Athènes,

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Athènes, - 436.
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Périclès sortit joyeux de chez Aspasie. Son épouse lui avait
redonné confiance, car aujourd'hui une épreuve l'attendait : il
devait une nouvelle fois essayer d'être réélu à la direction de la cité.
Il aimait cette femme avec passion : elle était très belle et très
intelligente. Les citoyens les plus importants d'Athènes et les
meilleurs artistes rendaient visite à Aspasie, seulement pour profiter
de sa conversation et contempler son si beau visage. Beaucoup en
étaient amoureux. Mais nombreux étaient aussi ceux qui
reprochaient à Périclès de s'être marié à Aspasie : elle était
étrangère, une métèque ! Un bon citoyen pouvait avoir des
maîtresses ou fréquenter des courtisanes, mais il ne devait se
marier qu'avec une fille de citoyen. Pour eux, le mariage n'avait rien
à voir avec l'amour car la femme du citoyen n'avait que deux rôles :
faire des enfants et s'occuper de la maison. Certains médisaient
même en chuchotant que c'était Aspasie qui écrivait les discours de
Périclès ...
Périclès souriait en repensant à ces critiques. Il marchait
tranquillement le long de la Voie Sacrée des Panathénées en
direction de l'Agora, pensant à ce qu'il allait dire aux citoyens pour
qu'ils le réélisent. Sous le soleil matinal déjà chaud de cette fin Juin,
il ralentit le pas sur le chemin qui montait en direction de
l'Acropole. Il profitait de son déplacement pour venir surveiller,
comme chaque jour, les travaux que lui-même avait ordonnés, voici
déjà plus de dix ans. Le Parthénon, le plus beau des temples,
dédié à Athéna, était déjà terminé mais il restait de nombreuses
autres constructions à achever. Une foule d'ouvriers s'activait dans
tous les sens, remuant un énorme nuage de poussière. Un homme
passa devant lui, portant une lourde sacoche d'outils de tailleur de
pierre : esclave ? Métèque ? Citoyen ? Périclès était bien incapable
de le dire ! Dans l'effort, tous les hommes se ressemblaient mais
dans l'effort seulement : un citoyen était un homme libre, alors
qu'un esclave n'était qu'un outil animé, une simple chose. Périclès
plaignait ces citoyens trop pauvres qui devaient travailler avec les
esclaves pour gagner leur vie. Mais tout le monde ne pouvait pas
appartenir à une riche famille de nobles athéniens, comme Périclès
: un bon citoyen devait posséder suffisamment de terres pour ne
pas travailler et passer son temps à faire de la politique, soigner
son corps et son esprit.
Finalement, la guerre avait de bons côtés ! Quand les Perses
avaient battu et envahi Athènes, ils avaient détruit toutes les
constructions sur l'Acropole. Cela remontait à cinquante ans déjà.
Aujourd'hui, les Perses étaient battus et bien battus, depuis les
immenses victoires grecques de Marathon et surtout de Salamine
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grâce à notre flotte de guerre. Et maintenant, il fallait tout
reconstruire ... mais en mieux, en grandiose, pour que le monde
entier constate la puissance et la grandeur d'Athènes !
- Je te salue, Périclès ! Périclès reconnut sans se tourner la voix de
Phidias, le grand artiste responsable des travaux les plus
importants.
- Comment vas-tu, Phidias ?
- J'irai mieux quand tu seras réélu. Toi seul peux convaincre
l'assemblée des citoyens qu'il faut continuer à dépenser autant
d'argent pour ces immenses travaux.
C'est que le Conseil
commence à grogner !
- Ne t'inquiète pas, Phidias. Athènes est la cité la plus puissante de
Grèce. Nous puisons dans le trésor de notre alliance. Nos alliés sont
trop faibles pour protester : qu'ils versent leur impôt et qu'ils
obéissent ! Sinon, nous punirons leur cité, comme nous l'avons déjà
montré. Notre flotte de guerre est la meilleure de la Méditerranée,
toutes les cités la craignent.
- J'espère bien, car ce n'est pas en vendant des olives aux Barbares
que je vais finir ma statue d'Athéna en or et en ivoire ! Que les
dieux soient en ta faveur pour ton élection, Périclès !"
"Les dieux n'ont rien à voir là-dedans. Mon élection à la
principale magistrature de la cité est une affaire entre moi et les
citoyens" pensa Périclès. Evidemment, il n'aurait jamais prononcé à
voix haute cette phrase, sous peine d'être accusé de sacrilège. Et
c'est sur ces pensées qu'il arriva sur la colline de la Pnyx, déjà
noire de monde. Les hérauts appelaient à la réunion et ils
commençaient déjà à tendre les cordes enduites de peinture rouge,
qui marquaient aux fesses les citoyens en retard. Un ouvrier
descendait en courant de l'Acropole : il eut le droit à une belle
marque sur son postérieur. Périclès salua beaucoup de citoyens. Il
croisa également quelques regards noirs : il n'avait pas que des
admirateurs. Périclès discutait à droite et à gauche, souriait au plus
grand nombre, écoutait les plaintes des citoyens pendant la
cérémonie religieuse marquant le début de la réunion. Le président
exposa les sujets à discuter. Dès l'annonce du premier, un
brouhaha s'éleva : l'élection des dix stratèges. Un héraut cria : "Qui
veut Prendre la parole ?" Tout citoyen avait le droit de s'exprimer
mais toutes les têtes se tournèrent vers Périclès. Il se leva
tranquillement et monta sur une estrade.
"Je suis candidat. Vous me connaissez et depuis neuf ans, vous
m'avez réélu chaque année. Il est donc inutile que je me présente
et que je vous explique mes projets pour notre cité. Je préfère que
vous me posiez des questions." Le silence continuait. Il fallait
beaucoup de courage, d'intelligence et d'éloquence pour affronter
Périclès en public.
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Un homme, richement vêtu, se leva. Tous reconnurent
Kallias, un riche citoyen de vieille famille, jeune et ambitieux. Il
voulait sûrement devenir un des dix stratèges.
- Périclès, peux-tu nous dire si les travaux de l'Acropole vont durer
encore longtemps ?
- Aussi longtemps que nécessaire et le plus vite possible. Beaucoup
de citoyens ici présents ont du travail grâce à ce chantier. Beaucoup
dans l'assemblée hochèrent la tête pour approuver.
- Mais ce chantier engloutit l'argent de la cité ! répliqua Kallias. Un
de ses compagnons ajouta bruyamment : "Et ce trésor ne nous
appartient pas ! C'est l'argent mis en commun de toutes les cités
qui se sont liguées pour se défendre contre les Perses ! En utilisant
cet argent pour construire des monuments, tu nous affaiblis."
Périclès sourit et prit du temps pour répondre.
- As-tu oublié les Longs Murs que j'ai achevé pour protéger Athènes
? Est-ce un monument inutile ? A moins que tu ne sois aveugle et
que tu ne confondes une muraille et un temple ? Et est-ce que les
travaux d'agrandissement de notre port, Le Pirée, te semblent
inutiles ? Beaucoup de citoyens rirent. Périclès continua : "Mais je te
comprends, Kallias. Tes champs sont loin dans la campagne de la
cité. Tu préfères les protéger aux frais d'Athènes plutôt que de
rendre hommage à notre déesse protectrice, Athéna ! Il est vrai que
les impôts de nos cités alliées sont utilisés dans les travaux de
l'Acropole. Mais ils servent avant tout à financer la flotte de guerre.
C'est le prix de notre protection pour ces cités contre les Perses.
Kallias fut sifflé et hué. Il se rassit, vexé.
A l'autre extrémité de la foule, un vieillard se leva et le
silence revint lentement. Le président dut intervenir pour calmer la
foule. Mais sa voix sonnait clairement :
- Périclès ! Cela va faire presque dix ans que tu es élu stratège. Tu
es sûrement un bon dirigeant pour notre cité, mais n'es-tu pas en
train de devenir un tyran ? La foule des citoyens recommença à
s'agiter. Une voix anonyme cria : "A bas le tyran !". Un autre ajouta
: "Qu'on l'ostracise !" Périclès leva les bras et attendit le retour au
calme :
- Je ne suis pas un tyran. Le Conseil vérifie que j'honore bien les
dieux, que je respecte nos lois, que je ne m'enrichis pas en volant
dans le trésor d'Athènes. Si ça n'était pas le cas, j'aurais été
condamné depuis longtemps. Je ne suis pas au-dessus des lois,
pour la seule raison qu'à Athènes, la loi est la même pour tous. Ici,
à Athènes, les lois ne sont pas faites par un petit groupe de chefs
ou par un roi mais par vous, les citoyens. Les citoyens pauvres et
riches sont égaux à Athènes. Riches et pauvres peuvent devenir
magistrats : seuls les meilleurs sont élus ou nommés, c'est la seule
règle. Grâce à moi, les pauvres reçoivent de l'argent quand ils sont
magistrats, afin de ne pas perdre de salaire. Grâce à moi,
135 l'assemblée des citoyens a plus de pouvoirs. Grâce à moi, de
nombreux citoyens ont obtenu des terres gratuites en Grèce. Grâce
à moi, tous les citoyens peuvent devenir magistrats. Nous ne
sommes pas à Sparte, où une poignée de soldats dirige la cité !
Enfin, citoyens, si vous ne voulez plus de moi comme stratège, c'est
140 très simple : vous n'avez pas à me tuer, vous n'avez pas à faire de
révolution, vous n'avez pas à m'emprisonner ou à m'exiler. Vous
n'avez tout simplement qu'à ne pas voter pour moi. C'est ça la
démocratie, c'est la loi de la majorité. La loi, c'est vous."
Périclès baissa les bras et la foule des citoyens l'acclama. Il
145 allait être sûrement réélu. Aspasie serait contente.
Les parties du récit
Lignes 38 à 63 : comment Athènes domine le monde
grec ?
Lignes 1 à 38 : qui sont les Athéniens ?
Lignes 64 à 145: comment fonctionne la démocratie ?
Le héros du récit
PERICLES est présenté dans le document 1 page 46 : ______________
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Les lieux du récit
Ils sont écrits en caractère gras. Pour les localiser et bien retracer
le trajet que fait Périclès depuis son domicile jusqu'au lieu où se
déroulent les élections, observe le plan 2 page 47 de ton livre.
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