Les marges continentales de la France métropolitaine
Préparation à l’agrégation SV-STU, Université d’Orsay
Leçon de contre-option (niveau général) de géologie
Proposition de plan par :
Mathieu Rodriguez, Pr. Agrégé & Dr. Géologie marine.
Adresse mail : rodriguez@geologie.ens.fr
La France métropolitaine est délimitée par deux marges continentales passives : la marge du
Golfe de Gascogne faisant face à l’Océan Atlantique, et la marge Liguro-Provençale (Golfe du Lion)
s’ouvrant sur la Mer Méditerranée. Les marges passives sont formées au cours de la déchirure
continentale, et bordent les océans en cours d’expansion. Elles forment des zones de transition
complexe entre croûte continentale et océanique, et sont caractérisées par une morphologie typique
comprenant une plate-forme, une pente, un glacis, et la plaine abyssale. Le terme de marge passive
vient du fait qu’actuellement, ces marges ont en général une faible activité tectonique, en comparaison
des marges actives rencontrées au niveau des zones de subduction. Cependant, certaines marges
passives subissent au cours de leur histoire des épisodes d’inversion ou de réactivation des structures
héritées du rifting, et peuvent être également soumises à des processus de déformation gouvernés par
la gravité. Les marges passives sont également des sites d’exception où sont enregistrés les épisodes
de déformation associés au rifting.
Les objectifs de cette leçon sont :
-la mise en évidence des processus sédimentaires à l’origine des caractéristiques morphologiques des
marges métropolitaines
-la mise en évidence des structures formées lors des processus de déchirure continentale, et la datation
de ces structures
-la reconstitution de l’histoire géologique de la formation de ces marges continentales
Pour atteindre ces objectifs, le géologue marin dispose d’une batterie d’outils géophysiques. Le
sondeur bathymétrique multifaisceaux fournit un relevé très précis de la profondeur du plancher
océanique. Lorsque les données de sondeur multifaisceaux n’ont pas encore été collectées, les cartes
des fonds océaniques dérivées des mesures satellitaires du niveau moyen des océans permettent
d’avoir une image des reliefs sous-marins à une résolution inférieure : le niveau des mers est fonction
du champ de gravité, lui-même fonction à courte longueur d’onde des reliefs sous-marins. Les profils
de sondeur de sédiments permettent d’avoir une coupe-temps de l’architecture des couches
sédimentaires jusqu’à environ 100 m de fond. L’analyse des faciès de sondeur de sédiments, calibrés
par des prélèvements par carottages, permettent de connaître la nature des sédiments et leur
distribution sur des régions entières. La sismique réflexion permet d’accéder à la structure de la croûte
et de la pile sédimentaire, à différentes profondeurs et résolutions selon les propriétés de la source
acoustique. Les forages océaniques, pénétrant parfois plusieurs centaines de mètres de roches,
permettent de recueillir les roches des fonds marins à la surface et de dater minutieusement les
couches géologiques, principalement selon les méthodes biostratigraphiques. L’intégration de ces
jeux de données extrêmement divers et riches permet au géologue de reconstituer l’histoire d’une
marge.
1) Morphologie et architecture des corps sédimentaires (post-rift) des marges de la France
métropolitaine
a. Le Golfe de Gascogne
FIG1 :Carte bathymétrique du Golfe de Gascogne. Voir texte pour commentaires.
Le plateau continental de la marge armoricaine est large d’environ 170 km et
se réduit à 70 km de large au niveau du plateau Aquitain. Au large de Brest, les données de
bathymétrie multifaisceaux révèlent les vallées en tresse formées par le paléo-fleuve Manche,
dont le bassin versant rejoignait la calotte Phéno-Scandinave au dernier maximum glaciaire. La
fonte des glaces a été responsable d’une remontée du niveau marin et de l’inactivation du fleuve
Manche il y a environ 10-15 000 ans. Le fleuve Manche ne s’ouvre pas sur un canyon continental
particulier à son embouchure, qui est actuellement caractérisée par un système de dunes sous-
marines. La pente de la marge armoricaine est disséquée par une série de canyons formant un
réseau complexe (dendritique), correspondant à une configuration en « slope apron », ou
« rampe » en français (i.e. des canyons qui prennent naissance à la bordure de la plate-forme sans
être connectés à un fleuve).
Au large du plateau Aquitain se trouvent les canyons du Cap Ferret et de
Capbreton. Le canyon de Capbreton (« Gouf de Capbreton ») est le canyon le plus profond au
monde (avec une incision de près de 3000 m). Il a été incisé par les multiples générations de
courants de turbidité qui prennent naissance sur ces flancs et sur la bordure de la plate- forme.
Une gigantesque cicatrice d’arrachement, vestige d’un glissement de terrain, est observable sur
son flanc Nord. Le canyon de Capbreton était autrefois connecté au fleuve de l’Adour, mais celui-
ci a été dévié au 16°siècle par l’homme.
FIG2 :Bathymétrie multi-faisceaux du canyon de Capbreton, recouvrant la tête et le corps du
canyon. Une gigantesque cicatrice d’arrachement, indiquant un glissement de terrain, est
observable sur le flanc Nord. De petites dépressions circulaires, correspondant à des échappements
de gaz et appelées pockmarks, sont observables sur le flanc sud. Plusieurs générations de terrasse
sont observables au sein du canyon et correspondent aux différents stades de creusement du thalweg
par les courants de turbidité (les terrasses les moins profondes sont les plus anciennes).
FIG3: Les dunes du plateau landais, en carte et en profil sismique. Voir texte pour commentaire
Entre ces deux canyons se trouve le Plateau Landais, à la mi-pente. La morphologie du
Plateau Landais est marquée par un système de dunes, formées par l’interaction entre la
déformation des sédiments sous l’effet de la gravité, et les courants de fonds qui charrient des
dépôts venant recouvrir les couches en train de se déformer.
Des rides océaniques grossièrement orientées E-W sont observables dans la plaine
abyssale
b. Le bassin Liguro-Provençal
FIG4 : Carte de la couverture multifaisceaux de la Mer Ligure et de la Mer Tyrrhénienne
Le plateau continental de la marge Liguro-Provençale est globalement plus
étroit que celui de la marge du Golfe de Gascogne, à part au niveau du Golfe du Lion où le
plateau atteint une largeur d’environ 80 km. La pente continentale est entaillée de nombreux
canyons turbiditiques, situés principalement à l’embouchure de fleuves, à part au niveau du Golfe
du Lion où les têtes des canyons sont actuellement déconnectées des fleuves du fait du haut
niveau marin actuel. Le canyon le plus remarquable est celui du Var, caractérisé par sa forme en
virgule, et la présence de la ride du Var. Cette morphologie particulière serait le résultat de la
force de Coriolis, qui dévie les courants de turbidité du côté de la ride, favorisant sa construction.
A l’embouchure du canyon, un chenal turbiditique canalise les courants de turbidité jusqu’au
large de la Corse, où les données de réflectivité acoustique révèlent le lobe de dépôt du système
du Var.
Notons la présence de très nombreuses cicatrices d’arrachement sur la pente
continentale de la marge Liguro-provençale, traces de glissements de terrains pass. En 1979, la
construction de l’aéroport de Nice a entraîné une surcharge sur les sédiments de la plate-forme, qui
sont devenus instables et se sont effondrés en un glissement d’environ 0.01 km3. Ce glissement de
terrain a déclenché un tsunami de plus de 1 mètre de haut lors de son arrivée à la côte, à l’origine de
nombreux dégâts matériels et plusieurs morts. Les glissements de la marge Liguro-provençale sont
donc la source d’aléa tsunami la plus dangereuse en France métropolitaine.
FIG5 : Bathymétrie multi-faisceaux du Golfe du Lion : la tête des canyons n’est pas connectée aux
fleuves qui les alimentent en raison du niveau marin actuel trop élevé. Notez les morphologies
dendritiques de la plupart des canyons au niveau de la pente.
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