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être plus largement : « D’où provient le besoin et les possibilités de
développer un discours traductologique ? ». C’est pour ça que je mettrai
dans le titre, en principe épistémologique, une question sur le statut de
scientificité (entre guillemets scientificité) qui est celui de la traductologie.
Et quand je dis entre guillemets « scientificité », ce n’est pas par une sorte
de précaution floue, comme on dit souvent dans la conversation – « entre
guillemets », c’est une façon de dire ce qu’on dit, sans dire, tout en disant,
en n’ayant pas voulu le dire. Dans mon esprit, ça veut dire très précisément
que, en français et en anglais, par exemple, le mot science réfère aux
sciences exactes, c'est-à-dire à la méthode expérimentale et à une
formalisation logico-mathématique, au moins pour une part d’entre elles ;
alors que, par exemple en allemand, le terme de Wissenschaft (« science »)
a un sens plus large, qu’on pourrait traduire, en certains cas, par discipline
ou par « approche ». Par exemple : pour Heidegger, la théologie est une
Wissenschaft. Nous ne dirions pas, ni en français ni sans doute en roumain,
non plus, que la théologie, qui est l’un des pôles de la faculté dans laquelle
nous sommes, est une science.
C’est quelque chose à quoi je me suis beaucoup intéressé et c’est un
élément de la réponse à une autre question que vous posez, qui est « Qu’est-
ce qu’un traductologue ? » Vous faites l’hypothèse que le traductologue
précède la traductologie. Je peux comprendre que ça veut dire que,
effectivement, il ne peut pas y avoir une traductologie s’il n’y a pas un
traductologue. Mais j’aurais tendance à dire que c’est l’inverse. C’est parce
que je me suis trouvé en position de réfléchir à ces problèmes de façon,
finalement inopinée, que j’ai été amené à développer une traductologie.
S’agissant de mon cas personnel, j’étais enseignant, enfin, j’étais
philosophe ; plus précisément, j’enseignais la philosophie et j’avais le goût
de traduire les textes, de traduire des textes des philosophes, mais aussi des
textes en général, comme une sorte de rattrapage de mon rapport à la
linguistique et aux langues que la philosophie m’avait fait non pas tant
abandonner que mettre à distance. La traduction était une activité par
laquelle je faisais œuvre d’amateur de langues. Pour moi, c’était l’allemand,
ma langue de travail, de scripteur, sinon d’écrivain, mais aussi de
philosophe, puisque je traduisais des philosophes.
Étant enseignant, par ailleurs ou en même temps, j’ai été amené à
réfléchir sur la façon dont je traduisais. À la fois pour moi, pour mieux
comprendre, par une sorte d’auto-pédagogie, d’auto-enseignement ; et puis
aussi parce que, ayant des étudiants et consacrant à mes enseignements par
exemple à un travail sur les textes de Nietzsche que je traduisais, j’apportais
une réflexion sur le travail philosophique, intellectuel et littéraire qui se fait
dans une traduction. Ainsi, de proche en proche, je me suis trouvé à avoir
accumulé cette réflexion et me dire qu’il y avait là la matière d’un livre qui
est devenu, donc, mon livre Traduire : théorèmes pour la traduction. Si
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bien qu’en fait ce n’est pas le traductologue qui passait de la traductologie
mais la traductologie qui créait le traductologue, en tout cas pour moi. Ce
qui nous donne l’ordre suivant 1. pratique traduisante ; 2. réflexion sur cette
pratique ; 3. développement d’une discipline, la traductologie, ou plutôt
d’un ouvrage, d’ouvrage traductologique et 4. donc, j’en arrive à avoir le
statut de traductologue qui a un petit peu pris la place de mon statut de
philosophe. Voilà ! Ce serait un peu ça l’ordre, en ce qui me concerne.
Concrètement, à la question « Qu’est-ce qu’un traductologue ? », j’y ai donc
répondu en ayant l’approche qui a été la mienne et qui n’est sans doute pas
seulement la mienne.
Je peux imaginer que certains, j’oserais dire immodestement que les
meilleurs ont adopté cette, les meilleurs peut-être, ont adopté cette
démarche. Ou plutôt même : je n’ai pas adopté cette démarche, c’est plutôt
elle qui m’a adopté. Je me suis retrouvé être traductologue alors qu’au
départ je pensais être philosophe. Moi, je n’ai pas renoncé à être
philosophe, j’enseignais parallèlement la philosophie à Nanterre et la
méthodologie, la pratique et la théorie de la traduction un tout petit peu à
Nanterre et de plus en plus à l’ISIT, à l’Institut Supérieur d’Interprétation et
de Traduction. Tel serait un premier portrait de traductologue, d’un
traductologue par hasard, par rencontre ; l’occasion fait le larron, dit-on ;
eh bien ! la pratique fait le traductologue.
Il y avait une deuxième façon d’être traductologue peut-être, ce
serait, à partir d’une formation de linguiste, de se pencher sur la traduction,
par exemple. Au reste, Jakobson notait que, à juste titre, il notait à juste
titre que les linguistes ne cessent avoir recours à la traduction : à une
traduction minimaliste, puisque, il s’agit en général de s’interroger sur le
décalage entre deux termes ou deux expressions. Et ceux qui ont une
pratique réelle de la traduction et qui sont de vrais traductologues savent
bien que ce n’est pas ça la traduction. Ce n’est pas faire une comparaison
entre quelques items ponctuels, ce n’est pas une approche contrastive.
C’est ce que je conteste chez certains de mes collègues et amis. Après
les avoir âprement contestés, certains ont cessé d’être mes amis. L’idée
étant qu’on étudie la traduction comme un document linguistique ou
comme un autre, pourquoi pas ? À ce moment là, on développe un discours
comparatif ou contrastif, faisant apparaître que la traduction sur certains
points fait usage de certaines ressources de la langue-cible auxquelles la
langue-source, plutôt le texte rédigé dans la langue-source, c'est-à-dire le
texte original, n’a pas eu recours. La différence des langues fait qu’une
expression ou une catégorie grammaticale n’existe pas dans la langue-cible,
alors qu’elle existe dans la langue-source. Il y a le génitif saxon en allemand
ou le cas possessif en anglais qui n’a pas d’équivalent direct dans les langues
romanes, par exemple. Ou bien, il y a le système de conjugaison qui est
extrêmement riche dans les langues romanes – en français, en italien, en