (MA) ont utilisé préférentiellement le pronom personnel "mon", tandis que les personnes aux stades modéré et sévère de la MA ont utilisé le pronom personnel "je" (cf. annexe 5). La cotation consiste à attribuer un point pour chaque item présent. Ce test se compose de 51 items (cf. annexe 1). Apparemment simple à coter, ce test exige une rigueur et une neutralité de la part de l'examinateur. F.L. GOODENOUGH a explicité sa passation dans son ouvrage. 1.3. Procédure a. Lieux de passation de l'expérience Les sujets de l'expérience sont issus de deux lieux distincts: un accueil de Jour thérapeutique Alzheimer et un foyer logement. - L'ACCUEIL DE JOUR THERAPEUTIQUE ALZHEIMER L’accueil de jour Alzheimer est destiné aux personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou d’affections apparentées. C’est un lieu de vie pour les personnes accueillies, de soutien et d’expression pour les aidants dans un cadre adapté et chaleureux. Ce centre apparaît comme une des solutions pour demeurer le plus longtemps possible à domicile. Il permet de maintenir les acquis des personnes accueillies au travers d’un projet d’accompagnement élaboré avec les aidants et en partenariat avec les structures spécialisées. 51 Sous la responsabilité d’un médecin psycho-gériatre, une équipe de professionnels qualifiés (une psychologue, une psychomotricienne, une ergothérapeute, une aide-soignante, une aide médico-psychologique et deux art-thérapeutes de formation infirmière et psychothérapeute) propose aux personnes accueillies des activités : de préservation du lien social : échange et partages, gestes de la vie quotidienne : courses dans le quartier, cuisine, couvert, coiffure, revue de presse, esthétique… de maintien et/ou amélioration des fonctions existantes : art thérapie, relaxation, gymnastique douce, sorties, jardinage… de stimulation et estime de soi : orientation dans la réalité, réminiscence, ergothérapie, groupes de parole… L’accueil de jour permet aux aidants de se reposer ou de s’accorder un peu de temps libre une à trois journées par semaine. Il leur apporte aussi un soutien et une guidance ainsi que des conseils pour poursuivre l’action de l’accueil de jour au domicile. L'espace de l'accueil de jour est également pensé en terme de convivialité puisqu'il se présente sous la forme d'un espace ouvert. La cuisine est équipée d'un bar semi-circulaire ouvrant sur un grand salon-salle à manger d'une centaine de mètres carrés. L'espace de relaxation est séparé du salon par un grand rideau et est attenant à la salle d'esthétique (coin coiffure, manucure, coiffeuse, grande douche et toilettes), elle, fermée par une baie vitrée. La salle à manger donne sur un bureau réservé aux professionnels mais accessible aux personnes accueillies, ainsi que sur un atelier où se pratique des groupes semi-fermés ou fermés (atelier mémoire, atelier tissu, ateliers cognitifs). C'est dans ce dernier que j'ai pratiqué les deux tests nécessaires à la présente étude. - FOYER LOGEMENT Le foyer logement propose des services de qualité fondés sur les valeurs de tolérance et de bienveillance. Son équipe met tout en œuvre pour que ses 52 résidants puissent y vivre dans le respect de leur liberté individuelle et de leur vie privée. Le bâtiment est composé de studios et de chambres individuelles pour personnes âgées valides. Dans le respect de la vie privée et la liberté de chacun, chaque logement peut être aménagé par la personne selon ses besoins et ses envies. Etablissement semi médicalisé, un infirmier présent quotidiennement assure la continuité des soins selon les besoins des personnes. Les locataires peuvent garder leur médecin traitant ainsi que les personnes qui interviennent à domicile (kinésithérapeute, auxiliaires de vie, femmes de ménages, ...). Le personnel de restauration est composé d’une équipe de quatre collaborateurs présents par roulement sur le site. Deux collaborateurs sont en charge de l’entretien des parties communes et une fois par mois du logement. Ils connaissent chacun des résidents, ce qui leur permet de mieux répondre à leurs besoins et d'être à leur écoute si le besoin s'en fait sentir. Après avoir expliqué l'objet de ma recherche à la directrice de l'établissement, cette dernière a informé les locataires lors d'une réunion et a proposé aux volontaires de venir s'inscrire auprès d'elle. Plus tard, j'ai obtenu la liste des quinze personnes volontaires et j'ai pris rendez-vous auprès de chacune d'elle. La passation des deux tests a été effectuée dans le studio de chaque personne, ce qui leur a permis de se sentir à l'aise dans un environnement familier. b. Appariement des groupes de sujets L'appariement de groupes de sujets d'une expérience nécessite la constitution de groupes les plus homogènes possibles. Dans cette étude, les groupes de sujets sont au nombre de deux: l'échantillon de personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer et celui des personnes sans trouble neurologique. Il s'agit de groupe appariés, distincts selon leur état cognitif (sans trouble neurologique, stade léger, stade modéré, stade sévère de la maladie d'Alzheimer). Tous les sujets passent les mêmes tests dans le même ordre (M.M.S.E. puis D.P.). 53 1.4. Variables indépendantes Les variables indépendantes sont les facteurs manipulables par l'expérimentateur. Dans ce mémoire de recherche, les variables indépendantes sont au nombre de trois: - l'âge (les personnes de moins de 75 ans et de plus de 90 ans n'ont pas été retenues); - l'échantillon de personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer, diagnostiquées en tant que telles; - l'échantillon de personnes ne présentant aucun trouble neurologique, vasculaire et/ou psychiatrique. 1.5. Variables dépendantes Les variables dépendantes correspondent aux données recueillies grâce aux différents tests. Dans cette étude, il s'agit du score obtenu au MMSE et du score obtenu au DP. Par ailleurs, il est important de préciser que la variable dépendante "score obtenu au MMSE" peut également être qualifiée de variable indépendante puisqu'elle a permis la sélection et la catégorisation des personnes dans les stades d'évolution de la maladie d'Alzheimer (MMSE < 24; MMSE < 18 et MMSE < 9) et le choix de l'échantillon "personnes âgées sans trouble neurologique" (MMSE > 26) parmi les personnes testées. 1.6. Facteurs secondaires En situation expérimentale, il est essentiel de contrôler certains facteurs pouvant biaiser les résultats et leurs interprétations. Ces facteurs sont appelés "facteurs secondaires". Ainsi, je me suis attachée à contrôler les facteurs suivants: - le sexe des sujets: seules les femmes ont participé à l'étude, - la latéralité: tous les sujets sont droitiers, - l'examinateur identique: j'ai personnellement fait passer les deux tests, 54 - l'heure de passation: les tests ont été administrés aux environs de 15h, après la sieste, - le lieu de passation identique: atelier de l'accueil de jour et studios personnels de la résidence/foyer logement, - la verbalisation des consignes: la présentation de ma recherche ainsi que les consignes ont été explicitées de la même façon pour tous les sujets, - la catégorie socio-éducative/professionnelle: tous les sujets ont obtenus le baccalauréat et ont fait des études supérieures. 1.7. Hypothèses opérationnelles Voici les hypothèses opérationnelles qui vont me permettre de valider ou d'invalider les hypothèses générales théoriques que j'ai présentées plus haut: - Plus une personne est âgée, plus son score au test du Dessin du Personnage est bas. - Une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer obtient un score au test du Dessin du Personnage inférieur à celui d'une personne âgée saine. - Une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer obtient un score au test du Dessin du Personnage corrélé au score qu'il obtient au MMSE. 1.8. Résultats a. Description des groupes de population Dans le groupe "MA" (atteints de la maladie d'Alzheimer), un échantillon de dix-huit personnes a accepté de participer à l'étude et a passé le M.M.S.E. ainsi que le D.P. Après l'examen des dossiers et l'avancée de ma réflexion concernant les critères d'inclusion, neuf personnes ont été retenus selon les modalités de recrutement des sujets décrites plus haut. L'âge moyen de cette population est de 83,6 ans (écart-type = 4,6 ; médiane = 84 ; étendue = 75-90 ans). Le score M.M.S.E. moyen de cette population est de 14,4/30 (écart-type 55 = 5,65; médiane = 13; étendue = 6-21). Le score D.P. moyen de cette population est de 21,55/51 (écart-type = 13,125 ; médiane = 28 ; étendue = 034). Dans le groupe "sain", un échantillon de quinze personnes a été volontaire pour ma recherche et a passé les deux tests. Lors du petit entretien précédant la passation, je me suis informée de leur âge et de leur niveau d'éducation. Certaines personnes étaient trop âgées (plus de 90 ans) et certaines n'avaient pas obtenu le baccalauréat. Je leur ai malgré tout fait passé les tests mais je n'ai pas tenu compte des résultats de ces personnes. Ainsi, neuf personnes ont été retenues. L'âge moyen de cette population est de 82,8 ans (écart-type = 5,8 ; médiane = 83 ; étendue = 74-90 ans). Le score moyen au MMSE est de 28/30 (écart-type = 1,3 ; médiane = 27 ; étendue = 26-30). Le score DP moyen de cette population est de 25,28/51 (écart-type = 7,3 ; médiane = 23 ; étendue = 15-37). De façon globale, on s'aperçoit que le score moyen obtenu au DP de la population saine est supérieur à celui de la population atteinte de la maladie d'Alzheimer. Par ailleurs, lorsque l’on compare les écarts-types et les étendues des scores obtenus au test du Dessin du Personnage des deux populations, on s’aperçoit que l’écart-type et l’étendue de la population atteinte de la maladie d’Alzheimer sont plus grands que ceux de la population sans trouble neurologique (écart-type = 13.125 versus 7.3 ; étendue = 0-34 versus 15-37). La disparité est plus importante pour la population malade. b. Test statistique utilisé: le coefficient de corrélation de Pearson Le but de la corrélation est de savoir s'il existe une relation entre deux variables. Définition: le coefficient de corrélation (de Pearson), noté cor., est la racine carré du coefficient de détermination; son signe (±) donne le sens de la relation. Il est toujours compris entre -1 et +1: 56 Si cor = 0 ou voisin de 0, on conclut à une absence de relation entre les deux variables, ou une relation qui, globalement, n'est ni croissante ni décroissante. Si cor < 0, on conclut à une relation négative (la relation va dans le sens contraire de l'hypothèse de départ). Si cor > 0, on conclut à une relation positive (la relation va dans le sens de l'hypothèse de départ). Enfin, si cor = 1 ou cor = -1, la relation linéaire est parfaite. Plus la valeur de cor se rapproche de ±1, plus la relation linéaire positive ou négative est forte et plus la valeur de cor est voisine de 0, plus la relation linéaire est faible: Corrélation Négative Positive Faible de −0.5 à 0.0 de 0.0 à 0.5 Forte de −1.0 à −0.5 de 0.5 à 1.0 Enfin, pour que le test de corrélation soit significatif, il faut que la valeur de p soit égale ou inférieure à 5% (p<0,05). En effet, lorsque p ≤ 5%, la différence est dite « statistiquement significative ». C'est-à-dire qu'elle est suffisamment importante par rapport aux fluctuations aléatoires pour que sa probabilité d’être observée en l'absence de réelle différence soit inférieure au seuil préalablement choisi de 5% (seuil de la signification statistique). Au contraire, quand p > 5%, la différence n’est pas « statistiquement significative ». En simplifiant, elle n’est pas suffisamment importante par rapport aux fluctuations aléatoires pour pouvoir raisonnablement exclure qu’elle soit un artefact dû au hasard. Une différence non significative n’est pas synonyme d’absence d’effet. La comparaison est peut-être 57 insuffisamment puissante pour mettre en évidence la différence qui existe. L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence.20 c. Tableaux de données et graphiques Je présente ici les résultats moyens obtenus aux deux tests (MMSE et DP) par les deux groupes (sujets atteints de la maladie d'Alzheimer et sujets sans trouble neurologique). Ces résultats sont l'un après l'autre comparés à l'âge moyen des sujets. En dernier lieu, une comparaison entre les résultats des deux tests est réalisée. Ces résultats sont analysés statistiquement et interprétés par la suite. - POPULATION ATTEINTE DE LA MALADIE D'ALZHEIMER DP en fonction des tranches d'âge Age DP Tranche 1: 75-82 ans 79,5 17 87 25,2 Tranche 2: 83-90 ans Tableau 1 - Répartition des moyennes d'âge en deux tranches (75-82 ans et 83-90 ans) et résultats moyens correspondant obtenus au DP Histogramme groupé 1 - DP moyen en fonction de l'âge moyen 20 http://www.spc.univ-lyon1.fr/polycop/principe%20du%20test%20statistique.htm 58 On constate ici que contrairement à mon hypothèse, les personnes atteintes de maladie d'Alzheimer les plus âgées obtiennent un meilleur score au test du Dessin du Personnage que les plus "jeunes". MMSE en fonction des tranches d'âge Age moyen MMSE moyen Tranche d'âge 1: 75-82 ans 79,5 10,25 87 17,8 Tranche d'âge 2: 83-90 ans Tableau 2 - Répartition des moyennes d'âge en deux tranches (75-82 ans et 83-90 ans) et résultats moyens correspondant obtenus au MMSE Histogramme groupé 2: Score moyen obtenu au MMSE en fonction des deux tranches d'âge (75-82 ans et 83-90 ans) De même, les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer les plus âgées obtiennent un meilleur score au test du Mini Mental State Examination. 59 DP en fonction du MMSE Moyennes Moyennes MMSE DP Stade 1 "léger" 21 31 Stade 2 "modéré" 14 29 8,33 4,66 Stade 3 "sévère" Tableau 3 - Scores moyens obtenus au DP dans les trois stades d'évolution de la maladie d'Alzheimer Courbe 3 - Moyenne des scores obtenus au DP en fonction des trois stades de la MA (moyenne des scores obtenus au MMSE) Ici, plus les personnes se situent dans un stade avancé de la maladie d'Alzheimer, plus elles semblent obtenir un score faible au test du Dessin du Personnage. 60 - POPULATION SANS TROUBLE NEUROLOGIQUE DP en fonction des tranches d'âge Age moyen DP moyen Tranche d'âge 1: 76-82 ans 79 17,33 87,75 25,75 Tranche d'âge 2: 83-90 ans Tableau A - Répartition des moyennes d'âge en deux tranches (75-82 ans et 83-90 ans) et résultats moyens correspondants obtenus au DP Histogramme groupé A - DP moyen en fonction de l'âge moyen pour chaque tranche d'âge (76-82 ans et 83-90 ans) On retrouve ici les mêmes résultats contradictoires avec mon hypothèse de départ: les personnes sans trouble neurologique les plus âgées obtiennent un meilleur score au test du Dessin du Personnage. 61 MMSE en fonction de l'âge Age MMSE Tranche d'âge 1: 76-82 ans 79 27,33 87,75 27,25 Tranche d'âge 2: 83-90 ans Tableau B - Résultats moyens obtenus au DP pour les deux tranches d'âge (75-82 ans et 83-90 ans) Histogramme groupé B - MMSE moyen fonction de l'âge moyen pour chaque tranche d'âge Les résultats moyens au MMSE des deux tranches d'âge sont sensiblement identiques, ce qui correspond aux données retrouvées dans la littérature. 62 DP en fonction du MMSE Ci-après, les résultats au MMSE et au DP pour chaque sujet ne présentant pas de trouble neurologique: MMSE DP Sujet 1 27 15 Sujet 2 27 20 Sujet 3 28 17 Sujet 4 27 23 Sujet 5 26 31 Sujet 6 27 23 Sujet 7 29 26 Sujet 8 26 37 Sujet 9 30 32 27,4 24,8 Moyennes Tableau C - Scores obtenus au MMSE et au DP pour chaque sujet sans trouble neurologique 40 35 30 25 MMSE 20 DP 15 10 5 0 Sujet 1 Sujet 2 Sujet 3 Sujet 4 Sujet 5 Sujet 6 Sujet 7 Sujet 8 Sujet 9 Histogramme groupé C - Scores obtenus au MMSE en fonction des scores obtenus au DP pour chaque sujet On constate ici une grande variabilité entre les sujets au score du DP malgré un MMSE sensiblement similaire. 63 Comparaison des scores au test du Dessin du Personnage et au MMSE de la population de personnes âgées sans trouble neurologique et de la population âgée atteintes de la maladie d'Alzheimer MMSE Sans trouble neurologique DP 27,4 24,8 Stade 1 21 31 Stade 2 14 29 Stade 3 8,33 4,66 Tableau D - Scores moyens obtenus au MMSE et au DP pour tous les groupes de sujets Histogramme groupé D - Scores moyens obtenus au MMSE et au DP en fonction des groupes de sujets Courbe D - Scores moyens obtenus au MMSE et au DP en fonction des groupes de sujets 64 Cette comparaison montre qu'en moyenne, les personnes aux stades léger (1) et modéré (2) de la maladie d'Alzheimer obtiennent de meilleurs résultats au test du Dessin du Personnage que les personnes sans trouble neurologique, ce qui n'est pas le cas des personnes se trouvant au stade sévère (3) de la maladie. - COMPARAISON GRAPHIQUE DES SCORES MMSE ET DP ENTRE LA POPULATION TEMOIN (STADE 0) ET LES STADES D'AVANCEE DE LA MALADIE D'ALZHEIMER ` Courbe E - Moyennes obtenues au MMSE et au DP pour la population sans trouble neurologique et pour la population au stade léger (1) de la maladie d'Alzheimer Une personne en début de la maladie d'Alzheimer semble obtenir un score supérieur au test du Dessin du Personnage à celui d'une personne ne présentant pas de trouble neurologique. 65 Courbe F - Moyennes obtenues au MMSE et au DP pour la population sans trouble neurologique et pour la population au stade modéré (2) de la maladie d'Alzheimer Une personne au stade modéré de la maladie d'Alzheimer semble également obtenir un score supérieur au test du Dessin du Personnage à celui d'une personne ne présentant pas de trouble neurologique. Courbe G - Moyennes obtenues au MMSE et au DP pour la population sans trouble neurologique et pour la population au stade sévère (3) de la maladie d'Alzheimer Ici, on constate que les scores au test du Dessin du Personnage chez les personnes en stade sévère de la maladie d'Alzheimer sont nettement inférieurs à ceux des personnes sans trouble neurologique. 66 1.9. Analyse et interprétation des résultats L'hypothèse de départ, selon laquelle plus une personne est âgée, plus son score au test du Dessin du Personnage est bas, est invalidée pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ainsi que pour les personnes sans trouble neurologique. Pour les groupes de sujets atteintes de la maladie d'Alzheimer, les données contenues dans le tableau 2 (annexe 3) indiquent une corrélation positive entre le facteur "âge" et le facteur "DP" (cor = 0.52). Cependant, le degré de significativité est trop bas (p-value = 0.14) pour conclure à un effet de corrélation significatif entre les deux facteurs. Le nombre insuffisant de sujets ne m'a pas permis de faire un test de corrélation interstades. On ne peut donc pas conclure à un impact significativement négatif de l'avancée en âge d'une personne atteinte de maladie d'Alzheimer sur son résultat au test du Dessin du Personnage. Pour les sujets sans trouble neurologique, les données du tableau 4 (annexe 3) indiquent une corrélation positive significative entre le facteur "âge" et le facteur "DP" (p-value = 0.036; cor = 0.78). Ainsi, on peut dire que plus la personne avance en âge, plus son score DP est élevé. L'avancée en âge, chez les sujets de mon étude sans trouble neurologique, semble avoir un impact positif sur leur capacité à représenter un corps graphiquement. Ce résultat est contraire à mon hypothèse, puisqu'ici, plus une personne avance en âge et plus son score au test du DP est élevé. Je me questionne alors sur la place de l'investissement corporel. Ce dernier peut être envisagé comme plus important à mesure que le sujet vieillit, le corps étant perçu comme le dernier représentant de l'identité propre. En effet, la personne âgée subit de nombreuses pertes (conjoint, travail, logement parfois) et bien souvent, le corps et ses maux est un sujet de préoccupation central. Ce n'est qu'une hypothèse explicative. Il en existe certainement d'autres. Par ailleurs, une question émerge de ce questionnement: au-delà de 90 ans, qu'advient le DP? À l'instar du MMSE, le score du DP diminue-t-il? 67 Ensuite, la seconde hypothèse, selon laquelle les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer obtiennent des scores inférieurs au test du Dessin du Personnage que les personnes sans troubles neurologiques, est invalidée. En effet, le test de corrélation de Pearson indique une corrélation égale à 0.49, non significative (p-value = 0.26). Pour rappel, une corrélation positive est comprise entre 0 et 1. Elle est ici faiblement positive. La variable "maladie d'Alzheimer" n'est donc pas corrélée significativement à la variable "Dessin du Personnage". Dans cette étude, la présence d'une pathologie neurodégénérative telle que la maladie d'Alzheimer n'est pas suffisante à elle seule pour expliquer les résultats obtenus au test du Dessin du Personnage. En effet, les personnes sans trouble neurodégénératif obtiennent, en moyenne, un moins bon score que celui des personnes atteintes par la maladie alors que je m'attendais au résultat inverse. Cet étonnant résultat me questionne. Il peut s'expliquer, encore une fois, de bien des manières. Est-ce que les personnes âgées saines investissent moins leur corps que les personnes âgées malades, qui eux, bénéficient de multiples stimulations corporelles (kinésithérapie, psychomotricité, ergothérapie...) ayant toutes des objectifs thérapeutiques? Dans ce cas, qu'en est-il des personnes âgées exemptes de trouble neurologique qui présentent une ou des affections corporelles? Mais encore: est-il possible que les personnes âgées saines pressentent - de façon préconsciente et/ou inconsciente - l'aspect projectif du test du Dessin du Personnage et qu'elles soient réticentes à l'idée de livrer une partie de leur personnalité à une étudiante qu'elles ne connaissent pas? Ces questions restent ouvertes. Néanmoins, il paraît plus probable que le vécu corporel (faillible, fatigué, douloureux) de la vieillesse induise une mise à distance du corps par la personne âgée qui dessine. Ceci expliquerait qu'une personne âgée saine investisse moins le Dessin du Personnage, avec tout ce que cela peut lui renvoyer de négatif. En revanche, la motivation de réaliser un Dessin du Personnage, pour une personne atteinte par la maladie d'Alzheimer dans les premiers stades, est certainement liée à l'envie de démontrer ses compétences préservées. En 68 effet, en début de maladie, les personnes sont généralement très désireuses de travailler leurs mémoires. De plus, dans le cadre de l'Accueil de Jour, les personnes ont bien conscience de l'enjeu thérapeutique. Enfin, ma dernière hypothèse, selon laquelle une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer obtient un score au test du Dessin du Personnage corrélé au score qu'il obtient au MMSE, est validée. Dans la courbe D, on observe un point de croisement entre les deux courbes au niveau du stade 3 (stade dit "sévère") de la maladie d'Alzheimer. On observe également que la courbe DP décroît moins rapidement que la courbe MMSE (chute brutale à partir du stade 2). Ces observations incitent à croire en une corrélation, qui se vérifie statistiquement. En effet, les résultats statistiques obtenus grâce à la formule de corrélation de Pearson nous indique une corrélation positive hautement significative (p-value = 0.004; cor = 0.83) puisque la valeur de p est inférieure à 0.05 et l'indice de corrélation se rapproche de 1. Une personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer obtient un score au DP corrélé significativement au score obtenu au MMSE et ceci est d'autant plus vrai que la personne se situe au stade 3 d'évolution de la maladie d'Alzheimer. Cependant, ces résultats doivent être interprétés avec la plus grande prudence. En effet, deux des trois sujets appartenant au stade 3 (sévère) présentent une apraxie constructive détectée grâce au MMSE, ce qui peut biaiser les résultats. Si j'exclus les deux personnes apraxiques de l'analyse statistique, j'obtiens un indice de corrélation égal à 0.65, donc positif. Par contre, la significativité n'est pas suffisante puisque la valeur de p est supérieur à 0.05 (p-value = 0.11). Un nombre plus important de sujets, dans chaque stade d'évolution, ayant réussi l'épreuve des praxies constructives du MMSE est donc requis avant d'avancer une quelconque interprétation. Je reprends cette donnée capitale dans la troisième partie du mémoire. 69 Concernant la population témoin (sans trouble neurologique), une faible corrélation négative (cor = -0.20) et non-significative (p-value = 0.66) est retrouvée, lorsque les facteurs "DP" et "MMSE" sont testés statistiquement. Cela semble signifier que l'état cognitif des personnes âgées sans trouble neurologique (MMSE) n'influence pas leur score obtenu au test DP de façon significative. D'autres facteurs non contrôlés dans cette étude semblent intervenir. Encore une fois, le caractère projectif du test du DP, l'investissement corporel de ces personnes, ou encore les compétences graphiques des personnes testées peuvent constituer des biais potentiels aux résultats de cette étude et à leur interprétation. 2 - Essai d'étalonnage 2.1. Le test du Dessin du Personnage en fonction de l'âge Pour l'échantillon de la population atteinte de la maladie d'Alzheimer, nous avons vu que les résultats statistiques indiquent que le test du DP n'est pas corrélé à l'âge. Je ne peux alors pas prétendre à l'étalonnage du test du Dessin du Personnage, relatif à l'âge, des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer. Pour l'échantillon de la population saine, les résultats obtenus sont surprenants. En effet, plus l'âge des personnes est grand, meilleur est leur score au test du DP. On peut alors s'interroger sur l'effet positif du temps sur l'affinement et la consolidation de la représentation corticale du corps. Cependant, un étalonnage quelconque est inenvisageable actuellement. Une étude à plus grande échelle serait pertinente. 2.2. Le test du Dessin du Personnage en fonction du MMSE Nous l'avons vu, les scores moyens obtenus au test du Dessin du Personnage sont corrélés positivement et de façon significative aux scores moyens obtenus au MMSE. Cependant, on observe une grande variabilité 70 interindividuelle (cf. annexe 3, courbe 3, p. 105). Le faible nombre de sujets atteints de la maladie d'Alzheimer ne permet donc pas de justifier un étalonnage fiable du test du dessin du personnage. De plus, deux sujets appartenant au stade 3 de la maladie d'Alzheimer présentent une apraxie constructive, ce qui peut expliquer leur faible score obtenu au test du DP. Cependant, ces premiers résultats encourageants peuvent être envisagés comme le prélude à une recherche ultérieure menée à une plus grande échelle. 2.3. Conclusion En regard du tableau regroupant les résultats moyens (présenté à nouveau ci-dessous pour mémoire), nous pouvons noter une baisse des performances au test du DP associée à la progression dans les trois stades de la maladie. MMSE DP Stade 1 21 31 Stade 2 14 29 Stade 3 8,33 4,66 Le test du DP, riche d'indications, de passation rapide et nécessitant peu de moyens, peut dès lors être envisagé comme un outil complémentaire au suivi régulier d'une personne atteinte par la maladie d'Alzheimer, si tant est que la maladie est déjà installée et que la personne se situe déjà dans un stade modéré à sévère. Ce test ne permet en aucun cas de compléter le diagnostic. Néanmoins, il peut intéresser le médecin qui suit le patient dans l'orientation de ce dernier vers un(e) psychomotricien(ne). Je développe cette idée dans la partie qui suit. 71 III) Analyse critique relative à la méthode et aux résultats 1 - Intérêts et limites du test du Dessin du Personnage "Avec le vieillissement, nous ne sommes [...] pas tout à fait du côté de l'involution." (MATE, 1993, pp. 10-11) 1.1. Pour la personne âgée 1.1.1. Sans trouble neurologique A première vue, l'administration d'un test comme celui du Dessin du Personnage présente peu d'intérêt pour la personne âgée qui ne présente pas de troubles cognitifs. Néanmoins, j'ai noté durant la passation du test que les sujets ont tendance à dessiner leur axe corporel, en commençant leur dessin de la tête aux pieds, puis du centre aux extrémités. Comme si le geste de la personne dessinant un personnage témoignait d'une organisation graphique globale suivant les lois céphalo-caudale (axe vertical) et proximo-distale (axe horizontal). La trace concrète de leur schéma corporel et de sa mise en place, permise grâce à la maturation neurologique, semble passer du représentable au représenté. Cette donnée me paraît particulièrement intéressante pour la compréhension de l'organisation et du remaniement permanent du schéma corporel et de l'image du corps, qu'Antonio DAMASIO regroupe sous le terme de "cartographie corporelle" (DAMASIO, 2010, p. 116), ainsi que pour la construction du sentiment d'identité sous-tendu par la conscience de soi. En effet, cet éminent neuroscientifique auteur de nombreux ouvrages, explique que "[...] c'est en cartographiant son corps de façon intégrée que le cerveau réussit à créer le composant essentiel qui deviendra le soi. [...] la 72 cartographie corporelle est la clé pour élucider le problème de la conscience" (ibid.). Par ailleurs, la plasticité quasi constante de ces cartes neuronales est liée à nos propres modifications métaboliques (pathologiques ou pas) ainsi qu'aux évènements de la vie impactant sur la représentation de notre personne, sur notre identité. DAMASIO souligne cette intrication du corps et de l'esprit dont le réceptacle de ce dernier serait le cerveau: "[...] l'ajustement de ce corps à l'activité cartographique a un caractère très particulier qu'on néglige systématiquement: même si le corps est la chose qui est cartographiée, il ne perd jamais contact avec l'entité qui la cartographie, à savoir le cerveau" (id., p. 114). On peut ainsi dire que notre perception de nous-même, ce sentiment identitaire si particulier, dépend à la fois de nos expériences - physiologiques, psychomotrices, psychologiques et sociales -, de notre vécu psychocorporel et de la façon dont notre cerveau traite et interprète ces informations pour les rendre cohérentes. La défaillance du traitement de ces informations parasiterait-t-elle l'organisation graphique, suivant les lois céphalo-caudale et proximo-distale, qui témoigne d'un schéma corporel structuré? 1.1.2. Atteinte de la maladie d'Alzheimer La question de la perte identitaire dans la maladie d'Alzheimer dont parle CHARAZAC prend ici tout son sens lorsque le point de vue neurocognitif de DAMASIO est pris en compte. Si certaines couches neuronales du cerveau des personnes malades dégénèrent, partiellement ou totalement, on peut aisément imaginer que la cartographie corporelle peut être atteinte puisque les structures souscorticales et corticales impliquées dans son élaboration sont nombreuses et en partie responsables du sentiment identitaire (il s'agit principalement des 73 noyaux sous-corticaux, "du complexe somatomoteur de l'opercule rolandique et pariétal, ainsi que le cortex insulaire" (DAMASIO, 2010, p. 130). Toutefois, une des particularités de la maladie d'Alzheimer concerne le caractère aléatoire et non prévisible des atteintes corticales. Certaines personnes sont atteintes d'aphasie rapidement, tandis que pour d'autres, les fonctions gnoso-praxiques sont les premières à être touchées. La variabilité interindividuelle est importante et elle permet très difficilement de pronostiquer l'évolution de la maladie. Nous allons voir dans quelles mesures et à quel moment, en fonction des résultats obtenus au cours de cette recherche, un test comme celui du Dessin du Personnage peut apporter des éléments de compréhension de cette perte identitaire liée à la possibilité de se représenter graphiquement. a. Lors d'une suspicion de maladie d'Alzheimer Les résultats de cette étude ne permettent vraisemblablement pas de proposer un quelconque dépistage de la maladie d'Alzheimer grâce au test du DP, puisque la dégradation des performances de ce test n'apparaît qu'après le stade 2 de la maladie, stade où, généralement, les personnes sont déjà diagnostiquées. Ceci dit, comme je l'ai souligné dans le premier paragraphe de cette dernière partie, la passation d'un tel test n'est pas dénuée d'intérêt et elle peut ainsi être envisagée à tout moment en vue d'enrichir le regard des différents professionnels de santé porté au patient. b. Lors du diagnostic Actuellement, les professionnels habilités à établir un diagnostic de la maladie d'Alzheimer sont les médecins généralistes traitants, les neurologues, les gériatres et les psychiatres, en collaboration avec des équipes pluridisciplinaires qualifiées (neuropsychologues, psychologues) et grâce à des examens para cliniques complémentaires. 74 Selon la Haute Autorité de Santé: "Il n’y a pas d’accord professionnel concernant le choix des autres tests de repérage [autres que le MMSE] à effectuer dans le cadre d’une évaluation des fonctions cognitives. Parmi les tests utilisés et de passation brève, on peut citer: des tests de mémoire : épreuve de rappel des 5 mots, Memory Impairment Screen (MIS), etc. ; d’autres tests de repérage : test de l’horloge, tests de fluence verbale, etc.”21. Rien n'oppose donc les professionnels de santé à proposer le test du Dessin du Personnage (DP). Certains trouveront ce test infantilisant et difficilement administrable, notamment en début de maladie où la personne âgée a souvent pleinement conscience de ses troubles. Par ailleurs, dans cette étude la sensibilité du test du DP n'étant pas très forte lors des deux premiers stades de la maladie, l'intérêt de l'administration de ce test qui s'ajoute à tant d'autres, est très discutable. Par ailleurs, la H.A.S. recommande : "le diagnostic ne se conçoit que dans le cadre d’un plan de soins et d’aides, qui comprend en fonction du stade de la maladie: une prise en charge thérapeutique; une prise en charge coordonnée médico-psycho-sociale et environnementale du patient et de son entourage; d’éventuelles mesures juridiques. Ce plan de soins et d’aides est suivi et réévalué régulièrement. Un référent identifiable (coordonnateur paramédical) pourrait coordonner et assurer le suivi du plan de soins et d’aides."22 c. Au long du suivi de l'évolution pathologique Ainsi, au cours du suivi et de la réévaluation régulière d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer avérée, le test du DP pourrait présenter un 21 http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/201201/reco2clics_maladie_d_alzheimer_et_maladies_apparentees_diagnostic_et_prise_en_charge.pdf 22 http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/201201/reco2clics_maladie_d_alzheimer_et_maladies_apparentees_diagnostic_et_prise_en_charge.pdf 75 intérêt plus pertinent que lors du dépistage et du diagnostic, notamment pour l'orientation d'une prise en charge psychomotrice par le médecin. En effet, au regard des résultats obtenus dans cette étude, le déclin des performances au test du DP est corrélé significativement au déclin des performances cognitives du MMSE. Le test du DP met en évidence d'éventuels troubles mnésiques, praxiques, gnosiques, ainsi que des troubles spatiaux, du tonus, du schéma corporel et de l'image du corps. Le médecin généraliste, gériatre ou neurologue ignore encore trop souvent, et notamment dans le domaine de la gériatrie, comment et pourquoi orienter des personnes âgées vers un psychomotricien. 1.2. Pour les professionnels médicaux et paramédicaux 1.2.1. Pour le médecin Comme je l'ai dit plus haut, l'intérêt d'un tel test pour le médecin, qu'il soit généraliste ou spécialiste, réside essentiellement dans la facilitation de l'orientation de son patient vers un psychomotricien, afin de rendre sa prise en charge la plus complète possible. Les tests cognitivo-praxiques utilisés actuellement, tels que le test de l'Horloge, mettent en évidence des troubles cognitifs instrumentaux comme l'apraxie visuo-constructive et l'orientation temporo-spatiale. Plusieurs études comparatives ont montré une sensibilité élevée et une haute spécificité. Mais ce test ne met résolument pas en évidence un quelconque trouble du schéma corporel, contrairement au test du Dessin du Personnage. Ce test pourrait alors permettre aux médecins de proposer une prise en charge psychomotrice, dans le cas où, après cotation, il s'avère qu'un trouble significatif du schéma corporel est repéré chez un patient. Un questionnaire adressé aux médecins généralistes et spécialistes 23 m'a permis de connaître plus précisément leur positionnement concernant l'utilisation possible du test du Dessin du Personnage (DP) qui vise l'orientation éventuelle d'une prise en charge psychomotrice. Il ressort que la majorité des 23 cf. annexe 4 76 médecins généralistes et spécialistes (79,4%) sont favorables à l'utilisation d'un tel test facilitant l'orientation de leurs patients vers un(e) psychomotricien(nne). Par ailleurs, et de façon paradoxale, les trois quart des médecins interrogés ne connaissent pas bien les actes d'un(e) psychomotricien(nne) auprès de la personne âgée et autant ne collaborent pas avec un(e) psychomotricien(ne). Il me semble important d'informer explicitement les médecins des indications possibles en gérontopsychomotricité. Les remarques pertinentes ressorties dans ce questionnaire sont les suivantes: le manque d'accessibilité des psychomotricien(nne)s, en particulier dans les petites villes, le manque de temps rendant parfois compliqué l'ajout d'un test auquel une formation minimale est nécessaire, l'importance de la clarification auprès des médecins des indications possibles en psychomotricité, l'importance d'un outil reproductible et validé scientifiquement facilitant ces indications, le souci d'une optimisation de prise en charge de la personne âgée liée à une indication réfléchie, le souci de l'amélioration de la pratique médicale enrichie de la psychomotricité. En admettant que ce test puisse un jour être utilisé par les médecins, une formation visant la maîtrise de l'administration du test du DP et sa cotation me semble primordiale. Cette nécessité entraînera inévitablement un investissement, tant financier que temporel, qui, je le crains, freinera l'utilisation de ce test au sein des consultations médicales. 77 1.2.2. Pour le neuropsychologue et le psychologue Le neuropsychologue pourra s'attacher à observer les aspects plus instrumentaux que le test propose, tels que l'organisation, la planification et l'organisation de la tâche. Le test DP pourra venir compléter les autres tests neuropsychologiques existants mais évidemment, il ne pourra en aucun cas les remplacer. Quant au psychologue, il pourra s'attarder sur l'aspect projectif du test. En effet, le dessin du personnage met également en relief l'image du corps, qui on l'a vu, est liée à l'histoire de vie propre à chacun, aux angoisses et aux investissements libidinaux. De plus, les remarques et les propos tenus par la personne évaluée peuvent être riches d'informations relatives à la personnalité et aux émotions ressenties. 1.2.3. Pour le psychomotricien Suite à l'indication d'une prise en soin d'un patient par le médecin, le psychomotricien peut (ré-)utiliser ce test à diverses fins. D'une part, il lui permet d'évaluer la conscience corporelle qu'a son patient de lui-même et il peut l'aider à objectiver l'évolution du suivi en psychomotricité. Cette dernière visera la prise de conscience du corps dans sa globalité, grâce à divers moyens maîtrisés par le psychomotricien. Des médiations telles que la relaxation, la stimulation sensorielle, la balnéothérapie, les enveloppements, ou encore la gymnastique douce, la danse, le parcours psychomoteur (cette "liste" n'est aucunement exhaustive) seront utilisées en fonction de la fatigue, des envies et des possibilités de chaque personne. D'autre part, le psychomotricien peut se saisir de cet outil afin d'évaluer les autres aspects psychomoteurs révélés par le test tels que: l'organisation temporo-spatiale: utilisation de l'espace "feuille", temps mis pour exécuter la consigne, trajets aller et retour de la personne vers et depuis la salle de psychomotricité 78 le tonus et la graphomotricité: pince scripturale, tonus du tracé et de la posture, appuis podal et manuel, syncinésies les réactions de prestance et de contenance: anxiété, timidité, stress... les mimiques: émotions ressenties, état thymique la coordination visuo-manuelle les praxies constructives: "traitement visuel, traitement de programmation et d'analyse, traitement mnésique et traitement corporel" (BOUTTIER, 2002, p. 4) la latéralité: utilisation d'une main préférentiellement à l'autre l'attention et la concentration: elles peuvent être de type soutenu, labile, moyen ou faible. Elles sont dépendantes de l'âge de la personne, de sa fatigue, de son état psychologique mais aussi de l'horaire de passation, ou encore de la douleur physique. Enfin, le psychomotricien s'attachera à apprécier le vécu corporel de la personne, grâce à ses verbalisations, sa communication infra-verbale (mimiques, attitudes, réactions de prestance et de contenance), son application à la tâche demandé et sa concentration. Ces observations et évaluations pourront l'aider à affiner et/ou réorienter le suivi en psychomotricité. 2 - Une variabilité interindividuelle maîtrisable? Une étude expérimentale nécessite une attitude de neutralité, un souci d'objectivation, une prise en considération et un contrôle rigoureux des nombreux facteurs intervenant dans l'expérience. A mesure qu'avançait mon étude, certaines données que je n'avais pas prises en compte auparavant se sont imposées en tant que variables probables influençant la cotation d'un tel test. 79 2.1. Mémoire procédurale et compétences graphiques La mémoire procédurale, fortement enracinée grâce à la répétition des apprentissages tout au long de la vie, est la mémoire qui perdure le plus longtemps et ce en dépit d'une atteinte neurologique telle que la maladie d'Alzheimer. L'écriture et la lecture en font partie. Qu'en est-il du graphisme "représentatif"? Les compétences graphiques ne correspondent pas à un apprentissage scolaire indispensable à l'intégration socioprofessionnelle des individus. En revanche, certaines personnes développent cette capacité à représenter la réalité observable au cours de leur existence. Cette compétence graphique développée, travaillée, affinée, répétée, aura peut-être répondu à une exigence professionnelle ou à un intérêt artistique personnel. Comment alors ne pas prendre en compte cette habileté, soutenue par la mémoire procédurale, dans la réalisation d'un dessin de personnage? Bien que rarement rencontré dans l'échantillon de personnes de cette présente expérience, ce biais éventuel peut être écarté en demandant, par exemple à la personne ou à un proche si le graphisme lui est familier (profession ou plaisir). L'interprétation du score final obtenu au DP dépendrait du niveau de compétence graphique, qui reste à déterminer. 2.2. L'apraxie constructive: facteur déterminant L'apraxie constructive semble être un facteur déterminant dans la désorganisation d'un personnage dessiné chez la personne âgée atteinte de maladie d'Alzheimer. En effet, l'apraxie constructive est au centre d'une symptomatologie démentielle et apparaît comme un signe précoce des déficits cognitifs dans l'évolution de la maladie témoignant de la désorientation temporo-spatiale et des déficits moteurs. "Selon AJURIAGUERRA et al. (1960), la démence entraîne une désintégration des fonctions cognitives qui reproduit l'ordre inverse de la chronologie de leur acquisition. Dans le dernier stade de la maladie, les dessins deviennent incomplets et désorganisés comme les premières productions de jeunes 80 enfants." (AJURIAGUERRA, MULLER, & TISSOT, 1960 cités dans LESNIEWSKA, 2003, p. 82). L'apraxie constructive est succinctement évaluable grâce au MMSE. Il s'avère que deux des sujets de mon étude présentent une apraxie constructive, ce qui est fâcheux car ces derniers appartiennent à l'échantillon du stade "sévère" de la maladie. Ces deux sujets font donc inévitablement chuter leur score au DP et discrédite quelque peu la forte corrélation retrouvée. Un moyen d'endiguer ce problème pourrait être de reproduire cette étude en évaluant ce facteur de façon plus précise que le MMSE, à l'aide d'un test évaluant les praxies par exemple (Batterie d'Evaluation des Praxies). L'ampleur de ce protocole expérimental, à non plus deux mais trois facteurs (MMSE, DP et test des praxies), nécessiterait plus de temps et certainement des co-expérimentateurs. 2.3. Difficultés liées au diagnostic différentiel Le diagnostic de maladie d'Alzheimer est encore compliqué à poser et les erreurs diagnostiques, difficilement estimables en terme de fréquence, existent et ce, en dépit d'une constante amélioration de la stratégie diagnostique et thérapeutique. "Les erreurs diagnostiques portent également sur les pathologies associées, car 30% des patients atteints de maladie d'Alzheimer ont également des corps de Lewy. De plus, la pathologie vasculaire se surajoute fréquemment aux maladies neurodégénératives" (DELACOURTE, 1998). Une évolution plus rapide que celle observée généralement lors d'une maladie d'Alzheimer "pure" implique une réévaluation du diagnostic initial et la recherche d'une pathologie associée. En effet, l'existence de lésions vasculaires cérébrales associées (démence mixte) et/ou d'autres lésions histologiques comme les corps de Lewy (démence à corps de Lewy) ou encore 81 d'atrophie corticale localisée (démence frontotemporale) remettent en question le diagnostic initial et les moyens thérapeutiques utilisés. Les dossiers médicaux des personnes de mon étude indiquaient un diagnostic de maladie d'Alzheimer. Je peux alors me poser la question d'une éventuelle erreur diagnostic pouvant biaiser les résultats de cette recherche. L'amélioration constante actuelle du diagnostic permettrait d'envisager une recherche ultérieure plus objective. 3 - Conditions expérimentales: précisions et améliorations nécessaires 3.1. Précision de la dégradation du schéma corporel grâce à une différenciation des stades de la maladie d'Alzheimer Dans cette étude, seuls trois stades de la maladie d'Alzheimer ont été retenus. Dans la littérature, on retrouve une classification qui varie entre trois et cinq stades. Le stade dit "très sévère" (scores inférieurs à 3 au M.M.S.E.) me semble compliqué à inclure du fait d'un fréquent alitement des personnes à ce stade, voire de leur grabatisation, mais il serait intéressant d'affiner cette recherche en incluant le stade dit "modérément sévère" comprenant les scores entre 10 et 15 au M.M.S.E. Un échantillon de sujets plus important (N<50), ne présentant pas d'apraxie constructive, permettrait d'étudier plus précisément à quel moment de la maladie le schéma corporel représenté commence à se dégrader. 3.2. Le choix des tests Le schéma corporel peut être évalué au moyen de différents tests psychomoteurs comme la somatognosie de Bergès 24 , l'épreuve du sens 24 Evalue la capacité à nommer et à démontrer les parties du corps sur soi et sur autrui. 82 musculaire de G.B. Soubiran25, l'épreuve de Piaget26, le test de Head27, ou le test de Bergès-Lézine 28 . La variabilité des moyens d'évaluation du schéma corporel semble laisser transparaître un spectre de compétences étendu, relatif à sa construction et à sa représentation. A travers ces tests, la latéralité et la réversibilité sont parfois recherchées. L'un évalue le stock lexical relatif au corps et la dénomination de ses parties, l'autre fait appel aux mémoires kinesthésique et proprioceptive. D'autres encore se penchent sur les capacités visuo-praxiques (praxies idéomotrices) en demandant à la personne testée d'imiter une série de gestes simples puis complexes. L'acte de dessiner un personnage implique également des compétences praxiques préservées, une capacité de décentration (réversibilité) et des verbalisations possibles (de prestance ou de nom des parties du corps). Le test du bonhomme est ainsi le dépositaire d'une "trace", d'une représentation de soi objectivable (incluant son corps et son psychisme) dans sa globalité, dans un lieu et à un moment donné. Il serait utile de comparer ces tests statistiquement en fonction de l'avancée de la maladie d'Alzheimer afin de déterminer lequel est le plus sensible à la dégradation du schéma corporel, car rien ne m'indique que le dessin du personnage est le plus pertinent. Il serait intéressant de l'enrichir d'autres tests ou épreuves le rendant plus globale encore. Le MMSE, lui, évalue le fonctionnement cognitif global et prend peu en compte la capacité de jugement, la résolution de problèmes, les intérêts et l'autonomie. Il peut ainsi tout à fait être discuté, quant à son utilisation faite ici pour regrouper les sujets en stades d'avancée dans la maladie. Le Clinical Dementia Rating scale (CDR) 29 , échelle mixte tenant compte des déficits cognitifs et du retentissement sur la vie quotidienne, bien que peu utilisée en 25 Evalue la capacité à mémoriser et à reproduire une posture "modelée" par la psychomotricienne (mémoires kinesthésique et proprioceptive). 26 Evalue la capacité d'orientation droite-gauche sur soi (latéralité) et la capacité de réversibilité, c'est-à-dire de se décentrer de son propre corps. 27 Evalue la reproduction de gestes fins, ipsi et controlatéraux (main-oeil-oreille) à partir d'une démontration, puis de consignes verbales et enfin d'une représentation graphique d'un personnage. 28 Evalue la reproduction de gestes simples et complexes. 29 http://www.dementia-assessment.com.au/global/CDR_Scale.pdf 83 France, pourrait être une complémentarité intéressante au MMSE. Elle tient compte de cinq niveaux d'atteinte de la maladie d'Alzheimer (aucune atteinte, probable, légère, modérée et sévère). Il s’agit d’une échelle de passation rapide, mais qui nécessite une évaluation complète, à la fois des troubles cognitifs et des capacités du patient à accomplir les activités de la vie quotidienne. Elle est essentiellement utilisée lors des suivis de cohorte de patients déments afin de définir la dégradation fonctionnelle et cognitive du syndrome démentiel. L'association de ces deux tests permettrait de rendre compte de l'état de la personne de façon plus complète et globale. 3.3. La taille de l'échantillon Bien évidemment, j'ai conscience qu'une étude expérimentale nécessite un échantillon représentatif des populations testées, ce qui est loin d'être le cas pour la présente étude. En psychologie expérimentale, la taille minimale d'un échantillon est de cinquante sujets et mon étude n'en comporte que dixhuit. Conclusion À l'issu de ma formation en psychomotricité, je souhaite poursuivre et améliorer cette étude à plus grande échelle en prenant en compte les différents facteurs indispensables que je viens d'évoquer. D'autres recherches sont envisageables. D'une part, un couplage du test du Dessin du Personnage à l'Examen Gérontopsychomoteur (EGP) pourrait être étudié, améliorant certainement le bilan psychomoteur d'une personne âgée et facilitant l'élaboration du projet thérapeutique de la prise en soin psychomotrice. D'autre part, cette recherche pourrait être réalisée de façon longitudinale. De cette manière, la comparaison entre un échantillon de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (MA) suivies en psychomotricité et un second, de personnes atteintes par la MA non suivies en psychomotricité. Cette étude permettrait d'objectiver la pertinence de cette 84 discipline dans l'évolution de la représentation de soi et par extension, de valider scientifiquement une des spécificités de la psychomotricité qui concerne les troubles de l'image du corps et du schéma corporel. Par ailleurs, la recherche en neurosciences permettra peut-être un jour, grâce à l'imagerie cérébrale, de rendre compte de la cartographie corporelle et de son évolution dans le vieillissement normal et pathologique. 4 - Discussion - William UTERMOHLEN : un témoignage unique sur le vécu et la créativité d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer Une personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer a retenu mon attention. Il s'agit de William UTERMOHLEN (1933-2007), artiste peintre. Né aux Etats-Unis, il passe la majeure partie de sa vie et de sa carrière d'artiste à Londres. Il réalise des autoportraits durant les cinq années qui ont suivi l'annonce de son diagnostic en 1995. L'ensemble de cette œuvre témoigne de la dégradation du schéma corporel ainsi que de la recherche du maintien identitaire. Le psychiatre Patrice POLINI a analysé cette démarche: "La création artistique a été [...] pour William UTERMOHLEN, une tentative d'autoguérison. Elle lui a permis de lutter contre le processus pathologique de désorganisation psychique en maintenant ses repères existentiels, son sentiment d'identité, sa présence au monde et parmi les siens [...] il a réussi à maintenir l'investissement de son propre univers, à se représenter pour ne pas disparaitre." (POLINI, 2007, p. 6) D'autres auteurs, tels que Marion PERUCHON analyse de façon complexe et globale cette démentalisation qu'est la maladie d'Alzheimer. Elle invite le lecteur à une compréhension plurifactorielle de cette maladie, en articulant les approches psychosomatiques et neuropsychanalytique. Ainsi, les concepts du Moi-peau et du schéma corporel sont repris afin de comprendre la sublimation dans la démence, dont William UTERMOHLEN a laissé des traces (cf. autoportraits en annexe 6), riche d'indications notamment en regard des enveloppes psychiques. 85 La production picturale réalisée juste après l'annonce du diagnostic, "Blue Skies" (cf. annexe 6), met en évidence la notion de maintenance psychique 30 , en déperdition dans la maladie d'Alzheimer. En effet, W. UTERMOHLEN se représente assis sur une chaise, la main gauche agrippée à la table, "comme s'il ressentait l'urgence de trouver un appui sécurisant devant l'inéluctable perte subjective de la maintenance psychique; retour donc au toucher primaire d'agrippement que l'on rencontre d'ailleurs dans certaines démences avancées lorsque la pensée défaille, et qui vise à juguler l'angoisse de perte de l'objet-support31" (PERUCHON, 2011, p. 59). Par ailleurs, elle évoque le lien entre la désorganisation du schéma corporel et la fonction de maintenance du Moi-peau défaillante dans cette pathologie: "Associée à l'usure de l'enveloppe contenante, cette perte de l'objet-support qui [...] entraîne des troubles de la maintenance, ne peut pas ne pas avoir de répercussions néfastes sur cette structure qu'est le schéma corporel. En effet, "Broken figure" nous expose un pantin désarticulé au crâne de mort qui paraît avoir perdu son axe central ou sa verticalité [...]" (ibid.) (cf. annexe 6). Elle reprend également l'idée de la perte identitaire: "À partir de cette date-là, William UTERMOHLEN va s'adonner durant quatre ans à une série d'autoportraits sans doute en vue de faire durer le plus longtemps possible la fonction d'individuation de soi, ou son identité, ainsi que la fonction d'inscription, pourtant déjà toutes deux atteintes - les déficits de la mémoire, l'effacement des détails, la désorientation spatiale, l'altération de la perspective et des proportions se dévoilant régulièrement dans ses œuvres." (ibid.) P. POLINI écrit également en ce sens, concernant "Broken figure": "Le moi n'est plus identifié qu'à un corps désarticulé, fragmenté. L'image de soi, disloquée, n'assure plus aucune expérience de continuité identitaire". La peau a la fonction biologique de maintenance: WINNICOTT a désigné le holding la façon dont, lors des interactions précoces, la mère soutient le corps du bébé. Par ailleurs, l'intériorisation du holding maternel permet le développement de la fonction psychique (ANZIEU, 1995, p. 121). 30 L'état d'unité et de solidité du corps du bébé et son fonctionnement psychique sont permis par l'étayage physique des mains et du corps de la mère soutenant son enfant. Cet appui externe, ce corps-à-corps, "conduit le bébé à acquérir l'appui interne sur sa colonne vertébral, comme arête solide permettant de se redresser" (ANZIEU, 1995, p. 122). C'est ce qu'ANZIEU nomme "l'objet-support". 31 86 Tout au long de l'avancée de sa maladie, et ce jusqu'en l'an 2000, sept ans avant son décès, W. UTERMOHLEN a semblé utiliser son art comme une moyen, une médiation, de pallier à la perte progressive de son schéma corporel et de son identité. - Le toucher thérapeutique : une médiation utilisée en psychomotricité pour les personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer La psychomotricité est une spécialité paramédicale qui fait intervenir le corps et qui le prend en considération. Les professionnels de cette discipline peuvent utiliser de nombreuses médiations visant la re-structuration du schéma corporel et l'étayage de l'image du corps. DOLTO l'avait bien compris: "L'image du corps est à chaque moment mémoire inconsciente de tout le vécu relationnel, et, en même temps, elle est actuelle, vivante, en situation dynamique, à la fois narcissique et interrelationnelle: camouflable ou actualisable dans la relation ici et maintenant, par toute expression langagière, dessin, modelage, invention musicale, plastique, comme aussi mimiques et gestes" (DOLTO, 1984). Le toucher thérapeutique peut être une médiation intéressante visant la re-structuration du schéma corporel chez les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. En effet, le toucher contenant, les mobilisations passives, le gantage, les pressions sont des outils simples qui apportent bienêtre, détente et prise de conscience de leur globalité corporelle aux personnes qui reçoivent ces soins particuliers. Le schéma corporel est ainsi progressivement re-structuré (chaque partie du corps étant touchée et nommée) et l'image du corps est valorisée, puisqu'une relation de confiance est établie. Le toucher thérapeutique peut également s'avérer être un outil intéressant dans la prise en soin psychomotrice des personnes âgées aux stades avancés de la maladie d'Alzheimer qui, dépendantes, alitées, voire grabataires, sont essentiellement mobilisées lors des soins (médicaux, hygiéniques...) et sont très peu touchées de façon agréable et détendue. 87 Françoise GIROMINI, psychomotricienne et diplômée en philosophie, rappelle l'importance du toucher dans la constitution du corps propre, de sa représentation et de son engagement relationnel: "Le toucher est le mode originaire de constitution du corps propre. Le toucher est le modèle de relation-affection au monde, une disponibilité qui se transforme en détermination. Ces groupes de sensations sont insérés dans la sphère de l’affect et participent à l’activité relationnelle avec le monde. Tous ces groupes de sensation ont, en tant qu’impressions sensibles, une localisation somatique immédiate. Cette couche de sensations forme le tissu du corps propre à tel point qu’ils permettent de découvrir de façon évidente la chair, c’est-à-dire la relation de soi-même à soi-même." (GIROMINI, 2003-2004, pp. 31-32) Ainsi, le vécu corporel et la recherche du maintien identitaire peuvent être sublimés par le dessin ou la peinture, comme William UTERMOHLEN l'a démontré dans sa dernière œuvre. Par ailleurs, le toucher thérapeutique s'avère être une médiation intéressante - ce n'est pas la seule - visant d'une part la re-structuration du schéma corporel de la personne âgée démente et d'autre part, la ré-appropriation d'un corps-plaisir étayant l'image du corps. 88 Conclusion La maladie d'Alzheimer est une pathologie neurodégénérative dont l'expression clinique est variable aux différents stades de la maladie. Le psychomotricien intervient auprès des personnes âgées au sein de diverses structures gériatriques ainsi qu'au domicile, en utilisant divers outils professionnels. Le bilan gérontopsychomoteur (EGP) permet de mettre en exergue les difficultés et les capacités de la personne âgée grâce à une observation objective, dans le but de lui proposer un projet thérapeutique et une prise en charge adaptée. De nombreux tests constituent ce bilan, dont ceux qui évaluent le schéma corporel dans la connaissance des parties du corps. L'objectif de ce mémoire était d'évaluer le schéma corporel de façon objective grâce au test du Dessin du Personnage (DP) et de s'intéresser à la possibilité de l'étalonnage de ce dernier, corrélé à un test cognitif simple et global, le Mini Mental State Examination (MMSE). J'ai procédé à la passation de ces deux tests auprès d'une population générale de dix-huit personnes, dont neuf atteintes de la maladie d'Alzheimer réparties équitablement dans les trois stades d'avancée de la maladie et neuf personnes saines, constituant la population témoin. Les résultats indiquent que le degré de sévérité de la maladie d'Alzheimer, évaluable grâce au MMSE, est corrélé de façon significative au test du DP. Autrement dit, la perte progressive des capacités cognitives semble entraîner une difficulté également progressive à se représenter soi-même. Cependant, l'étalonnage du test du Dessin du Personnage est une entreprise rigoureuse qui nécessite un nombre élevé de sujets. Cette étude aurait été d'autant plus riche avec un nombre plus important de sujets afin de réduire les importantes variabilités interstade et interpersonnelle que j'ai pu constater. Ces dernières auraient pu être réduites en tenant compte des compétences graphiques et de la conservation des praxies constructives des personnes testées. De même, j'ai été confronté à la difficulté que représente le diagnostic des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Il me semblerait utile d'analyser la sensibilité au test du Dessin du Personnage quant à la distinction des différents symptômes démentiels que sont la 89 démence à corps de Léwy, la démence fronto-temporale, la démence vasculaire et la démence mixte. L'intérêt du test du Dessin du Personnage semble être actuellement pertinent dans l'utilisation que pourrait en faire les médecins et les psychomotriciens. Pour les premiers, ce test de passation rapide permettrait une indication facilitée d'un patient vers un psychomotricien, en supposant que les médecins soient bien informés des actes relevant du champ de compétences des psychomotriciens. Pour les seconds, ce test permet d'évaluer la représentation corticale du corps du patient et de suivre l'évolution d'une prise en soin psychomotrice axée sur la restructuration du schéma corporel grâce, notamment, au toucher thérapeutique. 90 Bibliographie ABRAHAM, A. (1985). Le dessin d'une personne (le test de Machover). Paris: E.A.P., 2ème édition. AJURIAGUERRA. (2010). Corps, tonus, psychomotricité (Vol. 1). Papyrus. AJURIAGUERRA, J. D., MULLER, M., & TISSOT, R. (1960). A propos de quelques problèmes posés par l'apraxie dans les démences. Encéphale , 5, 375-41. ALBARET, J.-M., & AUBERT, E. (2001). Vieillissement et Psychomotricité. Paris: Solal. ANDRÉ, P., BENAVIDÈS, T., & CANCHY-GIROMINI, F. (1996). Corps et psychiatrie. Heures de France. ANUSAKSATHIEN, N. (2011, Mars 31). Thèse de doctorat en psychologie clinique - Le test du personnage chez le sujet suicidaire. Récupéré sur http://theses.edel.univ-poitiers.fr/theses/2011/AnusaksathienNarongdaj/2011-Anusaksathien-Narongdaj-These.pdf ANZIEU, D. (1995). Le Moi-Peau. Dunod. AQUINO, J.-P. (2007, Octobre). Master "Recherche en éthique" - Vulnérabilité et démence. Récupéré sur ethique.inserm.fr: www.ethique.inserm.fr/inserm/ethique.nsf/0/03610970BE4DID85C12573850055 A794/$File/Diaporama+JP+Aquino.pdf?OpenElement BLOCH, H. e. (2002). 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Vous devez répondre du mieux que vous pouvez. Quelle est la date complète d’aujourd’hui ? Si la réponse est incorrecte ou incomplète, posées les questions restées sans réponse, dans l’ordre suivant : 1. En quelle année sommes-nous ? 2. En quelle saison ? 3. En quel mois ? 4. Quel jour du mois ? 5. Quel jour de la semaine ? Je vais vous poser maintenant quelques questions sur l’endroit où nous trouvons. 6. Quel est le nom de l’hôpital où nous sommes ?* 7. Dans quelle ville se trouve-t-il ? 8. Quel est le nom du département dans lequel est située cette ville ?** 9. Dans quelle province ou région est située ce département ? 10. A quel étage sommes-nous ? Apprentissage /3 Je vais vous dire trois mots ; je vous voudrais que vous me les répétiez et que vous essayiez de les retenir car je vous les redemanderai tout à l’heure. 11. Cigare Citron Fauteuil 12. Fleur ou Clé ou Tulipe 13. Porte Ballon Canard Répéter les 3 mots. Attention et calcul Voulez-vous compter à partir de 100 en retirant 7 à chaque fois ?* 14. 15. 16. 17. 18. /5 93 86 79 72 65 Pour tous les sujets, même pour ceux qui ont obtenu le maximum de points, demander : Voulez-vous épeler le mot MONDE à l’envers ?** Rappel /3 Pouvez-vous me dire quels étaient les 3 mots que je vous ai demandés de répéter et de retenir tout à l’heure ? 11. Cigare Citron Fauteuil 12. Fleur ou Clé ou Tulipe 13. Porte Ballon Canard Langage /8 Montrer un crayon. 22. Quel est le nom de cet objet ?* Montrer votre montre. 23. Quel est le nom de cet objet ?** 24. Ecoutez bien et répétez après moi : « PAS DE MAIS, DE SI, NI DE ET »*** Poser une feuille de papier sur le bureau, la montrer au sujet en lui disant : « Ecoutez bien et faites ce que je vais vous dire : 25. Prenez cette feuille de papier avec votre main droite, 26. Pliez-la en deux, 27. Et jetez-la par terre. »**** Tendre au sujet une feuille de papier sur laquelle est écrit en gros caractère : « FERMEZ LES YEUX » et dire au sujet : 28. « Faites ce qui est écrit ». Tendre au sujet une feuille de papier et un stylo, en disant : 29. « Voulez-vous m’écrire une phrase, ce que vous voulez, mais une phrase entière. »***** Praxies constructives /1 Tendre au sujet une feuille de papier et lui demander : 30. « Voulez-vous recopier ce dessin ? » 95 96 Annexe 2: Feuille de cotation du DP Nom: Age: Sexe: Score MMSE: Score DP (dessin du personnage): Catégorie A (premier stade dans lequel le bonhomme est méconnaissable) 1. Gribouillage sans but, incontrôlé 2. Lignes grossièrement géométriques, quelque peu contrôlées Catégorie B (dessins dans lesquels on peut reconnaître un bonhomme). Les 51 points correspondent aux dessins de cette catégorie: POINTS 0 1 1. Présence de la tête 2. Jambes présentes 3. Bras présents 4.a) Tronc présent 4.b) Tronc plus long que large 4.c) Epaules indiquées 97 5.a) Bras et jambes attachés tous quatre au tronc et à l'endroit correct 5.b) Jambes attachées au tronc. Bras attachés au tronc et à l'endroit correct 6.a) Cou présent 6.b) Lignes du cou continuant celles de la tête, du tronc ou des deux 7.a) Yeux présents 7.b) Nez présent 7.c) Bouche présente 7.d) Nez et bouche à la fois; deux lèvres indiquées 7.e) Narines présentes 8.a) Présence des cheveux 8.b) Cheveux dépassant la circonférence de la tête et sans transparence (du crâne à travers les cheveux). Représentation meilleure qu'un gribouillage 9.a) Vêtements présents 9.b) Deux pièces du vêtement non transparentes 9.c) Dessin entièrement sans transparence lorsque le veston et le pantalon sont représentés 9.d) Quatre ou plus de quatre pièces du vêtement nettement indiquées 9.e) Costume complet, sans naïveté 10.a) Doigts indiqués 10.b) Nombre exacte de doigts 10.c) Les deux dimensions des doigts, plus longs que larges et l'angle formé par eux ne dépassant pas 180° 10.d) Opposition du pouce 10.e) Mains représentées de façon distincte des doigts ou des bras 11.a) Articulations des bras, le coude ou l'épaule, ou les deux 98 11.b) Articulations des jambes, genoux, hanches, ou les deux 12.a) Proportion de la tête 12.b) Proportion des bras 12.c) Proportion des jambes 12.d) Proportion des pieds 12.e) Les bras et les jambes représentés en 2D 13. Talon indiqué 14.a) Coordination motrice. Ligne A 14.b) Coordination motrice. Ligne B 14.c) Coordination motrice. Lignes de la tête 14.d) Coordination motrice. Lignes du tronc 14.e) Coordination motrice. Bras et jambes 14.f) Coordination motrice. Traits du visage 15.a) Oreilles présentes 15.b) Oreilles présentes avec une position et une proportion correctes 16.a) Détail des yeux. Sourcils; 16.b) Détail des yeux. Pupille indiquée; 16.c) Détail des yeux. Proportions; 16.d) Détail des yeux. Regard vers l'avant dans les dessins de profil 17.a) Front et menton indiqués tous deux 17.b) Dépassement du menton 18.a) Un dessin de profil avec une seule erreur au maximum 18.b) Profil correct TOTAL 99 Annexe 3 : Résultats bruts - Tableaux et graphiques Population atteinte de la maladie d'Alzheimer Âge MMSE DP Sujet 1 75 6 0 Sujet 2 81 13 25 Sujet 3 81 13 34 Sujet 4 81 9 9 Sujet 5 84 16 28 Sujet 6 87 21 30 Sujet 7 87 10 5 Sujet 8 87 21 30 Sujet 9 90 21 33 83,6 14,4 21,5 Moyenne Tableau 1 - Ages ordonnés, MMSE et DP correspondant à chaque sujet de la population atteinte de la MA 100 Age Tranche d'âge 1 Moyenne Tranche d'âge 2 Moyenne DP 75 0 81 25 81 34 81 9 79,5 17 84 28 87 5 87 30 87 30 90 33 87 25,2 Tableau 2 - Ages ordonnés et scores obtenus au DP Stade 1 Moyenne Stade 2 Moyenne Stade 3 Moyenne MMSE DP 21 30 21 33 21 30 21 31 MMSE DP 13 25 13 34 16 28 14 29 MMSE DP 6 0 10 5 9 9 8,3 4,6 Tableau 3 - Répartition des scores obtenus au MMSE et au DP dans les trois stades d'évolution de la MA 101 Courbe 1 - Distribution des âges en fonction des scores DP Courbe 2 - Scores obtenus au MMSE en fonction de l'âge des personnes atteintes de MA 102 Courbe 3 - Scores obtenus au MMSE en fonction des scores obtenus au DP Population sans trouble neurologique Age Sujet 1 Sujet 2 Sujet 3 Sujet 4 Sujet 5 Sujet 6 Sujet 7 Sujet 8 Sujet 9 Moyenne 76 79 82 83 88 90 90 74 84 82,889 MMSE 27 27 28 27 26 27 29 26 30 27,444 DP 15 20 17 23 31 23 26 37 32 24,889 Tableau 4 - Ages des personnes sans troubles neurologiques ordonnés et scores correspondants obtenus au MMSE et au DP 103 Tranche d'âge 1 Age Moyennes Tranche d'âge 2 Moyennes DP 76 15 79 20 82 17 79 17,33333333 Age DP 83 23 88 31 90 23 90 26 87,75 25,75 Tableau 5 - Ages ordonnés et scores obtenus au DP Courbe 4 - Distribution des âges en fonction des scores DP 104 Courbe 5 - Scores obtenus au MMSE en fonction de l'âge 105 Annexe 4 : QUESTIONNAIRE - Etes-vous: Médecin généraliste Gériatre Neurologue Psychiatre Autre (précisez):.......................................................... - A quelle catégorie d'âge appartenez-vous? - de 35 ans 35-45 ans 45-55 ans 55-65 ans + de 65 ans - Connaissez-vous bien les actes de la prise en charge psychomotrice auprès de la personne âgée? Oui Non - Travaillez-vous avec un(e) psychomotricien(ne)? Oui Non - A quelle fréquence prescrivez-vous une thérapie ou une rééducation psychomotrice pour un patient âgé? Jamais Rarement Occasionnellement Fréquemment 106 - Seriez-vous favorable à l'idée d'utiliser l'épreuve du dessin du personnage dans le but d'orienter un patient présentant une démence de type Alzheimer vers une prise en charge psychomotrice? Oui - Non Pour quelle(s) raison(s)? ............................................................................................................................................................................ ............................................................................................................................................................................ ............................................................................................................................................................................ - Commentaires - suggestions éventuelles - remarques: ................................................................................................ ................................................................................................ ................................................................................................ ................................................................................................ ................................................................................................ ................................................................................................ Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre à ce questionnaire et je vous souhaite une bonne continuation! Camille DELOBEL 107 Annexe 5: Exemples de dessins du personnage Dessins réalisés par des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer Mme B., 90 ans. MMSE = 21; DP = 33 108 Mme T., 81 ans. MMSE = 13; DP = 25 109 Mme P., 81 ans. MMSE = 9; DP = 9 110 Dessin réalisé par une personne âgée sans trouble neurologique Mme B., 74 ans. MMSE = 26; DP = 37 111 Annexe 5: Phrases associées aux dessins du personnage Stade 1 (24-18): MMSE: 21/30; DP: 30/51: "C'est mon voisin qui arrose ses plantes" MMSE: 21/30; DP: 33/51: "Le jardinier de mon grand'Père il y a plus de cinquante ans" MMSE: 19/30; DP: 34/51: "Bientôt les vacances chercher l'endroit où nous pouvons aller; voir la côte d'AZUR" Stade 2 (10-17) MMSE: 16/30; DP: 28/51: "Je suis un peu fatiguée". MMSE: 13/31; DP: 25/51: "Je vous aime je vous très belle et jolie" Stade 3 (<9): MMSE: 9/30; DP: 9/51: "J'aime bien le calme du pays" 112 Annexe 6: Autoportraits. William UTERMOHLEN (1933-2007), artiste peintre atteint par la maladie d'Alzheimer Blue skies (1995) OIL ON CANVAS, 152 x 122 cm Broken Figure (1996) MIXED MEDIA ON PAPER, 32.5 X 47 CM 113 Self-Portrait with Easel (Yellow and Green) (1996) OIL ON CANVAS, 46x35cm Self-Portrait (Red) (1996) MIXED MEDIA ON PAPER, 46.5 X 33 CM Private Collection 114 Self-Portrait (With Easel—Yellow and Green) (1996) MIXED MEDIA ON PAPER, 46 X 35 CM. ELAN PHARMACEUTICALS COLLECTION, SAN FRANCISCO Self-Portrait (With Saw) (1997) OIL ON CANVAS, 35.5 X 35.5 CM. BOÏCOS COLLECTION, PARIS 115 Self-Portrait (Yellow) (1997) OIL ON CANVAS, 35.5 X 35.5 CM ELAN PHARMACEUTICALS COLLECTION, SAN FRANCISCO Self-Portrait (Green) (1997) OIL ON CANVAS, 35.5 X 35.5 CM 116 Erased Self-Portrait (1999) OIL ON CANVAS, 45.5 X 35.5 CM Head I (2000) PENCIL ON PAPER , 40.5 X 33 CM 117 Résumé La maladie d'Alzheimer est une affection neurodégénérative très fréquente dans la population âgée. Elle perturbe les fonctions cognitives, instrumentales, exécutives et psychomotrices de la personne qui en est atteinte. Le psychomotricien, professionnel paramédical de plus en plus présent dans les établissements de soins gériatriques, procède au bilan gérontopsychomoteur des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, entre autres, afin d'établir un projet thérapeutique personnalisé. L'Examen Gérontopsychomoteur (EGP) a été étalonné en 2011 auprès de personnes âgées saines et a été validé auprès de personnes présentant des démences. La "connaissance des parties du corps" est un item de l'EGP qui évalue partiellement le schéma corporel. Cet écrit propose un complément de l'évaluation de ce dernier chez la personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer, grâce au test du Dessin du Personnage. Mots-clés: maladie d'Alzheimer - schéma corporel - évaluation Summary The Alzheimer's disease is a very frequent neurodegenerative condition in the old population. It disrupts the cognitive, instrumental, executive and psychomotor functions of the person who is affected. The psychomotor therapist, the paramedical professional who is more and more present in the geriatric health care establishments, proceeds to the balance sheet geronto psychomotor of the persons affected, among others, by the Alzheimer's disease, in order to draw up a personalized therapeutic project. The Geronto Psychomotor Exam (EGP) was tested in 2011 with healthy elderly and was validated with persons presenting insanities. The "knowledge of parts of the body" is an item of the EGP which estimates partially the body image. This paper proposes a complement to the evaluation of the body image of the eldely person affected by the Alzheimer's disease, thanks to the test of the drawing of the character. Keywords: Alzheimer's disease - body image - evaluation 118