
REVUE MÉDICALE SUISSE
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18 mai 2016
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fonctionnellement reliés à BRCA1/2 procurent un risque in-
termédiaire (CHEK2, ATM et PALB2).
Risque de cancer
Une méta-analyse de 22 études avec 8139 patients atteints
d’un cancer mammaire ou ovarien a démontré que les per-
sonnes porteuses d’une mutation du gène BRCA1 ont un
risque cumulatif de 65 % (35-83 %) de développer un cancer du
sein jusqu’à l’âge de 70 ans, alors qu’il est de 45 % (41-86 %)
pour les mutations de BRCA2. Le risque cumulatif du cancer
ovarien est de 39 et 11 % respectivement.1 L’âge, le genre, l’his-
toire familiale, l’origine ethnique ou l’environnement de vie
peuvent également influencer la survenue.
Les patientes avec une mutation BRCA1 développent dans
plus de deux tiers des cas des cancers hormonorésistants, ne
surexprimant pas la protéine HER2, appelés triple-négatifs.
Par contre, lors de mutation BRCA2, la maladie est le plus
souvent hormonosensible, comme celle de la population
géné rale.
Outres les cancers du sein et des ovaires / trompes de Fallope
chez la femme, les mutations BRCA1/2 augmentent égale-
ment le risque d’autres cancers. Plus de 14 % d’hommes avec
un cancer du sein présentent une mutation BRCA2. Ceux
avec une mutation BRCA2 ont cinq à neuf fois plus de cancer
de la prostate à l’âge de 65 ans que la population générale. Une
augmentation du risque des cancers pancréatiques, colorec-
taux, gastriques, biliaires et du mélanome a été également
observée.
Dépistage des mutations
La personne qui souhaite un avis oncogénétique bénéficie
d’une première consultation en génétique médicale pour dis-
cuter l’indication et les implications du séquençage. Le risque
de trouver une mutation est alors évalué chez la personne
selon son âge, ses origines, son genre, son anamnèse person-
nelle et familiale ainsi que la biologie de son cancer. Si l’indi-
cation est retenue, un échantillon sanguin est alors prélevé et
le résultat est disponible après quelques semaines, à moins
qu’une analyse urgente ne soit demandée. La patiente est re-
vue pour le résultat et si elle y est favorable, celui-ci est com-
muniqué aux autres professionnels impliqués dans sa prise en
charge. A noter que toute variation de séquence ne correspond
pas forcément à une mutation génétique pathogène condui-
sant au cancer. Il peut s’agir d’un polymorphisme sans impli-
cation fonctionnelle ou de variantes de signification encore
indéterminée. C’est pourquoi, les résultats du séquençage
doivent être interprétés par le généticien médical.
DU RISQUE À LA SURVEILLANCE ACTIVE
Le dépistage du cancer du sein est habituellement effectué
par mammographie et cible les femmes entre 50 et 69 ans, âge
où l’incidence est la plus élevée. Les femmes avec mutation
BRCA1/2 développent leur cancer à un âge plus jeune, soit dès
25-30 ans (médiane entre 40 et 50 ans). Une étude canadienne
a suivi des femmes de 26 à 65 ans avec mutation BRCA1/2 par
examen clinique, mammographie, échographie et imagerie par
résonance magnétique (IRM). Alors que la spécificité de cha-
cun de ces examens était de plus de 95 %, leur sensibilité s’est
avérée bien plus modeste, soit 9,1, 36, 33 et 77 %, respective-
ment. L’association de toutes ces modalités permettait par
contre d’atteindre une sensibilité de 95 %.6 Chez les femmes
porteuses d’une mutation BRCA1/2, l’IRM augmente le nom-
bre de cancers découverts à des stades précoces, tout en rédui-
sant le taux des cancers de stades plus avancés.7 Les experts
recommandent donc actuellement une imagerie annuelle par
IRM dès l’âge de 25 ans, associée dès 30-35 ans à la mammo-
graphie et à l’échographie mammaire.
DE LA SURVEILLANCE À LA DIMINUTION DE RISQUE
Vu le risque particulièrement élevé de développer un cancer
du sein chez les femmes porteuses de mutation BRCA1/2, la
mastectomie bilatérale représente une alternative à la surveil-
lance en prévention primaire ou après un cancer du sein. Di-
minuant l’incidence du cancer du sein de 95 %, elle est la stra-
tégie la plus efficace pour la réduction du risque.8 Une étude
américaine a suivi 655 patientes avec mutation BRCA1/2 et
ayant été traitées pour un cancer par mastectomie versus une
chirurgie conservatrice du sein. En cas de traitement conser-
vateur, les taux de rechute ipsilatérale et de développement
de cancer du sein controlatéral étaient respectivement de 30
et 55 % à vingt ans.9 Le risque est d’autant plus élevé que la
femme est jeune. Chez les patientes ayant déjà présenté un
cancer du sein, il faudra aussi tenir compte du risque de re-
chute systémique du cancer initial, lors de la décision de la
chirurgie prophylactique bilatérale.
La décision quant à une mastectomie bilatérale n’est pas aisée.
Une étude rétrospective analysant les effets psychologiques
chez 572 femmes avec une histoire familiale de cancer du sein
a montré que 19 % d’entre elles n’étaient pas satisfaites.10
Néanmoins, cette intervention chirurgicale avait permis de
diminuer l’inquiétude liée au cancer chez 74 % des femmes,
70 % étaient satisfaites de leur décision et 80 % avaient une
diminution ou une stabilité du taux de stress après l’opéra-
tion. Concernant l’apparence physique, 36 % ont ressenti des
effets négatifs. La grande majorité des femmes semble avoir
très tôt un avis assez clair sur le choix en cas de mutation pa-
thogène et celui-ci semble rester stable après le résultat du
test. Les personnes les plus susceptibles d’opter pour la chi-
rurgie prophylactique sont les femmes ayant eu un antécé-
dent de cancer du sein, mères d’enfants jeunes et celles qui
anticipent une sensation de regrets en cas de cancer.11
Il est particulièrement important que les interventions pro-
phylactiques soient effectuées par des équipes expérimentées
et dans un cadre multidisciplinaire afin que la femme qui opte
pour cette option avec les inconvénients que cela comporte
ait les meilleures chances d’avoir une ablation glandulaire qui
soit optimale. On a pu observer encore récemment une fem me
qui rechutait en raison d’une chirurgie mammaire incomplète.
Sa sœur, qui avait opté pour la chirurgie prophylactique, a dû
subir un complément de mastectomie après la mise en évi-
dence de résidus glandulaires trop importants.
En raison du risque élevé de cancer de l’ovaire, une annexec-
tomie bilatérale est recommandée entre 35 et 40 ans, après
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