Ces pages sont téléchargeables sur le site de Médecine et enfance (pediatrie.edimark.fr) Idé es vra ies idée s fa usse s sur l’o talgie M. François, service d’ORL, hôpital Robert-Debré, Paris L’otalgie est, avec la fièvre et les vomissements, un des principaux motifs de consultation en urgence pour les nourrissons [1]. Il est vrai que les parents n’ont aucun moyen de voir les tympans et doivent donc s’en remettre à un praticien pour confirmer ou infirmer le diagnostic d’otite. En effet, otalgie n’est pas synonyme d’otite, et par ailleurs toutes les otites ne sont pas des otites moyennes aiguës. En attendant le diagnostic, l’otalgie peut être soulagée par certains traitements, médicamenteux ou non. 1 L’otalgie témoigne d’une affection de l’oreille Faux. Chez l’enfant un tiers des otalgies ne sont pas dues à une affection de l’oreille, mais à une affection du pharynx [2] (tableau I). Chez un enfant qui se plaint d’avoir mal aux oreilles, même si les tympans paraissent opaques à l’otoscopie, il faut regarder le pharynx, car la découverte d’une angine peut modifier le traitement. Tableau I Les étiologies des otalgies chez l’enfant [3, 4] Oreille 왎 Très douloureuses : otite externe et otite phlycténulaire 왎 Douloureuse : otite moyenne aiguë (OMA) congestive ou suppurée et collectée 왎 Peu douloureuse : otite séromuqueuse (OSM) 왎 Pas douloureuse : OMA perforée (et otorrhée sur aérateur transtympanique) Pharynx 왎 Angine/pharyngite Cet article est publié avec le soutien institutionnel des laboratoires Biocodex Médecine & enfance janvier-février 2015 page 17 7 Les OMA phlycténulaires sont très 2 Un nourrisson qui se frotte l’oreille a une otalgie Faux. L’enfant peut se frotter l’oreille parce qu’il ressent une gêne due à la présence d’un amas de cérumen. En se frottant l’oreille, l’enfant modifie la forme du conduit auditif externe cartilagineux, ce qui mobilise un peu le cérumen vers l’extérieur, soulageant l’inconfort ressenti et encourageant l’enfant à réitérer le geste. 3 L’otalgie peut entraîner une dysphagie Vrai. Les douleurs au niveau de l’oreille peuvent être exacerbées par les mouvements de déglutition, qui modifient les pressions dans l’oreille moyenne. douloureuses Vrai. Les OMA phlycténulaires sont en général beaucoup plus douloureuses que les OMA collectées [8]. Elles ont aussi une autre particularité : elles peuvent se manifester par une otorragie. La perte sanguine est minime et cesse spontanément, mais impressionne toujours l’entourage, ce qui amène à consulter rapidement. A l’otoscopie, on voit alors une ou deux bulles sur la membrane tympanique et une bulle éclatée qui est l’origine de l’otorragie. L’éclatement de la bulle soulage l’otalgie, mais n’est pas synonyme de guérison. Les OMA phlycténulaires sont à traiter, comme les autres OMA, par antalgiques, et, selon l’âge de l’enfant et le contexte, antibiothérapie générale ou non [9]. 8 Une otalgie vive à la descente de l’avion est synonyme d’OMA Appréciation de l’intensité d’une douleur aiguë chez l’enfant 왎 Chez les nourrissons et les jeunes enfants, l’existence et l’intensité de l’otalgie sont évaluées sur des signes indirects : réveil, pleurs, frottements de l’oreille, manque d’appétit, apathie [5]. 왎 Chez les enfants de trois à sept ans, l’intensité de la douleur peut être évaluée par une échelle de visages. 왎 Dès que le niveau de développement de l’enfant le permet, l’intensité d’une otalgie est évaluée sur une échelle visuelle analogique (EVA), réglette graduée de 0 à 10 sur la face visible par l’évaluateur, avec un curseur que l’enfant peut déplacer sur l’autre face. Une douleur cotée entre 3 et 5 est modérée ; entre 5 et 7, elle est intense [6]. Faux. Il s’agit probablement d’une otite barotraumatique [10]. A l’atterrissage, la pression de l’air dans la cabine, donc sur la face externe du tympan, augmente. Pour équilibrer les pressions de part et d’autre de la membrane tympanique, il faut que de l’air soit admis dans l’oreille moyenne via la trompe d’Eustache, sinon la membrane tympanique s’enfonce en dedans, et cet étirement est très douloureux. 4 Une otalgie ne dépasse jamais 6 sur 10 sur l’échelle des douleurs Faux. Les otites externes et les otites phlycténulaires peuvent être extrêmement douloureuses (encadré), et l’atténuation de cette douleur peut justifier le recours aux antalgiques de palier 2 selon la classification de l’OMS. 5 Devant un tympan opaque, l’absence d’otalgie élimine une OMA Faux. Certaines otites moyennes aiguës ne sont pas douloureuses ou le sont peu. Le diagnostic d’OMA repose sur l’association de modifications de la membrane tympanique (opaque, bombée, rouge) avec des signes d’affection aiguë : douleur ou fièvre. 6 Une otite moyenne aiguë se traite par des gouttes auriculaires antibiotiques Faux. Les antibiotiques n’ont aucune place dans le traitement des otites virales. En cas d’OMA bactérienne (OMA suppurée), les antibiotiques administrés par voie locale auriculaire ne traversent pas le tympan et ne peuvent donc en aucun cas traiter l’infection bactérienne d’une OMA suppurée collectée. En cas d’OMA perforée, les gouttes auriculaires ne pénètrent pas dans la caisse du tympan, mais sont refoulées avec l’otorrhée. En résumé, les gouttes auriculaires contenant des antibiotiques n’ont aucune place dans le traitement des OMA [7]. Médecine & enfance janvier-février 2015 page 18 9 Un enfant qui a une OMA peut prendre l’avion, sans avoir d’otalgie Vrai. Si l’oreille moyenne est pleine de liquide, que ce soit une OMA ou une otite séreuse, les liquides étant incompressibles, la membrane tympanique ne va pas bouger à l’atterrissage, l’enfant n’aura pas d’otalgie. 10 Les bains en piscine peuvent être responsables d’otalgie Vrai [11]. Il peut s’agir d’un bouchon de cérumen qui a gonflé et s’est impacté dans le conduit auditif externe, ou d’une otite congestive favorisée par un rhume préexistant au bain en piscine, ou d’une otite externe. L’otoscopie fera la différence entre ces trois diagnostics. 16 Il y a des allergies aux gouttes auriculaires Vrai, mais elles sont rares. Il s’agit de réactions locales à type de rougeur du méat auditif externe. 17 Le paracétamol est suffisant pour 11 L’otalgie d’une OMA suppurée cède si le tympan se perfore Vrai. L’otalgie d’une OMA est due essentiellement à la distension de la membrane tympanique par la pression du pus dans l’oreille moyenne. Si le tympan se perfore spontanément (OMA perforée) ou est perforé par le praticien (paracentèse), il n’y a plus de pression et la douleur cesse. 12 Les otorrhées sur aérateur transtympanique sont indolores Vrai et faux. Vrai car, comme le pus s’écoule, il n’y a pas d’hyperpression dans l’oreille moyenne, donc pas de pression sur la membrane tympanique. Mais faux au bout de quelques jours, car le pus est acide et peut irriter le revêtement cutané du conduit auditif externe. Un traitement local par gouttes auriculaires contenant des antibiotiques éradiquera les bactéries adsorbées sur l’aérateur et traitera l’infection de la peau du conduit due à l’irritation causée par le pus, faisant ainsi disparaître l’otalgie [7]. 13 Les gouttes auriculaires contenant des antibiotiques diminuent l’otalgie Vrai et faux. Si l’otalgie est due à une OMA, les antibiotiques contenus dans ces gouttes ne vont pas traiter l’infection, car ils ne peuvent pas traverser la membrane tympanique, et ils ne vont pas diminuer l’otalgie. En revanche, si l’otalgie est due à une otite externe, les antibiotiques contenus dans ces gouttes vont guérir l’otite externe [7, 12], mais cela va demander quelques jours… En attendant, il faut prescrire un antalgique par voie générale. traiter une otalgie Faux. Le paracétamol est insuffisant pour traiter l’otalgie d’une otite externe, d’une otite phlycténulaire ou de certaines otites barotraumatiques. Ces otalgies nécessitent soit la combinaison du paracétamol et d’un anti-inflammatoire non stéroïdien non salicylé, soit un antalgique de palier 2, ou bien encore, pour les otites phlycténulaires ou barotraumatiques, des gouttes auriculaires antalgiques [6, 7]. 18 Il existe des traitements non médicamenteux de l’otalgie Vrai. Parler à l’enfant en le rassurant diminue l’angoisse et par ce biais le ressenti de la douleur. Les gestes lents et répétitifs comme le bercement réduisent les douleurs aiguës. La distraction de l’enfant par une chanson peut aussi être efficace. Enfin, la chaleur diffusée par une compresse chaude (tiède en fait, surtout pas brûlante) appliquée sur l’oreille douloureuse peut aussi soulager une otalgie. 19 La paracentèse est très douloureuse 14 Les gouttes auriculaires antalgiques sont recommandées dans l’otite moyenne aiguë Vrai. Elles calment très rapidement l’otalgie des OMA à tympan fermé : OMA congestive [13], OMA suppurée collectée, OMA phlycténulaire [7]. Elles ne sont pas indiquées en cas d’OMA perforée, mais du fait de la perforation il n’y a pas d’otalgie, donc plus de motif pour prescrire des gouttes auriculaires antalgiques ! 15 Les principes actifs contenus dans les gouttes auriculaires (antibiotiques, corticoïdes, antalgiques, anesthésiques, anti-inflammatoires) traversent la membrane tympanique Faux. La membrane tympanique est étanche et ne laisse pas passer les produits actifs comme les antibiotiques. Les antalgiques et les corticoïdes ont une action locale, on peut considérer qu’il n’y a pas de passage systémique. Vrai. Malheureusement l’anesthésie locale est pratiquement impossible : les bains de lidocaïne sont peu efficaces, les injections de lidocaïne dans la peau du conduit auditif externe sont très douloureuses, l’application de crème anesthésiante (qui de plus n’a pas d’AMM pour cette indication) impose d’aspirer la crème pour voir le tympan avant de le perforer, or l’aspiration est douloureuse et anxiogène (car très bruyante, environ 90 dB). Une solution possible pour diminuer la douleur de la paracentèse et surtout son ressenti est l’inhalation d’un mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA), dont sont équipés les services hospitaliers. Cela assure une analgésie de surface et diminue le souvenir du geste, qui est fait pendant l’inhalation du MEOPA. Tableau II Comparaison des traitements des otalgies : non médicamenteux, local, général Non médicamenteux Antalgique (anesthésique) local Paracétamol par voie générale Rapidité d’action 10 minutes 5 minutes 30 minutes Efficacité Légère Grande Moyenne Prérequis Aucun Intégrité du tympan Aucun Risque Aucun Aucun tympan fermé Surdosage accidentel Médecine & enfance janvier-février 2015 page 19 20 La paracentèse laisse une cicatrice sur le tympan 21 Il n’y a pas de traitement préventif de l’otalgie Faux. La membrane tympanique cicatrise beaucoup mieux que la peau ! Même après plusieurs paracentèses, le tympan redevient complètement normal. Les plaques dites de tympanosclérose ou de myringosclérose sont des inclusions de calcaire dans l’épaisseur de la membrane tympanique qui témoignent de processus inflammatoires anciens, qu’il y ait eu ou non paracentèse. Elles ne gênent pas l’audition et finissent par disparaître avec le temps. Vrai et faux. On ne peut pas prévenir les OMA ni les angines, mais on peut limiter les risques d’apparition des otites barotraumatiques en avion ou en TGV par le port de bouchons d’oreille spéciaux. Ces bouchons sont munis d’un filtre microporeux qui a pour effet de retarder la vitesse de variation de la pression de l’air dans la cavité créée entre le bouchon et le tympan. Ils sont disponibles chez les audioprothésistes, dans les boutiques d’aéroports et sur internet. Les bouchons sont à mettre avant les tunnels en TGV et, pour les voyages en avion, au décollage et surtout à l’atterrissage [14]. Références L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article. Conseils à donner aux parents Comment mettre les gouttes ? 왎 Réchauffer le flacon au creux de la main pendant quelques minutes, car des gouttes trop froides sont désagréables et peuvent provoquer un vertige. 왎 Faire pencher la tête de l’enfant du côté opposé à l’oreille à traiter, faire tomber les gouttes dans le conduit auditif externe, puis faire un mouvement de piston sur le tragus (montrer le geste aux parents) : ce geste chasse la bulle d’air entre le tympan et les gouttes et permet à celles-ci d’atteindre la membrane tympanique. 왎 Laisser l’enfant la tête sur le côté pendant trois minutes. L’excédent de gouttes coulera vers l’extérieur lorsque la tête reviendra en position normale. Combien de fois par jour ? 왎 Deux fois par jour pour des gouttes contenant des antibiotiques, plus pour des gouttes antalgiques. Au bout de combien de temps les gouttes vont-elles agir ? 왎 Les gouttes auriculaires contenant un antalgique (anesthésique) agissent très vite sur la douleur, en quelques minutes. L’application peut être renouvelée si la douleur réapparaît quelques heures plus tard. 왎 Lorsque des gouttes auriculaires contenant des antibiotiques ont été prescrites pour une otite externe ou une otorrhée sur aérateur transtympanique, les symptômes commencent à s’améliorer au bout de vingt-quatre à quarante-huit heures, mais il faudra poursuivre le traitement quelques jours de plus pour guérir l’infection. Quand reconsulter le médecin ? Si les symptômes ne s’améliorent pas au bout de quarante-huit heures, recontactez votre médecin. Conditions de conservation des gouttes Les conditions de conservation varient peu d’une spécialité à l’autre. Il faut éviter les fortes températures (> 25 °C) et, surtout, il est déconseillé de conserver un flacon ouvert depuis plus de dix jours. Médecine & enfance janvier-février 2015 page 20 © Dessin Jacek Przybyszewski [1] ERTMANN R.K., SIERSMA V., REVENTLOW S., SÖDERSTRÖM M. : « Infants’symptoms of illness assessed by parents : impact and implications », Scand. J. Prim. Health Care, 2011 ; 29 : 67-74. [2] WORRALL G. : « Acute earache », Can. Fam. Physician, 2011 ; 57 : 1019-21. [3] LEUNG A., FONG J., LEONG A. : « Otalgia in children », J. Natl Med. Assoc., 2000 ; 92 : 254-60. [4] ELY J.W., HANSEN M.R., CLARK E.C. : « Diagnosis of ear pain », Am. Fam. Physician, 2008 ; 77 : 621-8. [5] SHAIKH N., KEARNEY D.H., COLBORN D.K. et al. : « How do parents of preverbal children with acute otitis media determine how much ear pain their child is having ? », J. Pain, 2010 ; 11 : 1291-4. [6] AVEZ-COUTURIER J., WOOD C. : « Douleur chez l’enfant », Rev. Prat. Méd. Générale, 2014 ; 28 : 329-34. [7] SFORL : « Utilisation des gouttes et poudres à usage auriculaires », octobre 2001, www.orlfrance.org/download. php?id=63. [8] MCCORMICK D.P., SAEED K.A., PITTMAN C. et al. : « Bullous myringitis : a case-control study », Pediatrics, 2003 ; 112 : 982-96. [9] SPILF : « Antibiothérapie par voie générale en pratique courante dans les infections respiratoires hautes de l’adulte et de l’enfant », novembre 2011, www.infectiologie. com/site/medias/Recos/2011-infectionsrespir-hautes-recommandations.pdf. [10] ISHIYAMA A. : « Why does air travel cause earache ? », West. J. Med., 1999 ; 171 : 106. [11] WADE T.J., SAMS E.A., BEACH M.J. et al. : « The incidence and health burden of earaches attributable to recreational swimming in natural waters : a prospective cohort study », Environ. Health, 2013 ; 12 : 67. [12] HUI C.P. : « Acute otitis externa », Paediatr. Child Health, 2013 ; 18 : 96-101. [13] FRANÇOIS M. : « Efficacité et tolérance d’une application locale de phénazone et de chlorhydrate de lidocaïne (Otipax) dans les otites congestives du nourrisson et de l’enfant », Ann. Pédiatr. (Paris), 1993 ; 40 : 481-4. [14] FRANÇOIS M. : « Problèmes ORL lors de voyages en train ou en avion », Méd. Enf., 2003 ; 23 : 532-4.