La Lettre du Rhumatologue - n° 243 - juin 1998
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CAS CLINIQUE
es métastases osseuses sont les lésions malignes de l’os
les plus fréquentes. Elles surviennent le plus souvent
après que le diagnostic de cancer primitif a été établi.
Elles sont révélatrices du cancer dans 22 % des cas.
Les métastases osseuses distales siègent par définition au-delà du
coude et au-delà du genou. Elles sont rares : 4 % des séries. Quant
aux acrométastases, qui touchent les mains et les pieds, elles sont
exceptionnelles : de 0,07 % à 0,3 % des cas. Enfin les acromé-
tastases touchant à la fois les mains et les pieds, révélatrices de
cancer, restent une rareté, avec moins de 20 cas rapportés.
OBSERVATION
Elle concerne un homme de 71 ans, hospitalisé en décembre 1996
dans le service pour des douleurs des pieds et des mains. Il s’agit
d’un ancien électricien, peut-être exposé à l’amiante, ex-fumeur
à 30 paquets-années. L’affection a débuté en janvier 1996 par des
douleurs de cheville et du pied gauche avec œdème inflamma-
toire. Un diagnostic d’algodystrophie avait été initialement porté
devant les signes cliniques et la déminéralisation, pourtant très
irrégulière. Par la suite étaient apparues des douleurs de la main
et du fémur gauche dans un contexte d’altération de l’état géné-
ral. Lors de l’hospitalisation, des œdèmes douloureux à la pres-
sion étaient retrouvés en regard des 1er, 2eet 3emétatarsiens
gauches, du 2emétatarsien droit, du tarse à gauche, des 4eet
5emétacarpophalangiennes droites ; il existait par ailleurs un syn-
drome clinostatique à droite. Les paramètres biologiques mon-
traient une VS à 30 à la première heure, une CRP à 9 (N : 2,5) ;
la PSA, la calcémie, le ionogramme, le bilan hépatique, la fonc-
tion rénale étaient normaux. L’indice de masse corporelle (IMC)
était de 20 ; il n’existait pas de fièvre.
Le diagnostic était rapidement fait par de nouvelles radios qui
montraient des lésions lytiques des métacarpiens, des métatar-
siens, du carpe, de la stylopode radiale droite, du fémur gauche,
et surtout un syndrome tumoral pulmonaire.
L’évolution fut marquée par une fracture pathologique de la dia-
physe fémorale gauche, fracture qui fut enclouée et permit d’ob-
tenir une histologie évoquant un adénocarcinome moyennement
différencié d’origine bronchique probable. Par la suite, les lésions
fémorales furent irradiées, de même que les lésions périphériques
des mains et pieds, et une chimiothérapie fut entreprise.
COMMENTAIRES
Les métastases osseuses distales sont connues depuis 1870 (1).
En 1906, une métastase à la main était décrite pour la première
fois, par Handley (4), et, en 1920, une métastase au pied était
décrite. Actuellement, on considère qu’il y a autant de métastases
aux membres supérieurs qu’aux membres inférieurs, mais deux
fois plus aux mains qu’aux pieds (2).
La fréquence des métastases distales est estimée de 2 % (2) à 4 %
(4). Quant aux acrométastases, elles restent rares : 27 cas en 41 ans
pour Healey (3). En 1987, Libson en rapporte 43 cas, et retrouve
dans la littérature 196 cas aux mains pour 94 aux pieds (4).
Nous pouvons faire état d’une série de 3 autres cas : 2 cancers du
poumon métastasant aux mains et un cancer de la vessie métas
ta-
sant au pied.
Les cancers en cause sont, pour le membre supérieur, le poumon
dans près de 50 % des cas (4), devant le sein et le rein (12 % cha-
cun). Pour les membres inférieurs, le poumon est responsable de
15 % des cas, juste derrière le côlon, le rectum et le rein (17 %),
puis apparaît, en quatrième place, le sein avec 10 % des cas.
Les sites métastatiques sont, à la main, les phalanges, d’abord P3,
puis P2 et enfin P1 ; le carpe est exceptionnellement seul touché
(5). Aux pieds, le calcanéum puis le tarse sont les plus fréquem-
ment atteints (6).
L’aspect radiologique (figures 1 et 2) est en règle celui d’une
ostéolyse géodique, ou multigéodique, rompant parfois la corti-
cale (2). Une ostéoporose marquée est souvent notée, pouvant en
imposer au début pour une algodystrophie. En règle, l’atteinte est
multifocale, comme le démontre la scintigraphie osseuse, qui
n’est guère utile pour le diagnostic initial mais qui est intéres-
sante dans le bilan d’extension de la maladie cancéreuse.
L’atteinte simultanée des mains et des pieds est signalée par
Barnett en 1969, à propos d’un cas de cancer rénal. Healey n’en
retrouve qu’un cas sur 29 acrométastases en 41 ans : il s’agissait
d’un cancer du côlon, et Libson en rapporte 6 cas. Une recherche
par le Medline entre 1992 et 1997 nous a permis de retrouver
2 nouveaux cas : un cancer du poumon et un cancer du sein, alors
que sur la même période étaient rapportées 16 acrométastases aux
mains et 7 aux pieds.
Acrométastases des mains et des pieds
L
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Les diagnostics différentiels essentiels sont ceux d’infections
ou d’inflammations : panaris, phlegmon, goutte, monoarthrite,
algodystrophie, ténosynovite, en raison des signes locaux qui sont
le plus souvent importants, avec œdème parfois douloureux.
Le diagnostic est établi, bien sûr, par l’aspect radiographique, la
scintigraphie montrant la diffusion de l’atteinte, et enfin par l’his-
tologie. Quand le diagnostic est évoqué, nous avons vu que la
radio pulmonaire était sans doute l’examen le plus rentable, sur-
tout lors d’une atteinte des mains, ainsi que la recherche d’un can-
cer du rein ou du tube digestif en cas d’atteinte des pieds.
Le pronostic est réputé mauvais, malgré les traitements appli-
qués ; pourtant, nous pouvons faire état, dans un cas d’adéno-
carcinome pulmonaire, d’une survie de 28 mois, avec survenue
lors de l’évolution de métastases au pied, et, pour le cancer de la
vessie révélé par des métastases métatarsiennes, d’un recul de
plus de 2 ans. En revanche, le troisième cas, un cancer épider-
moïde du poumon révélé par une métastase unique à la main, est
décédé en 7 mois. Le cas rapporté ici d’acrométastases de la main
et du pied est actuellement en traitement.
CONCLUSION
La survenue d’acrométastases est rarement révélatrice de cancer.
En cas d’atteinte ostéolytique de la main, il convient avant tout
de rechercher un cancer du poumon, présent dans 50 % des cas,
et en cas d’atteinte du pied, plus rare, un cancer siégeant en sous-
diaphragmatique comme le côlon, le rectum et les reins, le pou-
mon étant ici beaucoup plus rare. La survenue d’acrométastases
des mains et des pieds reste exceptionnelle, moins de 20 cas ayant
été rapportés dans la littérature. Dr L. Beraneck, 94000 Créteil
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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4. Libson E., Bloom R.A., Husband J.E., Stoker D.J. Metastatic tumours of bones
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Skeletal Radiol 1987 ; 16 : 387-92.
5. Rochet N., Pages M., Lassoued S., Poey C., Fournié B., Fournié A. Métastase
phalangienne de la main. À propos d’une observation. Rev Rhum Mal Osteoartic
1991 ; 58 : 73-4.
6. Vedere V., Goupille P., Jeannou J., Valat J.P. Les métastases osseuses distales
du pied. Sem Hop Paris 1995 ; 71 : 377-8.
Figures 1 et 2. Radiologie des mains et des pieds.
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