Théor`eme de la progression arithmétique

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Théorème de la progression arithmétique
Victor Lambert∗
Gwenael Mercier†
Introduction
Le théorème de la progression arithmétique, démontré en 1837 par Dirichlet, peut s’énoncer de la
façon suivante : pour tous les entiers naturels non nuls n et m premiers entre eux, il existe une infinité
de nombres premiers de la forme n + am, où a est un entier positif.
Sa démonstration rassemble deux facettes d’une théorie balbutiante que l’on connaı̂t aujourd’hui
sous le nom de théorie analytique des nombres. Nous allons ainsi commencer par un aspect purement
algébrique, via l’étude des caractères, continuer par la présentation de quelques résultats utiles de fonctions holomorphes puis marier ces deux notions pour aboutir à la preuve du théorème.
Plus exactement, voici le résultat obtenu par Dirichlet :
Théorème 1 (de progression arithmétique). Soit m > 1, et soit a tel que a∧m = 1.
Notons P l’ensemble des nombres premiers. Soit Pa = {p ∈ P tel que p ≡ a[m]}.
1
.
Alors Pa a une densité analytique égale à
ϕ(m)
1
Caractères des groupes abéliens finis
La preuve du théorème de la progression arithmétique à laquelle nous nous sommes intéressés utilise
de manière fondamentale la théorie des groupes et plus précisément la notion de caractères, que nous
allons introduire dans cette partie.
1.1
Caractères et dualité
Dans la suite, nous noterons G un groupe abélien fini et S 1 , le cercle unité du plan complexe.
Définition 1. On appelle caractère de G tout morphisme de G dans le groupe multiplicatif C∗ .
Remarque : Nécessairement, un caractère est à valeurs dans S 1 , c’est pourquoi, on peut également
définir un caractère de G comme étant un morphisme :
χ : G → S1
b = Hom(G, S 1 ), que l’on appelle le dual de G.
Définition 2. On note G
b est un groupe d’élément neutre la fonction constante égale à 1, et l’inverse d’un
Remarque : G
morphisme χ est son conjugué χ.
b alors ∃χ0 ∈ G
b qui prolonge χ.
Proposition 1. Soit H un sous-groupe de G, et χ ∈ H,
∗ [email protected][email protected]
1
Démonstration. L’idée est de raisonner par récurrence sur l’indice de H dans G.
Pour l’initialisation, on a H = G, il n’y a donc rien à démontrer.
b
Sinon, supposons le théorème vrai pour tous les indices strictement inférieurs à [G : H]. Soit χ ∈ H
0
0
et choisissons x ∈ G − H. En posant H =< H, x >, on obtient [G : H ] < [G : H]. Il nous suffit donc
d’étendre χ à H 0 puis d’utiliser l’hypothèse de récurrence.
Soient k l’ordre de x dans G/H et ζ une racine k-ième de χ(xk ), i.e ζ k = χ(xk ).
Tout élément h0 ∈ H 0 peut s’écrire h0 = hxa , avec h ∈ H, a ∈ Z.
A partir de là, on prolonge χ sur H 0 par le morphisme (ce qu’on vérifie aisément) que l’on notera
abusivement χ définit par :
χ(h0 ) = χ(h)ζ a
Ce morphisme est bien défini car indépendant de la décomposition hxa de h0 .
Ainsi, on est parvenu à prolonger χ sur H 0 et l’hypothèse de récurrence permet ensuite de conclure.
Nous allons désormais utiliser ce premier résultat sur les caractères pour démontrer un théorème de
dualité des groupes abéliens finis, en commençant par le cas cyclique.
b ∼ Z/nZ.
Lemme 1. Si G est cyclique, i.e G ∼ Z/nZ, alors G
b est donc entièrement déterminé par χ(x). Or, on a χ(x)n = χ(xn ) =
Démonstration. G =< x >, χ ∈ G
χ(eG ) = 1 donc χ(x) ∈ Un . Réciproquement, ∀ζ tel que ζ n = 1 χ(xk ) = ζ k défini un caractère. Ainsi,
φ
b →
: G
χ 7→
Un
χ(x)
b est cyclique d’ordre n.
est un isomorphisme, ce qui permet de conclure que G
bb
b est un groupe abélien fini de même ordre que G. De plus, G
Proposition 2. Le groupe G
est canoniquement isomorphe à G.
Démonstration. Raisonnons par récurrence sur l’ordre n de G.
Le cas n = 1 est trivial.
Soit n > 2. Supposons le résultat vrai pour les groupes H tels que |H| < n.
Soit H un groupe cyclique non trivial de G. Si H = G, le lemme précédent démontre le résultat.
On est donc ramené au cas où H est cyclique et {e} ( H ( G. On considère alors le morphisme de
restriction
b → H
b
ρ : G
χ 7→ χ|H
qui est surjectif d’après la proposition de prolongement.
b = |H||
b ker ρ|.
On a alors |G|
[
Mais le noyau de ρ est formé des caractères de G triviaux sur H, et est donc isomorphe à G/H.
[ = |G/H|, ce qui nous donne finalement
b = |H| et |G/H|
En outre, par hypothèse de récurrence, |H|
b
|G| = |H||G/H| = |G|.
Cela démontre donc la première partie de cette proposition.
b ce qui permet de définir de manière canonique
Pour x ∈ G, χ 7→ χ(x) est un caractère de G,
l’homomorphisme
bb
: G →
G
x 7→ χ 7→ χ(x)
Montrons que est un isomorphisme de G sur son bidual. Il est clair qu’il s’agit d’un morphisme.
D’après ce que l’on vient de démontrer, ces deux groupes ont même ordre, il suffit donc de montrer
b tel que χ(x) 6= 1. Mais alors, (x)(χ) = χ(x) 6= 1, donc
que est injectif. Or si x 6= 1, il existe χ ∈ G
(x) 6= 1.
On a donc bien démontré que est injectif, ce qui conclut le théorème.
2
1.2
Relations d’orthogonalité
Proposition 3. Soit n = |G|.
b
Si χ ∈ G,
X
n si χ = 1
0 sinon
n si x = e
0 sinon
χ(x) =
x∈G
Si x ∈ G,
X
χ(x) =
b
χ∈G
Démonstration. Démontrons la première propriété. La deuxième en découle immédiatement en applibb
b et en utilisant le fait que G
quant la première à G
∼ G, ce qu’on a vu précédemment.
Si χ = 1 la formule est évidente. Sinon, soit y ∈ G tel que χ(y) 6= 1. On a alors :
X
X
X
χ(y)
χ(x) =
χ(xy) =
χ(x)
x∈G
x∈G
x∈G
On obtient ainsi le résultat souhaité.
1.3
Caractères modulaires
Soit m > 1. Nous noterons G(m) = (Z/mZ)∗ le groupe des éléments inversibles de l’anneau Z/mZ,
d’ordre ϕ(m) ou ϕ est la fonction indicatrice d’Euler.
Définition 3. On appelle caractère modulo m un élément χ du dual de G(m).
Soit χ un caractère modulo m. On peut le considérer comme une fonction définie sur l’ensemble des
entiers premiers à m. On prolonge χ sur Z par la formule suivante :
χ(n) si n ∧ m = 1
χ(n) =
0
sinon
Lemme 2. Soit p un entier premier avec m. On note p son image dans G(m) et f (p) l’ordre de p. Soit
Uf (p) l’ensemble des racines f (p)e de l’unité. On note aussi g(p) = ϕ(m)
f (p) . Alors, pour tout w ∈ Uf (p) , il
existe exactement g(p) caractères χ de G(m) tels que χ(p) = w.
\ dans
Démonstration. Soit donc p un entier premier avec m. On dispose d’un morphisme φp de G(m)
−1
Uf (p) , tel que φp (χ) = χ(p). Comme φp est un morphisme, les fibres φp ({w}) ont même cardinal q.
Ainsi
X
\ =
|G(m)|
|p−1 (w)| = q|Uf (p) | = qf (p).
w∈Uf (p)
\ = |G(m)| = ϕ(m) donc q =
Or, par ailleurs, |G(m)|
2
ϕ(m)
f (p)
= g(p).
Quelques propriétés des fonctions holomorphes
Dans toute cette partie, nous utiliserons deux lemmes d’analyse dont le lecteur trouvera la démonstration
dans [1] :
Lemme 3. Soit U un ouvert de C, et fn une suite de fonctions holomorphes sur U qui converge uniformément sur tout compact vers une fonction f . Alors, la fonction f est holomorphe et toutes les dérivées
de fn convergent vers les dérivées de f .
3
Lemme 4 (d’Abel). Soient (an ) et (bn ) deux suites. On pose
Am,p =
0
p
X
an
et
Sm,m0 =
n=m
m
X
an bn
n=m
Alors, on a
Sm,m0 =
0
m
−1
X
Am,n (bn − bn+1 ) + Am,m0 bm0 .
n=m
On utilisera aussi le lemme suivant :
Lemme 5. Soient α et β deux nombres réels, tels que 0 < α < β, et z = x + iy un complexe de partie
réelle strictement positive. Alors :
z
e−αz − e−βz 6 e−αx − e−βx .
x
Démonstration. Remarquons que
e−αz − e−βz = z
Z
β
e−tz dt
α
donc
|e−αz − e−βz | 6 |z|
Z
β
α
2.1
2.1.1
z
|e−tz |dt = e−αx − e−βx .
x
Séries de Dirichlet
Lemmes
Soit (λn ) une suite de nombre réels tendant vers +∞. Dans la suite, on supposera que ces nombres
sont positifs (quitte à supprimer les termes négatifs (en nombre fini)). On se donne aussi une suite (an )
quelconque de complexes. On appelle série de Dirichlet d’exposants (λn ) une série de la forme :
X
an e−λn z z ∈ C.
P
Proposition 4. Si la série f (z) =
an e−λn z converge pour z = z0 , alors elle converge uniformément
dans tout domaine de la forme <(z − z0 ) > 0, | arg(z − z0 )| 6 α, où α < π/2.
P
Démonstration. Quitte à translater z, on peut supposer que z0 = 0. On a donc
an converge. On se
donne donc P
un domaine <z > 0 et | arg(z)| 6 α < π/2. Soit enfin ε > 0.
Puisque
an converge, il existe N tel que ∀m, m0 > N , |Am,m0 | 6 ε (notation du lemme 4). Ledit
lemme appliqué avec bn = e−λn z donne
Sm,m0 =
0
m
−1
X
Am,n (e−λn z − e−λn+1 z ) + Am,m0 e−λm0 z .
n=m
En posant z = x + iy, et en appliquant le lemme 5, on obtient, pour m, m0 > N :


0
m
−1
X
|z|
(e−λn x − e−λn+1 x )
|Sm,m0 | 6 ε 1 +
x n=m
Or, | arg(z)| 6 α ⇔ cos(arg(z)) > cos α ⇔
|z|
<(z)
1
cos α
:= k. On a donc :
|Sm,m0 | 6 ε 1 + k(e−λm x − e−λm0 x )
6
d’où
|Sm,m0 | 6 ε(1 + k).
Ceci montre la convergence uniforme.
4
Corollaire 1. Si f converge pour z = z0 , elle converge pour tout z tel que <z > <z0 , la fonction ainsi
définie étant holomorphe.
Corollaire 2. L’ensemble de convergence de la série f contient un demi-plan ouvert maximal, appelé
demi plan de convergence.
Corollaire 3. f (z) converge vers f (z0 ) lorsque z → z0 en restant dans le domaine <(z − z0 ) > 0 et
| arg(z − z0 )| 6 α, avec α < π/2.
Ceci résulte directement de la convergence uniforme.
Corollaire 4. La fonction f ne peut être identiquement nulle que que si tous ses coefficients sont nuls.
Démonstration. On montre d’abord que a0 est nul en multipliant f par eλ0 z puis en faisant tendre z vers
+∞ (en prenant z réel). La convergence uniforme montre que f eλ0 z tend vers a0 , qui est de fait nul. On
recommence alors pour a1 , etc.
2.1.2
Séries de Dirichlet à coefficients positifs
P
Proposition 5. Soit f =
an e−λn z une série de dirichlet donc les coefficients an sont réels positifs.
Supposons que f converge pour <z > ρ, et que la fonction f puisse être prolongée analytiquement en
une fonction holomorphe au voisinage de z = ρ. Il existe alors un nombre ε > 0 tel que f converge pour
<z > ρ − ε.
Cela revient à dire que le domaine de convergence de f est limité par une singularité de f , située sur
l’axe réel.
Démonstration. Comme précédemment (remplacer z par z − ρ), on suppose que ρ = 0. Puisque f
est holomorphe à la fois pour <z > 0 et dans un voisinage de 0, elle est holomoprhe sur un disque
|z − 1| 6 1 + ε, ε > 0. En particulier, sa série de Taylor converge dans ce disque. Or, d’après le lemme 3,
la dérivée pe de f est
X
f (p) (z) =
an (−λn )p e−λn z pour <z > 0
n
d’où f (p) (1) = (−1)p
X
λpn an e−λn .
n
Ainsi, en écrivant la série de Taylor, on a
f (z) =
∞
X
1
(z − 1)p f (p) (1),
p!
p=0
avec |z − 1| 6 1 + ε.
En particulier, pour z = −ε :
∞
X
1
(1 + ε)p (−1)p f (p) (1),
p!
p=0
P
p (p)
la série étant convergente. Or, (−1) f (1) = n λpn an e−λn est une série convergente à termes positifs.
Ainsi, la série double à termes positifs
f (−ε) =
f (−ε) =
X
an
n,p
1
(1 + ε)p λpn e−λn
p!
converge. Par regroupement de termes, on peut l’écrire
X 1
(1 + ε)p λpn
p!
n
p
X
X
−λn λn (1+ε)
=
an e
e
=
an eλn ε
f (−ε) =
X
an e−λn
n
n
ce qui montre que la série de dirichlet converge aussi pour z = −ε.
5
2.1.3
Séries de Dirichlet proprement dites
Ce sont les séries avec λn = ln n. Ces séries s’écrivent donc
f (s) =
∞
X
an
.
ns
n=1
Proposition 6. Si les an sont bornés, il y a convergence absolue pour <s > 1.
P 1
Ceci résulte de la convergence des
nα , si α > 1.
Proposition 7. Si les sommes partielles
p
X
an sont bornées, il y a convergence ( non nécessairement
n=m
absolue) pour <s > 0.
Démonstration. Supposons que l’on ait |Am,p | 6 K, en appliquant le lemme d’Abel (lemme 4), on obtient

 0
m
−1 X
1 1
1
+
 .
−
|Sm,m0 | 6 K 
ns
(n + 1)s m0s n=m
Si s ∈ R, l’égalité précédente s’écrit simplement |Sm,m0 | 6 K/ms , la convergence étant claire en faisant
tendre m0 vers ∞, et la propriété 4 permet de conclure, pour z ∈ C.
2.2
2.2.1
Fonctions zêta et fonctions L
Produits eulériens
Définition 4. Une fonction f : N → C est dite multiplicative si f (1) = 1 et pour tous entiers n et m
premiers entre eux, on a f (nm) = f (n)f (m).
L’indicateur d’Euler, par exemple, est une fonction multiplicative.
Soit f une fonction multiplicative bornée.
P∞
Lemme 6. La série de Dirichlet n=1 fn(n)
converge absolument pour <s > 1 et sa somme, dans ce
s
domaine, est égale au produit infini convergent :
Y
(1 + f (p)p−s + · · · + f (pm )p−ms + · · · ).
p∈P
Ici et dans la suite, P désigne l’ensemble des nombres premiers.
Démonstration. La convergence absolue de la série résulte du caractère borné de f (vu plus haut).
En outre, considérons un sous-ensemble S de P fini, et notons N (S) l’ensemble des entiers dont tous les
facteurs premiers sont dans S. Un développement de n en facteurs premiers et la multiplicativité de f
donnent :
!
∞
X f (n)
Y X
m −ms
=
f (p )p
.
ns
m=0
n∈N (S)
p∈S
Lorsque S croı̂t vers P, le premier membre de cettePégalité tend vers
que le produit infini converge et que sa limite vaut
f (n)/ns .
P∞
1
f (n)/ns . On en déduit donc
Corollaire 5. Si f est multiplicative au sens strict, c’est-à-dire que f (nn0 ) = f (n)f (n0 ) ∀n, n0 , alors,
on a même :
∞
X
Y
f (n)
1
=
.
s
f (p)
n
n=1
p∈P 1 − ps
6
2.2.2
La fonction ζ
Les résultats du paragraphe précédent appliqués à la fonction f ≡ 1 permettent d’obtenir la fonction
ζ(s) =
∞
Y
X
1
1
,
=
s
n
1 − p1s
n=1
p∈P
ces formules pouvant s’écrire pour <s > 1.
i) La fonction ζ est holomorphe et non nulle dans le demi plan <s > 1.
1
+ ϕ(s), où ϕ est holomorphe pour <s > 0.
ii) On a ζ(s) =
s−1
Proposition 8.
Démonstration. L’assertion i) résulte directement du premier paragraphe sur les séries de Dirichlet.
Pour ii), remarquons que
Z ∞
∞ Z n+1
X
1
=
t−s dt =
t−s dt.
s−1
1
n
n=1
Ainsi, on peut écrire
∞
X
1
ζ(s) =
+
s − 1 n=1
1
−
ns
Z
n+1
−s
t
dt =
n
∞
X
1
+
s − 1 n=1
n+1
Z
(n−s − t−s )dt.
n
P∞ R n+1
P∞
Posons alors ϕn (s) = n=1 n (n−s − t−s )dt et ϕ(t) = n=1 ϕn (s).
PIl reste à montrer que ϕ est bien
définie et holomorphe pour <s > 0, ce qu’on va faire en montrant que ϕn est normalement convergente
sur tout compact inclus dans {<s > 0} :
|ϕn (s)| 6
sup
|n−s − t−s |,
n6t6n+1
donc, par théorème des accroissements finis, on obtient |ϕn (s)| 6
bien une série qui converge normalement pour <s > ε, ∀ε > 0.
|s|
nx+1 ,
avec x = <s. De fait, on obtient
Corollaire 6. La fonction ζ a un pôle simple pour s = 1.
Corollaire 7. Lorsque s → 1 on a
X
p−s ∼ log
p∈P
1
s−1
alors que
X
p−ks
reste borné.
p,k>2
Démonstration. En utilisant un développement en série entière de log(1 + z), remarquons que
log ζ(s) =
X 1
X1
p−ks =
+ ψ(s)
k
ps
p∈P
k>1
ψ(s) =
avec
p∈P
XX 1
p−ks .
k
p∈P k>2
La série ψ est majorée par la série
X 1
X
X
X
1
1
1
6
6
= 1.
=
ks
s
s
p
p
(p
−
1)
p(p
−
1)
n(n
− 1)
p
p
n>2
p,k
Ainsi, ψ reste bornée et le corollaire 1 permet de conclure.
7
2.2.3
Les fonctions L
Définition 5. Soit m ∈ N∗ , et soit χ un caractère modulo m. On appelle fonction L correspondant à χ
la fonction définie par la série de Dirichlet :
L(s, χ) =
∞
X
χ(n)
.
ns
n=1
On notera qu’on peut n’écrire dans la somme que les entiers n premiers avec m, puisque les autres
correspondent à une valeur nulle de χ.
Y
Proposition 9. Si χ = 1, on a L(s, 1) = F (s)ζ(s), avec F (s) =
(1 − p−s ).
p|m
Proposition 10. Pour χ 6= 1, la série L(s, χ) converge (respectivement converge absolument) dans le
demi-plan <s > 0 (respectivement <s > 1). On a alors, pour <s > 1,
L(s, χ) =
1
Y
p∈P
1−
χ(p)
ps
.
Démonstration. χ étant strictement multiplicative, les assertions relatives à <s > 1 résultent du paragraphe 2.2.1. Montrons alors la convergence de la série pour <s > 0. D’après la proposition 7, il suffit de
montrer que, pour u 6 v, les sommes
v
X
Au,v =
χ(n)
n=u
sont bornées. Or, d’après la proposition 6 on a
u+m−1
X
χ(n) = 0. Il suffit donc de majorer les sommes
n=u
Au,v pour v − u < m : on a clairement |Au,v | 6 ϕ(m).
Remarque Ceci montre que L(1, χ) est fini lorsque χ 6= 1. Il s’agit, dans tout la suite, de montrer que
L(1, χ) est différent de zéro.
2.2.4
Produit des fonctions L relatives à un même entier m
Dans tout ce paragraphe, on fixe un entier non nul m. Si p ne divise pas m, on note p son image dans
G(m) = (Z/mZ)∗ et f (p) l’ordre de p dans G(m). On pose aussi
ϕ(m)
.
f (p)
g(p) =
Remarquons que g(p) est l’ordre du quotient de G(m) par le sous groupe engengré par p.
Lemme 7. Si p - m, on a :
Y
(1 − χ(p)T ) = (1 − T f (p) )g(p)
\
χ∈G(m)
Démonstration. Soit Uf (p) l’ensemble des racines f (p)e de l’unité. On a l’identité polynomiale
Y
(1 − wT ) = 1 − T f (p) .
w∈Uf (p)
Or, pour tout w ∈ Uf (p) , il existe g(p) caractères χ tels que χ(p) = w (lemme 2), ce qui donne
Y
\
χ∈G(m)
(1 − χ(p)T ) =
Y
Y
w∈Uf (p) χ|χ(p)=w
8
(1 − wT ) = (1 − T f (p) )g(p)
On définit alors la fonction ζm par la formule :
Y
ζm (s) =
L(s, χ).
\
χ∈G(m)
Proposition 11. On a :
1
Y
ζm (s) =
p-m
1−
1
g(p)
pf (p)s
Démonstration. D’après la proposition 10, on a pour <s > 1 :
Y Y
1
ζm (s) =
.
1 − χ(p)
ps
\ p∈P
χ∈G(m)
Le Lemme précédent donne alors, en intervertissant les produits et avec T = 1/ps :
Y
1
ζm (s) =
.
f (p) g(p)
p∈P
1
1 − ps
On peut supprimer les facteurs premiers non premiers avec m, car ils sont associés à une valeur nulle de
χ. On obtient ainsi le résultat demandé. Ce développement indique qu’il s’agit d’une série de Dirichlet à
coefficients entiers positifs, donc sa convergence pour <s > 1 est claire.
Théorème 2. i) ζm a un pôle simple pour s = 1.
ii) L(1, χ) 6= 0 pour tout χ 6= 1
Démonstration. Si L(1, χ) 6= 0 pour tout χ 6= 1, le fait que L(1, χ) ait un pôle simple en 1 indique qu’il
en est de même pour ζm . Montrons donc, par l’absurde, que L(1, χ) 6= 0. Si L(1, χ) = 0 pour un χ 6= 1,
la fonction ζm est alors holomorphe en s = 1, donc aussi pour tout s tel que <s > 0 (propositions
précédentes). Comme c’est une série de Dirichlet à termes positifs, cette série converge donc pour tout s
du même domaine (cf proposition 5). Mais ceci est absurde :
En effet,
Y
Y
1
ζm (s) =
(1 − p−f (p)s )−g(p) >
−f (p)s
1
−
p
p∈P
p∈P
p-m
>
Y
p∈P
p-m
p-m
1
1 − p−ϕ(m)s
> ζ(ϕ(m)s) −
Y
p∈P
p|m
|
1
1 − p−ϕ(m)s
{z
fini
}
Donc, si s → (1/ϕ(m))+ , ζ(ϕ(m)s) → ∞, donc ζm diverge pour s = 1/ϕ(m) : contradiction.
3
Le théorème de la progression arithmétique
3.1
Densité
Nous avons vu précédemment que lorsque s tend vers 1 par valeurs supérieures :
X 1
1
∼ log
s
p
s−1
p∈P
Ce résultat motive la définition suivante :
9
Définition 6. Soit A ⊂ P. On dit que A a pour densité analytique δ si
P
1
p∈A ps
1
log s−1
lim+
s→1
=δ
En particulier, si A est fini, il est clair que sa densité est analytique est nulle. C’est pourquoi le
théorème de Dirichlet énoncé précédemment aura bien pour conséquence directe que Pa est infini.
3.2
Démonstration du théorème
Pour démontrer le théorème, nous allons avoir besoin de quelques lemmes.
Pour commencer, introduisons quelques notations.
Soit χ un caractère modulo m. Posons
fχ (s) =
X χ(p)
ps
p-m
Cette série converge pour s > 1.
1
Lemme 8. Si χ = 1, pour s → 1+ , fχ (s) ∼ log s−1
.
P
Démonstration. fχ ne diffère de p∈P p1s que par un nombre fini de termes, ce qui ne modifie donc pas
l’équivalent. Il s’agit donc d’une conséquence immédiate du résultat précédent.
Lemme 9. Si χ 6= 1, fχ (s) reste borné quand s → 1+ .
Démonstration. Comme on l’a vu précédemment, L(s, χ) est défini par
facteur du produit est de la forme
du logarithme qui nous donne :
1
1−α
1
Q
1−
χ(p)
ps
. Pour <(s) > 1, chaque
avec |α| < 1. Nous utiliserons alors la détermination principale
log
∞
X
1
αn
=
1 − α n=1 n
Ainsi, nous obtenons l’égalité suivante, toutes les séries étant convergentes, pour <(s) > 1 :
log L(s, χ) =
X
log
p∈P
1
1−
χ(p)
ps
=
X χ(p)n
n,p
npsn
Ensuite, en isolant le terme où n = 1 il vient
log L(s, χ) = fχ (s) +
X χ(p)n
npsn
n,p>2
χ étant ici différent de 1, on a vu au théorème 2 que L(1, χ) 6= 0, ce qui nous assure ici que log L(s, χ)
reste borné lorsque s tend vers 1. Quand au deuxième terme de l’identité précédente, celui-ci est également
borné d’après le corollaire 7
En tant que différence de deux fonctions bornées, fχ reste donc bien borné quand s → 1+ .
Une fois ces deux lemmes obtenus, nous sommes à un pas d’obtenir le résultat souhaité.
Définissons la fonction ga par
X 1
ga (s) =
ps
p∈Pa
Rappelons que nous essayons de déterminer la limite lorsque s → 1+ du rapport de ga (s) et log
Lemme 10.
ga (s) =
1
ϕ(m)
X
\
χ∈G(m)
10
χ(a)−1 fχ (s)
1
s−1 .
Démonstration. Par définition de fχ , on a
X
−1
χ(a)
fχ (s) =
X
P
χ
ps
p-m
\
χ∈G(m)
χ(a)−1 χ(p)
Or, χ(a)−1 χ(p) = χ(a−1 p). Donc d’après les relations d’orthogonalité sur G(m) qui est par ailleurs
d’ordre ϕ(m)
X
ϕ(m) si a−1 p ≡ 1[m]
−1
χ(a p) =
0 sinon
χ
Ainsi, les seuls termes non nuls de la somme étant ceux correspondant à p ∈ Pa , on obtient :
X
χ(a)−1 fχ (s) =
X ϕ(m)
= ϕ(m)ga (s)
ps
p∈Pa
\
χ∈G(m)
ce qui est bien le résultat souhaité.
Maintenant, nous avons tous les outils pour terminer la démonstration du théorème de la progression
arithmétique.
Démonstration. En effet, d’après l’égalité obtenue au lemme précédent, on en déduit en divisant les deux
1
membres par log s−1
ga (s)
1
f1 (s)
1 X χ(a)−1 fχ (s)
1 = ϕ(m)
1 + ϕ(m)
1
log s−1
log s−1
log s−1
χ6=1
1
Puis, comme d’après les deux lemmes précédents, si χ = 1, fχ (s) ∼ log s−1
et les autres fχ restent
+
bornés, en passant aux équivalents lorsque s → 1 , on obtient la densité analytique de Pa
ga (s)
1
1 ∼ ϕ(m)
log s−1
4
4.1
Variations autour des sommes de Gauß
Définition et premières propriétés
Dans cette partie, p désigne un nombre premier impair, et ω, une racine pe primitive de l’unité. On
désigne aussi par ψm le caractère qui à 1Fp associe ω m .
Définition 7. Soient ψ un caractère du groupe additif (Fp , +) et χ un caractère du groupe multiplicatif
(F∗p , ·). On appelle somme de Gauß associée à χ et ψ le nombre complexe noté G(χ, ψ) défini par :
G(χ, ψ) =
X
χ(x) · ψ(x)
x∈F∗
p
Proposition 12. Si m est premier avec p, alors
∀n ∈ Z G(χ, ψnm ) = χ(m)G(χ, ψn )
Démonstration. Par définition de G, on a
G(χ, ψnm ) =
p−1
X
χ(k)ω nmk =
k=1
p−1
X
k=1
11
χ(m)−1 χ(mk)ω nmk .
Remarquons alors que, comme m est inversible dans Fp (m ∧ p = 1), l’application x 7→ mx est une
bijection de F∗p dans lui-même. Le changement de variable u = mk donne alors
G(χ, ψnm ) =
p−1
X
χ(m)−1 .χ(u)ω nu = χ(m−1 )
u=1
p−1
X
χ(u)ω nu = χ(m)G(χ, ψn ).
u=1
Proposition 13. Si χ et ψ sont tous deux des caractères différents du caractère constant 1, alors
G(χ, ψ) · G(χ, ψ) = χ(−1)p.
Démonstration. Par définition, on a :
G(χ, ψ).G(χ̄, ψ) =
p−1
X
χ(k)ψ(k).
p−1
X
k=1
χ(l)ψ(l) =
l=1
X
χ(kl−1 )ψ(k)ψ(l)
k,l∈[1,p−1]
car χ(l) = χ(l)−1 = χ(l−1 ). u = kl−1 donne alors
G(χ, ψ).G(χ̄, ψ) =
p−1
X
χ(u)
p−1
X
u=1
ψ(ul)ψ(l).
l=1
Or, si u 6= 1, l 7→ ψ(ul) est un caractère de (Fp , +) différent de ψ, donc lui est orthogonal, par la
proposition 3. Ainsi
Si u 6= p − 1
p
X
ψ(ul)ψ(l) = 0
sinon
l=1
p
X
ψ(−l)ψ(l) = p.
l=1
C’est-à-dire, si on isole le terme en p − 1 :
Si u 6= p − 1
p−1
X
ψ(ul)ψ(l) = −1
p−1
X
sinon
l=1
ψ(−l)ψ(l) = p − 1.
l=1
Ceci montre alors
G(χ, ψ) · G(χ, ψ) =
p−2
X
−χ(u) + (p − 1)χ(−1).
u=1
χ est de même orthogonal au caractère constant 1, donc
p−1
X
−χ(u) = χ(−1),
u=1
ce qui termine la démonstration.
Proposition 14. Si µ désigne le caractère correspondant au symbole de Legendre
2
G(µ, ψ1 ) =
−1
p
−1
p
, on a :
p
Démonstration. Ceci résulte de l’invariance de µ par conjugaison, et de la proposition précédente.
12
4.2
Loi de réciprocité quadratique
Proposition 15.
Si
τp =
p
X
exp
k=1
2iπk 2
p
alors
τp2
=
−1
p
p
Démonstration.
Soit P
H le sous groupe multiplicatif de F∗p composé des éléments carrés de F∗p . Si P1 =
P
ψ1 (k), il est clair que
k∈H ψ1 (k) et P2 =
k∈F∗
p \H
P1 + P2 + 1 =
X
ψ1 (k)
k∈Fp
Or, par orthogonalité, le terme de droite est nul, donc −P2 = P1 + 1.
2iπ
Par ailleurs, remarquons que G(µ, ψ1 ) = P 1 − P2 = 1 + 2P1 . Ainsi, notant ω = e p , on obtient
τp =
p
X
exp
k=1
2iπk 2
p
=1+
p−1
X
2
ω k = 1 + 2P1 = G(µ, ψ1 )
k=1
car l’application carrée est surjective et que toute image admet exactement deux antécédents.
Proposition 16 (Loi de réciprocité quadratique). Si q est un nombre premier impair distinct de p :
(p−1)(q−1)
p
q
4
= (−1)
q
p
Démonstration. On se place dans Z[ω], qui contient τp . On calcule alors, dans Z[ω]
!q
p
2
X
2iπk
τpq =
exp
.
p
k=1
La formule du binôme et les facteurs q dans les coefficients binômiaux montrent que
X
τpq =
µ(k)q ψ1 (k)q = µ(k)ψq (k) = G(µ, ψq )
mod q,
k∈F∗
p
l’expression mod q signifiant qu’à a + ib ∈ C on associe a + ib, où x est l’image de x dans R/qZ.
La proposition 12 montre que :
τpq ≡ G(µ, ψq ) ≡ µ(q)G(µ, ψ1 ) ≡ µ(q)τp
mod q.
En outre, la proposition précédente montre que
q−1
q−1
2
q−1
(p−1)(q−1)
p−1
q−1
−1
2
q
2
2
4
τp = τp
p
τp = (−1) 2 p
τp = (−1)
p 2 τp
τp =
p
De fait,
µ(q)τp ≡ (−1)
(p−1)(q−1)
4
p
q−1
2
τp
mod q.
En multipliant cette égalité par τp /p, on obtient (on aura utilisé 15) :
µ(q)µ(−1) ≡ (−1)
(p−1)(q−1)
4
p
q−1
2
µ(−1) donc
(p−1)(q−1)
(p−1)(q−1)
q−1
q
p
4
4
≡ (−1)
p 2 ≡ (−1)
mod q.
p
q
Or, dans cette égalité, les membres sont dans {−1, 1} donc l’égalité est vraie dans Z, ce qui donne :
(p−1)(q−1)
q
p
4
= (−1)
p
q
et termine la démonstration.
13
Références
[1] Jean-Pierre Serre, Cours d’arithmétique, Presses universitaires de France, 1995.
[2] Gérald Tenenbaum, Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres, Société
Mathématique de France, 1995.
[3] Tom M. Apostol, Introduction to Analytic Number Theory, Springer-Verlag, 1976.
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Somme_de_Gauss, avril 2010.
14
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