E 1027 François Goven, inspecteur général des monuments

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E 1027
François Goven, inspecteur général des monuments historiques
Le rôle déterminant des associations
Parallèlement à la mobilisation des diverses collectivités publiques, il convient de signaler
l'implication de plusieurs associations qui, à des titres et des moments divers, les ont
accompagnées par leur action de sensibilisation dans un premier temps, d'aide à la réflexion
ensuite. (Jusqu’à la gestion du site aujourd’hui avec l’association Cap Moderne). Dès 1990,
Dominique Claudius Petit, président de l'association des Amis de Le Corbusier, attirait l'attention
de l'administration sur le devenir de la villa. DOCOMOMO international (14) sera la première à
alerter l'opinion au moment de la vente du mobilier en 1991 et en proposant, à défaut de
possibilité de se porter acquéreur, qu'un inventaire détaillé des meubles mis en vente soit
effectué. Les architectes Stephan Hecker et Christian Müller furent autorisés par Sotheby's à
effectuer des mesures et des photographies des meubles concernés (15). DOCOMOMO continuera
à publier de façon régulière dans sa Newsletter des informations relatives à l'actualité de la villa
jusqu'à la résolution prise à l'occasion de la rencontre biennale de l'association en septembre
1998 à Stockolm par laquelle elle attirait solennellement l'attention des pouvoirs publics français
sur les menaces pesant sur E 1027. L'administration de la culture put alors faire part à son
président, Wessel de Jonge, des récentes décisions prises et de leur mise en oeuvre.
A la fin des années 1990, plusieurs associations ou comités se constituèrent spécifiquement dans
le but de défendre, promouvoir, et même acquérir E 1027, comme ce fut le cas pour le comité
américain, "The Friends of E 1027", crée à l'initiative de Sandra Gering, propriétaire de galerie
d'art à New York (16) ; mais aucune de ces initiatives ne connut de suite concrète jusqu'à la
création d’une association locale, vouée spécifiquement à la défense de la villa.
Celle-ci exprimait à la fois le fort engagement de la famille Rebutato dans son attachement à la
sauvegarde globale de ce site d'exception, (qu'elle était en train de concrétiser par la cession de sa
propriété au Conservatoire du littoral), et par la rencontre de deux hommes, Robert Rebutato, l'un
des derniers collaborateurs de Le Corbusier ayant connu l'atelier de la rue de Sèvres, et Renaud
Barrès, jeune architecte qui venait tout juste de soutenir un diplôme à l’école d’architecture de
Montpellier et dont le sujet était précisément la restauration de la villa E 1027. (17)
Enregistrée en janvier 2000 à la préfecture des Alpes-Maritimes et publiée au JO de mars
suivant, « l’Association pour la sauvegarde du site Eileen Gray et Le Corbusier à Roquebrune
Cap-Martin », se donnait explicitement pour objet de « Favoriser la sauvegarde et la mise en
valeur de la villa E 1027 maison en bord de mer et de son environnement direct ». Domiciliée
en mairie de Roquebrune, son bureau était constitué de Robert Rebutato, président, de Brigitte
Hédel-Samson, conservatrice du musée national Fernand Léger à Biot, vice-président, de Jean-
Louis Dedieu, élu de Roquebrune, secrétaire, et de Michel Blais, architecte, trésorier. Etaient
enfin nommés membre de droit, les représentants des diverses collectivités territoriales et les
légataires de l’œuvre d’Eileen Gray, le critique d’art Peter Adam qui lui avait consacré en 1987
ce qui reste aujourd’hui sa principale biographie et la nièce d’Eileen Gray, Prunella Clough.
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Le début des activités de l’association coïncidera sensiblement avec le lancement par le ministère
de la culture du projet de restauration de la villa, rendu enfin possible par l’engagement de l’Etat
(conservatoire du littoral et ministère de la culture) comme des collectivités territoriales, et en
premier chef, la ville de Roquebrune Cap-Martin.
Mais l’union de tous autour d’un même objectif ne suffira pas à empêcher certaines tensions ;
parallèlement aux études attribuées à l’architecte en chef des monuments historiques par les
services de la culture (conservation régionale des monuments historiques de la direction
régionale des affaires culturelles de Provence-Alpes-Côte d’Azur), l’association prendra
l’initiative de la commande d’un contre-projet de restauration ; celui-ci sera confié à l’architecte
Renaud Barrès qui, depuis son diplôme sur le sujet, s’était totalement investi dans le sauvetage
de la villa (il avait d’ailleurs été nommé chargé de mission pour le site par la mairie dès mai
1999) et à l’architecte autrichien Burkardt Rukschcio, auteur de plusieurs restaurations
remarquées d’immeubles d’Adolphe Loos à Vienne et à Prague.
L’étude préalable, commandée et financée par l’association, sera remise en octobre 2003 ; sans
suite directe, elle générera néanmoins de nombreuses mises aux point, tant techniques que
financières, repoussant le démarrage des travaux en octobre 2006 (d’où sans doute l’article
désabusé d’Archiscopie paru à l’automne 2004).
Le démarrage et la réalisation effective des campagnes de restauration de la villa (parties
extérieures puis intérieures), conduites sous la maîtrise d’œuvre de Pierre-Antoine Gatier,
architecte en chef des monuments historiques, et les maîtrises d’ouvrage successives de la
DRAC/CRMH et du Conservatoire du littoral, feront évoluer positivement les relations ; à partir
de 2009, Robert Rebutato s’entourera d’une équipe d’architectes et d’historiens de l’art (18) pour
étudier ce qui reste désormais, après la restauration de l’architecture, l’enjeu le plus complexe
pour réussir la présentation et permettre la compréhension de cette maison : la reconstitution de
son aménagement intérieur et mobilier.
Le « bain de soleil » avant restauration © F. Goven Le « bain de soleil » pendant la restauration © F. Goven
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Le « bain de soleil » après restauration en 2015. Claudia Devaux architecte
© F. Goven
Notes
14 DOCOMOMO (international working party for documentation and conservation of buildings, sites and
neighbourhoods of the modern movement) avait été créée 3 ans plus tôt (1988) à l’initiative d’architectes
enseignants à l’université d’Eindhoven. Dans sa newsletter N° 6 de novembre 1991, l’association lançait un cri
d’alarme sous le titre : « Bliz-campaign for set of furniture by Eileen Gray ».
15 Stephan Hecker et Christian Müller, architectes établis en Suisse et aux Pays-Bas effectueront photographies et
relevés de la villa et de ses meubles ; ils publieront à partir de ces documents plusieurs ouvrages et articles, ainsi
qu’en 1993, avec l’appui technique des universités de Zürich et de Delft, une restitution virtuelle de la villa.
16 Sandra Gering, directrice de galerie d’art à New York, créera en 1998, après une visite du site alors à l’état
d’abandon, une association « Friends of E 1027 » avec quelques membres fondateurs dont les historiens de
l’architecture Jean-Louis Cohen et Caroline Constant.
17 Ce travail sera publié par Renaud Barrès sous le titre : « Essai d’une théorie de restauration du patrimoine
moderne et contemporain », édition de l’Espérou, Montpellier, 2000.
18 L’équipe qui rejoindra le conseil d’administration de l’association sera constituée d’Alain Baillon, innieur
designer, de Monique Baillon, historienne de l’art, de Tim Benton, historien de l’art et de l’architecture et de Jean-
Michel Bossu, architecte et enseignant. Tim Benton a produit en 2010 un travail détaillé d’analyse des espaces et du
mobilier de la villa dans une perspective éventuelle de reconstitution des dispositions intérieures disparues. Il
continue d’exercer un rôle actif de conseiller auprès de l’association Cap moderne.
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