Devoir Libre no 14 A Questions préliminaires

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Devoir Libre no 14
MP 933 & 934
Corrigé
LE PROBLÈME DES MOMENTS
MINES MP 2009, MATHS I
Ce problème des Mines traite d’une question mathématique connue sous le nom de problème des moments. Les fonctions
1
de l’ensemble E sont appelées des densités (de probabilité) et servent à modéliser des variables aléatoires, c’est-à-dire des
quantités X telles que : la probabilité que X prenne une valeur comprise entre x et x + dx est f (x ) dx .
La fonction caractéristique de f (ou de X) n’est rien d’autre que sa transformée de Fourier. On peut montrer (partie B) que
2
la fonction caractéristique caractérise la densité et même calculer la transformée de Fourier inverse (question 9).
La question des moments est la suivante : une fonction de densité f est-elle entièrement déterminée par la donnée de ses
moments
Z
+∞
x k f (x ) dx
a k ( f ) :=
−∞
(lorsqu’ils existent tous) ? La réponse est négative dans le cas général (partie C), mais sous une contrainte supplémentaire (partie D), elle devient positive.
A
Questions préliminaires
1. « On va vite savoir quels candidats connaissent leur cours »...
Définissons, pour (t , x ) ∈ R2 : g (t , x ) := eit x f (x ), et sortons la check-list, d’abord pour montrer que f est de classe C 1 :
• Pour tout t ∈ R, g (t , ·) est continue par morceaux et intégrable sur R
ƒ
✔ OUI, car g (t , x ) = f (x ).
• Pour tout x ∈ R, l’application g (·, x ) est dérivable sur R
∂g
(t , ·) est intégrable sur R
• Pour tout t ∈ R,
∂t
• Il existe une fonction ψ continue par morceaux et intégrable sur R telle que
pour tout (t , x ) ∈ R2 ,
∂ g
¶ ψ(x )
(t
,
x
)
∂t
ƒ
✔ OUI, avec
∂g
(t , x ) = ix eit x f (x ).
∂t
ƒ
✔ OUI, car x 7→ |x | f (x ) est intégrable.
ƒ
✔ OUI, il suffit de prendre ψ(x ) = x f (x ).
Le théorème de Leibniz s’applique, et nous assure que ϕ f est de classe C 1 et que :
Z
∀t ∈ R
ϕ ′f
ix eit x f (x ) dx .
(t ) =
R
Pour montrer que ϕ f est de classe C ∞ , on peut raisonner par récurrence, mais c’est lourd. Une option plus efficace — et qui
reste dans l’esprit du programme — consiste à vérifier que :
• Pour tout t ∈ R, g (t , ·) est continue par morceaux et intégrable sur R
• Pour tout x ∈ R, l’application g (·, x ) est de classe C ∞ sur R
ƒ
✔ DONE.
ƒ
✔ OUI, avec pour tout (n, x ) ∈ N × R :
∂ ng
(t , x ) = (ix )n eit x f (x ).
∂tn
∂ ng
(t , ·) est intégrable sur R
∂tn
• Pour tout n ∈ N, il existe une fonction ϕn continue par morceaux et intégrable sur R telle que pour tout (n, t , x ) ∈ N × R2 ,
∂ n g
∂ t n (t , x ) ¶ ϕn (x ).
• Pour tout (n, x ) ∈ N × R,
ƒ
✔ OUI, car x 7→ |x n | f (x ) est intégrable.
ƒ
✔ OUI, il suffit de prendre ϕn (x ) =
|x n | f (x ).
1
Qui n’est évidemment pas un espace vectoriel !
D’où son nom.
2
mercredi 27 mars 2013 — 7 germinal 221
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Mathématiques, MP 933 & 934
2
Z
L’application ϕ f est définie, de classe
C ∞,
et
(n )
ϕ f (t ) =
R
t n eit x x n f (x ) dx pour tout (n, t ) ∈ N × R.
On aura apprécié l’inversion des paramètres t et x par rapport à nos habitudes !
2. Fixons x ∈ R et n ∈ N∗ . Il s’agit bien entendu d’appliquer l’inégalité
de Taylor-Lagrange à l’application ψ : t 7→ eit entre 0 et x .
n
(n
)
majorée par 1, donc l’inégalité de Taylor-Lagrange s’applique
Sur [ 0 ; x ] (ou [ x ; 0 ] si x < 0), ψ est de classe C , avec ψ
effectivement, et fournit... exactement le résultat demandé.
n −1
n
ix X (ix )m |x |
∗
.
Pour tout (n, x ) ∈ N × R,
¶
e −
m! n!
m =0
3. Tout d’abord, h a ,b est continue sur R∗ . Il suffit donc de vérifier qu’elle admet, en 0, une limite égale à b − a . Or, un simple
développement limité montre que
h a ,b (t ) =
1 − it a + o(t ) − 1 + it b + o(t )
= b − a + o (1).
t →0
it
La fonction h a ,b est continue sur R.
4. Pour fixer les idées, supposons par exemple a < b . L’inégalité des accroissements finis s’applique « à nouveau » (ben oui,
l’inégalité de Taylor-Lagrange, c’est la grande sœur de celle des accroissements finis).
−it x est dérivable, et sa
Fixons t ∈ R. Si t = 0, l’inégalité demandée est effectivement
vérifiée.
Sinon, l’application ψ : x 7→ e
−it
x
dérivée x 7→ −ix e
est de module majoré par |t |, donc ψ(b ) − ψ(a ) ¶ |t | · |b − a |. Après division par |t |, et puisque a < b ,
e−it b − e−it a ¶ b −a.
on obtient t
h a ,b (t ) ¶ b − a .
Pour tout t ∈ R,
5. Rien de très subtil : pour k ∈ N, on a
ek =
+∞ n
X
k
n =0
n!
=
k −1
+∞
X
kn
kk X kn
+
+
,
k ! n =0 n! n =k +1 n!
et tous les termes surnuméraires sont positifs...
ek ¾
Pour tout k ∈ N,
B
kk
.
k!
La fonction ϕ f caractérise f
3
6. Commençons par noter que les intégrales définissant R(θ , T) et S(t ) sont bien définies : les fonctions intégrées sont définies
en dehors de 0, et prolongeables en une fonction continue en prolongeant en 0 avec les valeurs respectives θ et 1.
On va utiliser d’une part la parité et d’autre part le changement de variable u = t θ , qui est tel que — quelle découverte !
du
dt
=
. Mais tout ceci doit se faire sur un segment [ α ; T ] pour éviter les ennuis, ce qui présuppose de choisir T > 0 :
—
t
u
ZT
ZT
Z Tθ
Z Tθ
sin(θ t )
sin(θ t )
sin u
sin u
R(θ , T) = 2
dt = 2 lim
dt = 2 lim
du = 2
du .
α→0
α→0
t
t
u
u
0
α
αθ
0
Le cas T = 0 est immédiat et la formule proposée convient.
∀(θ , T) ∈ R × R+
R(θ , T) = 2 S(θ T).
7. Tout d’abord, d’après ce qui précède et le résultat admis dans l’énoncé :

−π si z < 0
R(z , T) −−−→
T→+∞

0
si z = 0
π
si z > 0.
Et si on ne nous a pas menti aux sujets des limites de sommes et différences :
3
Enfin, l’énoncé propose des expressions :-)
Le problème des moments
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3
y <0
y =0
y >0
x <0
0
−π
−2π
x =0
π
0
−π
x >0
2π
π
0
Table 1 — Valeur de la limite de R(x , T) − R(y , T) quand T → +∞ en fonction des
signes de x et y .
8. Voici la question la plus délicate du problème. Il y a d’une part une fubinisation, et d’autre part un passage à la limite sous le
signe intégrale (convergence dominée). Pour le premier point, le « théorème » au programme est, comment dire... Bon, ne disons
pas : vous allez voir que c’est long. Pour le second point, le théorème de convergence dominée s’appliquant à des suites (et non
un paramètre réel), il faudra utiliser la caractérisation séquentielle de la limite.
Mais commençons par travailler un peu formellement, en reportant à plus tard les deux justifications délicates.
On travaille d’abord à T fixé, et on définit
Φ: |{z}
R × [ −T ; T ] −→ R,
| {z }
I
J
(x , t ) 7−→
1
h a ,b (t ) eit x f (x ),
2π
de sorte que :
1
2π
Z
Z ‚Z
T
h a ,b (t ) ϕ f (t ) dt =
−T
Φ(x , t ) dx
J
Z? ‚Z
Œ
Œ
Φ(x , t ) dt
dt
I
I
J
1
dx =
2π
Z
Z
T
e−it (a −x ) − e−it (b −x )
f (x )
dt
it
−T
R
!
dx
où on a abusivement étendu l’expression de h a ,b (t ) en t = 0...
ZT
e−it (a −x ) − e−it (b −x )
dt , la partie impaire (issue des cosinus : le « t » au
Dans l’intégrale — symétrique par rapport à 0 —
it
−T
dénominateur inverse les parités) est d’intégrale nulle, de sorte qu’il ne reste que les sinus, et ainsi :
Z
Ainsi :
e−it (a −x ) − e−it (b −x )
dt = R (x − a )T − R (b − x )T .
it
−T
Z
h
i
1
h a ,b (t ) ϕ f (t ) dt =
R (x − a )T − R (b − x )T f (x ) d x .
2π R
−T
h
i
Lorsque x est fixé, R (x − a )T − R (b − x )T f (x ) tend (lorsque T tend vers +∞) vers
1
2π
Z
T
T

0
ψ(x ) := π f (x )

2π f (x )
si x < a ou x > b
si x ∈ {a ,b }
si a < x < b
4
« donc »
1
2π
Z
T
1
h a ,b (t ) ϕ f (t ) dt −−−→
T→+∞ 2π
−T
Z
Z
b
f (t ) dt .
ψ(t ) dt =
R
a
Yapluka :
Ø justifier la fubinisation
Ø justifier le passage à la limite sous le signe intégrale.
4
Hahahahahaha !
Le problème des moments
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4
Allons-y.
• Pour la fubinisation :
ƒ
✔ OK.
ƒ
✔ OK car pour tous x , t
• Φ est continue sur I × J
• Φ est intégrable sur I × J
Φ(x , t ) ¶ f (x ) · h a ,b [ −T ; T ]
|
{z∞ }
¶(b −a )
• Pour tout x ∈ I, Φ(x , ·) est continue et intégrable sur J
ƒ
✔ OK (fonction continue sur un seg-
• Pour tout t ∈ J, Φ(·, t ) estR continue et intégrable
R sur I
• Les applications x 7→ J Φ(x , t ) dt et t 7→ I Φ(x , t ) dx sont
continues
R • L’application x 7→ J Φ(x , t ) dt est intégrable sur I
ƒ
✔ OK (f est intégrable et h a ,b bornée).
5
ƒ
✔ OK (aheum ; yaka ...)
ment).
ƒ
✔ OK, grâce à
Z
Φ(x , t ) dt ¶ Cte f (x )
J
• L’application t 7→
(toujours issue de la majoration de la question 4).
ƒ
✔ OK car continue sur un segment.
R Φ(x , t ) dx est intégrable sur J
I
Et ainsi, l’application t 7→
R
I
Φ(x , t ) dx est intégrable sur J (on le savait déjà, en fait...), avec de plus :
Z ‚Z
Œ
Φ(x , t ) dx
J
Z ‚Z
Œ
Φ(x , t ) dt
dt =
I
I
dx .
J
• Pour l’inversion intégrale/limite, le jury ne grognerait probablement pas si c’était fait avec le « théorème de convergence
dominée continu » qui n’est pas dans le programme... mais on va le rédiger ici en passant par des suites.
Or donc, soit (Tn )n ¾0 une suite tendant vers +∞. On note, pour n ∈ N et x ∈ N :
h
i
f n (x ) := R (x − a )Tn − R (b − x )Tn f (x ).
On note que R est bornée sur R car S l’est (application continue sur R, possédant une
limite
finie en +∞et −∞).
Ø Chaque f n est continue par morceaux sur R et intégrable (grâce à la majoration f n (x ) ¶ 2 kRk∞ f (x )).

si x < a ou x > b
0
, et ψ est bien continue par morceaux
Ø Pour tout x ∈ R, f n (x ) n ¾0 converge vers ψ(x ) := π f (x )
si x ∈ {a ,b }

2π f (x ) si a < x < b
sur R.
Ø Pour tout x ∈ R et n ∈ N, on a la domination f n (x ) ¶ d (x ) := 2 kRk∞ f (x ), et d est bien continue et intégrable sur R.
Le théorème de convergence dominée s’applique et nous assure (que ψ est intégrable sur R et) :
1
2π
Z
Tn
h a ,b (t ) ϕ f (t ) dt =
−Tn
1
2π
Z
R
1
2π
f n (x ) dx −−→
n →∞
Z
Z
b
f (x ) dx .
ψ(x ) dx =
R
a
Ceci étant vrai pour tout suite (Tn )n ∈N tendant vers +∞, on a bien le résultat annoncé.
1
lim
T→+∞ 2π
Z
Z
T
b
h a ,b (t ) ϕ f (t ) dt =
9. Supposons : ϕ f = ϕ g . On a alors, pour tout a ,b ∈ R,
f (t ) dt .
a
−T
Rb
f =
Rb
g . Sauf à vouloir faire une petite blague, on évite les « en
Rx
Rx
dérivant... ». On peut par contre fixer a et libérer b , en considérant les applications F : x 7→ 0 f et G : x 7→ 0 g : le théorème fondamental de l’analyse nous assure (puisque f et g sont continues) que ces fonctions sont dérivables, de dérivées
respectives f et g . Puisque F = G, on a bien F′ = G′ , c’est-à-dire f = g .
a
a
L’application f ∈ E 7→ ϕ f est injective.
5
La continuité par rapport à t se démontre de manière routinière, avec une domination classique.
En revanche, pour la continuité par rapport à x , on ne trouve pas de telle domination ; il faut calculer explicitement l’intégrale et vérifier la continuité du
résultat.
Le problème des moments
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5
Remarque 1 Ce que nous avons montré ici, c’est que la restriction à E de l’application « transformée de Fourier » est injective. Le calcul qui nous est
demandé peut paraître obscur (pourquoi utiliser h a ,b ? pourquoi le sinus cardinal ?) mais trouve en réalité sa justification dans le fait que la transformée
de Fourier inverse d’un produit est le produit de convolution des transformées de Fourier inverses. Or le sinus cardinal (avec son facteur d’échelle) est
précisément la transformée de Fourier d’une fonction « porte » avec changement d’échelle Πa (x ) = a Π(a x )
Πa (x )
a
− a1
x
1
a
et l’on reconnaît le genre de fonction qui va « tendre » vers une fonction de Dirac lorsque a tend vers +∞, c’est-à-dire que
Z +∞
−∞
C
Πa (t ) ∗ f (x − t ) dt −−−→ f (x ).
a →+∞
La suite a k ( f ) ne caractérise pas toujours f
10. On a trois propriétés à montrer.
• La continuité de la fonction logarithme et de la fonction x 7→ 1/x sur ] 0 ; +∞ [, combinée à la continuité de la fonction
exponentielle sur R, entraînent par produit et composition la continuité de f sur ] 0 ; +∞ [. L’écriture suivante, valable
pour tout x > 0 :
1
(ln x )2
f (x ) = p exp −
− ln x
2
2π
et le fait que lim −t 2 /2 − t = −∞, montrent que lim+ f (x ) = 0. On en déduit que f est continue sur R.
t →−∞
x →0
• Par construction, f est à valeurs positives.
• Enfin, le changement de variable évident u = ln x , qui est un C 1 -difféomorphisme de ] 0 ; +∞ [ dans R, mène à
Z +∞
Z
Z +∞
1
2
f 0 (x ) dx =
f 0 (x ) dx = p
e−u /2 du .
2π
] 0 ; +∞ [
−∞
−∞
Ce changementRde variable prouve d’une part l’intégrabilité de f 0 — équivalente à celle de u 7→ e−u
part le fait que R f 0 (x ) dx = 1.
2 /2
sur R — et d’autre
f 0 est élément de E.
11. Point de mystère : il faut effectuer le même changement de variable. Fixons momentanément un entier k . Le théorème de
2
changement de variable nous assure que x k f 0 (x ) est intégrable sur ] 0 ; +∞ [ si et seulement si u 7→ ek u −u /2 l’est, ce qui est
vrai. On a alors
Z +∞
Z
Z +∞
1
2
2
ek u −u /2 du = ek /2
x k f 0 (x ) dx =
x k f 0 (x ) dx =
2π
−∞
R
0
d’après la relation admise en début d’énoncé.
Pour tout entier k , f 0 admet un moment d’ordre k et a k ( f 0 ) = ek
2 /2
.
12. Puisque −1 ¶ a sin(2π ln x ) ¶ 1, on en déduit
que f a est positive, et tend vers 0 en 0 (produit d’une fonction bornée et d’une
fonction de limite nulle). De plus, f a ¶ f 0 (1 + a ), ce qui montre que f a est intégrable et admet même des moments de tous
ordres. Enfin, pour tout k entier, on a
Z +∞
Z +∞
x k f a (x ) dx = a k ( f 0 ) + a
ak (fa ) =
−∞
x k f 0 (x ) sin(2π ln x ).
0
En utilisant le même changement de variable u = ln x , et en écrivant sin(2π ln x ) = Im (e2iπ ln x ), on obtient
Z +∞
€
Š
2
2
2
2
a k ( f a ) = a k ( f 0 ) + a Im
ek u +2iπu −u /2 du = a k ( f 0 ) + a Im e(k +2iπ) /2 = a k ( f 0 ) + a ek /2−π sin 2k π = a k ( f 0 ).
−∞
a k ( f a ) = a k ( f 0 ) pour tout k ∈ N.
On ne va pas s’arrêter là, il est indispensable de mettre un commentaire :
Des fonctions différentes peuvent admettre les mêmes moments à tous les ordres.
Le problème des moments
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6
Remarque 2 Le contre-exemple donné dans cette partie est due au probabiliste américain William FELLER. La fonction f est la densité de la loi lognormale.
Si l’on ajoute des conditions plus drastiques à la fonction f , alors on peut montrer que les moments caractérisent entièrement la fonction. Par exemple,
si f est continue et à support borné, c’est le cas (ça se démontre en utilisant le théorème de Weierstrass... mais c’est une autre histoire !)
La partie qui suit donne une condition plus faible qui nous assure de l’injectivité de l’application f 7→ a k ( f ) k ¾0 ; cette condition est un cas particulier
P 1
de la condition de Carleman (1922), qui est la divergence de la série
.
1/2k
a 2k
D
Une condition sur la suite a k ( f )
13. Ouh, mais ça sent l’inégalité de Cauchy-Schwarz, ça. Pour le mettre en forme, notons que l’espace F des fonctions de carré
Z +∞
6
intégrable peut être muni du produit scalaire f g =
f g . Si l’on note X la fonction identité, on a par exemple
−∞
p 2
a 2k ( f ) = |X|k f et
p 2
a 2k +2 ( f ) = |X|k +1 f .
L’inégalité de Cauchy-Schwarz permet alors d’écrire
D
p p 2 p 2
p E2 b 2k +1 ( f )2 = |X|k f |X|k +1 f ¶ |X|k f · |X|k +1 f = a 2k ( f ) · a 2k +2 ( f ).
Pour tout entier k ¾ 0,
b 2k +1 ( f )
2
¶ a 2k ( f ) · a 2k +2 ( f ).
14. On remarque que, si k est pair, alors b k ( f ) = a k ( f ), et le résultat est immédiat.
Reste à traiter le cas où k = 2p + 1 est impair — et là on se doute que la question précédente va nous être utile. On a en
effet
p
b k ( f ) = b 2p +1 ( f ) ¶ a 2p ( f ) · a 2p +2 ( f ) ¶ (2p M)p (2p + 2)M p +1 = p p (p + 1)p +1 (2M)2p +1 .
Le but du jeu est maintenant de montrer que le membre de droite est majoré par (2p + 1)2p +1 (2M)2p +1 , ce qui est équivalent à
montrer que
p p (p + 1)p +1 ¶ (2p + 1)2p +1
(à prouver)
ou encore
p ln p + (p + 1) ln(p + 1) ¶ (2p + 1) ln(2p + 1).
(à prouver)
Là, cette fois-ci, ça respire la bonne vieille concavité. La fonction logarithme est concave, et si l’on pose
λ :=
p
2p + 1
et
µ :=
p +1
2p + 1
(λ + µ = 1),
on obtient
€
Š
€
Š
λ ln p + µ ln(p + 1) ¶ ln λp + µ(p + 1) = ln p 2 + (p + 1)2 2p + 1 = ln 2p 2 + 2p + 1 2p + 1
€
Š
(2p + 1)2
= ln(2p + 1).
¶ ln 4p 2 + 4p + 1 2p + 1 = ln
2p + 1
Pour tout k entier strictement positif,
b k ( f )1/k
¶ 2M.
k
15. Allez, les réflexes terriblement aiguisés, on se lance tout de suite sur une inégalité de Taylor-Lagrange, justifiée par le résultat
de la question 1 : ϕ f est de classe C ∞ et ses dérivées successives s’écrivent sous forme intégrale. On obtient
n −1 m
n
X
h
|h|
(n ) (m )
ϕ f (x ) ¶
sup ϕ f (t )
ϕ f (x + h) −
m!
n! t ∈[ x ; x +h ]
m =0
Z
+∞
|h|n
it u n n
e i u f (u ) du sup ¶
n! t ∈[ x ; x +h ] −∞
Z
+∞
|h|n
|h|n
¶
|u |, n f (u ) du =
sup
b n ( f ).
n! t ∈[ x ; x +h ] −∞
n!
∀x , h ∈ R
∀n ¾ 1
n −1 m
n
X
h
|h|
(m )
ϕ f (x ) ¶
b n ( f ).
ϕ f (x + h) −
m!
n!
m =0
6
Petit exercice : (re-) vérifier que c’est un espace vectoriel.
Le problème des moments
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7
16. L’égalité demandée est vérifiée (uniformément par rapport à x ) dès que le second membre de l’inégalité précédente converge
vers 0 quand n → ∞. Or les inégalités des questions 5 et 14 entraînent
0¶
5
|h|n b n ( f ) n n
¶
(2Mh)n ¶ (2 heM)n .
n!
n!
1
pour que |h|n b n ( f )/n! −−→ 0.
Il suffit donc de choisir |h| < A := 2eM
n →∞
∀x , h ∈ R
|h| < A :=
∞
X
h m (m )
1
=⇒ ϕ f (x + h) =
ϕ (x ).
2eM
m! f
m =0
17. L’idée de la récurrence est d’« agrandir » morceau par morceau l’intervalle sur laquelle on a égalité des fonctions caractéristiques.
La fonction g vérifie également la propriété (U), donc
x,h ∈ R
|h| < A =⇒ ϕ g (x + h) =
∞
X
h m (m )
ϕ (x ).
m! g
m =0
Pour tout entier ℓ, notons P (ℓ) la propriété
ℓA
ℓA
« ϕ f (x ) = ϕ g (x ) pour tout x ∈ − ; +
2
2
P (ℓ)
».
• La propriété P (1) découle de la formule précédente, prise en x = 0 :
∀x ∈ ] −A ; +A [
ϕ f (h) =
∞
∞
∞
∞
X
X
X
X
hm m
hm m
h m (m )
h m (m )
ϕ f (0) =
i am (f ) =
i a m (g ) =
ϕ (0) = ϕ g (h).
m!
m!
m!
m! g
m =0
m =0
m =0
m =0
”
—
Ainsi, ϕ f et ϕ g coïncident sur ] −A ; +A [, et notamment sur − A2 ; + A2 .
• Soit ℓ ¾ 1 et supposons la propriété P (ℓ) vérifiée. Alors ϕ f et ϕ g coïncident sur −
ℓA
ℓA
;+
; leurs dérivées succes2
2
sives également.
Posons maintenant x = ℓA/2, on a alors
∀h ∈ [ 0 ; A/2 ] ⊂ [ 0 ; A ]
Ainsi, ϕ f et ϕ g coïncident sur
ϕf
X
X
∞
∞
h m (m ) ℓA
ℓA
h m (m ) ℓA
ℓA
+h =
ϕ
ϕ
+h .
=
= ϕg
2
m! f
2
m! g
2
2
m =0
m =0
ℓA (ℓ + 1)A
;
.
2
2
(ℓ + 1)A
ℓA
En effectuant le même travail eu point x = −ℓA/2, on montre que ϕ f et ϕ g coïncident sur −
;−
.
2
2
Cela prouve P (ℓ + 1).
• Le principe de récurrence permet de conclure que la propriété P (ℓ) est vraie pour tout entier ℓ > 0.
18. La première conclusion immédiate est que
ϕ f = ϕg .
La seconde conclusion (d’après la question 9) est que
f = g.
Enfin, la véritable conclusion de la partie est que
Si des fonctions f et g de E vérifient la condition (U) et ont leurs moments égaux, alors elles sont égales.
E
Application
19. On procède par analyse-synthèse.
— Analyse —
On suppose que f est une fonction de E dont les moments vérifient le système. Une simple récurrence permet de montrer
que
(2k )!
et
a 2k +1 ( f ) = 0.
∀k ∈ N
a 2k ( f ) = k
2 k!
Le problème des moments
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Devoir Libre no 14 (Corrigé)
Mathématiques, MP 933 & 934
8
Notamment, on a l’inégalité suivante, valable pour tout k ¾ 1
0 ¶ a 2k ( f ) ¶
(k + 1)(k + 2) · · · (2k − 1)(2k )
2k
¶
(2k )k
2k
= kk,
qui entraîne
0¶
1
a 2k ( f )1/2k
1
¶ p ¶
2k
2
2 k
et prouve que f vérifie la condition (U). Allez, cela nous permet de calculer ϕ f au voisinage de 0, en utilisant la question 16
autour de x = 0 :
˜
•
1 1
∀h ∈ − ;
e e
ϕ f (h) =
=
∞
∞
X
X
h m (m )
hm m
ϕ f (0) =
i am (f )
m!
m!
m =0
m =0
∞
X
h 2k
(2k )!
2
= e−h /2 .
(−1)k k
(2k
)!
2
k
:
k =0
2
La fonction ϕ f est développable en série entière avec un rayon infini, et coïncide avec h 7→ e−h /2 (également développable
en série entière avec un rayon infini) sur tout un voisinage de 0. On en déduit que ces deux fonctions ont même coefficients
dans ce développement, donc sont égales sur R.
2
On a donc montré que f admet pour fonction caractéristique la fonction ϕ f : x 7→ e−x /2 .
Reste à trouver la fonction de densité dont ϕ f est la fonction caractéristique. On est pour cela aidé par la formule du début
2
de l’énoncé : si l’on note f˜ : x 7→ p12π e−x /2 , alors
∀x ∈ R
1
ϕ f˜(x ) = p
2π
Z
+∞
eix u e−u
2 /2
du = e−x
2 /2
= ϕ f (x ).
−∞
On en déduit (question 9) que f = f˜.
2
e−x /2
.
Ainsi, la seule fonction envisageable est f : x 7→ p
2π
— Synthèse —
2
e−x /2
Une simple intégration par parties montre que la fonction f : x 7→ p
est bien solution du système :
2π
Z +∞
Z +∞
2
2
e−x /2
e−x /2
2k −1
a 2k ( f ) =
dx = (2k − 1)
dx = (2k − 1) a 2k −2 ( f ),
x
·x p
x 2k −2 p
2π
2π
−∞
−∞
tandis que les moments d’ordre impair son nuls par imparité et intégrabilité.
2
e−x /2
Le système possède une unique solution, qui est la fonction f : x 7→ p
.
2π
‡ ‡
‡
Le problème des moments
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Fig. 1 — Son voisin, plus malin, a presque fini grâce à la résolution d’un système 16 × 16.
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Rapport du jury
1
Le sujet
L’objet de ce problème est d’étudier les propriétés des moments d’une application. Le sujet met en jeu une partie importante du programme d’analyse. Plus précisément, les notions suivantes jouent un rôle important dans le problème : formules
de Taylor, inégalités des accroissements finis, intégrales à paramètres, théorèmes de convergence dominée, séries entières.
2
Les résultats obtenus
La taille du problème est assez bien adaptée à la durée de l’épreuve, mais est peut être un peu trop longue pour certains
candidats. Il semble en outre que l’énoncé comporte un peu trop de questions fermées. La plupart des questions sont assez
faciles mais elles sont souvent rédigées de manière approximative, peut être par manque de temps. Cela dit, il semble au jury
que cette épreuve a permis de bien classer par ordre de mérite les candidats.
La moyenne générale est de l’ordre de 9/20 pour l’ensemble de la banque Mines Ponts. L’écart type est de l’ordre de 3,8.
3
Commentaire détaillé
Nous allons indiquer quelques erreurs ou maladresses fréquemment commises.
La plupart des questions demandent d’établir des résultats dans lesquels la réponse est donnée dans l’énoncé. Il est donc
parfois malaisé de faire la différence entre une tentative de bluff et une rédaction vague émanant d’un candidat qui a à peu
près compris ce qu’il faut faire. Une tentative de tricherie s’avère très pénalisante pour son auteur, car par la suite, le correcteur
interprète toute rédaction vague comme une tentative de bluff.
• Question 1. Les conditions de validité du théorème de convergence dominée, permettant de prouver qu’une intégrale à
paramètres admet des dérivées à tout ordre, ne sont pas souvent vérifiées avec la précision et rigueur requises.
• Question 2. Certains candidats confondent Taylor-Lagrange et Taylor-Young. Le cours sur les séries alternées est appliqué à des séries complexes...
• Question 3. Certains candidats écrivent des inégalités qui n’existent évidemment pas s’agissant de nombres complexes.
• Question 4. Dans le cas d’une fonction à valeurs vectorielles, il n’y a pas d’égalité dans les accroissements finis, mais
seulement une inégalité.
• Question 5. La formule de Stirling fournit un équivalent asymptotique et ne permet pas d’obtenir une inégalité précise
valable pour tout entier.
• Question 8. C’est la question un peu difficile du problème, mais certains candidats l’ont résolu avec brio.
• Question 9. Certains candidats n’ont pas pensé à utiliser le fait que l’intégrale d’une fonction continue f permet de
définir une primitive de f .
• Question 10. L’étude de la limite de f 0 (x ) en 0 nécessite une démonstration. Le jury n’accepte une phrase vague du
type : « par croissance comparée on obtient le résultat ». Certains candidats oublient de vérifier la convergence d’une intégrale
généralisée avant de la calculer. Ils oublient aussi de préciser que le changement de variable doit être de classe C 1 .
• Questions 12, 14 et 17 Le jury déplore un trop grand nombre de tentatives de bluff.
4
Recommandations aux futurs candidats
Il est préférable de commencer par lire tranquillement la totalité du sujet pour assimiler les notations et comprendre de
quoi il retourne. Il est très important d’écrire lisiblement et d’encadrer les résultats obtenus.
À propos d’une question dont la réponse est donnée dans l’énoncé, le jury attend une démonstration très claire, concise et
citant avec précision les théorèmes du cours et les résultats antérieurs utilisés (avec les numéros des questions correspondantes).
Il faut éviter de courcircuiter la moindre étape.
En aucun cas, le correcteur ne peut attribuer de points s’il n’a pas la certitude absolue que la réponse donnée est parfaitement correcte d’autant plus qu’il n’est absolument pas question de pénaliser ceux des candidats qui ont pris le temps de bien
rédiger. Nous recommandons donc vivement aux candidats, d’une part de chercher et construire chaque démonstration
au brouillon, et d’autre part de ne recopier une démonstration au propre que lorsqu’ils sont certains qu’elle est devenue
claire et concise.
De plus, nous conseillons fortement aux candidats qui ne savent pas traiter une question d’indiquer nettement qu’ils en
admettent le résultat pour la suite.
Tout acte d’honnêteté est très apprécié. En revanche toute tentative de dissimulation ou de tricherie indispose les correcteurs et peut être très pénalisante.
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