Infections transmises par le greffon et/ou le liquide de conservation Hannah Kaminski CHU Bordeaux Le 20/03/2015 CJN « Quand le rein vous rend septique » Introduction Chaque année dans le monde sont greffés ou transplantés: • 70 000 organes • 100 000 cornées • 2 millions de tissus Estimation du taux d’infections transmises de façon inattendues : 1% Difficulté d’avoir une épidémiologie fiable car les infections transmises peuvent être confondues avec: - Infections nosocomiales - Réactivation d’infections latentes Fishman, Clinical Infectious Diseases 2012;55(5):720–7 Quelles sont les infections transmissibles par le greffon et/ou le liquide de conservation? Bactéries – Tuberculose – Syphilis – Autres… Virus: – – – – Parasite – Toxoplasmose Agents fongiques –Candida VIH HTLV-1/2 VHB VHC – CMV – EBV – HHV8 Dans certaines régions… ou contexte épidémique Virus Parasites – – – – – Trypanosoma cruzi Plasmodium spp Strongyloides stercoralis Schistosoma spp Leishmania spp – Chikungunya virus – West Nile virus – Rage Agents fongiques – – – – Histoplasma capsulatum Coccidioides immitis Paracoccidioides spp Blastomyces Martin-Davila P, Transmission of Tropical and Geographically Restricted Infections during Solid-Organ Transplantation. Clinical Microbiology Reviews 2008; 21: 60–96 Risque infectieux ? Les 4 questions à se poser Risque pour le patient Ce pathogène est il transmissible ? Y a-t-il de bons moyens de dépister le pathogène ? Recherche du pathogène utile : fréquent ? Pénurie de greffons Ce pathogène peut il avoir de lourdes conséquences ? Grossi, American Journal of Transplantation 2009; 9 (Supp 4): S19–S26 Les outils • Epidémiologie : les donneurs à risque • Sérologies ou PCR ? • Le chirurgien : quelque chose de suspect ? Grossi, American Journal of Transplantation 2009; 9 (Supp 4): S19–S26 Fishman, Clinical Infectious Diseases 2012;55(5):720–7 Sérologies ou PCR ? Sérologies • Détecte les infections passées • Faux négatifs après hémodilution – Perfusion massive de colloïdes et cristalloïdes – Si plasmaphérèses • Fenêtre parfois longue entre l’infection et la positivité de la sérologie Nécessité de tests plus rapides Fishman, Clinical Infectious Diseases 2012;55(5):720–7 Sérologies ou PCR ? PCR • Ne détecte que les infections actives • Pas toujours possible en urgence • Réduit la fenêtre entre l’infection et la positivité des tests Sérologie PCR (ADN ou ARN) VIH 17 jours - 6 mois 8-17 jours VHB Ag HbS 38.3 - 49.7 jours 38 - 94 jours 20.4 - 25.7 jours VHC 6.1 - 8.7 jours Humar A, Morris M, Blumberg E, et al. Nucleic acid testing (NAT) of organ donors: is the ‘best’ test the right test? A consensus conference report. Am J Transplant 2010; 10:889–99. Chez le donneur à risque PCR+++ réduit le risque d’avoir une fenêtre entre l’infection et la positivité des tests – VHC : • Sérologie (ELISA): 0.26-300.6 /10 000 donneurs ÷10 • PCR : 0.027-32.4 /10 000 donneurs – VIH: • Sérologie (ELISA): 0.09–12.1 /10 000 donneurs ÷2 • PCR: 0.04–4.9 /10 000 donneurs • 0.1 à 0.85% de FAUX POSITIFS Kucirka, AJT 2011; 11: 1188–1200 Kucirka, AJT 2011 June ; 11(6): 1176–1187 Humar, Am J Transplant 2010; 10:889–99. Sérologies ou PCR ? Risque pour le patient En pratique SEROLOGIE Pénurie de greffons Sauf pour le DONNEUR A RISQUE : ATTENDRE LA PCR Humar A, Morris M, Blumberg E, et al. Nucleic acid testing (NAT) of organ donors: is the ‘best’ test the right test? A consensus conference report. Am J Transplant 2010; 10:889–99. Les contre-indications absolues – VIH ? HTLV-1/2 Tuberculose active VIH, quoi de neuf ? • Contre-indication absolue à une greffe si le VIH est détecté chez le donneur en Europe / USA • La transplantation est désormais possible chez les receveurs VIH+ • Problématique : pénurie – Environ 500 donneurs VIH+ par an sont écartés au USA Mgbako, American Journal of Transplantation 2013; 13: 1636–1642 Le VIH, quoi de neuf? 93% à 1 an et 84% à 3ans Bon contrôle immuno-virologique Interaction anticalcineurine-IP et NNTI Plus de rejet que dans la population générale mais idem D-R+ Muller E N Engl J Med 2015, 12;372(7):613-20. 84% à 1 et 3ans HTLV-1/2 • Human T-cell lymphotrophic Virus 1 (HTLV-1) : rétrovirus delta. • Prévalence: – Endémique aux caraïbes, en Afrique du Sud, de l’Ouest, en Asie et en Océanie. – Problème sur le risque de transmission : évalué dans des pays de faible prévalence (USA : 0.035– 0.046%, France: 0.047–0.067% des donneurs de sang infectés avec HTLV1/2) • Pathogénie HTLV-1: – Leucémie aiguë T / lymphome chez 2–5% des individus infectés avec HTLV-1. – Myélopathie/Paraparésie spastique tropicale • Pathogénie de HTLV-2 incertaine Kaul, American Journal of Transplantation 2010; 10: 207–213 HTLV-1/2 • Pas de traitement +++ • Tests diagnostiques : – ELISA (EIA) qui ne distingue pas entre HTLV-1/2. – Sensible mais pas spécifique: 3% -27% des donneurs positifs en sérologie sont réellement infectés. • Recommandations – Aux USA : Pas de sérologie HTLV-1/2 chez le donneur (“Option raisonnable”, car prévalence faible, test peu spécifique, bon pronostic des receveurs). – En France : poursuite de la sérologie. Kaul, American Journal of Transplantation 2010; 10: 207–213 Ramanan, Am J Transplant 2014 Oct;14(10):2417-21. La tuberculose active • 0.35–6.6% des receveurs d’organes développent une tuberculose (Europe et USA) • 4% de ces tuberculoses sont transmises par le donneur • Pas de test diagnostique pour la dépister de façon fiable chez les donneurs • Contre-indication repose sur un tryptique: – Sujet à risque – Clinique – Examen direct, culture, IGRA (Quantiféron et ELISPOT) IGRA: Interféron-γ release assay Morris, American Journal of Transplantation 2012; 12: 2288–2300 La tuberculose, donneurs à risque Social Précarité de logement Incarcération Contage tuberculeux Médical Naissance zone d’endémie TB non traitée Diabète, tabac, OH Incidence en 2009 Morris, American Journal of Transplantation 2012; 12: 2288–2300 La tuberculose chez le donneur décédé Detecter TB latente ou active méconnue Évaluation du risque + IGRA TB ancienne ou active Imagerie Pas d’image suspecte Traitement adéquat Image suspecte d’une TB ancienne Prélevement pour direct/culture/bio mol 1er résultats - Risque faible Résultats + Risque fort Exclusion du donneur recommandée Consentement du receveur, prévoir prophylaxie/traitement/suivi Greffe acceptée Greffe acceptée Récupérer les cultures Morris, American Journal of Transplantation 2012; 12: 2288–2300 IGRA: Quantiféron Prophylaxis: Isoniazide La tuberculose en cas de donneur vivant Histoire clinique, épidémiologie, RP ou imagerie de l’organe , IDR ou IGRA Risque faible IDR/IGRA- Risque élevé IDR/IGRA+ Tuberculose latente TB active Tuberculose ancienne non traitée ou de manière inadaptée Prophylaxie complète / partielle Prélèvements pour culture/direct/bio mol Transplantation Morris, American Journal of Transplantation 2012; 12: 2288–2300 Transplantation après traitement complet TST: IDR; LTBI: latent TB Prophylaxis: Isoniazide Autres infections – Hépatite B Hépatite C Infection bactériennes standards Syphilis Infections fongiques Toxoplasmose Les infections virales : VHB Expérience en Thaïlande, Bangkok, - Donneurs avec un antigène Hbs positif SANS virémie à VHB - 43 receveurs de rein : - Ag HBs NÉGATIF à la greffe. - Ac anti-HBs > 100 mUI/mL à la greffe (23 sous lamivudine, 20 sans traitement) Résultats • Aucun n’a dévelopé d’Ag HbS, d’Ac anti-Hbc, Ag Hbe, ADN HBV, de cytolyse hépatique. • Même survie de greffon/patient que le groupe contrôle. Chancharoenthana, Am J Transplant 2014; 14: 2814–2820 Les infections virales : VHB Donneur Ag Hbs-/Ac anti-Hbs+/Ac anti-Hbc + : infection ancienne guérie – Greffe si receveur immunisé : Ac anti-Hbs > 100 mUI/mL – Maintien du taux d’Ac anti-Hbs > 100 mUI/mL : • vaccination • sérothérapie – Traitement si Ac anti-Hbs < 100 mUI/mL Arrêté ministériel du 19 septembre 2011 Les infections virales : VHB Donneur Ag Hbs-/Ac anti-Hbs-/Ac anti-Hbc + : infection ancienne non immunisé – Greffe si receveur immunisé : Ac anti-Hbs > 100 mUI/mL – Maintien du taux d’Ac anti-Hbs > 100 mUI/mL • vaccination • sérothérapie – 12 mois de traitement systématique – Poursuite /reprise du traitement si Ac anti-Hbs < 100 mUI/mL Arrêté ministériel du 19 septembre 2011 Les infections virales : VHB • Avant la greffe : – Vaccination + contrôle de l’immunisation – Information + consentement • Après la greffe : – Sérologie + PCR : tous les 3 mois la première année, puis 1 fois par an – Transaminases : au moins deux fois par an • Traitements : – Ig IVHEBEX 10000 UI / 6 semaines. – Ténofovir, entécavir, lamivudine. Les infections virales : VHC • Donneur décédé : – Séropositif : greffe autorisée uniquement pour les receveurs virémiques – ARN du donneur non pris en compte. • Donneurs vivants : – Séropositif mais avec ARN négatif : greffe autorisée pour tous les receveurs – Séropositif avec ARN positif : greffe uniquement pour les receveurs virémiques Arrêté du 13 février 2012 pris en application de l’article R. 1211-21 relatif aux conditions d’utilisation d’organes ou de cellules provenant de donneurs porteurs de marqueurs du virus de l’hépatite C (http://www.juridique-biomedecine.fr/chronologie.html) Les infections virales: EBV (Epstein-Barr virus) • 90% population mondiale • L’infection à EBV en post-greffe est associée à: – Plus d’infections opportunistes (hazard ratio [HR], 3.03; 95% confidence interval [CI], 1.72–8.29; p = 0.01). – Plus de perte de greffon (HR, 3.04; 95% CI, 1.36–6.79; p = 0.014) • Risque de PTLD – Greffe pédiatrique, Greffe multiple/intestinale (31%), Poumon (3.8– 11.7%), Foie (6.8–13.1%), Rein (1.2–9%) – D+R- pour l’EBV – Type d’immunosuppression (ATG+, Belatacept+, MMF-) – Primo-infection à EBV post-greffe Heslop, Blood. 2009;114:4002-4008 Lim WH, Nephrology (Carlton). 2006 Aug;11(4):355-66. Caillard, American Journal of Transplantation 2012, 12: 682-93 Les infections virales: EBV (Epstein-Barr virus) • Recommandations – Surveillance PCR EBV chez les D+R- fréquente la 1ère année puis/an – Si PCR : Baisser l’immunosuppression Stratégie qui n’a pas formellement démontré son efficacité dans la prévention du PTLD • IgIV non concluant, vaccins en cours d’étude, Rituximab et immunothérapie adoptive en preemtpif incertain) Goodman L, Zheng 2009; 28: 1233–1235. Rees L, Transplantation 2009; 88: 1025–1029. Les infections bactériennes: épidémiologie chez les donneurs en France Hémoculture: • 11% des donneurs ont au moins une hémoculture positive avec une bactérie (297/2674) ECBU: • 18.2% des donneurs ont au moins un ECBU positif avec une bactérie (487/2674) Liquide de conservation: • 22.5-28.2% des liquides sont positifs • 86-92% de bactéries Les infections bactériennes : bactériémie, méningite, pneumonie, infection urinaire • Pas de recommandations nationales (peu de données) • En cas d’infection chez les donneurs, il est raisonnable d’utiliser les organes, sous réserve: – Que l’infection soit en cours de guérison (?) – De poursuivre le traitement chez le receveur (durée ?) – D’une information donnée au receveur – D’un suivi microbiologique chez le receveur • Liquide de conservation positif pour un agent bactérien : pas de traitement Fishman, Clinical Infectious Diseases 2012;55(5):720–7 Les infections bactériennes : Bactériémie, méningite, pneumonie, infection urinaire Données à prendre en compte pour le choix: • Urgence de la transplantation (sans aucun doute si super urgence pour faillite d’abord) • Données microbiologiques et des possibilités de traitement (non si Entérocoque vanco-R) • Disponibilité d’alternatives (ex. du HAP) Fishman, Clinical Infectious Diseases 2012;55(5):720–7 Les infections bactériennes : la syphilis • RARE chez les donneurs ( 0.15%) • TRANSMISSION en post-transplantation : Rare – 3 cas documentés dans la littérature sans preuve formelle de transmission directe par le donneur. • Test obligatoire en France chez les donneurs : TPHA-VRDL • Sérologie positive chez le donneur traitement du receveur: – TPHA+VDRL- Σ latente ou tardive : 2.4 MU de benzathine pénicilline /semaine pdt 3 semaines – TPHA+VDRL+ Σ précoce : 2.4 MU de benzathine pénicilline Σ tardive cf. – Certains proposent 18M UI peniciline G pendant 10 jours Marek, Sexually Transmitted Diseases 2012 ; 39: 485-486 Les infections fongiques : Epidémiologie des infections chez le donneurs en France Hémoculture: • 1% des donneurs ont au moins une hémoculture positive avec un agent fongique (20/2071) ECBU: • 3.2% des donneurs ont au moins une ECBU positif avec un agent fongique (66/2071) Liquide de conservation: • 22.5-28.2% des liquides sont positifs • 8-14% d’agents fongiques (Candida) Les infections fongiques : Infection à Candida et greffe rénale • Fréquence des infections transmises par le donneur: 1/1000 en transplantation rénale • Provenance : liquide de conservation, très rarement de candidémie chez le donneur. • Brèche péritonéale identifiée chez 58% des donneurs. • Principale complication: anévrysme mycotique et rupture vasculaire chez le receveur. Singh, American Journal of Transplantation 2012; 12: 2414–2428 Anévrysme mycotique à Candida Taksin, Progrès en Urologie 2009, 19: 149–152 Les infections fongiques : conduite à tenir • Liquide de conservation positif pour Candida ou brèche digestive : – Traitement préemptif par fluconazole 15 jours, en l’absence de traitement antérieur du donneur par des azolés. – Surveillance biologique. – Angioscanners rapprochés centrés sur l’anastomose artérielle. • En cas d’anévrysme mycotique : – Transplantectomie en urgence. Prévention de la transmission de bactéries ou d’agents fongiques aux receveurs d’organes – Recommandations Professionnelles – 2008 – Agence de Biomédecine Les infections fongiques Experience Française partagée 14 Patients Transplantés Rénaux rapportés dans la littérature avec une contamination à Candida (liquide de conservation) • 6 gréffés rénaux avec une infection à Candida sur l’artère du greffon • 8 gréffés rénaux indemmnes • Fluconazole ++ • 2 morts (hémorragies) • 4 Néphrectomies • 0 morts • 0 Néphrectomies Laouad I, Transplant Proc 2005; 37: 2834–2836 Mai, Transplantation 2006; 82: 1163–1167. Matignon, AJT 2007; 7: 1–4 Toxoplasmose : Toxoplasma gondii • Prévalence dans la population générale autour de 50% dans certains pays Toxoplasmose en greffe rénale • Evénement rare : 42 cas décrits de toxoplasmose posttransplantation dans la littérature dont 20 primo-infections (37.8 ± 13.8 ans, 13% des donneurs séronégatifs) • Diagnostic : • Sérologie (apparition d’IgM chez R- associée à signes cliniques compatibles), • Anatomo-pathologie (coloration au Giemsa) • dans les biopsies : faible sensibilité • dans la moelle osseuse ou le LBA (rapide et simple). • PCR : Amplification du gène B1 de T. gondii (sang, moelle osseuse, LBA, et tissus chez les patients VIH) Martina, Transplant International 2010 24 (2011) e6–e12 Gourishankar, Transplantation 2008; 85: 980 Toxoplasmose en greffe rénale • Prévention : – Screening sérologique des donneurs et receveurs – Prophylaxie des D+R- (mauvais pronostic des infections précoces) • Triméthoprime – Sulfaméthoxazole • Alternative : pyriméthamine • Durée: 6 mois. MERCI DE VOTRE ATTENTION Hannah Kaminski CHU Bordeaux Le 20/3/2015 CJN « Quand le rein vous rend septique »