Classifications : sœurs et rivales. Enjeux pour la pédopsychiatrie

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L’Information psychiatrique 2013 ; 89 : 311–7
LES CLASSIFICATIONS
Classifications : sœurs et rivales.
Enjeux pour la pédopsychiatrie
Yvonne Coinçon
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017.
RÉSUMÉ
Les trois classifications, CFTMEA, CIM10 et DSM-IV, sont employées à divers titres par les pédopsychiatres. Leur
influence sur la pratique clinique et l’épidémiologie tient à des facteurs divers. Elles sont ici comparées par un bref rappel
historique, puis dans leurs modes d’élaboration afin d’attirer l’attention sur leur incidence sur la pratique et les recherches.
Le mode d’emploi de la CFTMEA R-2012, qui désormais compte un tableau de correspondance terme à terme avec la
CIM-10, est exposé. Clinique, recherche, épidémiologie et valorisation économique sont les quatre dimensions de leur
usage.
Mots clés : nosologie, CFTMEA, CIM, DSM, critère, diagnostic médical, épidémiologie, pédopsychiatrie, étude comparative
ABSTRACT
Classifications: sisters and rivals. Challenges for child psychiatry. The three classifications, CFTMEA (the French
Classification for Child and Adolescent Disorder), ICD-10 and DSM-V (formerly known as DSM-IV), are used in various
ways by child psychiatrists. Their influence on clinical practice and epidemiology is due to various factors. They are
compared here in a brief history, which describes their modes of development in order to attract attention to their impact on
practice and research. The CFTMEA R-2012 manual that now contains a term-by-term table and corresponds to CIM-10
is presented. Clinical, research, epidemiology and economic assessment are the four dimensions of their use.
Key words: nosology, CFTMEA, ICD, DSM, criteria, medical diagnosis, epidemiology, child psychiatry, comparative
study
RESUMEN
Clasificaciones : hermanas y rivales. Lo que está en juego para la pedopsiquiatría. Las tres clasificaciones CFTMEA,
CIM-10 y DSM-IV están empleadas de diverso modo por los pedopsiquiatras. Su influencia en la práctica clínica y la
epidemiología tiene que ver con diferentes factores. Están aquí comparadas en un breve repaso histórico, luego en sus
modos de elaboración con el fin de llamar la atención en su incidencia en la práctica y la investigación. Se presentan las
instrucciones de empleo de la CFTMEA R-2012, que en adelante cuenta con unas tablas de correspondencia término a
término con la CIM. Clínica, investigación, epidemiología y valorización económica son las cuatro dimensiones de su uso.
doi:10.1684/ipe.2013.1057
Palabras claves : nosología, CFTMEA, CIM, DSM, criterio, diagnóstico médico, epidemiología, pedopsiquiatría, estudio
comparativo
Praticien honoraire, Centre hospitalier Alpes-Isère, 3, rue de la Gare, 38521 Saint-Egrève, France
<[email protected]>
Tirés à part : Y. Coinçon
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 89, N◦ 4 - AVRIL 2013
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Pour citer cet article : Coinçon Y. Classifications : sœurs et rivales. Enjeux pour la pédopsychiatrie. L’Information psychiatrique 2013 ; 89 : 311-7 doi:10.1684/ipe.2013.1057
Y. Coinçon
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017.
Introduction
Le débat sur les classifications infiltre toute l’histoire de
la psychiatrie.
Tous les concepteurs de classifications ont eu à se déterminer sur les objectifs poursuivis et sur les critères des
« objets » à ordonner afin d’y parvenir. Les objets sont ici les
pathologies mentales, mais on retrouve les mêmes préoccupations pour la classification des plantes, des minéraux,
etc.
Dans la littérature sur ces questions, les classifications
doivent reposer sur les trois piliers que sont la fiabilité, la
validité et la sensibilité.
La fiabilité suppose que tous les utilisateurs aboutiront
avec elle, au même résultat d’identification, donc formuleront le même diagnostic ; la validité tient à ce que
chaque « objet » classé réponde à la description qui en
est faite, et la sensibilité doit permettre de discriminer
des « objets » proches mais dissemblables, en médecine,
c’est le diagnostic différentiel. Une classification des pathologies mentales doit donc répertorier des affections aux
contours suffisamment précisés, ordonnées suivant des critères d’inclusion et d’exclusion pour que des praticiens
distincts s’accordent sur un diagnostic, après avoir repéré
les différences avec des affections proches mais dissemblables.
À défaut d’une description assez précise et sans ambiguïté des affections en cause, les risques sont, d’une part,
d’avoir à faire le diagnostic d’une maladie indéfinissable
faute d’avoir accepté de débattre des hypothèses théoriques
sur sa nature et, d’autre part, de la réduire à une liste de
symptômes cibles du traitement, indépendamment des circonstances d’apparition et du patient concerné [13].
Quelle que soit la classification choisie, il importe que
la fiabilité et la validité des catégories diagnostiques soient
établies à partir d’études sur le terrain ; nous verrons que
ce n’est pas le cas pour la CIM et le DSM [6, 27].
Fragments d’histoire comparée
Ces dernières années, CFTMEA [5], DSM-IV [4] et
CIM-10 [5] ont alimenté les controverses et les polémiques
dans des comparaisons qui pourraient surprendre tant leurs
origines, leur époque de conception et leurs critères diffèrent. Elles ont bien sûr des points communs. Les deux
premières sont consacrées aux seules pathologies mentales,
la dernière compte un chapitre sur ces pathologies.
La CIM-10 est issue d’une longue histoire marquée dès
1890 par Jacques Bertillon, médecin et statisticien français,
dans une perspective épidémiologique mondiale, des maladies sources de mortalité. L’OMS s’inscrit dans les suites
et veillera à regrouper dans un seul chapitre les pathologies mentales jusque-là dispersées dans les autres. L’option
épidémiologique n’a pas toujours été la seule préoccupa-
312
tion [15]. La nomenclature, d’une part, et l’étiologie, d’une
autre, se sont tour à tour présentées comme des valeurs classantes. Mais les ambitions de santé publique dont l’OMS
a la charge les ont reléguées en arrière plan. Sa vocation
statistique implique qu’elle suive l’évolution des connaissances, non qu’elle constitue un élément de leur validité
comme critère d’éligibilité pour les publications internationales faute de quoi, elle ne fera que valider les standards
et toute nouvelle connaissance peinera à être diffusée.
La première version du DSM est publiée en 1952. Dès
la troisième version (DSM-III, 1980), les intentions ont été
de renforcer la fiabilité, appelée actuellement fidélité interjuge, dans une double perspective [21] à savoir crédibiliser
la psychiatrie comme discipline médicale bien qu’aucune
lésion organique connue, aucun marqueur biologique ou
d’imagerie ne soient retenus, et faciliter les échanges et
travaux des cliniciens et chercheurs. Il se pose comme un
outil pour poser un diagnostic libre de l’influence du praticien [18, 25], prouesse que même la médecine somatique
ne parvient pas à réaliser puisque le choix des examens
complémentaires et leur interprétation dépendent encore (?)
de lui. Pour ce faire, il donne pour chaque trouble, une liste
étendue de critères, simples, observables, donc situés au
niveau des comportements, dont l’effet est de rendre les
diagnostics non discriminants entre des manifestations dissemblables. La formulation de « spectre autistique » en est
la traduction. Cette extension répond peut-être à la demande
des familles de dé-stigmatiser mais nuit gravement à la qualité des soins vers laquelle chacun veut tendre en amenant à
grouper sous ce vocable des profils cliniques variés pourvu
qu’ils répondent aux critères d’inclusion au moins pour une
partie de leurs manifestations.
Il comporte un chapitre intitulé « Troubles habituellement diagnostiqués pendant la première enfance, la
deuxième enfance ou l’adolescence », qui révèle ce qu’il
affirme par ailleurs : « Proposer une section à part pour
les troubles dont le diagnostic est habituellement porté
pendant la première enfance ou la deuxième enfance ou
l’adolescence est un exercice de pure forme1 et n’est pas
censé suggérer qu’il existe une distinction claire entre les
troubles de l’enfant et les troubles de l’adulte » et plus loin :
« Pour la plupart des troubles du DSM-IV (mais pas pour
tous), un seul ensemble de critères s’applique aux enfants,
aux adolescents et aux adultes ». Ces précisions indiquent
que « le trouble » est une chose en soi, indifférente à l’âge,
le contexte personne, social, culturel.
Cette vision du trouble a des effets apaisants car il est au
centre du diagnostic, il est la seule cible du traitement, évacuant tout recours aux interrelations dialectiques de quelque
ordre que ce soit. Simplification extrême et séduisante à un
moment où la pression est très forte pour arriver à des soins
rapidement efficaces donc peu coûteux [14].
1
Souligné par l’auteur.
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 89, N◦ 4 - AVRIL 2013
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Classifications : sœurs et rivales. Enjeux pour la pédopsychiatrie
Enfin, il se réclame de l’athéorisme [8], affirmation
paradoxale : sa théorie est de pouvoir se passer de toute
théorie.
La CTMEA dans sa première version est publiée en
1988. Elle met l’accent sur la clinique psychodynamique,
à visée mutative et une approche pluridimensionnelle
incluant les données organiques et le contexte environnemental du patient.
L’ambition d’universalité est manifeste et assumée pour
la CIM-10 et le DSM, tentative d’harmoniser grâce à un langage commun, sorte d’espéranto des psychiatres du monde
entier, les statistiques épidémiologiques et par voie de
conséquence les travaux de recherche sur les pathologies
mentales considérées comme un fléau de santé publique
[18].
À l’origine, aucune des trois ne se veut un outil diagnostique [8]. Celui-ci précède la mise en ordre classificatoire.
C’est une démarche intellectuelle qui permet de comparer
les éléments recueillis au cours de l’examen à la description des maladies, modèles qui servaient autrefois de base
à la formation théorique et d’étalon pour juger de la qualité des épreuves aux examens et concours des médecins
[13].
Pourtant, dès le DSM-III et la CIM-9, ces classifications
deviennent des instruments pour le diagnostic et une base
pour l’enseignement de la psychiatrie.
Toutes deux sont élaborées par consensus, au terme
de débats organisés autour de l’inventaire des signes à
retenir, plus ou moins influencés par des pressions. C’est
ainsi que sous la pression des associations d’homosexuels,
l’homosexualité est sortie du glossaire. Actuellement, des
voix se font entendre pour sortir le syndrome d’Asperger.
Que l’une ou l’autre soit un mode existentiel comme
l’affirment leurs représentants n’est pas le propos de cet
article. Ce qui est souligné, c’est la procédure pour décider de la constitution du glossaire. L’accepter ou le refuser
ne peut reposer que sur une connaissance de ses modalités de constitution. Dans les révisons en cours du DSM-IV
et de la CIM-10, c’est le terme de « psychose » qui est
mis en débat en raison de la stigmatisation qui lui est liée
et de l’imprécision de sa définition. Mais la stigmatisation
est-elle due au nom ou à d’autres caractéristiques de la personne, de son rapport aux autres, du rapport de chacun à la
différence ?
Aucuns travaux qui permettraient d’apprécier les critères
de fiabilité, validité et sensibilité ne viennent soutenir leur
élaboration.
Afin que le consensus persiste, elles sont soumises à des
révisions périodiques plus ou moins régulières [28].
La CFTMEA se distingue des deux autres sur plusieurs
points.
Centrée sur la pédopsychiatrie, elle est la seule à affirmer
la spécificité de la psychopathologie infantile, intimement
liée à cette période de la vie, où le développement, les
caractéristiques individuelles et le contexte environnemen-
tal revêtent une importance particulière. Loin d’être une
préfiguration de ce que sera la psychopathologie de l’adulte
qu’il deviendra.
Considérant qu’aucune classification ne peut s’établir
sans avoir choisi des critères, elle affiche son point de vue
théorique, à savoir la dimension psychopathologique des
maladies mentales, sans ignorer les facteurs somatiques et
d’environnement qui conditionnent son expression.
Considérant également, que toute classification reflète
peu ou prou, l’état du savoir à une période donnée, ses
concepteurs sont restés attentifs aux recherches scientifiques et sociologiques.
Elle a été élaborée par des cliniciens [24], procédant dans
un premier temps au repérage d’un ensemble de critères de
fonctionnement de la personne, de son comportement, de
son psychisme pour décrire les pathologies à partir de leurs
signes les plus discriminants, car c’est une des problématiques à résoudre pour toute tentative nosographique que
de différencier les anomalies entre elles et le normal du
pathologique. C’est sur cette base que chacune est définie,
sans référence à l’étiopathogénie de tous ordres, sachant
que si les théories du fonctionnement psychique et en particulier les fondements de la psychanalyse permettent l’étude
des relations interpersonnelles [12], à soi et au monde, le
développement des neurosciences ouvrait des perspectives
pour la compréhension de la physiopathologie. En effet, la
différence est majeure avec nombre de pathologies somatiques dont le processus d’apparition et de développement
sont connus, permettant aux somaticiens de construire un
vocabulaire commun.
Elle a ensuite été mise à l’épreuve auprès des pédopsychiatres dans les services sur tout le territoire avant
sa première publication, sous l’égide de Nicole Quemada,
directeur du Centre collaborateur de l’OMS-Inserm [27].
La CFTMEA résiste
Comme les deux autres, elle a obtenu l’agrément de
confrères dans plusieurs pays, elle est traduite en espagnol
(2004) et diffusée en Amérique du Sud, en arabe surtout
connue au Maghreb, mais utilisée également en Russie et
en Angleterre.
En dépit de ces fragments d’histoire, un argument est
développé dans certaines publications, ou en d’autres occasions, selon lequel les praticiens qui persistent dans son
utilisation défendent une exception française dénuée de
validité et les comparent aux habitants d’un célèbre village
gaulois résistant à son inévitable déclin [25]. Ses détracteurs ignorent probablement qu’elle dépasse le cadre de la
francophonie et cela de longue date. De résistance, oui, il
en est question. Résistance à une uniformisation de la pensée, à une dévitalisation de la clinique, le Pr Roger Misès,
récemment décédé, la prônait encore quelques mois avant
sa disparition.
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Y. Coinçon
Peu à peu, néanmoins, la CFTMEA a trouvé sa place
dans la pratique et dans les débats. La présentation de
la version R-2012 à la Société des Annales médicopsychologiques en novembre 2011 a inspiré aux psychiatres
d’adultes, la constitution d’un groupe de travail pour construire leur propre outil.
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Dans la pratique clinique
La pédopsychiatrie est issue d’une discrimination opérée
au sein des asiles qui hébergeaient des enfants présentant
des déficits profonds, des troubles du comportement, des
pathologies organiques invalidantes, etc. Dans un premier
temps, deux catégories ont été identifiées : les éducables
et les non-éducables. Pour ces derniers, le handicap était
considéré comme fixé, immuable, relevant uniquement de
mesures d’assistance et cette notion est restée attachée pendant longtemps à certaines pathologies mentales de l’enfant.
Or, l’organisation de soins personnalisés, multiprofessionnels, articulés à des actions éducatives et pédagogiques a
permis de démentir cette lourde assertion. Roger Misès en
a fait la preuve à la Fondation Vallée et il a tiré de cette
expérience, la source de sa position sur la question du
handicap vu non plus comme une donnée irréductible et
réductrice de la personne mais comme une altération d’une
partie de ses capacités coexistant avec des secteurs de fonctionnement intacts. Avec ses collaborateurs, il a voulu que
cette notion d’évolutivité des troubles pathologiques sous
l’effet des prises en charge, et des troubles transitoires du
fait du développement individuel se traduise dans un diagnostic révisable, aboutissement de l’observation continue
de l’enfant dans son expression pathologique et dans ses
rapports à son environnement humain, et matériel.
Son mode d’emploi en est la traduction
Chaque fois que le diagnostic doit être donné, la clinique
enseigne sur la symptomatologie qui pourra être référée à
l’axe I général, consacré aux structures définies comme un
ensemble de positions libidinales et de modalités défensives
contre les angoisses, ainsi que le type des angoisses. Cette
notion permet de garder une pensée souple sur la question
de la structure, celle-ci n’étant pas une donnée figée puisque
les éléments qui la composent sont susceptibles d’évoluer
sous l’effet de la maturation et des soins. L’identification
de la structure amène à un classement dans une des quatre
premières catégories de l’axe I général, qui sont exclusives
l’une de l’autre.
L’axe I général est assorti d’un axe I bébé de 0 à 3 ans,
rendu indispensable par le développement des connaissances et des pratiques auprès des enfants de cette classe
d’âge. Elle est destinée à aider les cliniciens à repérer des
manifestations non décrites dans les autres chapitres car
très spécifiques de cette période de la vie. Ce chapitre est
314
inchangé dans la version R-2012 et reçoit une cotation spécifique car, d’une part, la CFTMEA est la seule à proposer
une spécification bébé et, d’autre part, une révision ne pouvait reposer que sur des travaux des cliniciens, engagés mais
qui restent à développer et étendre aux nombreux acteurs
de la psychiatrie périnatale.
Sur l’axe I général, de nombreux patients présentent
des manifestations qui ne permettent pas ce diagnostic de
structure, mais des symptômes « isolés », classés dans les
catégories 5 à 9 et, enfin, pour ceux d’entre eux qui présentent des manifestations rencontrées habituellement chez
tout enfant de la même tranche d’âge, perçues comme difficiles à vivre par l’entourage ou de durée plus prolongée
entreront dans la catégorie numérotée 0, intitulée « Variations de la normale » et placée dans le manuel entre 4 et 5
[30].
Cette dernière catégorie est une des traductions, mais
non la moindre, du rôle préventif de l’intervention de la
psychiatrie infantojuvénile. En accordant son attention à
des manifestations qui ne sont pas pathologiques mais qui
pourraient faire le lit d’une évolution préjudiciable, la pédopsychiatrie répond à l’impératif de prendre en compte la
souffrance psychique si présente dans les discours actuels
et si peu ou mal traduite par les décideurs dans leur regard
sur les dispositifs de prévention mis à mal ces dernières
années. Il y a ici un enjeu majeur pour l’accès à des interventions bien calibrées dont la santé publique française peut
s’enorgueillir.
Le glossaire vient à l’appui de cette démarche en indiquant les critères d’inclusion et d’exclusion.
L’axe II est celui des facteurs associés ou antérieurs,
éventuellement étiologiques [7].
Dans le titre de ce chapitre, les deux derniers mots
sont essentiels. On y trouve les facteurs organiques qui ont
pu avoir une influence sur le développement du bébé, de
l’enfant, ou qui affectent encore sa santé sans faire un lien
de causalité2 entre les uns et les autres. De même pour les
facteurs d’environnement.
Par exemple, le fait d’avoir subi des abus sexuels peut
rendre malade, ce n’est pas systématique. Quand la pathologie survient, il est très délicat de relier les faits subis
avec les troubles observés. Certains enfants présentaient
déjà des troubles antérieurement aux faits, troubles connus
ou repérables dans l’après-coup. De même pour l’adoption.
Une angoisse de séparation chez un enfant adopté n’est pas
nécessairement en lien avec cette situation, elle peut s’être
développée dans le cadre de la relation avec ses parents
adoptifs.
La perspective du RIMPsy avec codage en CIM-10 et
l’incidence qu’il pourra avoir sur la planification sanitaire,
en objectifs et en moyens, a donné l’impulsion à cette actualisation.
2
Souligné par l’auteur.
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Les tableaux de correspondance précédents répondaient
au souci de préserver la communication internationale et
pouvait se concevoir car la CIM-10 et la CFTMEA ont en
commun des critères épistémologiques [29] : la sémiologie du comportement, la fréquence des regroupements de
symptômes et la notion de développement psychologique.
Pour la CFTMEA R-2012, il a été décidé de parvenir
à une correspondance terme à terme entre ses codes et
ceux de la CIM-10 dont l’utilisation est obligatoire pour
le recueil de données d’activités des établissements. Les
versions précédentes proposaient parfois plusieurs codes
CIM-10 à associer entre eux [22] pour correspondre à
un seul code CFTMEA [3]. Outre que l’usage était malcommode, cette disposition empêchait toute intégration
de la correspondance dans les programmes informatiques,
puisque ici le langage est binaire. En proposant la version
R-2012, l’objectif est que les praticiens qui le souhaitent
conservent leurs références théoriques sur la psychopathologie et que la traduction en code CIM soit automatiquement
fournie par le programme informatique.
Peut-on penser que deux classifications aussi différentes
que la CIM-10 et la CFTMEA puissent être mises en correspondance avec quelque validité ? Bien évidemment, une
classification des troubles et une classification des organisations psychiques ne seront jamais totalement superposables
et si tel était le cas, elles n’auraient aucune raison de subsister toutes les deux. On peut donc s’attendre à recevoir
des avis d’utilisateurs sur leur difficulté à accepter telle ou
telle correspondance proposée. Ces réactions sont attendues
afin que la pertinence des remarques ayant été retenue, elles
donnent lieu aux prochains aménagements qui devraient
prolonger le travail que Roger Misès animait encore il y
peu.
Le groupe3 qui a travaillé sur cette version a collaboré
avec l’Agence technique d’information hospitalière (ATIH)
qui l’a d’ores et déjà intégrée dans les documents qu’elle
propose sur son site. Il ne reste plus à franchir qu’une étape,
celle de l’intégration dans les programmes informatiques
qui sont utilisés pour les dossiers patients.
Avec la correspondance réalisée pour l’axe II, c’en est
fini de chercher dans la CIM entière les facteurs que l’on
estiment devoir retenir, et il n’y a pas d’exclusion entre eux,
un même patient peut cumuler des antécédents de pathologie somatique néonatale, un placement en famille d’accueil
et un parent malade, tous indicateurs qui ne sont pas des
comorbidités.
Axe I et axe II conjugués accompagnent une démarche
diagnostique intégrant les interactions circulaires entre
facteurs individuels, familiaux, somatiques et environnementaux.
3 Dr M. Botbol, Pr C. Bursztejn, Drs Y. Coinçon, B. Durand, J. Garrabé,
N. Garret-Gloanec, Prs B. Golse, P. Jeammet, R. Misès, Dr C. Portelli, Pr
J.P. Raynaut et G. Schmitt, Dr J.-P. Thévenot.
Il n’a été question jusqu’ici que de la pratique auprès des
patients, du choix diagnostique et du repérage des facteurs
associés et/ou d’environnement.
Mais l’incidence de cette nouvelle version pour les
études épidémiologiques et pour les recherches n’est pas
à négliger car le cumul de tous les items de l’axe II pour
tous les cas inclus garde toute sa validité et prend toute sa
valeur pour affiner les connaissances sur ces pathologies,
leur contexte de développement et l’épidémiologie.
L’élaboration de cette dernière version a eu un autre
objectif : celui de poursuivre les articulations avec l’OMS en
cette période sensible de révision de la CIM-10 pour, d’une
part, contribuer à l’élaboration du consensus et, d’autre part,
tenter de faire prendre en considération les caractéristiques
particulières de la psychiatrie infantojuvénile.
Avec le DSM et la CIM
Ils reposent sur un principe descriptif. Ils proposent au
praticien de procéder à une recension de signes comportementaux, considérés comme assez objectifs pour être
observés par des professionnels de la santé, des parents,
des enseignants, voire le patient lui-même, pour obtenir leur
inclusion dans un « trouble ». Ce procédé de case à cocher
pour parvenir à identifier un « trouble » réalise un déni de
la complexité des personnes et de leur psychisme. Celui-ci
n’est rapporté ni à l’âge du patient, ni aux circonstances
d’apparition des signes. Par cet abord des faits cliniques, il
fait fi de l’épigenèse, regroupe les manifestations cliniques
en catégories ignorant toutes dimensions tempéramentales, hormonales, environnementales, sociologiques. . .
dont l’influence sur le développement individuel est, pour
beaucoup de pédopsychiatres français, indispensable à
considérer. Le risque majeur d’une pratique basée sur ce
point de vue est que le malade disparaisse derrière sa
maladie. Peu importent les circonstances d’apparition du
« trouble », et celles de la vie du patient. Cet aspect était
très prégnant dans le rapport de l’Inserm sur le « Trouble
des conduites ». Dès trois ans, un enfant qui peut sans
remord s’approprier les jouets des autres ou pire lever la
main sur eux, et qui plus est mentir court le risque de se
voir qualifier « à risque » d’être porteur de ce trouble et à
terme délinquant, et doit être l’objet d’une attention particulière, voire d’un traitement. Quel enfant de trois ans
ne répond pas, peu ou prou, à ces critères ? Est-on prévenu contre les enfants potentiellement dangereux ou nous
demande-t-on de faire une prévention prévenante envers les
personnes ?
Sorties de leur contexte d’apparition, les manifestations
cliniques peuvent non pas s’articuler entre elles témoignant
de l’intrication de tous les éléments du développement, mais
devenir des pathologies associées. Un enfant gêné dès les
premiers apprentissages par sa dyslexie d’apparition précoce, assez perspicace pour observer comment ses petits
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Y. Coinçon
camarades parviennent aux performances qu’il souhaite
aussi réaliser est blessé, perd confiance en lui, se déprime ou
s’agite. Il aura droit à au moins deux diagnostics associés là
où la CFTMEA propose de retenir un diagnostic principal
pour ce qui domine le tableau, la dyslexie ou la dépression,
mais une prise en charge des deux ensemble car c’est de lui
dont il s’agit de s’occuper.
L’usage de telle ou telle de ces trois classifications
suppose que l’utilisateur en connaisse les intentions,
l’architecture et le mode d’emploi, qu’il se serve des descriptions qu’elles contiennent avec critères d’inclusion et
d’exclusion. À ma connaissance, très peu de praticiens du
service public disposent de la version intégrale de celle
qu’ils mettent en œuvre. Il apparaît que, très souvent, ne
sont utilisées que des listes de codes et/ou tableaux de correspondance. Il est licite de penser que dans ces conditions,
le codage diagnostique soit parfois imprécis, sans compter
la réserve qu’avancent certains praticiens pour afficher un
diagnostic dont ils craignent les effets sur le patient, son
évolution ou ses conditions de vie, et qu’ils en restent à
des choix minimalistes [28]. Si bien que le recueil des données d’activités risque fort d’être entaché de distorsions non
négligeables. Or la perspective du RIMPsy et son incidence
sur le financement des activités reposent sur des statistiques
censées être fiables.
L’épidémiologie malmenée
Les premières études sur l’autisme, menées quand le
modèle de Kanner servait de référence pour le diagnostic,
indiquaient un taux de prévalence de 5/10 000.
Sur la base du DSM-IV, l’autisme et autres TED, grande
enveloppe qui contient des entités non discriminées entre
elles, autisme typique et atypique, psychoses symbiotiques,
dysharmonies psychotiques, voire déficiences profondes,
grâce à l’élargissement des critères diagnostiques, on parvient à un taux de 1 % dans certaines études [8]. La
naissance d’hypothèses nombreuses et parfois fantaisistes,
sur l’inflation galopante de ces manifestations, qui prend
l’allure d’une épidémie se comprend bien dans ces conditions.
De même, le TDAH, isolé comme un trouble en soi, bien
que parfois associé à des comorbidités4 : anxiété, angoisse,
dyslexie, etc., connaît un succès diagnostique exceptionnel.
A contrario, les névroses ne sont plus décrites donc plus
diagnostiquées comme telles, ont-elles disparu ?
Le phénomène promet de s’aggraver à l’occasion de
la révision, il est prévu en effet que le DSM-V élargisse
les critères d’inclusion, crée de nouvelles catégories [1]
comme les troubles alimentaires sans vomissements, ou
l’hypersexualité. La version IV compte 297 entrées, la version V promet d’en contenir plus encore, laissant peu de
4
Souligné par l’auteur.
316
chance à tout un chacun d’échapper à un diagnostic, avec
ou sans souffrance psychique ressentie [18].
Dans ces deux cas, la traduction épidémiologique donne
le vertige et incite à penser qu’il y a là des problèmes de
santé publique majeurs, justifiant des recommandations de
bonnes pratiques très médiatisées. Ces recommandations
s’appuient sur des travaux qui revendiquent leur inscription dans l’EBM laquelle valide des standards et laisse peu
de place à l’innovation. Les familles concernées sont évidemment attentives aux réponses qui doivent être données
à leur demande de voir leur enfant bénéficier d’un diagnostic précoce devenu gage de qualité et de transparence
[17], d’une prise en charge adaptée et souhaitent un retour
rapide vers l’apaisement des difficultés de leur enfant. Les
autorités dépendantes des avis « éclairés » et placées sous
la pression de groupes d’experts et/ou de familles, mais
également soumises à l’impératif du contrôle des budgets
alloués, penchent tout naturellement vers ce qui leur est
présenté comme vérité scientifique.
L’incidence sur le système de soins a pu être mesurée à l’occasion de la publication des recommandations de
l’HAS. En 2005, lors de l’élaboration des recommandations
sur le diagnostic de l’autisme et de la création des CRA, leur
charte soutenait « la nécessité de prendre en compte la pluralité des conceptions » étiologiques et la multiplicité des
méthodes d’accompagnement [8]. Six ans plus tard, sans
qu’aucune découverte indiscutable ne soit venue bouleverser la pluralité des conceptions, la HAS produit son rapport
sur les prises en charge dans lequel elle déclare les PEC
psychodynamiques peu probantes, les autres le sont-elles
et selon quels critères ?, et les déclarent non recommandables. Elle ouvre ainsi la voie d’une exclusion du service
de soins psychiques d’une partie de la population. Ne seraitce pas discriminant pour toutes les familles qui s’adressent
volontairement à ces services ? Des associations de familles
se sont saisie de l’opportunité pour demander la fermeture
des hôpitaux de jour, comme si seuls des TED y recevaient
des soins, et le transfert des crédits vers des structures « plus
performantes5 ». Qu’adviendrait-t-il des patients si une telle
demande était suivie d’effets ? Pourraient-ils tous bénéficier
pleinement de prises en charge éducatives et rééducatives,
sans prise en compte de leur fonctionnement psychique
dans des écoles ou des établissements dont tous s’accordent
à dire qu’ils ne sont pas assez nombreux et dont personne
n’a donné la preuve de leur pertinence pour ces enfants ?
Conclusion
Chaque praticien se réfère à une théorie sur le fonctionnement psychique et ses avatars, et aucune d’entre elles
ne peut se prévaloir de l’universalité en l’absence de traceurs indubitables, biologiques, d’imagerie, génétiques, ou
5
Souligné par l’auteur.
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 89, N◦ 4 - AVRIL 2013
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Classifications : sœurs et rivales. Enjeux pour la pédopsychiatrie
autres, donc aucune ne repose sur des preuves. Dans ces
conditions, il devrait être possible que chacun conserve
ses références pour l’élaboration de sa pensée et celle du
diagnostic.
Toutefois, les impératifs de santé publique sont incontournables, il est donc nécessaire de trouver des compromis,
sans compromission, pour mettre en commun l’expérience
clinique, partager les connaissances élaborées en laboratoire aussi bien qu’en situation thérapeutique.
La version R-2012 de la CFTMEA se veut une forme de
ces compromis.
L’attente des familles et des autorités sanitaires de
disposer de repères dans ce monde complexe qu’est la psychiatrie et sa pratique doit pouvoir trouver des réponses dans
une forme d’evidence-based practices [EBP], grâce à des
études sur les procédures de prise en charge, leurs effets
à court, moyen et long termes6 sur le vécu des patients
et leur famille, et sur leur insertion sociale afin d’adapter
à ces critères de santé définis par l’OMS les politiques
nationales.
Conflits d’intérêts : aucun.
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