LATITUDE 5 / N°90 / OCTOBRE 2010 / 27
Mot de l’ESA
Les images réalisées par Rosetta ont révélé une surface lourdement cratérisée, preuve
que Lutetia aurait subi de nombreux impacts pendant ses 4,5 milliards d'années d'existence.
© ESA C. Carreau
© ESA 2010 MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/RSSD/INTA/UPM/DASP/IDA
457 millions de kilomètres de la Terre. C’est à cette distance
vertigineuse qu’a eu lieu, le 10 juillet dernier, la rencontre entre
la sonde Rosetta et l’astéroïde 21-Lutetia (le 21ème astéroïde
découvert). Pour la seconde fois depuis son lancement vers les
confins du système solaire, Rosetta a croisé la trajectoire d’un grand
astéroïde méconnu dont le diamètre est évalué à 95 km. Sous
les yeux émerveillés des astronomes et des scientifiques du monde
entier, cette rencontre a permis de collecter les premières images
en gros plans de l'objet, montrant qu’il s’agissait très probablement
d’un antique survivant de la naissance violente du système solaire.
Lutetia s’est révélé lourdement cratérisé, preuve qu’il a subi
de nombreux impacts pendant ses 4,5 milliards d'années d'existence.
Cependant, certaines zones semblent épargnées, ce qui indique
des terrains «jeunes» à l’échelle du système solaire, soit plusieurs
millions d'années tout de même. De plus, Lutetia est apparu comme
un corps de forme allongée, son côté le plus long mesurant environ
130 km. La face visible est longue de 126 km et large de 88 km.
Bien qu’il n’ait duré qu’une minute, ce survol de l'astéroïde à
15 km/s a été un succès spectaculaire ; tous les équipements
de Rosetta ont parfaitement fonctionné, permettant l'observation
continue de Lutetia avant, pendant et après le passage le plus
proche, à seulement 3 160 km de distance, pour collecter environ
deux heures d'images remarquables. Ces dernières ont été réalisées
par l'instrument OSIRIS, qui combine une caméra grand angle
et une caméra haute résolution, qui ont ainsi couvert plus de 50 %
de la surface de l'astéroïde, avec des détails d'une précision allant
jusqu’à 60 m.
Un lointain étranger
Lutetia aura longtemps été un mystère. Découvert à Paris
le 15 Novembre 1852 par l’astronome allemand Hermann
Goldschmidt depuis le balcon de son appartement, il avait jusqu’ici
gardé nombre de ses secrets. Car, depuis les meilleurs observatoires
terrestres, ce n'est qu’un petit point lumineux. De plus, l’astéroïde
présentait des caractéristiques confuses, pouvant s'apparenter à
un astéroïde de type C ou à un corps primitif laissé à l’abandon
après la formation du système solaire. D’autres aspects plaidaient
encore en faveur d’une classification de type M comme métallique
et soupçonnés d’être des fragments d’objets beaucoup plus grands.
Or, la mesure négative de champ magnétique réalisée par
les instruments embarqués de Rosetta semble montrer que, contre
toute attente, Lutetia ne serait pas métallique. Cela reste encore
à confirmer grâce à l’étude des données sur sa composition.
Plusieurs mois, voire plusieurs années seront nécessaires pour
dépouiller l'ensemble des données collectées. Les nouvelles images
et les données transmises par d'autres instruments de Rosetta
aideront à trancher ce débat.
Lors de sa rencontre avec Lutetia, Rosetta a exploité une large
gamme de capteurs parmi lesquels de la télédétection et des
mesures
in-situ
. Certains instruments de son atterrisseur Philae
ont aussi été mis en service pour rechercher les signes d'une
atmosphère extrêmement ténue ou d’effets magnétiques, mais aussi
pour étudier la composition de la surface et la densité de l'astéroïde.
Quelques grains de poussière qui flottaient dans l'espace près
de l'astéroïde ont été captés afin de subir des analyses à bord,
dont les résultats seront publiés ultérieurement.
Deux ans après avoir survolé Steins, la sonde européenne Rosetta lancée
en 2004 depuis le CSG, avait de nouveau rendez-vous avec un astéroïde, dix fois plus gros. Le 10 juillet dernier, Rosetta
a survolé Lutetia, un objet extrêmement rare qui pourrait nous éclairer sur l’origine du système solaire, et dernière étape avant
son ultime rendez-vous : Churyumov-Gerasimenko.
Rosetta : vers
Lutetia et au-delà
Le 13 novembre 2009, Rosetta a effectué avec succès son troisième et dernier
survol de la Terre qui lui a permis de corriger sa trajectoire de manière à s’insérer
sur l’orbite voulue pour atteindre la comète Churyumov-Gerasimenko.
28 / LATITUDE 5 / N°90 / OCTOBRE 2010
© 2004 ESA - CNES - ARIANESPACE
Mot de l’ESA
Voyage aux confins du système solaire
Formées bien avant les planètes il y 4,5 milliards d’années,
les comètes portent en elles le secret d’une partie de l’histoire
du système solaire. Restées intactes malgré leur grand âge, certaines
constituent de véritables fossiles de la matière primitive et recèlent
à ce titre des informations essentielles sur nos origines.
Leur composition chimique n’a guère évolué depuis leur formation,
reflétant donc celle du système solaire quand il était encore
inachevé, il y a plus de 4 600 millions d'années. Il s’agit ainsi pour
l’ESA d’enquêter sur les traces de la nébuleuse primitive qui
a donné naissance au Soleil et à son cortège de planètes. Jusqu’ici,
toute la connaissance sur les comètes reposait sur l'observation
depuis la Terre. En s’approchant de ces corps stellaires, Rosetta
est en mesure d’en dévoiler tous les secrets.
Véritable chasseur de comètes, Rosetta est donc la première mission
conçue pour voyager en orbite et atterrir sur une comète.
Elle emporte 11 expériences scientifiques et un atterrisseur portant
10 instruments supplémentaires, pour l'étude la plus détaillée d'une
comète jamais réalisée. S'approchant du point le plus éloigné
de l'orbite elliptique la plus longue de son voyage dans l'espace,
la sonde européenne semble déterminée à atteindre son objectif :
la découverte de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. A mi-
parcours, elle se trouve encore à cinq années de distance. Son
périple, pour couvrir près de 13 milliards de km, inclut trois passages
à proximité de la Terre et un à proximité de Mars car Rosetta fait
appel à l'assistance gravitationnelle de ces deux planètes.
Pour rejoindre sa cible, la sonde effectue plusieurs révolutions
autour du Soleil en se servant de l’attraction de ces planètes pour
rebondir et modifier sa trajectoire sans dépense excessive d'ergols.
Le 13 novembre 2009, le troisième et dernier survol de la Terre
a permis de corriger la trajectoire de Rosetta de manière à l’insérer
sur l’orbite voulue pour atteindre Churyumov-Gerasimenko.
Cette mission représente, à plusieurs titres, un défi technique.
Pose de Rosetta sur l’adaptateur de charge utile d’Ariane 5 en 2004.
Une fois posé et ancré, Philae pourra commencer ses neuf expériences scientifiques parmi
lesquelles l'analyse des gaz, l’étude des champs magnétiques et de la surface de la comète.
A la découverte de la Pierre de Rosette
Rosetta tient son nom de la célèbre Pierre de Rosette, un bloc
en pierre noire datant de -192 avant JC, découvert en Egypte
au 18esiècle par un soldat de l’armée napoléonienne. Evénement
historique majeur, cette découverte avait conduit au déchiffrage
des hiéroglyphes de l'Egypte antique il y a près de 200 ans.
L’ESA espère une découverte du même ordre pour comprendre les
processus qui ont amené à la formation de la Terre et à l’apparition
de la vie. En effet, la communauté scientifique entend résoudre,
grâce à Rosetta, le mystère des origines du système solaire.
En hibernation entre ses différentes manœuvres, Rosetta sera
définitivement réactivée en janvier 2014. Elle amorcera alors
une phase d’approche de six mois qui la conduira lentement vers
le noyau de la comète Churyumov-Gerasimenko. Compte tenu
de la grande distance séparant la comète du Soleil à cette étape
de la mission, le noyau devrait alors être inactif.
Sur orbite à une altitude d’environ 25km, Rosetta effectuera
tout d’abord une cartographie générale de la comète, puis des
observations de plus en plus rapprochées afin d’identifier un site
d’atterrissage. L’atterrisseur Philae sera alors largué à environ 1 km
d’altitude, à la vitesse d’un marcheur en raison de la faible force
d’attraction du noyau glacial. Philae ancré à la surface du noyau
à l’aide de deux harpons pour éviter qu’il ne rebondisse, les neuf
expériences scientifiques pourront commencer. Ces études iront
de l'analyse des gaz à l'étude des champs magnétiques et
à l'image de la surface de la comète. Les données rassemblées
par l’atterrisseur seront transmises à la navette spatiale, qui
les retransmettra à la Terre via une liaison satellite. Cette rencontre
est prévue en novembre 2014. Les opérations d’atterrissage seront
coordonnées par le DLR, Centre de Recherche Aérospatiale
allemand à Cologne et par le CNES Toulouse. Le Centre
opérationnel spatial européen (ESOC) basé en Allemagne, a pour
mission de contrôler le vaisseau spatial et ses instruments mais aussi
de diffuser les données récoltées par Rosetta à la communauté
scientifique durant toute la durée de la mission, soit douze années.
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !