Synaxe orthodoxe : les catholiques devraient

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Synaxe orthodoxe : les catholiques devraient-ils s'y
intéresser ?
Marie-Lucile Kubacki
C'est un moment crucial pour l'orthodoxie. Jeudi 6 mars, s'est ouvert une synaxe, réunion au
sommet entre des responsables d'Eglises orthodoxes, à Istanbul, à l'initiative du patriarche de
Constantinople Bartholomée 1er.
A l'ordre du jour de cette réunion, un objectif principal : la préparation du Saint et grand concile
orthodoxe qui se prépare... depuis les années 60. Mais aussi, très probablement, des questions
d'actualité brûlante comme la situation politique et ecclésiale en Ukraine, en République tchèque
(avec l'élection d'un primat de Tchéquie reconnu seulement par une partie des Eglises orthodoxes),
le conflit juridictionnel entre le patriarcat d'Antioche et de Jérusalem sur le Qatar (le territoire relève
de la juridiction canonique du patriarcat d'Antioche mais le patriarcat de Jérusalem a décidé d'y
nommer un évêque en lui donnant le titre d'archevêque du Qatar) ainsi que la situation des chrétiens
au Moyen-Orient.
Moment crucial pour l'orthodoxie, certes, mais pas seulement. La synaxe devrait également
intéresser les catholiques. En effet, à quelques mois de la rencontre entre François et le patriarche
Bartholomée 1er, la question des relations entre catholiques et orthodoxes semble incontournable. «
Je pense que l'orthodoxie a d'autant plus de choses à dire qu'il y a aujourd'hui une dynamique de
réformes à l'intérieur de l'Eglise catholique très propice à un rapprochement interchrétien »,
explique Carol Saba, responsable de communication de l'Assemblée des évêques orthodoxes en
France (AEOF). Les raisons de ce contexte propice ? « Le pape François met en place une sorte de
révolution évangélique qui déconcentre le pouvoir, et qui cherche à repositionner l'Eglise au centre
de l'équation et des interrogations du monde moderne d'aujourd'hui, à travers le chantier de
réformes qu'il cherche à mettre en place. Et il ne cesse de parler de la conciliarité expérimentée par
les orthodoxes ».
Ainsi, du point de vue orthodoxe, François a fait des avancées significatives : sur la primauté de la
gouvernance de l'Eglise, point hautement sensible dans les relations entre catholiques et orthodoxes,
en premier lieu. Dans son entretien à la Civilta Catolica en septembre dernier, le pape avait évoqué
la possibilité de revoir les questions de la gouvernance de l'Eglise à travers le prisme du premier
millénaire, avant la séparation de 1054, quand il y avait encore l'unité des chrétiens, chose que les
orthodoxes n'ont cessé de demander depuis des décennies à l'Eglise catholique. Pour mémoire, en
2010, catholiques et orthodoxes s'étaient penchés sur cette question à l'occasion d'une réunion à
Vienne de la commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l'Église catholique
et l'Église orthodoxe. Mais à l'époque, le métropolite Hilarion Alfeyev, président du département
des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, avait fait savoir par un communiqué sur le site
officiel du Patriarcat qu'aucune avancée n'avait eu lieu lors de cette rencontre dans la mesure où le
document qui en était sorti n'abordait qu'une « approche historique ».
François serait-il en train de faire sauter des verrous qui empêchaient la rencontre des Eglises ?
C'est ce que pense Carol Saba : « Il ne cesse de se présenter comme étant l'évêque de Rome et c'est
une question ecclésiologique, l'ecclésiologie de l'Eglise locale, qui parle beaucoup aux orthodoxes.
Chez les orthodoxes, nous pensons qu'il n'y a pas de juridiction universelle mais des Eglises locales
en communion entre elles et qui forment ensemble le plérôme de l'Eglise. Le pape, en parlant de la
collégialité orthodoxe et en se présentant comme évêque de Rome, envoie des signaux positifs et
d'espérance pour les orthodoxes. »
Le moment semble donc propice à l'unité. « Depuis, la chute du mur de Berlin, les Eglises de
l'est, en Russie, en Roumanie, en Pologne, en Bulgarie, en Serbie, etc. se mettent à revivre et à se
repositionner sur la scène ecclésiale et politique. Aujourd'hui, la rencontre des Eglises dans un
monde nouveau avec une nouvelle modernité qui s'impose à tout le monde est une chose très
importante, analyse Carol Saba. C'est un défi lancé à toutes les Eglises, catholique et orthodoxe,
que de comprendre cette nouvelle modernité. Ce moment de réformes à l'intérieur même de l'Eglise
catholique pourrait peut-être permettre la rencontre rapide des deux Eglises car il est propice à
l'unité. Si les orthodoxes arrivent à parler d'une seule voix en respectant le mystère de l'unité dans
la diversité et si en même temps l'Eglise catholique avance dans cet esprit de réformes en matière
de conciliarité et de primauté, un certain nombre de verrous tombent. Cette synaxe tombe à pic
pour affermir et consolider l'unité orthodoxe, car elle pourrait accompagner cette dynamique.
D'ailleurs la prochaine rencontre au sommet entre le Pape François et le Patriarche Bartholomée à
Jérusalem, pour célébrer ensemble le cinquantième anniversaire de la rencontre de 1964 en Terre
Sainte entre Paul VI et Athénagoras 1er, s'inscrit dans ce momentum d'espérance » conclut Carol
Saba.
La Vie 7 març 2014
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