Th´eor`eme de la progression arithm´etique
Victor LambertGwenael Mercier
Introduction
Le th´eor`eme de la progression arithm´etique, d´emontr´e en 1837 par Dirichlet, peut s’´enoncer de la
fa¸con suivante : pour tous les entiers naturels non nuls net mpremiers entre eux, il existe une infinit´e
de nombres premiers de la forme n+am, o`u aest un entier positif.
Sa d´emonstration rassemble deux facettes d’une th´eorie balbutiante que l’on connaˆıt aujourd’hui
sous le nom de th´eorie analytique des nombres. Nous allons ainsi commencer par un aspect purement
alg´ebrique, via l’´etude des caract`eres, continuer par la pr´esentation de quelques r´esultats utiles de fonc-
tions holomorphes puis marier ces deux notions pour aboutir `a la preuve du th´eor`eme.
Plus exactement, voici le r´esultat obtenu par Dirichlet :
Th´eor`eme 1 (de progression arithm´etique).Soit m>1, et soit atel que am= 1.
Notons Pl’ensemble des nombres premiers. Soit Pa={p∈ P tel que pa[m]}.
Alors Paa une densit´e analytique ´egale `a 1
ϕ(m).
1 Caract`eres des groupes ab´eliens finis
La preuve du th´eor`eme de la progression arithm´etique `a laquelle nous nous sommes int´eress´es utilise
de mani`ere fondamentale la th´eorie des groupes et plus pr´ecis´ement la notion de caract`eres, que nous
allons introduire dans cette partie.
1.1 Caract`eres et dualit´e
Dans la suite, nous noterons Gun groupe ab´elien fini et S1, le cercle unit´e du plan complexe.
efinition 1. On appelle caract`ere de Gtout morphisme de Gdans le groupe multiplicatif C.
Remarque : N´ecessairement, un caract`ere est `a valeurs dans S1, c’est pourquoi, on peut ´egalement
d´efinir un caract`ere de Gcomme ´etant un morphisme :
χ:GS1
efinition 2. On note b
G=Hom(G, S1), que l’on appelle le dual de G.
Remarque : b
Gest un groupe d’´el´ement neutre la fonction constante ´egale `a 1, et l’inverse d’un
morphisme χest son conjugu´e χ.
Proposition 1. Soit Hun sous-groupe de G, et χb
H, alors χ0b
Gqui prolonge χ.
[email protected]retagne.ens-cachan.fr
1
D´emonstration. L’id´ee est de raisonner par r´ecurrence sur l’indice de Hdans G.
Pour l’initialisation, on a H=G, il n’y a donc rien `a d´emontrer.
Sinon, supposons le th´eor`eme vrai pour tous les indices strictement inf´erieurs `a [G:H]. Soit χb
H
et choisissons xGH. En posant H0=< H, x >, on obtient [G:H0]<[G:H]. Il nous suffit donc
d’´etendre χ`a H0puis d’utiliser l’hypoth`ese de r´ecurrence.
Soient kl’ordre de xdans G/H et ζune racine k-i`eme de χ(xk), i.e ζk=χ(xk).
Tout ´el´ement h0H0peut s’´ecrire h0=hxa, avec hH, a Z.
A partir de l`a, on prolonge χsur H0par le morphisme (ce qu’on v´erifie ais´ement) que l’on notera
abusivement χd´efinit par :
χ(h0) = χ(h)ζa
Ce morphisme est bien d´efini car ind´ependant de la d´ecomposition hxade h0.
Ainsi, on est parvenu `a prolonger χsur H0et l’hypoth`ese de r´ecurrence permet ensuite de conclure.
Nous allons d´esormais utiliser ce premier r´esultat sur les caract`eres pour d´emontrer un th´eor`eme de
dualit´e des groupes ab´eliens finis, en commen¸cant par le cas cyclique.
Lemme 1. Si Gest cyclique, i.e GZ/nZ, alors b
GZ/nZ.
D´emonstration. G=< x >,χb
Gest donc enti`erement d´etermin´e par χ(x). Or, on a χ(x)n=χ(xn) =
χ(eG) = 1 donc χ(x)Un. R´eciproquement, ζtel que ζn= 1 χ(xk) = ζkd´efini un caract`ere. Ainsi,
φ:b
GUn
χ7→ χ(x)
est un isomorphisme, ce qui permet de conclure que b
Gest cyclique d’ordre n.
Proposition 2. Le groupe b
Gest un groupe ab´elien fini de mˆeme ordre que G. De plus, b
b
Gest canoni-
quement isomorphe `a G.
D´emonstration. Raisonnons par r´ecurrence sur l’ordre nde G.
Le cas n= 1 est trivial.
Soit n>2. Supposons le r´esultat vrai pour les groupes Htels que |H|< n.
Soit Hun groupe cyclique non trivial de G. Si H=G, le lemme pr´ec´edent d´emontre le r´esultat.
On est donc ramen´e au cas o`u Hest cyclique et {e}(H(G. On consid`ere alors le morphisme de
restriction
ρ:b
Gb
H
χ7→ χ|H
qui est surjectif d’apr`es la proposition de prolongement.
On a alors |b
G|=|b
H|| ker ρ|.
Mais le noyau de ρest form´e des caract`eres de Gtriviaux sur H, et est donc isomorphe `a [
G/H.
En outre, par hypoth`ese de r´ecurrence, |b
H|=|H|et |[
G/H|=|G/H|, ce qui nous donne finalement
|b
G|=|H||G/H|=|G|.
Cela d´emontre donc la premi`ere partie de cette proposition.
Pour xG,χ7→ χ(x) est un caract`ere de b
G, ce qui permet de d´efinir de mani`ere canonique
l’homomorphisme
:Gb
b
G
x7→ χ7→ χ(x)
Montrons que est un isomorphisme de Gsur son bidual. Il est clair qu’il s’agit d’un morphisme.
D’apr`es ce que l’on vient de d´emontrer, ces deux groupes ont mˆeme ordre, il suffit donc de montrer
que est injectif. Or si x6= 1, il existe χb
Gtel que χ(x)6= 1. Mais alors, (x)(χ) = χ(x)6= 1, donc
(x)6= 1.
On a donc bien d´emontr´e que est injectif, ce qui conclut le th´eor`eme.
2
1.2 Relations d’orthogonalit´e
Proposition 3. Soit n=|G|.
Si χb
G,X
xG
χ(x) = nsi χ= 1
0sinon
Si xG,X
χ
b
G
χ(x) = nsi x=e
0sinon
D´emonstration. emontrons la premi`ere propri´et´e. La deuxi`eme en d´ecoule imm´ediatement en appli-
quant la premi`ere `a b
Get en utilisant le fait que b
b
GG, ce qu’on a vu pr´ec´edemment.
Si χ= 1 la formule est ´evidente. Sinon, soit yGtel que χ(y)6= 1. On a alors :
χ(y)X
xG
χ(x) = X
xG
χ(xy) = X
xG
χ(x)
On obtient ainsi le r´esultat souhait´e.
1.3 Caract`eres modulaires
Soit m>1. Nous noterons G(m)=(Z/mZ)le groupe des ´el´ements inversibles de l’anneau Z/mZ,
d’ordre ϕ(m) ou ϕest la fonction indicatrice d’Euler.
efinition 3. On appelle caract`ere modulo mun ´el´ement χdu dual de G(m).
Soit χun caract`ere modulo m. On peut le consid´erer comme une fonction d´efinie sur l’ensemble des
entiers premiers `a m. On prolonge χsur Zpar la formule suivante :
χ(n) = χ(n) si nm= 1
0 sinon
Lemme 2. Soit pun entier premier avec m. On note pson image dans G(m)et f(p)l’ordre de p. Soit
Uf(p)l’ensemble des racines f(p)ede l’unit´e. On note aussi g(p) = ϕ(m)
f(p). Alors, pour tout wUf(p), il
existe exactement g(p)caract`eres χde G(m)tels que χ(p) = w.
D´emonstration. Soit donc pun entier premier avec m. On dispose d’un morphisme φpde \
G(m) dans
Uf(p), tel que φp(χ) = χ(p). Comme φpest un morphisme, les fibres φ1
p({w}) ont mˆeme cardinal q.
Ainsi
|\
G(m)|=X
wUf(p)
|p1(w)|=q|Uf(p)|=qf(p).
Or, par ailleurs, |\
G(m)|=|G(m)|=ϕ(m) donc q=ϕ(m)
f(p)=g(p).
2 Quelques propri´et´es des fonctions holomorphes
Dans toute cette partie, nous utiliserons deux lemmes d’analyse dont le lecteur trouvera la d´emonstration
dans [1] :
Lemme 3. Soit Uun ouvert de C, et fnune suite de fonctions holomorphes sur Uqui converge uni-
form´ement sur tout compact vers une fonction f. Alors, la fonction fest holomorphe et toutes les d´eriv´ees
de fnconvergent vers les d´eriv´ees de f.
3
Lemme 4 (d’Abel).Soient (an)et (bn)deux suites. On pose
Am,p =
p
X
n=m
anet Sm,m0=
m0
X
n=m
anbn
Alors, on a
Sm,m0=
m01
X
n=m
Am,n(bnbn+1) + Am,m0bm0.
On utilisera aussi le lemme suivant :
Lemme 5. Soient αet βdeux nombres r´eels, tels que 0< α < β, et z=x+iy un complexe de partie
r´eelle strictement positive. Alors :
eαz eβz 6z
xeαx eβx.
D´emonstration. Remarquons que
eαz eβz =zZβ
α
etzdt
donc
|eαz eβz|6|z|Zβ
α
|etz|dt =z
xeαx eβx.
2.1 S´eries de Dirichlet
2.1.1 Lemmes
Soit (λn) une suite de nombre r´eels tendant vers +. Dans la suite, on supposera que ces nombres
sont positifs (quitte `a supprimer les termes n´egatifs (en nombre fini)). On se donne aussi une suite (an)
quelconque de complexes. On appelle s´erie de Dirichlet d’exposants (λn) une s´erie de la forme :
XaneλnzzC.
Proposition 4. Si la s´erie f(z) = Paneλnzconverge pour z=z0, alors elle converge uniform´ement
dans tout domaine de la forme <(zz0)>0,|arg(zz0)|6α, o`u α < π/2.
D´emonstration. Quitte `a translater z, on peut supposer que z0= 0. On a donc Panconverge. On se
donne donc un domaine <z>0 et |arg(z)|6α < π/2. Soit enfin ε > 0.
Puisque Panconverge, il existe N tel que m, m0>N,|Am,m0|6ε(notation du lemme 4). Ledit
lemme appliqu´e avec bn=eλnzdonne
Sm,m0=
m01
X
n=m
Am,n(eλnzeλn+1z) + Am,m0eλm0z.
En posant z=x+iy, et en appliquant le lemme 5, on obtient, pour m, m0>N:
|Sm,m0|6ε
1 + |z|
x
m01
X
n=m
(eλnxeλn+1x)
Or, |arg(z)|6αcos(arg(z)) >cos α|z|
<(z)61
cos α:= k. On a donc :
|Sm,m0|6ε1 + k(eλmxeλm0x)
d’o`u
|Sm,m0|6ε(1 + k).
Ceci montre la convergence uniforme.
4
Corollaire 1. Si fconverge pour z=z0, elle converge pour tout ztel que <z > <z0, la fonction ainsi
d´efinie ´etant holomorphe.
Corollaire 2. L’ensemble de convergence de la s´erie fcontient un demi-plan ouvert maximal, appel´e
demi plan de convergence.
Corollaire 3. f(z)converge vers f(z0)lorsque zz0en restant dans le domaine <(zz0)>0et
|arg(zz0)|6α, avec α < π/2.
Ceci r´esulte directement de la convergence uniforme.
Corollaire 4. La fonction fne peut ˆetre identiquement nulle que que si tous ses coefficients sont nuls.
D´emonstration. On montre d’abord que a0est nul en multipliant fpar eλ0zpuis en faisant tendre zvers
+(en prenant zeel). La convergence uniforme montre que feλ0ztend vers a0, qui est de fait nul. On
recommence alors pour a1, etc.
2.1.2 eries de Dirichlet `a coefficients positifs
Proposition 5. Soit f=Paneλnzune s´erie de dirichlet donc les coefficients ansont r´eels positifs.
Supposons que fconverge pour <z > ρ, et que la fonction fpuisse ˆetre prolong´ee analytiquement en
une fonction holomorphe au voisinage de z=ρ. Il existe alors un nombre ε > 0tel que fconverge pour
<z > ρ ε.
Cela revient `a dire que le domaine de convergence de fest limit´e par une singularit´e de f, situ´ee sur
l’axe r´eel.
D´emonstration. Comme pr´ec´edemment (remplacer zpar zρ), on suppose que ρ= 0. Puisque f
est holomorphe `a la fois pour <z > 0 et dans un voisinage de 0, elle est holomoprhe sur un disque
|z1|61 + ε,ε > 0. En particulier, sa s´erie de Taylor converge dans ce disque. Or, d’apr`es le lemme 3,
la d´eriv´ee pede fest
f(p)(z) = X
n
an(λn)peλnzpour <z > 0
d’o`u f(p)(1) = (1)pX
n
λp
naneλn.
Ainsi, en ´ecrivant la s´erie de Taylor, on a
f(z) =
X
p=0
1
p!(z1)pf(p)(1),avec |z1|61 + ε.
En particulier, pour z=ε:
f(ε) =
X
p=0
1
p!(1 + ε)p(1)pf(p)(1),
la s´erie ´etant convergente. Or, (1)pf(p)(1) = Pnλp
naneλnest une s´erie convergente `a termes positifs.
Ainsi, la s´erie double `a termes positifs
f(ε) = X
n,p
an
1
p!(1 + ε)pλp
neλn
converge. Par regroupement de termes, on peut l’´ecrire
f(ε) = X
n
aneλnX
p
1
p!(1 + ε)pλp
n
=X
n
aneλneλn(1+ε)=X
n
aneλnε
ce qui montre que la s´erie de dirichlet converge aussi pour z=ε.
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