catholicisme s’est déplacé de Rome à Constantinople suite à l’écroulement de l’empire romain. Le patriarche de Moscou, Kirill, a quant à lui la
primauté numéraire, de fait, avec le plus grand nombre de fidèles.
Dépassement d’un désaccordDépassement d’un désaccord
En 2010, le métropolite Hilarion, en charge du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou, déclarait que la situation en
Ukraine occidentale et la question des uniates restaient l’obstacle majeur à la rencontre entre le souverain pontife et le chef de l’Eglise
orthodoxe russe. La question de l’uniatisme est toujours très épineuse : divisées depuis le début du deuxième millénaire, les Eglises d’Orient et
d’Occident ont mis en œuvre plusieurs moyens, dont l’uniatisme, pour essayer de rétablir leurs relations. En 1594, l’Eglise uniate ukrainienne (ou
gréco-romaine) est créée. De rite orthodoxe, les Eglises gréco-romaines reprennent la théologie catholique et reconnaissent l’autorité du pape.
Elles ont été créées comme une sorte de pont entre le catholicisme et l’orthodoxie, mais cette création ne s’est pas déroulée sans l’intervention
d’intérêts extra ecclésiaux. Dans le cadre du dialogue entre catholicisme et orthodoxie, la déclaration de Balamand de 1993 reconnaît que
l’uniatisme est une « méthode d’union du passé » qui a causé beaucoup de souffrances. En 2010 cependant, le patriarcat de Moscou considérait
encore qu’un certain nombre de points n’étaient toujours pas résolus.
Depuis 2010, la situation des chrétiens dans le monde s’est considérablement modiée avec les conits en Ukraine et en Syrie. La question
brûlante de l’uniatisme a été exacerbée par le contexte du conit ukrainien. L’archevêque Shevchuk de l’Eglise greco-catholique ukrainienne n’a
pas caché sa déception envers le Saint Siège lors de la rencontre de Cuba. En effet, il tient l’Eglise orthodoxe russe comme co-responsable de
l’ « agression russe » en Ukraine. Pourtant, les deux chefs religieux ont fait un pas vers l’unité chrétienne qui a été le thème centrale de leur
déclaration. Ils ont répété que l’uniatisme était une méthode révolue tout en reconnaissant les Eglises gréco-romaines
:« les communautés
ecclésiales qui sont apparues en ces circonstances historiques de
[l’uniatisme]
ont le droit d’exister et d’entreprendre tout ce qui est nécessaire
pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles ».
De son côté, Kirill poursuit la tradition orthodoxe de rapprochement entamée en 1965. Cette année là, le patriarche de Constantinople
Athenagoras et le pape Paul VI ont échangé leur pardon mutuel, mettant n à l’excommunication respective de 1054, date du schisme entre
catholiques et orthodoxes. Le pape François, lui, est en phase avec sa rhétorique de paix et de réconciliation. Il se fait le continuateur de la
politique de Benoit XVI qui voulait passer du dialogue de charité au dialogue de vérité dans le rapprochement entre catholiques et orthodoxes.
En Ukraine En Ukraine
Alors que la question de l’uniatisme se résorbe petit à petit, l’orthodoxie ukrainienne, elle, est en crise. En Ukraine, trois Eglises orthodoxes co-
existent. L’Eglise orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou est la seule reconnue ofciellement, donc canonique. Ensuite, il y a deux
Eglises non canoniques : l’Eglise orthodoxe ukrainienne auto proclamée autocéphale et l’Eglise orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Kiev.
Si les différences théologiques sont mineures, c’est l’évolution historique qui est source de divergences. L’histoire de l’unité des peuples slaves
et donc du premier Etat russe démarre à Kiev aux IXème et Xème siècles. La décision du prince Vladimir de Kiev d’adopter le christianisme
comme religion du premier Etat slave uni en 988, sera un événement majeur. Les peuples slaves partagent alors une langue, une religion et une
culture ; mais la relation entre Russes et Ukrainiens reste plus complexe. En 1300, le centre politique et religieux quittera Kiev pour s’installer en
Russie, d’abord dans la ville de Vladimir puis à Moscou. La puissance de Kiev diminuera progressivement face à la montée de Moscou et,
nalement, cette dernière s’imposera. Cette évolution explique pourquoi aujourd’hui l’Eglise orthodoxe ukrainienne est sous l’autorité du
patriarcat de Moscou. Lors de la chute de Constantinople en 1453, Moscou se sentira investie d’une mission divine pour la défense des derniers
chrétiens. Après la chute de Rome et celle de Constantinople, Moscou devient le dernier bastion de défense de la chrétienté. L’idée de Moscou,
troisième Rome, est lancée. Bien que certaines Eglises orthodoxes slaves aient obtenu leur indépendance au cours du temps et sont devenues
autocéphales, Moscou n’a concédé qu’une autonomie partielle à l’Eglise orthodoxe ukrainienne à la fin de l’union soviétique.
Dans la complexe relation qu’entretiennent Russie et Ukraine, l’autocéphalie ukrainienne est une pierre d’achoppement. Depuis le début des
événements en Ukraine en 2014, les demandes d’indépendance se sont multipliées. En outre, les lieux de culte orthodoxe russe ont souvent été
attaqués. La Russie est perçue comme un agresseur et son Eglise comme un instrument de politique du Kremlin. Certains représentants
orthodoxes russes et ukrainiens ont même appelé à la violence. Tandis que d’autres en appellent à l’unité.
Cet appel s’est produit d’abord lors de la synaxe orthodoxe de janvier 2016. Les Eglises orthodoxes ont clairement répété que seul le primat de
l’Eglise orthodoxe ukrainienne dépendant du patriarcat de Moscou est reconnu par ses pairs. Toute velléité d’indépendance ofcielle de la part
des Eglises orthodoxes non canoniques a donc été stoppée. Cela dit, cela ne les empêche pas de continuer à exister et les dèles de se rendre
dans leurs Eglises. Les orthodoxes ukrainiens ont été déçus de cette décision de janvier, bien évidemment.
Le mois suivant, cette déception a été accentuée par la rencontre entre François et Kirill. Pour eux, le pape accorde du crédit à celui qui incarne
l’hégémonie russe sur le plan spirituel. Alors que les uniates ont obtenu plus de reconnaissance, les orthodoxes se vivent comme les perdants
de cette négociation. Selon eux, l’entrevue avec le pape augmenterait l’aura de Kirill, ce qui rejaillirait sur son importance au sein de l’orthodoxie,
et ce, juste avant que ne se tienne le concile pan orthodoxe de juin. C’est le sens que certains ukrainiens orthodoxes ont donné au point 27 de la
déclaration de Cuba :
« Nous exprimons l’espoir que le schisme au sein des dèles orthodoxes d’Ukraine sera surmonté sur le fondement des normes canoniques
existantes, que tous les chrétiens orthodoxes d’Ukraine vivront dans la paix et la concorde et que les communautés catholiques du pays y
contribueront, de sorte que soit toujours plus visible notre fraternité chrétienne. »