La France, championne des nouvelles technologies médicales

jeudi 6 février 2014 LE FIGARO
18 L'ÉVÉNEMENT
ARMELLE BOHINEUST
@armelella
ET GUILLAUME BAYRE
@GuillaumeBayre
SANTÉ L’implantation, mi-
décembre, du premier cœur arti-
ficiel complet, créé par la so-
ciété Carmat, est une
réussite entièrement
française. Et c’est
loin d’être la seule
dans les technologies
médicales. La France y
compte plusieurs champions
en herbe.
« Les technologies médicales
sont au carrefour de deux domai-
nes où la France a toujours brillé :
la médecine bien sûr, et l’ingénie-
rie, où les Français ont aussi une
excellente réputation. D’où
l’éclosion d’un nouveau secteur de
pointe », explique Bertin Nahum,
PDG de Medtech, la société mont-
pelliéraine qui a inventé le robot
Rosa de chirurgie mini-invasive.
C’est un domaine dans lequel la
French touch fait merveille, com-
me dans celui des implants
chirurgicaux et orthopédiques,
avec des entreprises comme Me-
dicrea, Spineguard, Spineway,
Vexim, Spinevision ou encore Im-
planet, qui a déjà vendu dans le
monde 2 000 implants novateurs
du rachis.
Autre activité d’excellence,
l’imagerie médicale. Bien après
Guerbet, dont le Lipiodol - créé en
1926 - est toujours un best-seller
parmi les produits de contraste,
Supersonic Imaging a développé
et commercialise dans le monde
un échographe révolutionnaire,
tandis qu’EOS rencontre un suc-
cès parallèle dans la radiographie.
S’ils conçoivent leurs innova-
tions dans l’Hexagone, la plupart
des entrepreneurs innovants les
construisent aussi sur place.
« Nous fabriquons en France. C’est
une force. Cela nous permet de bé-
néficier à la fois d’un outil indus-
triel de très bonne qualité et de la
proximité entre la recherche, le dé-
veloppement et la production, une
condition clé pour améliorer sans
cesse les produits », affirme
Sacha Loiseau, directeur
général de Mauna Kea
Technologies.
Mais l’équation se com-
plique quand il s’agit de
vendre ces bijoux technologi-
ques. Pour se positionner sur
un marché mondial évalué à
200 milliards d’euros et en
croissance de 6 % par an,
il faudrait pouvoir pren-
dre appui sur son marché
intérieur. Or, faute de
crédits publics, « il est
très difficile de vendre des
produits à l’hôpital », re-
connaît Sacha Loiseau qui
n’a vendu l’an dernier qu’un seul
appareil de micro-endoscopie en
France, contre 76 à l’étranger.
« L’État, par l’intermédiaire des
CHU, pourrait être un formidable
prescripteur d’innovation s’il jouait
son rôle, estime Bertin Nahum en
s’étonnant qu’il soit « plus facile
d’obtenir des subventions que des
commandes ».
Un terreau de créativité
Sans parler du casse-tête pour fai-
re entrer ces dispositifs novateurs
dans une nomenclature figée. « Le
système français ne rémunère pas
l’innovation. Si nous créons un im-
plant totalement nouveau, offrant
un service médical unique, il faut se
débrouiller pour le rattacher à une
catégorie prédéfinie, sans possibi-
lité d’obtenir un meilleur prix »,
déplore Denys Sournac, patron de
Medicrea. Ce fabricant d’implants
pour la colonne vertébrale réalise
donc toute sa marge à l’export.
« La France reste un terreau de
créativité mais n’est pas un marché
qui nous permet de vivre », indique
le dirigeant qui constate le rachat
ou l’exil de ses concurrents aux
États-Unis.
Peu à peu, les autorités pren-
nent conscience des freins impo-
sés à ce secteur qui emploie déjà
45 000 salariés. Arnaud Monte-
bourg, ministre du Redressement
productif, a affirmé sa volonté que
les acheteurs publics préfèrent les
produits français et la filière des
dispositifs médicaux fait partie
des 34 plans de « reconquête in-
dustrielle » lancés en 2013.
Pour les premières étapes de la
vie de ces start-up, « les aides fis-
cales et les subventions sont plutôt
opérants en France, même si des
améliorations sont nécessaires »,
estime Bertin Nahum. Et, sur les
marchés financiers, les « med-
techs » françaises s’en sortent
bien. Quatre des douze dernières
introductions en Bourse dans ce
secteur concernaient des entre-
prises françaises. Ces dernières
ont levé 32 millions d’euros, indi-
que le cabinet Ernst & Young.
Passer à la taille supérieure et se
mettre à l’abri d’un rachat par un
groupe étranger est plus compli-
qué. « Pour devenir leader mon-
dial, il faut être capable de lever
100 millions d’euros ou plus pour
établir des ponts en Asie ou en
Amérique du Sud ou racheter une
société du secteur », rappelle An-
toine Papiernik, partenaire de la
société de capital-risqueur Sofin-
nova, dont la société CoreValve a
été cédée en 2009 à l’américain
Medtronic. Des financements dif-
ficiles à trouver pour les start-up
médicales françaises. À moins que
le gouvernement n’entende leur
appel et n’incite assureurs et mu-
tualistes à investir dans ce secteur
risqué mais prometteur.
La France, championne
des nouvelles technologies médicales
Cœur artificiel, micro-robots, imagerie médicale… De jeunes entreprises de l’Hexagone
multiplient les inventions qui révolutionnent la médecine mondiale.
200
milliards de dollars.
de ventes annuelles
sur le marché
mondial
des technologies
médicales.
Pourquoi
est-il
si difficile
d’obtenir des
commandes
des hôpitaux
publics
français ?
BERTIN NAHUM,
PDG DE MEDTECH
HORVAT/AFP
Le premier cœur totalement arti-
ficiel a été implanté à l’hôpital
Georges-Pompidou à Paris, par
une équipe française. Une réussite
exceptionnelle due à la rencontre
d’un cardiologue, chercheur dans
l’âme, et d’un industriel français.
Celle du professeur Alain Carpen-
tier, qui s’est battu bec et ongles
pendant vingt ans pour créer un
cœur tricolore, et de Jean-Luc La-
gardère, qui détenait les clés de la
technologie ultrasophistiquée de
l’industrie spatiale et électronique
à la tête du groupe Matra, devenu
par la suite EADS. La société Car-
mat, financée par le fonds Truffle
et cotée en Bourse où elle est valo-
risée 400 millions d’euros, a en-
suite finalisé le développement de
ce cœur. Il pourra être commer-
cialisé d’ici à deux ans, après une
vingtaine d’essais cliniques
supplémentaires.
A. BOH
Carmat,
le cœur
du futur
Bertin Nahum, son fondateur, a été
classé en 2012 quatrième entrepre-
neur high-tech le plus révolution-
naire au monde par la revue cana-
dienne Discovery Series, derrière
Steve Jobs (Apple), Mark Zuckerberg
(Facebook) et James Cameron (ci-
néaste et explorateur de fonds ma-
rins). Son haut fait : avoir inventé le
robot Rosa, champion de la chirurgie
mini-invasive. Medtech, qui a vendu
son premier robot, Brigit, à l’améri-
cain Zimmer, réalise 60 % de ses
ventes à l’international mais conçoit
et fabrique ses machines à Montpel-
lier. « La production restera en Fran-
ce. L’herbe n’est pas toujours plus
verte ailleurs, que ce soit en créativité
ou en productivité», assure Bertin
Nahum. Mais il n’a pas hésité à s’exi-
ler deux ans en Amérique du Nord
pour y lancer Rosa, dont les ventes
ont atteint 1,8 million d’euros entre
mi-2012 et mi-2013.
A. BOH
Medtech,
la chirurgie
sans cicatrice
Polytechnicien, docteur en astro-
physique et en instrumentation
optique, Sacha Loiseau a œuvré à
la conception du télescope spatial
de la mission Gaia partie établir la
cartographie de notre Voie lactée.
Or les technologies de traitement
de l’image qui permettent de dé-
coder les signaux obtenus par un
télescope s’appliquent aussi bien
en microscopie. C’est l’origine du
Cellvizio, le plus petit microscope
implantable au monde. Cette son-
de, miniaturisée pour pénétrer
dans le corps humain, offre un
grossissement capable de détecter
d’éventuelles cellules cancéreu-
ses. Plus précis qu’une biopsie,
Cellvizio est déjà utilisé dans le
monde entier pour améliorer
considérablement le diagnostic de
cancers gastro-intestinaux, et
bientôt dans la pneumologie ou
l’urologie.
G. B.
Mauna Kea
explore
les cellules
Avec 23 millions d’euros de chiffre
d’affaires et un résultat bénéfi-
ciaire en 2013, Medicrea fait figure
de leader français parmi les spé-
cialistes des nouvelles technolo-
gies pour le traitement des défor-
mations de la colonne vertébrale,
un marché de 9 milliards de dol-
lars à l’échelon mondial. La socié-
té conçoit et fabrique, à La Ro-
chelle, des dispositifs peu invasifs
destinés à des opérations comple-
xes. Pour améliorer sans cesse ses
produits, Medicrea collabore avec
les praticiens français car plus de
trente ans après les pionniers, le
Dr Yves Cotrel et le Pr Jean Du-
bousset, l’école française garde
une réputation mondiale. Mais
c’est surtout grâce au marché
américain, où la firme a pris pied à
partir de 2007, que la société est
désormais bénéficiaire : elle y réa-
lise 85 % de son résultat.
G. B.
Medicrea
et la chirurgie
du dos
Seul EOS Imaging est capable de
fournir aux chirurgiens orthopé-
distes une image complète du
squelette d’un patient en trois di-
mensions et en position debout.
Sans équivalent dans le monde, ce
système d’imagerie est directe-
ment issu des travaux de Georges
Charpak, Prix Nobel de physique
en 1992 pour ses détecteurs de
particules, et fondateur de la so-
ciété. Il permet de vérifier les dé-
fauts des articulations lorsqu’elles
supportent réellement le poids du
corps. EOS équipe déjà 75 hôpi-
taux de référence au plan mon-
dial, et la société se développe
maintenant dans la conception de
prothèses adaptées à la posture de
chaque patient. Autre caractéris-
tique du système d’EOS Imaging,
la dose de radiation est divisée par
dix par rapport à une radiographie
classique.
G. B.
EOS,
un Nobel pour
fondateur
Restaurer la vision, détruire
les tumeurs ou réparer les ar-
tères : les projets en gestation
dans les technologies médica-
les ont de quoi étonner. La
plupart des jeunes pousses
abordent seulement la phase
de commercialisation à l’ima-
ge de Crossject, inventeur
d’un système d’injection sans
aiguille, qui s’introduit en
Bourse d’ici au 14 février.
Le traitement des yeux mo-
bilise plusieurs start-up. C’est
le cas d’EyeTechCare, inven-
teur d’un traitement du glau-
come par ultrasons et de
Pixium. En partenariat avec
l’Institut de la vision, cette
très jeune entreprise a créé un
implant qui rend en partie la
vue aux patients atteints de
pathologies telles que la dégé-
nérescence maculaire. À par-
tir d’une caméra installée sur
une paire de lunettes, la pro-
thèse IRIS1 de Pixium traduit
les images filmées en impul-
sions électriques envoyées à
des électrodes posées sur la
rétine, permettant au cerveau
de percevoir de nouveau l’en-
vironnement.
Dans le domaine cardiovas-
culaire également, les innova-
tions sont nombreuses, no-
tamment dans l’écurie du
fonds Truffle Capital qui couve
Epygon (créateur d’une valve
mitrale dite percutanée, posée
sans chirurgie), Kardiosis
(endoprothèse vasculaire, ou
stent) et Kephalis (anneau mi-
tral réglable). En association
ou non avec des chimiothéra-
pies, les technologies médica-
les visent aussi à soigner cer-
tains cancers. Theraclion cible
ainsi les tumeurs par ultra-
sons. Et Nanobiotix, cotée de-
puis 2012, a développé Na-
noXray, un procédé à base de
nanoparticules. Injectées dans
une tumeur, celles-ci vont
amplifier l’effet d’un traite-
ment par radiothérapie.
A. BOH ET G. B.
D’autres révolutions pour demain
LES FRANÇAIS
INNOVENT,
LES EMPLOIS
SE DÉVELOPPENT
OUTRE-ATLANTIQUE
DANS LE SECTEUR DES
DISPOSITIFS MÉDICAUX
45 000
salariés en France
2
millions
de salariés
aux États-Unis
CARMAT, DR, MAUNA KEA TECHNOLOGIES, SOUDAN/ALPACA/ANDIA.FR, F. MALÉCOT
Nous
fabriquons
en France.
C’est
une force
SACHA LOISEAU,
DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE MAUNA KEA
TECHNOLOGIES
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