Documenta Math. 413
Irr´
egularit´
e et Conducteur de Swan p-adiques
Adriano Marmora
Received: July 6, 2004
Communicated by Takeshi Saito
Abstract. Let Vbe a de-Rham representation of the Galois group of
a local field of mixed characteristic (0, p). We relate the Swan conduc-
tor of the associated Weil-Deligne representation to the irregularity of
the corresponding p-adic differential equation.
2000 Mathematics Subject Classification: 11F80,11F85,11S15,12H25
Keywords and Phrases: p-adic representation, de-Rham representa-
tion, Swan conductor, p-adic differential equation, p-adic irregularity.
1 Introduction
Soient Kun corps de valuation discr`ete complet de caract´eristique 0, de corps
r´esiduel kparfait de caract´eristique p > 0, et Kune clˆoture alg´ebrique de
K. On note GKle groupe de Galois de K/K et IKle sous-groupe d’inertie.
Fontaine a d´efini une hi´erarchie sur les repr´esentations p-adiques de GK(i.e.
les Qp-espaces vectoriels de dimension finie munis d’une action continue de
GK) : repr´esentations de de Rham rep. semi-stables rep. cristallines.
Le th´eor`eme de monodromie p-adique affirme que toute repr´esentation de
de Rham est potentiellement semi-stable, i.e. sa restriction `a un sous-groupe
ouvert de GKest semi-stable. Le but de cet article est l’´etude d’invariants
num´eriques qui mesurent le d´efaut de semi-stabilit´e de repr´esentations poten-
tiellement semi-stables. Une telle repr´esentation est enti`erement d´ecrite par
son module de Weil-Deligne Dpst(V). Celui-ci est muni d’une action de GK
dont la restriction `a l’inertie se factorise par un quotient fini. Fontaine [10]
d´efinit les conducteurs de Swan et d’Artin de V, not´es respectivement sw(V)
et ar(V), comme ´etant les conducteurs de Swan et d’Artin de Dpst(V). Dans
un travail r´ecent [3], Berger associe `a toute repr´esentation de de Rham Vune
´equation diff´erentielle p-adique NdR(V) munie d’une structure de Frobenius.
`
A une ´equation diff´erentielle p-adique Mmunie d’une structure de Frobenius,
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Christol et Mebkhout [7] associent un invariant entier irr(M), l’irr´egularit´e de
M.
Pour tout nN, soient µnle groupe des racines pn-i`emes de l’unit´e dans K
et Kn=K(µn). Pour une repr´esentation p-adique Vde GK, on note Vnsa
restriction au sous-groupe Gal(K/Kn). Le r´esultat principal de cet article est
le suivant.
Th´
eor`
eme 1.1.Pour toute repr´esentation de de Rham Vde GK, on a
irr(NdR(V)) = lim
n+sw(Vn).
Le th´eor`eme 1.1 est l’analogue en caract´eristique z´ero d’un th´eor`eme de Tsuzuki
en caract´eristique p > 0. Soit Eun corps de valuation discr`ete complet, de
caract´eristique pet de corps r´esiduel parfait. Dans [22], Tsuzuki montre que
la cat´egorie des repr´esentations p-adiques de GE= Gal(Esep/E) dont l’inertie
agit par un quotient fini (monodromie finie), est ´equivalente `a la cat´egorie des
ϕ--modules ´etales sur un corps valu´e E(E) de caract´eristique 0, d’anneau
d’entiers hens´elien et de corps r´esiduel E(voir §4.3 pour la d´efinition). Puis
dans [23], il d´emontre l’´egalit´e entre le conducteur de Swan de la restriction `a
l’inertie d’une telle repr´esentation et l’irr´egularit´e du -module correspondent.
Dans la d´emonstration de 1.1, on se ram`ene, par la th´eorie du corps des normes,
au cas d’un corps de valuation discr`ete complet d’´egale caract´eristique p > 0.
Cependant, on ne peut pas appliquer directement le r´esultat de Tsuzuki, car
dans notre cas, l’action de l’inertie ne se factorise pas par un quotient fini.
La strat´egie de la d´emonstration consiste `a d´ecrire la repr´esentation de Weil-
Deligne en termes de l’´equation diff´erentielle de Berger, puis de reprendre une
partie de la preuve de Tsuzuki (l’induction de Brauer). Comme corollaires du
th´eor`eme 1.1, on en d´eduit un r´esultat analogue pour le conducteur d’Artin
(cf. 5.7) et l’´egalit´e entre un polygone de Newton de pentes p-adiques et une
limite de polygones de Newton de pentes de Swan (cf. 5.9).
Quand cet article a ´et´e ej`a achev´e, l’auteur a re¸cu une pr´epublication
de P.Colmez [6] dont le r´esultat principal est une formule pour sw(V) en
termes d’une filtration sur DdR(V). Les deux travaux sont ind´ependants et
les m´ethodes utilis´ees semblent diff´erentes.
Cet article est une partie de la th`ese de doctorat en math´ematique que je
pr´epare `a l’universit´e de Paris 13, sous la direction d’Ahmed Abbes. Je tiens
ici `a le remercier pour son soutien constant tout le long de ce travail et ses
lectures attentives des versions pr´eliminaires de ce texte. Je remercie ´egalement
le referee qui, par ses remarques, a am´elior´e ce manuscrit.
Notations
Soient kun corps parfait de caract´eristique p > 0, W= W(k) (resp. Wn=
Wn(k)) l’anneau des vecteurs de Witt infinis (resp. de longueur n1) et
Ka= Fr Wle corps des fractions de W. On note | · | la valeur absolue de Ka
normalis´ee par |p|=p1et σl’endomorphisme de Frobenius agissant sur k,
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Wn,Wet Ka. On fixe une extension finie K/Katotalement ramifi´ee et une
clˆoture alg´ebrique Kde K. On note OKla clˆoture inegrale de OKdans K,k
son corps r´esiduel, OCle compl´et´e p-adique de OKet C = Fr OC. Pour toute
extension finie Lde Ka, contenue dans K, on note OLson anneau d’entiers, kL
son corps r´esiduel et La= Fr W(kL). Pour tout nN, soient µnle groupe des
racines pn-i`emes de l’unit´e dans Ket Ln=L(µn). On note Lla r´eunion des
Ln, pour nN, HL= Gal(K/L) et ΓL= Gal(L/L). Soit χ: GKZ
ple
caract`ere cyclotomique. Une repr´esentation galoisienne p-adique (ou une Qp-
repr´esentation galoisienne) est un Qp-espace vectoriel de dimension finie, muni
d’une action lin´eaire et continue de GK. On note RepQp(GK) la cat´egorie des
Qp-repr´esentations de GK.
2 Conducteurs
On note Bcris et Bst = Bcris[X] les anneaux des p´eriodes de Fontaine associ´es `a
K(cf. [12]). Soient N: Bst Bst la Bcris-d´erivation qui envoie Xsur 1 et ϕ
le Frobenius agissant sur Bcris et Bst. Cettes applications v´erifient Nϕ =N.
Ces anneaux sont munis d’une action continue de GKacommutante avec ϕet
N. Soit L/Kaune extension finie contenue dans K. On note GL= Gal(K/L).
On rappelle que BGL
st = BGL
cris =La(cf. [13, 5.1.2] et [12, 4.2.5]).
Pour tout VRepQp(GK), Fontaine d´efinit Dcris(V) = (Bcris QpV)GKet
Dst(V) = (Bst QpV)GK. Ce sont des Ka-espaces vectoriels de dimensions
inf´erieures o`u ´egales `a la dimension de Vsur Qp. Le Frobenius de Bcris induit
un endomorphisme σ-semi-lin´eaire ϕ: Dcris(V)Dcris(V), appel´e Frobenius.
L’espace Dst(V) est muni d’un Frobenius ϕet d’un endomorphisme Ka-lin´eaire
N, v´erifiant Nϕ =N. On rappelle que Vest dite cristalline (resp. semi-
stable) si dimKaDcris(V) = dimQpV(resp. dimKaDst(V) = dimQpV). Elle est
dite potentiellement cristalline (resp. potentiellement semi-stable) s’il existe
une extension finie K0/K telle que la restriction de V`a GK0est cristalline
(resp. semi-stable). On note Ple corps KKaFr W(k). C’est le compl´et´e p-
adique de l’extension maximale non-ramifi´ee Knr de Kdans K. Le groupe
d’inertie absolu de Kest canoniquement isomorphe `a GP, le groupe de Ga-
lois absolu de P. Dans la suite, pour tout VRepQp(GK), on consid`ere la
restriction de V`a IKcomme une repr´esentation p-adique de GP. Par [12,
5.1.5], une repr´esentation Vest cristalline (resp. potentiellement cristalline,
resp. semi-stable, resp. potentiellement semi-stable) si et seulement si sa res-
triction `a IKest cristalline (resp. potentiellement cristalline, resp. semi-stable,
resp. potentiellement semi-stable).
Soit Vune repr´esentation p-adique potentiellement semi-stable de dimension
n. Fontaine d´efinit Dpst(V) = lim
G0GK(Bst QpV)G0, o`u la limite est prise
sur les sous-groupes ouverts G0de GK(cf. [13, 5.6.4]). C’est un Knr
a-espace
vectoriel de dimension n, muni d’une action semi-lin´eaire de GK. Si L/K est
une extension galoisienne finie telle que Vest semi-stable comme repr´esentation
de GL, alors (Bst QpV)GLest un La-espace vectoriel de dimension net l’action
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de GKse factorise par Gal(L/K). On a un isomorphisme de repr´esentations
Dpst(V)
=Knr
aLa(Bst QpV)GL. Par cons´equent la restriction Dpst(V)|IK
est une repr´esentation lin´eaire de IKqui se factorise `a travers le sous-groupe
d’inertie de Gal(L/K).
D´
efinition 2.1.[10, 7.4.7] Soit Vune repr´esentation p-adique potentiellement
semi-stable. Les conducteurs de Swan et d’Artin de Dpst(V)|IKsont aussi ap-
pel´es conducteur de Swan et d’Artin de Vet not´es respectivement sw(V)et
ar(V).
Si GKagit par un quotient fini Gal(L/K) sur V, alors Dpst(V) = Knr
aQp
Vet sw(V) et ar(V) co¨ıncident avec sw(Gal(L/K), V ) et ar(Gal(L/K), V )
respectivement.
Pour une repr´esentation Vpotentiellement semi-stable, on consid`ere aussi la
variante
arcris(V) = ar(V) + dimKaDst(V)dimKaDcris(V).
3 Th´
eorie de Hodge p-adique et (ϕ, Γ)-modules
3.1 Les anneaux
On pose OE= lim
nN(WnJTK[1
T]), qui est aussi la compl´etion p-adique de
WJTK[1
T]. C’est un anneau de valuation discr`ete, complet, de caract´eristique 0,
absolument non ramifi´e, de corps r´esiduel k((T)). Son corps de fractions OE[1/p]
est canoniquement isomorphe `a
E=(+
X
n=−∞
anTn¯¯¯¯anKa,(an)nZborn´ee et lim
n→−∞ |an|= 0).
On pose
E=(+
X
n=−∞
anTn E ¯¯¯¯0< ρ < 1 v´erifiant lim
n→−∞ |an|ρn= 0),
l’anneau des s´eries dans Equi convergent sur une couronne
{xC|ρ≤ |x|C<1}pour un r´eel 0 < ρ < 1. Pour tout s∈ E, on
note v1(s) = infnZvKa(an) la valuation de Gauss. On rappelle que cette
valuation sur Eest discr`ete et que l’anneau de valuation OEest hens´elien,
de corps r´esiduel k((T))(cf.[16, §2]).
On note aussi σl’endomorphisme x7→ xpde OK/pOK. Soit R(cf. [11, §A3.1.1])
la limite projective du syst`eme
··· σ
→ OK/pOK
σ
→ OK/pOK
σ
→ OK/pOK
σ
→ OK/pOK.
C’est une k-alg`ebre int`egre, parfaite de caract´eristique p. On dispose de
la description suivante : R
={(x(n))nN|x(n)∈ OC,(x(n+1))p=x(n)},
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o`u, `a droite, la multiplication est donn´ee composante par composante et la
somme par la formule (x+y)(n)= limm+(x(n+m)+y(n+m))pm
. L’anneau
Rest complet pour la valuation (non-disc`ete) d´efinie, pour tout xR, par
vR(x) = vC(x(0)), o`u vCest la valuation de C normalis´ee par vC(p) = 1.
Le corps Fr Rest alg´ebriquement clos (cf. [11, A3.1.6]). On rappelle que
W(R)
=lim
nNWn(OK/pOK), o`u les applications de transition sont la com-
position des morphismes de troncation et du Frobenius σde OK/pOK. C’est
une W(k)-alg`ebre. Le groupe GKaagit par fonctorialit´e sur W(R) et W(Fr R).
On appelle ϕle Frobenius de W(R) (resp. W(Fr R)). On fixe une fois pour
toutes un ´el´ement εRtel que ε(0) = 1 et ε(1) 6= 1. Pour tout xdans R, on
note [x] son rel`evement de Teichm¨uller dans W(R).
On v´erifie facilement que ((ε(n),0,...,0) 1)pn
= 0 dans Wn(OK/pOK).
On en d´eduit, pour tout nN, un morphisme continu W[T]/T pn
Wn(OK/pOK), qui envoie Tsur (ε(n),0,...,0) 1 et wWsur σn(w).
D’o`u un morphisme continu de W-alg`ebres WJTKW(R), qui envoie T
dans [ε]1. Comme [ε]1 est inversible dans W(Fr R), on obtient un ho-
momorphisme continu de W-alg`ebres WJTK[1
T]W(Fr R), qui se factorise
par compl´etion p-adique en
WJTK[1
T]//
µr
$$
H
H
H
H
H
H
H
H
H
W(Fr R)
OE
i
;;
v
v
v
v
v
v
v
v
v
L’homomorphisme iest injectif car i(p)6= 0. En inversant p, on obtient i:E →
Fr W(Fr R).
Lemme 3.1.[11, A3.2.2] Les anneaux i(E)et i(E)ne d´ependent pas du choix
de ε. Ils sont stables par les actions de GKaet du Frobenius ϕsur W(Fr R).
Les actions induites de GKaet de ϕsur Eet Esont donn´ees par
gGKa, g(T) = (T+ 1)χ(g)1, ϕ(T) = (T+ 1)p1.
L’action de GKase factorise par ΓKa.
On rappelle bri`evement la construction du corps des normes (cf. [25, §2.2]).
L’extension maximale mod´er´ement ramifi´ee de Kdans Kest finie. Soit
n1le plus petit entier tel que K/Kn1soit totalement sauvagement ra-
mifi´ee. On choisit une uniformisante ude Kn1. Pour tout nn1, le Frobe-
nius de OKn+1 /uOKn+1 se factorise `a travers OKn/uOKn⊂ OKn+1 /uOKn+1 .
Soit λn:OKn+1 /uOKn+1 → OKn/uOKnle morphisme ainsi d´efini. On pose
OEK= lim
nNOKn/uOKn, o`u les applications de transitions sont les λn. C’est
un anneau de valuation discr`ete, complet, de corps r´esiduel canoniquement iso-
morphe au corps r´esiduel de K, qui est une extension finie k0de k. Il ne
d´epend pas du choix de u. Soit EK= Fr OEK. Par fonctorialit´e de la construc-
tion, on associe `a Kune clˆoture s´eparable Esep
Kde EKet Gal(Esep
K/EK) est
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