baisse de légitimité de la démocratie populaire: la professionnalisation du politique, le
passage à une société postfordiste et l’effondrement des modèles de référence (surtout
pour la gauche). Par ailleurs, l’auteur fait une critique très intéressante de l’implicite chez
Adorno, concernant sa vision des classes populaires. Celles-ci ne seraient en aucun cas
plus « autoritaires » que les autres, mais auraient des désavantages dus aux multiples
concurrences dans lesquelles elles sont plongées au quotidien. Or, cette vision participe
de la stigmatisation des classes populaires et peut potentiellement favoriser la légitimité
du Front National. La constitution du FN a fortement accentué la constitution de la
sécurité comme enjeu politique par les thèmes qu’il produit, mais aussi, plus inquiétant et
difficile à contrer, parce qu’il est l’instrument d’une mobilisation dans les autres
mouvements politiques. Plus généralement, quatre grandes évolutions affectent l’activité
politique dans les années 1990. La modification des logiques de recrutement, le
changement du mode de fonctionnement des partis, l’entrée de nouveaux agents liés aux
sciences sociales et la montée en puissances de journalistes dans la définition des
« problèmes sociaux ».
4.La reformulation « médiatique » de la sécurité
Le développement de la télévision et la forte baisse de la lecture des quotidiens ont joués
un rôle important dans l’homogénéisation des points de vue et la dépolitisation. L’auteur
cite Pierre Bourdieu : « Les faits divers ont pour effet de faire le vide politique, de
dépolitiser et de réduire la vie du monde à l’anecdote et au ragot(…), en fixant et
entretenant l’attention sur des évènements sans conséquences politiques, que l’on
dramatise pour « en tirer des leçons » ou pour les transformer en « problèmes de
société ».
Les dossiers spéciaux et les reportages sur « l’insécurité » sont très nombreux à partir
de 2002, notamment sur TF1, France 2, France 3. Il y a une corrélation étroite entre les
agendas médiatiques et politiques. Lors des plateaux télévisés, l’auteur remarque que la
plupart des journalistes et des hommes politiques partagent les mêmes principes de
« vision et de division du monde ». Tous s’accordent pour dire que la délinquance et la
violence augmentent inexorablement et que les coupables sont les services de l’Etat. Les
solutions proposées se situent bien plus souvent du côté des sanctions punitives que des
politiques éducatives ou préventives. Les personnes ayant la parole sont des figures
représentant des formes d’autorité, des experts par exemple. Par contre, les habitants des
quartiers populaires ne sont pas invités. Laurent Bonelli démontre que 80% des
reportages de l’époque mettaient en avant une approche coercitive ou spectaculaire et
alarmiste de la situation.
Finalement, l’auteur qualifie les médias « d’agents du maintien de l’ordre social ». Il
cite le langage spécifique utilisé pour aborder le phénomène de l’insécurité et les mots
qui y sont attaché, tels que « banlieue », « jeune de cité ». De même, il note la
valorisation des solutions coercitive à travers des expressions telles que « tolérance
zéro ». Beaucoup d’éléments combinés ont finalement aboutit à une stigmatisation des
milieux populaires. Cela a eu pour effet d’homogénéiser des situations pourtant très
différents les unes des autres.
5. Production, avènement et usage d’une science de l’Etat