Un Nouveau Point de Rep `ere dans la Th éorie des Formes

Un Nouveau Point de Rep`
ere dans la Th´
eorie des Formes Automorphes
Robert P. Langlands*
Verweilung, auch am Vertrautesten nicht,
ist uns gegeben; aus den erf ¨
ullten
Bildern st ¨
urzt der Geist zu pl¨
otzlich zu f ¨
ullenden;
Rainer Maria Rilke “An H¨
olderlin”
Introduction. Ceux qui connaissent l’auteur et ses ´
ecrits, comme par exemple [P] et [W], savent que la notion
de fonctorialit´
e et les conjectures rattach´
ees `
a celle-ci ont ´
et´
e introduites – en suivant ce que Artin avait fait pour
un ensemble plus restreint de fonctions – pour aborder le probl`
eme de la prolongation analytique g´
en´
erale des
fonctions L-automorphes. Ils savent en plus que je suis d’avis que seules les m´
ethodes bas´
ees sur la formule des
traces pourront aller au fond des probl`
emes. Il n’en reste pas moins que malgr´
e de r´
ecents progr`
es importants
sur le lemme fondamental et la formule des traces nous sommes bien loin de notre but.
Dans l’article [BE] j’ai essay´
e de d´
epasser les limites traditionelles, donc la comparaison de deux formules des
traces, d’habitude dans le cadre de l’endoscopie, soit ordinaire soit tordue, quoique la pr´
esence de l’endoscopie ne
soit pas toujours explicitement reconnue. On ne trouve dans [BE] que les premiers balbutiements d’une m ´
ethode
nouvelle qui ne portera gu`
ere ses fruits avant longtemps. L’endoscopie et les comparaisons qu’elle sugg`
ere
s’appuient sur des r´
eflexions purement alg´
ebriques. Dans [BE], j’ai propos´
e en plus qu’avant d’entreprendre des
comparaisons, on introduise un passage `
a la limite dans la formule des traces. Ce passage `
a la limite entraˆıne
mˆ
eme dans certains cas des plus simples des probl`
emes analytiques graves et non r´
esolus. Je les ai signal´
es dans
[BE] sans pouvoir en entamer l’´
etude.
Je continue `
a y r´
efl´
echir et j’ai profit´
e d’un colloque tenu `
a Toronto `
a l’occasion du 60i´eme anniversaire de
naissance de James Arthur pour d´
ecrire mes conclusions des exp´
eriences num´
eriques auxquelles j’ai fait allusion
dans [BE] et surtout pour encourager autrui `
a poursuivre dans cette voie.
Le grand inconv´
enient de ce passage `
a la limite est la difficult´
e des probl`
emes analytiques qu’il pose; son
grand avantage est qu’il nous permet de passer `
a un nouveau monde, `
a un paysage tout `
a fait diff´
erent o `
u nous
ne sommes plus hant´
es par les anciens probl`
emes, mais o `
u nous pouvons aborder des questions nouvelles avec
un esprit rafraˆıchi. Quoique nous restions au pied des mˆ
emes montagnes, nous passons `
a un autre versant o `
u
nous pouvons chercher d’autres chemins.
* Au cours de mes r´
eflexions sur les questions soulev´
ees dans cet article, j’ai profit´
e de conversations avec Mark
Goresky, Nicolas Katz et Peter Sarnak `
a Princeton, avec Laurent Lafforgue `
a l’IHES, et avec Andrew Booker `
a ces
deux endroits. Je leur en suis reconnaissant. Je suis aussi reconnaissant `
a Claude Levesque qui a lu attentivement
la premi`
ere version du texte. Gr ˆ
ace `
a ses suggestions nombreuses le style de l’article s’est fortement am´
elior´
e.
1
Dans cet article, je pr´
etends `
a peu: je reprends tout simplement l’expos´
e de Toronto avec quelques suppl´
ements.
Je d´
ecrirai bri`
evement le nouveau rep`
ere auquel le titre fait r´
ef´
erence, ensuite je donnerai un pr´
ecis des conclu-
sions tir´
ees des r´
esultats num´
eriques, et enfin j’expliquerai de quel c ˆ
ot´
e il me semble `
a pr´
esent le plus prometteur
d’aborder les questions soulev´
ees. Une connaissance des fondements de la th´
eorie des formes automorphes sera
exig´
ee du lecteur.
Les nombres mπ(ρ).Une fonction L-automorphe est d´
efinie provisoirement par un produit eul´
erien
L(s, π, ρ) = Y
p/S
1
det 1ρ(Ap(π))
Nps.(1)
Ici πest une repr´
esentation automorphe d’un groupe Gsur un corps global F, qui au d´
ebut est un corps
de nombres, mais qui par la suite est aussi un corps de fonctions sur un corps fini; {Ap(π)}est la classe de
Frobenius-Hecke de π`
a la place p, et est souvent dite la classe de Satake, alors que ρest une repr´
esentation du
groupe LG, dit le groupe Lattach´
e`
aG. L’ensemble Sest un ensemble fini qui contient toutes les places infinies
et dont le choix pr´
ecis n’a pas ici d’importance. Tˆ
ot ou tard on voudra une d´
efinition dans laquelle le produit est
pris sur toutes les places finies, mais nous ne sommes pas arriv´
es `
a ce point.
`
A mon avis, la d´
emonstration de la possibilit´
e de prolonger analytiquement toutes ces fonctions passera
par la fonctorialit´
e. Cependant, plutˆ
ot que d’insister trop sur ce point, nous pouvons nous demander s’il y a
´
eventuellement des cons´
equences `
a tirer de ce prolongement analytique, que nous pouvons aborder tout de suite
et directement sans attendre une d´
emonstration de la fonctorialit´
e ou de l’existence de ces prolongements Ces
cons´
equences pourraient mˆ
eme nous indiquer la voie `
a suivre pour trouver les d´
emonstrations convoit´
ees. Je
rappelle, par exemple, que selon les conjectures importantes de Arthur ([A]) on devrait pouvoir, en d´
eveloppant
la formule des traces et en utilisant un argument par r´
ecurrence, partager les repr´
esentations automorphes en
deux classes: celles pour lesquelles on peut accepter et mˆ
eme s’attendre `
a ce que la conjecture de Ramanujan
soit fausse; celles pour lesquelles toute th´
eorie envisage `
a pr´
esent que la conjecture soit vraie. Pour ces derni`
eres
repr´
esentations, dites de type Ramanujan, l’ordre mπ(ρ)du pˆ
ole de la fonction L(s, π, ρ)au point s= 1 a une
signification majeure. J’ai propos´
e dans l’article [BE] qu’on cherche `
a introduire les nombres mπ(ρ)directement
par une voie qui ´
evite le prolongement analytique, mˆ
eme si cette voie ne donnait peut-ˆ
etre `
a prime abord que
des nombres r´
eels, pour lesquels il faudrait ensuite d´
emontrer que ce sont en fait des entiers non n´
egatifs.
Plus pr´
ecisement, j’ai propos´
e que l’on cherche `
a´
etablir des formules non pas pour chacun des nombres
mπ(ρ)s´
epar´
ement, mais pour des sommes de la forme
X
πY
vS
trπv(fv)mπ(ρ).(2)
Dans cette formule l’ensemble Sest, comme celui de la formule (1), un ensemble fini de places qui contient
toutes les places `
a l’infini. De plus, pour que la somme soit finie nous fixons un caract`
ere central global unitaire χ
2
et n’admettons dans la somme que les repr´
esentations qui se transforment selon ce caract`
ere et qui sont `
a la fois
non ramifi´
ees en dehors de Set de type Ramanujan. Enfin, `
a chaque place de Sla fonction fest lisse de support
compact modulo le centre de G(Fv)et se transforme sous ce centre selon l’inverse de χv. Donc f(zg) = χ1
v(z)(g)
pour zdans le centre. Ayant trouv´
e, `
a partir des m´
ethodes de la formule des traces, une formule pour les sommes
de (2), nous pourrons essayer, en comparant les formules pour divers ρet divers G, non pas simplement d’´
etablir
que les nombres mπ(ρ)sont des entiers, mais aussi d’´
etablir la fonctorialit´
e. Il s’agit certainement de probl`
emes
difficiles, mais leur nouveaut´
e nous force `
a sortir des chemins foul´
es.
Dans le travail [BE] j’ai essay´
e d’aborder ces probl`
emes num´
eriquement. J’ai fait quelques observations
encourageantes et les calculs d’Andrew Booker ont confirm´
e les miens, de sorte que je peux communiquer mes
conclusions ici sans trop craindre qu’`
a cause des d´
efauts de mes codes elles ne soient pas bien fond´
ees. Les
conclusions de l’article [BE] ´
etaient cependant moins frappantes que celles des relations (9), (10) et (11) de la
pr´
esente note et en m ˆ
eme temps l´
eg`
erement fauss´
ees par quelques petites erreurs de calculs. Je ne donne que les
nouvelles conclusions. Le lecteur qui veut les comparer avec des donn´
ees num´
eriques est encourag´
e`
a consulter
Andrew Booker ou `
a faire lui-mˆ
eme des calculs semblables. Apr`
es tout, des r´
esultats num´
eriques aux conclusions
th´
eoriques il y a un saut qui ne se fait pas sans un brin de foi. Il me semble cependant qu’il serait tr`
es utile de
pousser plus loin ce genre de calculs, d’abord pour mieux se convaincre du bien-fond´
e de ce que j’affirme, ensuite
pour mieux comprendre des cas plus g´
en´
eraux.
Conclusions des calculs num ´
eriques. Je rappelle le cadre de [BE]. Il s’agit d’arriver en substituant des fonctions
convenables dans la formule des traces `
a une expression dont la limite est cens´
ee ˆ
etre la somme de (2). Je
passe au cas le plus simple. Le corps Fest Q, le groupe Gest GL(2), l’ensemble Sne contient que la place
infinie, et le caract`
ere central est identiquement 1. Le groupe LGest GL(2,C)et la repr´
esentation ρest la
repr´
esentation irr´
eductible sur l’espace de tenseurs sym´
etriques de degr´
em. Sa dimension est donc m+ 1.
Il y a plusieurs contributions `
a la formule habituelle des traces: la contribution parabolique et la contribution
elliptique. La contribution elliptique est la contribution principale, mais il faut toutefois soustraire la contribution
de la repr´
esentation triviale, car elle n’est pas de type Ramanujan.
Dans l’article [BE] je suis arriv´
e`
a une somme sur n > 0et f > 0,n, f Z,(n, f) = 1, de l’expression de sa
formule (70). Je la r´
ecris ici. Soit N=±4pm, avec pun nombre premier, mun entier positif, et soit θn,f (p, m)
l’expression d´
efinie par
2(XD
nf0ϕ(D, nf0)ψ±(xr)
p|N|Φp|N|X
±
n,f (N)Zψ±(x)p|x21|dx),(3)
o`
u
3
Φ = Φf=Y
q|f
1D
q
q
.
La premi`
ere des sommes se fait sur des entiers positifs f0dont tous les diviseurs sont aussi des diviseurs de
f, sur les signes +1 et 1, et sur rZtels que f|so`
u l’entier positif sest d´
efini par la condition r2N=s2D,
D´
etant un discrimant fondamental. Nous rappelons bri`
evement les notations de [BE]. La fonction ϕ(x, k)qui
intervient dans l’´
equation fonctionnelle approximative d´
epend d’un nombre r´
eel xet d’un entier positif k:
ϕ(x, k) =
πerfc kπ
|x|+|x|
kexp πk2
|x|si x <0,
x
kerfc kπ
x+ E1πk2
xsi x >0.
o`
u
E1(y) = γln(y) + X
j1
(1)j1yj
j!j,
γ´
etant la constante d’Euler.
Le nombre r´
eel xr=r/p|N|. Le symbole
a
b
est celui de Kronecker. La fonction n,f (N)est ´
el´
ementaire, mais d´
esagr´
eable `
a exprimer explicitement et
fastidieuse `
a d´
efinir pr´
ecis´
ement. Elle est ´
egale `
a une valeur moyenne approximative de
f
sn (r2N)f2/s2)
n.
Elle est rendue n´
ecessaire par la d´
ecomposition de la formule des traces en somme sur net f, une d´
ecomposition
sugg´
er´
ee par l’analyse et non pas par l’alg`
ebre. La d´
ecomposition exige une d´
ecomposition pareille de la
contribution `
a la trace de la repr´
esentation triviale, cette contribution devant ˆ
etre enlev´
ee.
La formule (3) provient en effet de la somme sur le spectre discret des traces de π(f),f´
etant une fonction
produit sur GL(2,A):f=Qvfvavec fpositif homog`
ene. Les fonctions ψ±sont les int´
egrales orbitales de
f´
evalu´
ees `
a une classe γde norme ±1et de trace 2x. Elles sont de support compact; ψest lisse et ψ+est
lisse sauf peut-ˆ
etre en ±1o`
u son comportement est prescrit. `
A nos fins elles sont `
a peu pr`
es des fonctions lisses
arbitraires `
a support compact. Les probl`
emes analytiques reli´
es `
a (3) doivent ˆ
etre r´
esolus dans cette g´
en´
eralit´
e
sans s’occuper de la provenance des fonctions ψ±, donc sans r´
ef´
erence `
a la formule des traces.
Il sera alors utile par la suite de remplacer les fonctions ψ±(x)par ψ±(x)x21 = η±(x), aussi une fonction
`
a toutes fins utiles arbitraire. Pour Dgrand la fonction ϕ(D, n)se comporte comme p|D|/n =p|r2N|/sn,
de sorte que la premi`
ere somme de (3) peut ˆ
etre remplac´
ee par
2p|N|Xf
snf0D
nf0ψ±(xr)p|xr1|
p|N|Φ
4
ou
2p|N|Xf
snf0D
nf0η±(xr)
p|N|Φ = 2 Xf
sn D
nη±(xr).
La somme `
a gauche porte toujours sur r,f0et ±et on exige toujours de rque f|s,s´
etant d´
efini par r2N=s2D.
`
A droite il n’y plus de somme sur f0. Si f=n= 1, cette derni `
ere expression n’est que
2X1
sη±(xr).(4)
Il n’y a plus de condition sur rmais 1/s intervient dans la somme. Le deuxi `
eme terme de la diff´
erence devient
2p|N|X
±
1,1(N)Zη±(x)dx. (5)
Je souligne encore que la formule (3) est la diff´
erence de deux termes dont le premier est donn´
e par la formule
des traces et dont le deuxi`
eme est, au moins apr`
es avoir somm´
e sur net f, la contribution de la repr´
esentation
triviale `
a la formule des traces. Elle doit ˆ
etre soustraite de la formule car la repr´
esentation triviale n’est pas de
type Ramanujan. Celles qui restent et qui contribuent `
a la formule des traces sont de type Ramanujan. Nous nous
attendons donc `
a ce que pour elles la conjecture de Ramanujan soit valable, mais cette hypoth`
ese n’intervient pas
dans les arguments. Soit
Θ(p, m) = X
n,f
θn,f (p, m).
Puisque nous comprenons bien les fonctions Lde Hecke pour GL(2), nous pouvons certainement v´
erifier sans
trop de peine que pour m= 1 la limite
lim
X→∞ Ξ(m, X) = lim
X→∞ Pp<X ln(p)Θ(p, m)
X(6)
existe. Elle ne sera pas ´
egale `
a (2) car il y a des contributions suppl´
ementaires de termes paraboliques faciles `
a
calculer. Elle sera ´
egale toutefois `
a une expression assez simple dont nous comprendrons mieux la forme par la
suite. Il ne s’agit pas toutefois d’exploiter des particularit´
es du cas m= 1 mais de trouver une m´
ethode uniforme
qui ne fonctionne pas seulement pour m= 1 mais qui s’´
etend `
a tout m. C’est une nouvelle terre `
a d´
efricher.
Cependant, pour la plupart des calculs je me suis restreint au cas m= 1 car mˆ
eme pour m= 2 la condition
pm< X admet bien moins de nombres premiers que la condition p < X. Laissons alors tomber le symbole met
´
ecrivons θn,f (p),Θ(p)et Ξ(X). Puisque toute id ´
ee me manquait, j’avais par d´
esesp´
erance r´
ecrit le quotient de
(6) comme
X
n,f Pp<X ln(p)θn,f (p)
X,(7)
simplement parce que je me disais que
ξn,f (X) = Pp<X ln(p)θn,f (p)
X(8)
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