© ESA C. Carreau Mot de l’ESA Rosetta : vers Lutetia et au-delà Le 13 novembre 2009, Rosetta a effectué avec succès son troisième et dernier survol de la Terre qui lui a permis de corriger sa trajectoire de manière à s’insérer sur l’orbite voulue pour atteindre la comète Churyumov-Gerasimenko. Deux ans après avoir survolé Steins, la sonde européenne Rosetta lancée en 2004 depuis le CSG, avait de nouveau rendez-vous avec un astéroïde, dix fois plus gros. Le 10 juillet dernier, Rosetta a survolé Lutetia, un objet extrêmement rare qui pourrait nous éclairer sur l’origine du système solaire, et dernière étape avant son ultime rendez-vous : Churyumov-Gerasimenko. © ESA 2010 MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/RSSD/INTA/UPM/DASP/IDA 457 millions de kilomètres de la Terre. C’est à cette distance vertigineuse qu’a eu lieu, le 10 juillet dernier, la rencontre entre la sonde Rosetta et l’astéroïde 21-Lutetia (le 21ème astéroïde découvert). Pour la seconde fois depuis son lancement vers les confins du système solaire, Rosetta a croisé la trajectoire d’un grand astéroïde méconnu dont le diamètre est évalué à 95 km. Sous les yeux émerveillés des astronomes et des scientifiques du monde entier, cette rencontre a permis de collecter les premières images en gros plans de l'objet, montrant qu’il s’agissait très probablement d’un antique survivant de la naissance violente du système solaire. Lutetia s’est révélé lourdement cratérisé, preuve qu’il a subi de nombreux impacts pendant ses 4,5 milliards d'années d'existence. Cependant, certaines zones semblent épargnées, ce qui indique des terrains «jeunes» à l’échelle du système solaire, soit plusieurs millions d'années tout de même. De plus, Lutetia est apparu comme un corps de forme allongée, son côté le plus long mesurant environ 130 km. La face visible est longue de 126 km et large de 88 km. Bien qu’il n’ait duré qu’une minute, ce survol de l'astéroïde à 15 km/s a été un succès spectaculaire ; tous les équipements de Rosetta ont parfaitement fonctionné, permettant l'observation continue de Lutetia avant, pendant et après le passage le plus proche, à seulement 3 160 km de distance, pour collecter environ deux heures d'images remarquables. Ces dernières ont été réalisées par l'instrument OSIRIS, qui combine une caméra grand angle et une caméra haute résolution, qui ont ainsi couvert plus de 50 % de la surface de l'astéroïde, avec des détails d'une précision allant jusqu’à 60 m. Un lointain étranger Lutetia aura longtemps été un mystère. Découvert à Paris le 15 Novembre 1852 par l’astronome allemand Hermann Goldschmidt depuis le balcon de son appartement, il avait jusqu’ici gardé nombre de ses secrets. Car, depuis les meilleurs observatoires terrestres, ce n'est qu’un petit point lumineux. De plus, l’astéroïde présentait des caractéristiques confuses, pouvant s'apparenter à un astéroïde de type C ou à un corps primitif laissé à l’abandon après la formation du système solaire. D’autres aspects plaidaient encore en faveur d’une classification de type M comme métallique et soupçonnés d’être des fragments d’objets beaucoup plus grands. Or, la mesure négative de champ magnétique réalisée par les instruments embarqués de Rosetta semble montrer que, contre toute attente, Lutetia ne serait pas métallique. Cela reste encore à confirmer grâce à l’étude des données sur sa composition. Plusieurs mois, voire plusieurs années seront nécessaires pour dépouiller l'ensemble des données collectées. Les nouvelles images et les données transmises par d'autres instruments de Rosetta aideront à trancher ce débat. Lors de sa rencontre avec Lutetia, Rosetta a exploité une large gamme de capteurs parmi lesquels de la télédétection et des mesures in-situ. Certains instruments de son atterrisseur Philae ont aussi été mis en service pour rechercher les signes d'une atmosphère extrêmement ténue ou d’effets magnétiques, mais aussi pour étudier la composition de la surface et la densité de l'astéroïde. Quelques grains de poussière qui flottaient dans l'espace près de l'astéroïde ont été captés afin de subir des analyses à bord, dont les résultats seront publiés ultérieurement. Les images réalisées par Rosetta ont révélé une surface lourdement cratérisée, preuve que Lutetia aurait subi de nombreux impacts pendant ses 4,5 milliards d'années d'existence. LATITUDE 5 / N°90 / OCTOBRE 2010 / 27 Mot de l’ESA © 2004 ESA - CNES - ARIANESPACE Voyage aux confins du système solaire Formées bien avant les planètes il y 4,5 milliards d’années, les comètes portent en elles le secret d’une partie de l’histoire du système solaire. Restées intactes malgré leur grand âge, certaines constituent de véritables fossiles de la matière primitive et recèlent à ce titre des informations essentielles sur nos origines. Leur composition chimique n’a guère évolué depuis leur formation, reflétant donc celle du système solaire quand il était encore inachevé, il y a plus de 4 600 millions d'années. Il s’agit ainsi pour l’ESA d’enquêter sur les traces de la nébuleuse primitive qui a donné naissance au Soleil et à son cortège de planètes. Jusqu’ici, toute la connaissance sur les comètes reposait sur l'observation depuis la Terre. En s’approchant de ces corps stellaires, Rosetta est en mesure d’en dévoiler tous les secrets. Véritable chasseur de comètes, Rosetta est donc la première mission conçue pour voyager en orbite et atterrir sur une comète. Elle emporte 11 expériences scientifiques et un atterrisseur portant 10 instruments supplémentaires, pour l'étude la plus détaillée d'une comète jamais réalisée. S'approchant du point le plus éloigné de l'orbite elliptique la plus longue de son voyage dans l'espace, la sonde européenne semble déterminée à atteindre son objectif : la découverte de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. A miparcours, elle se trouve encore à cinq années de distance. Son périple, pour couvrir près de 13 milliards de km, inclut trois passages à proximité de la Terre et un à proximité de Mars car Rosetta fait appel à l'assistance gravitationnelle de ces deux planètes. Pour rejoindre sa cible, la sonde effectue plusieurs révolutions autour du Soleil en se servant de l’attraction de ces planètes pour rebondir et modifier sa trajectoire sans dépense excessive d'ergols. Le 13 novembre 2009, le troisième et dernier survol de la Terre a permis de corriger la trajectoire de Rosetta de manière à l’insérer sur l’orbite voulue pour atteindre Churyumov-Gerasimenko. Cette mission représente, à plusieurs titres, un défi technique. Une fois posé et ancré, Philae pourra commencer ses neuf expériences scientifiques parmi lesquelles l'analyse des gaz, l’étude des champs magnétiques et de la surface de la comète. En hibernation entre ses différentes manœuvres, Rosetta sera définitivement réactivée en janvier 2014. Elle amorcera alors une phase d’approche de six mois qui la conduira lentement vers le noyau de la comète Churyumov-Gerasimenko. Compte tenu de la grande distance séparant la comète du Soleil à cette étape de la mission, le noyau devrait alors être inactif. Sur orbite à une altitude d’environ 25km, Rosetta effectuera tout d’abord une cartographie générale de la comète, puis des observations de plus en plus rapprochées afin d’identifier un site d’atterrissage. L’atterrisseur Philae sera alors largué à environ 1 km d’altitude, à la vitesse d’un marcheur en raison de la faible force d’attraction du noyau glacial. Philae ancré à la surface du noyau à l’aide de deux harpons pour éviter qu’il ne rebondisse, les neuf expériences scientifiques pourront commencer. Ces études iront de l'analyse des gaz à l'étude des champs magnétiques et à l'image de la surface de la comète. Les données rassemblées par l’atterrisseur seront transmises à la navette spatiale, qui les retransmettra à la Terre via une liaison satellite. Cette rencontre est prévue en novembre 2014. Les opérations d’atterrissage seront coordonnées par le DLR, Centre de Recherche Aérospatiale allemand à Cologne et par le CNES Toulouse. Le Centre opérationnel spatial européen (ESOC) basé en Allemagne, a pour mission de contrôler le vaisseau spatial et ses instruments mais aussi de diffuser les données récoltées par Rosetta à la communauté scientifique durant toute la durée de la mission, soit douze années. A la découverte de la Pierre de Rosette Rosetta tient son nom de la célèbre Pierre de Rosette, un bloc en pierre noire datant de -192 avant JC, découvert en Egypte au 18e siècle par un soldat de l’armée napoléonienne. Evénement historique majeur, cette découverte avait conduit au déchiffrage des hiéroglyphes de l'Egypte antique il y a près de 200 ans. L’ESA espère une découverte du même ordre pour comprendre les processus qui ont amené à la formation de la Terre et à l’apparition de la vie. En effet, la communauté scientifique entend résoudre, grâce à Rosetta, le mystère des origines du système solaire. Pose de Rosetta sur l’adaptateur de charge utile d’Ariane 5 en 2004. 28 / LATITUDE 5 / N°90 / OCTOBRE 2010