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Une approche quantitative
de l’intégration linguistique
en France
Comment les langues d’origine se transmettent d’une génération à l’autre au sein
des familles issues de l’immigration ? L’enquête Famille réalisée en 1999 par l’Ined et l’Insee
permet, pour la première fois et pour tout le XXe siècle, de quantifier les déterminants
de l’intégration linguistique en France. Elle montre notamment qu’il n’existe pas de population
dont la résistance serait par nature plus ou moins grande. Le taux de transmission
des langues d’origine dépend, principalement, de l’ancienneté de la migration et de l’“esprit
de retour” qui anime le migrant.
par François Héran,
directeur de l’Institut
national d’études
démographiques (Ined),
Paris
10
Avant l’enquête Famille 1999 de l’Institut national de la statistique et
des études économiques (Insee), les éditions précédentes – traditionnellement polarisées sur les questions de fécondité – restreignaient fortement le champ d’étude. L’édition de 1990, par exemple, interrogeait
uniquement des femmes, et seulement jusqu’à soixante-quatre ans. Elle
laissait de côté la population vivant en institution. Nous avons levé toutes
ces restrictions en 1999 : l’échantillon a été étendu aux hommes, la
limite d’âge supérieure a disparu, les maisons de retraite ont été prises
en compte. Sans ces extensions, il aurait été impossible d’introduire un
volet linguistique dans l’enquête Famille, car l’interrogation est de
nature rétrospective et peut porter sur des périodes très reculées, qui
remontent au début du XXe siècle. On demande ainsi aux personnes
interrogées, dont certaines sont centenaires, de dire en quelle langue
leur mère et leur père avaient l’habitude de leur parler dans la petite
enfance, ce qui signifie, pour les plus âgées, mobiliser des souvenirs
antérieurs à la Grande Guerre. Après quoi, elles sont interrogées sur
celles qu’elles ont à leur tour transmis à leurs propres enfants quand
ceux-ci avaient aux alentours de cinq ans, ce qui correspond, pour les
plus âgés des répondants, à déclarer des pratiques remontant aux
années vingt. Comme, par ailleurs, on interroge aussi de jeunes adultes
qui commencent à peine à élever leurs enfants et à leur parler, c’est finalement la transmission familiale des langues durant la quasi-totalité du
XXe siècle qui est ainsi décrite par l’enquête Famille. C’est là, d’ailleurs,
une des principales raisons qui a justifié l’insertion de questions relatives aux langues dans l’enquête Famille de 1999 : c’était le moment ou
jamais de dresser une rétrospective sur l’ensemble du XXe siècle.
N° 1252 - Novembre-décembre 2004
En même temps que ces extensions de champ dans l’espace social
et dans la durée, le volet linguistique de l’enquête Famille a pu bénéficier d’un enrichissement considérable des variables prises en compte.
En premier lieu, l’Insee a accepté de réintroduire dans les bulletins du
recensement une question sur la date d’entrée en France des personnes immigrées, variable qui est ensuite récupérée dans le fichier de
l’enquête Famille, comme toutes les autres. C’est évidemment capital :
la mesure de l’intégration linguistique, comme d’ailleurs de toute autre
forme d’intégration, n’a de sens que s’il est possible de mesurer son
niveau à durée de séjour égale.
Par ailleurs, il était essentiel de pouvoir décrire précisément les origines nationales des personnes interrogées en recueillant non seulement leur pays de naissance mais aussi ceux des deux parents.
Contrairement à un préjugé tenace, de telles questions sur les origines
ne sont pas classées parmi les questions “sensibles”, au sens de la loi de
1978 sur l’informatique et les libertés. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) les a traitées comme des questions
ordinaires. Elle a suivi notre argumentation selon laquelle le pays de
naissance n’était pas synonyme d’“origine ethnique”, encore moins synonyme d’appartenance “raciale”(1). Définir l’ethnie par la race ou réciproquement était irrecevable sur le plan anthropologique parce qu’il
peut y avoir plusieurs “races” par ethnie et plusieurs ethnies par “race”,
et cet argument de la non-correspondance valait encore plus pour la
relation entre pays de naissance et origine ethnique(2).
20 % de non-réponses
Toutefois, par égard pour certaines sensibilités qui se sont manifestées
lors des enquêtes pilotes, nous avons laissé la possibilité aux personnes
interrogées de se contenter d’une réponse vague (“né[e] à l’étranger”),
possibilité que peu de personnes ont utilisée. Plusieurs précautions ont
par ailleurs été prises à notre initiative, pour faciliter la participation
des personnes sollicitées : l’enquête Famille, à la différence des bulletins du recensement, a reçu le label d’intérêt général du Conseil national de l’information statistique (Cnis), mais nous n’avons pas sollicité
pour elle le caractère obligatoire qui prévaut pour les bulletins du
recensement(3). Par ailleurs, les questionnaires de l’enquête Famille
n’ont pas été stockés dans les locaux des mairies, mais remis directement par les agents recenseurs aux superviseurs permanents de l’Insee.
L’enquête Famille restant facultative, 20 % des personnes sollicitées
n’ont pas rempli les questionnaires, sans que l’on sache ce qui, dans ces
refus, tient à la négligence, à la surcharge, au refus des enquêtes en général, au rejet des questions de biographie matrimoniale (les questions sur les
conjoints antérieurs sont celles qui ont suscité le plus de résistance lors des
tests) ou au rejet des questions sur les origines et les pratiques linguis-
Langues de France
1)- L’ethnie est une entité
infranationale ou
transnationale, auto-affirmée
et perçue par autrui, dotée
d’un fondement historique
et culturel mais n’ayant
pas accédé au statut d’État,
ce qui peut correspondre
aussi bien aux Alsaciens
qu’aux Kurdes, aux Basques
qu’aux Kabyles, etc.
La “race” est un phénotype
diversement perçu selon
les personnes, qui renvoie
de façon probabiliste à
un découpage de la planète
en quelques grandes régions.
2)- Il n’est nullement
interdit à la statistique
publique de poser
des questions “sensibles”,
c’est-à-dire risquant de faire
apparaître “directement
ou indirectement”
des orientations politiques,
syndicales, religieuses,
philosophiques ou sexuelles,
ou encore des états de santé.
Mais à une double condition :
qu’elles soient pertinentes
par rapport aux objectifs
de l’enquête, et qu’elles
recueillent le consentement
éclairé des répondants.
3)- L’Insee ne décrète pas
de lui-même que ses propres
opérations statistiques
sont obligatoires. C’est le rôle
du Conseil national
de l’information statistique
(Cnis), instance
représentative où siègent
des députés et sénateurs en
exercice, des représentants
des syndicats et des
associations professionnelles
ainsi que des services
statistiques des ministères.
11
tiques. Il y avait déjà beaucoup de non-réponses dans le régime d’obligation
qui était censé prévaloir pour les éditions antérieures, mais elles étaient
redressées par la méthode classique du “hot-deck”, à savoir le remplacement par des enquêtés du voisinage.
Un test conduit à la demande expresse
L’enquête Famille de 1999
de la Cnil en 1996 a montré que les
Réalisée par l’Insee, l’enquête Famille accompagne chaque
recensement de la population depuis 1954. Son objectif prinimmigrés n’avaient pas de réticences
cipal est de décrire l’évolution des structures familiales et des
particulières devant les questions qui
comportements de fécondité (naissances, unions, ruptures,
les concernaient plus directement.
activité des femmes). Mais le questionnaire comporte un
De fait, les contrôles de cohérence
volet variable dont le thème se renouvelle à chaque édition.
effectués sur les données de l’enquête
Dès 1993, il a été décidé que le volet de 1999 allait être consacré à la transmission familiale des langues. L’édition 1999 a
Famille par confrontation avec les bulété officiellement baptisée “Étude de l’histoire familiale”,
letins du recensement des mêmes perpour souligner le caractère rétrospectif du questionnement.
sonnes, puis, globalement, avec les donUne faiblesse de l’enquête Famille : le questionnaire est autonées
exhaustives de l’état civil pour les
administré. Il doit être rempli par les personnes recensées en
mêmes années d’événements, ont monmême temps que les bulletins individuels et les feuilles de
logement, ce qui fait qu’il est nécessairement bref – quatre
tré que la répartition des taux de refus
pages, dont une seule consacrée aux origines nationales et
n’était pas spécialement liée aux oriaux questions de langue. L’agent recenseur est simplement
gines françaises ou étrangères. Ceci est
tenu de déposer le questionnaire et de le récupérer au bout
naturellement de moins en moins vrai à
de quelques jours. Point fort de l’enquête Famille : la taille de
mesure que l’on descend dans le microson échantillon est colossale (380 000 personnes). C’est de loin
la plus grosse enquête par sondage menée en France, avec au
détail des nationalités, où des variations
demeurant un coût marginal très faible, grâce au support
de couverture peuvent devenir localelogistique que procure le recensement de la population.
ment importantes.
L’échantillon est représentatif de toute la population adulte
La qualité du remplissage et de la
résidant habituellement en France, qu’elle soit française ou
étrangère, née en France ou à l’étranger. De tels effectifs perrévision effectués par l’agent recenmettent pour la première fois d’allonger la liste des origines
seur, puis par le responsable de disnationales étudiées.
trict, a permis, au total, de récupérer
des intitulés de langues nombreux et
complexes qui, malgré la transcription effectuée ensuite par des opérateurs de saisie nullement spécialisés en linguistique, ont pu être codés
par les responsables de l’enquête à près de 99 %. Très peu, y compris les
moins connus, ont échappé au traitement statistique, en partie parce
que les déclarations correspondant à des langues rares s’accompagnaient souvent, dans la même case, d’autres intitulés qui permettaient
de resserrer efficacement le champ de la recherche. Le site Internet
Ethnologue, du Summer Institute of Linguistics, qui constitue à ce jour
la plus vaste entreprise de recensement des langues jamais conduite au
monde, a été fort utile pour combler les lacunes du codage.
4)- François Héran,
“Les langues et la statistique
publique : des comptages
du Second Empire
au volet linguistique
de l’enquête Famille”,
Ville-École-Intégration
Enjeux, n° 130,
septembre 2002, pp. 51-74.
12
Langues de transmission ou langues d’usage
En quoi le volet linguistique de l’enquête Famille est-il original par rapport aux entreprises antérieures ? Nous avons retracé ailleurs la genèse
du projet(4). Rappelons simplement qu’à la suite de diverses enquêtes
N° 1252 - Novembre-décembre 2004
des directions régionales de l’Insee sur la pratique des langues régionales (en Alsace, en Bretagne, en Corse, en Picardie), nous avions expérimenté dans l’enquête Efforts éducatifs des familles de l’Insee, réalisée
en 1992, une série de questions qui visaient à étudier l’impact de l’héritage linguistique et de sa transmission familiale sur le rapport à l’école.
Le questionnement portait aussi bien sur les langues introduites par
l’immigration que sur les langues régionales. Il prenait déjà la forme
d’une batterie de questions parallèles, entre la réception de la langue
depuis la génération antérieure et sa retransmission éventuelle à la
génération des enfants. Les pays de naissance des parents étaient déjà
enregistrés. Mais la taille de l’échantillon (5 600 ménages) était sans
rapport avec celle de l’enquête Famille et ne permettait nullement de
Langues de France
13
5)- François Héran,
“L’unification linguistique
de la France”, Population
et sociétés, bulletin de l’Ined
n° 285, 1993.
6)- Michèle Tribalat, Faire
France : une grande enquête
sur les immigrés et leurs
enfants, La Découverte,
Paris, 1995.
7)- Maniement
par les mêmes locuteurs
de plusieurs langues
socialement hiérarchisées.
pousser l’analyse aussi loin dans le détail des langues et des courants
migratoires. Cependant, la synthèse publiée à la suite de ce premier
essai(5) a joué un rôle essentiel pour convaincre la direction de l’Insee
de l’intérêt de reprendre le projet au sein de l’enquête Famille.
La même année, en 1992, l’enquête Mobilité géographique et insertion sociale de l’Ined introduisait des questions sur la pratique des
langues entre enfants et parents au sein des familles immigrées. Michèle
Tribalat a publié les analyses correspondantes dans l’ouvrage qui a marqué la sortie des résultats(6). Là encore, l’échantillon imposait ses limites,
puisqu’il privilégiait par construction certains courants migratoires et certaines générations, sans pouvoir donner une vue d’ensemble des principaux courants qui se sont succédé en France au cours du XXe siècle. En
revanche, les questions posées étaient particulièrement fines ; elles précisaient les principaux contextes d’usage de la langue et distinguaient les
cas où la langue d’origine était parlée seule de ceux où elle était parlée
simultanément ou en combinaison avec le français.
Pour notre part, après avoir mené plusieurs tests d’échelle différente, nous avons opté pour une solution qui reconnaît pleinement
l’existence des phénomènes de diglossie(7) mis en évidence de longue
date par les sociolinguistes. Elle permet aux personnes interrogées de
hiérarchiser les langues de transmission ou d’usage, mais de façon non
rigide, en distinguant celles (au pluriel) que les parents parlaient
“d’habitude” aux enfants et celles qu’ils leur parlaient “aussi” (d’usage
plus occasionnel). Chaque question posée permet (y compris par la
taille de la case réservée à la réponse) de citer plusieurs langues pour
chacun des deux niveaux. Comme, par ailleurs, les questions sont
posées séparément pour le père et pour la mère, il est toujours possible
de mettre en évidence les situations de bilinguisme, d’une part en
confrontant les réponses entre père et mère, de l’autre en relevant les
langues multiples (deux ou trois) éventuellement déclarées pour
chaque parent transmetteur.
Retours et mortalité
L’enquête Famille, enfin, n’échappe pas à certains biais. Le premier est
qu’elle reconstitue la dynamique de la transmission des langues au fil
du XXe siècle en se fiant aux souvenirs des personnes qui résident
actuellement en France, ce qui implique d’être en vie, de n’avoir pas
migré ou de n’être pas rentré dans son pays d’origine. À la limite, une
migration de refuge qui, après des années d’exil, revient au pays (on
pense aux réfugiés chiliens, par exemple) sera nécessairement sousreprésentée dans la reconstitution historique des vagues d’immigration
et des apports linguistiques correspondants. Ce biais reste toutefois
limité, car les exils sont d’une telle durée qu’ils laissent des enfants sur
place et réduisent l’ampleur des retours.
14
N° 1252 - Novembre-décembre 2004
Un autre biais tient à la mortalité. Prenons l’exemple de la migration
hongroise. Sur la base des données linguistiques de l’enquête Famille, les
adultes qui ont été élevés en langue hongroise (voir graphique p. 22) se
répartissent en deux vagues d’égale importance, l’une liée à la répression
du soulèvement de Budapest en 1956, l’autre à la migration d’étudiants ou
de cadres qui a précédé et suivi l’effondrement du régime socialiste en 1989. Il
L’arabe bénéficie d’une expansion
va de soi que les deux pics observés sur
spectaculaire dans les générations récentes,
nos courbes créent une fausse symétrie :
le premier est suffisamment ancien pour
mais en association croissante avec
avoir été fortement écrêté par la mortale français. Au point que la transmission monolingue
lité, ce qui n’est pas le cas du second. Il
de l’arabe est devenue une rareté.
faut donc lire nos courbes étalées tout
au long du XXe siècle non pas comme
une histoire conjoncturelle des vagues d’immigration mais comme les
traces que cette histoire a déposées dans notre pyramide des âges et, plus
profondément, dans les cerveaux des adultes qui, de nos jours, vivent et
résident en France. Il existe bel et bien actuellement deux catégories
d’adultes d’origine hongroise, à peu près de même effectif, qui ont en commun une expérience linguistique particulière : ils se souviennent que leurs
parents avaient l’habitude de leur parler habituellement hongrois quand
ils étaient enfants. Les premiers sont les survivants d’une situation
ancienne, les autres sont des nouveaux venus. Les uns et les autres contribuent, à leur manière, à la diversité du paysage linguistique actuel en
France. Par ailleurs, la fraction des enfants d’exilés hongrois nés en
France et à qui leurs parents n’ont jamais parlé hongrois ou n’ont pas parlé
principalement hongrois, ne peut apparaître sur nos courbes.
Enfin, la mortalité différentielle peut expliquer que, selon les positions
sociales plutôt populaires ou plutôt intellectuelles d’un courant migratoire, les chances de survie au moment de l’enquête soient passablement
inégales. La mortalité des mineurs polonais a toutes les chances d’être
supérieure à celle des intellectuels hongrois réfugiés en 1956. Au total, le
nombre de personnes d’une génération donnée déclarant se souvenir que
leurs parents leur parlaient habituellement la langue du pays d’origine
dépend certes des comportements des parents (décision de transmettre
ou de ne pas transmettre la langue, de passer ou non à l’usage exclusif du
français), mais également du taux de survie de la génération et de l’ancienneté de la migration – qui peut expliquer que les parents ont préféré 8)- François Clanché,
“Langues régionales, langues
parler français à leurs enfants nés en France après la migration.
étrangères : de l’héritage à
Une grande diversité linguistique
L’enquête Famille a révélé l’existence en France d’une diversité linguistique considérable, très supérieure à ce que l’on imaginait(8). Sur l’ensemble des adultes de tous âges résidant en France en 1999, 25 % se sou-
Langues de France
la pratique”, Insee première,
n° 830, février 2002 ;
François Héran, Alexandra
Filhon, Christine Deprez,
“La dynamique des langues
au fil du XXe siècle”,
Population et sociétés,
bulletin de l’Ined n° 376,
2002.
15
9)- Certaines langues,
comme le catalan,
le flamand ou le basque,
se retrouvent dans
les deux séries. Le codage
a distingué dans chaque cas
la langue régionale
et la langue d’immigration,
au besoin en utilisant le lieu
de naissance des parents.
viennent que leur père parlait habituellement une autre langue que le
français quand ils avaient environ cinq ans, que ce soit de façon exclusive ou en combinaison avec le français. Le chiffre est le même quand on
considère la mère, et il atteint 26 % quand on prend en compte l’un ou
l’autre des parents – l’homogamie linguistique est telle que la combinaison des deux parents ne modifie que légèrement le tableau d’ensemble.
Cette proportion se découpe en deux parts égales : pour 13 %, il s’agit
d’une langue “régionale” ou frontalière (alsacien, corse, catalan, basque,
breton, flamand, platt lorrain, occitan, langues d’oïl, franco-provençal) ;
pour les 13 % restants, c’est une langue liée à l’immigration (italien, polonais, flamand, catalan, espagnol, arabe, vietnamien, turc, wolof, etc.)(9).
Pyramide des âges des adultes résidant en France,
selon la langue de leur père
Source : Insee-Ined, Étude de l'histoire familiale, associée au recensement de 1999.
Bien entendu, ces proportions ont évolué avec le temps. L’inversion
se situe au niveau des générations nées pendant la Seconde Guerre
mondiale. Pour les plus âgées, l’expérience d’une langue autre que le
français pendant l’enfance était majoritairement liée au phénomène
régional ou frontalier : elle concerne environ 18 % des adultes nés dans
l’entre-deux-guerres. Pour les générations postérieures, la diversité linguistique vient surtout de l’immigration : 13 % de celles qui sont nées
entre 1950 et 1975 ont été élevées dans une langue introduite par l’immigration. Une fois sur deux, cette transmission a eu lieu au pays d’origine, avant la migration. Dans les générations les plus récentes interrogées par l’enquête Famille, c’est-à-dire chez les jeunes qui venaient
d’accéder à l’âge adulte en 1999 et qui sont donc nés en 1980 et 1981,
14 % ont été élevés dans une langue d’immigration, contre 4 % dans une
langue régionale.
16
N° 1252 - Novembre-décembre 2004
Ces chiffres ne correspondent pas à des situations de monolinguisme. Dans la majorité des cas, ces langues ont été transmises en
même temps que le français. C’était presque toujours vrai pour les
langues régionales : la transmission n’était déjà plus monolingue qu’une
fois sur cinq pour les générations d’enfants nés entre les deux guerres
et, de nos jours, le peu de transmission qui s’effectue encore pour ces
langues se fait presque toujours en association avec le français.
Le fait remarquable est que l’on assiste à une évolution analogue
pour les langues d’immigration. Parmi les générations les plus
anciennes d’immigrés ou d’enfants d’immigrés qui se souviennent que
leurs parents leur parlaient encore la langue d’origine, le souvenir
d’une transmission associée à celle du français survient près d’une
fois sur deux. Par la suite, et singulièrement à partir des générations
nées vers 1955, l’expérience d’une transmission monolingue de la
langue d’origine de la part des parents devient de plus en plus rare. On
en arrive ainsi à ce paradoxe remarquable que les langues en expansion sont de plus en plus souvent associées au français dès le plus
jeune âge. Prenons la pyramide des âges des adultes qui déclarent
avoir reçu l’arabe comme langue parentale (voir graphique p. 19). La
pyramide est écrêtée par la mortalité et, sans doute aussi, par les
retours au pays dans les générations de retraités. Elle témoigne d’une
expansion spectaculaire dans les générations récentes, mais cette
expansion s’accompagne d’une association croissante avec la transmission du français, au point que la transmission monolingue de
l’arabe est devenue une rareté dans l’expérience des plus jeunes
adultes. Il est intéressant d’observer que la transmission parentale du
portugais présentait le même phénomène d’association avec le français, mais à un moindre degré dans la dernière phase d’expansion qui
a précédé le recul actuel (voir graphique p. 20). Si l’on prend une
migration plus récente, comme la turque (voir graphique p. 21), réputée être plus rétive à l’intégration en raison d’une volonté de retour
encore fortement marquée, on s’aperçoit qu’elle n’échappe pas davantage à cette règle : les vingt dernières années ont marqué une forte
expansion de la transmission combinée du turc et du français.
Une migration francophone
Une part de cette évolution s’explique par un effet de sélection. Par
définition, les jeunes adultes issus de l’immigration et vivant aujourd’hui en France (donc susceptibles d’être interrogés dans le cadre de
l’enquête Famille) ont plus de chances que leurs aînés d’être nés en
France ou d’y être entrés comme mineurs : c’est le plus souvent en
France qu’ils ont reçu la langue de leurs parents. Les adultes plus âgés,
à l’inverse, ont plus de chances d’être entrés tardivement : la transmission de la langue s’est plus souvent effectuée au pays d’origine, avant la
Langues de France
17
migration ; elle n’avait guère de raisons de se faire en français, sauf
dans les pays ou les milieux francophones. Il faut donc comprendre que
les flux migratoires à venir viendront ajouter aux résidents actuels des
migrants adultes ayant reçu la langue de leurs parents au pays d’origine,
ce qui ralentira le rythme du passage au français tel qu’il semble ressortir de ces pyramides, sans remettre
en cause l’évolution globale vers une
D’autres facteurs que le temps étalent
transmission francophone.
les taux de transmission de la langue
Mais cet effet de sélection est très
loin d’expliquer la forte progression de
familiale. Ils sont élevés dans
la transmission combinée du français et
des courants migratoires en va-et-vient avec
de la langue d’origine dans les familles
le pays d’origine, ou quand l’“esprit de retour”
immigrées. D’autres facteurs entrent en
est particulièrement prononcé.
jeu, à commencer par la francophonie
qui prévaut dans de nombreux pays de
départ, autrefois colonisés ou acculturés par la France. On peut supposer aussi que la migration vers la France tend à sélectionner, toutes
choses égales d’ailleurs, les candidats les plus francophones. Enfin, un
facteur essentiel relève de la perception réaliste qu’ont les parents de
l’état du marché linguistique en France : soucieux de faciliter l’insertion des enfants, ils se mettent à leur parler français dès que possible.
Cette volonté, dont Pierre Bourdieu a bien montré les ressorts, est analogue à celle qui a poussé les locuteurs des langues régionales à ne plus
les transmettre prioritairement à leurs enfants. Dans les familles
immigrées, la transmission précoce du français n’élimine pas nécessairement la langue d’origine. La mise à l’écart peut survenir par la
suite, mais plutôt du fait des enfants eux-mêmes, trop immergés dans
un environnement francophone pour se soucier encore d’entretenir la
langue parentale et qui, on le verra, ne retransmettent plus la langue
au même degré à leurs propres enfants, quitte à s’y intéresser de nouveau dans une étape ultérieure.
Nous venons de parler, à la manière des démographes, d’un “effet de
sélection” lié au fait que, d’une génération à l’autre, la transmission de la
langue a moins de probabilité de s’effectuer en France plutôt qu’au pays
d’origine. Cet effet n’est pas simplement une perturbation qu’il faudrait
éliminer de l’analyse. Il livre en réalité une information essentielle sur
la situation particulière des enfants d’immigrés – qu’on les qualifie, au
choix, de “seconde génération” par rapport à la génération des migrants
ou de “première génération” née sur le sol français ou ayant vécu une
socialisation précoce en France. Très clairement, en effet, quand les
enfants d’immigrés sont nés en France, ils bénéficient dans leur
immense majorité d’une transmission linguistique en français, qu’elle
soit associée ou non à la langue d’origine. L’arrivée de nouveaux migrants
relance le processus, mais dans un sens clair : il va vers une intégration
linguistique qui progresse fortement avec le temps.
18
N° 1252 - Novembre-décembre 2004
Des langues très inégalement retransmises
Vérifions ce point en examinant les faits sous un autre angle : le taux
de retransmission de la langue d’origine aux enfants. L’indicateur
retenu consiste à prendre les adultes interrogés qui déclarent avoir
reçu une langue donnée de leurs parents et à voir quelle proportion
d’entre eux a retransmis la même langue à leurs propres enfants. Pour
homogénéiser les conditions de la comparaison, on considérera dans
les deux cas la transmission de la langue à titre habituel, en laissant de
côté la pratique occasionnelle. Les taux que l’on va détailler ci-après
sont des taux synthétiques, calculés toutes générations confondues,
quelles que soient la chronologie du courant migratoire et l’évolution
des comportements.
Le taux de retransmission global d’une génération à l’autre varie
très fortement selon les langues, de 9 % à 86 %. Il est de 25 % pour les
langues régionales, d’à peine plus de 50 % pour les langues d’immigration. Au bas du tableau, les langues régionales en voie de disparition
dans les familles : franco-provençal, flamand, breton, occitan, langues
d’oïl(10). Mais certaines langues d’immigration ancienne ne sont pas loin :
le russe, le polonais, le hongrois ne sont plus retransmis comme langues
habituelles qu’une fois sur quatre. L’italien, le grec, le catalan ou l’allemand (ce dernier à l’exclusion de la langue étrangère apprise à l’école)
suivent de près, avec une retransmission inférieure à 30 %. L’espagnol est
à près de 40 %, au même niveau que le corse. Les langues créoles sont,
pour leur part, à 47 % de retransmission. L’arménien résiste remarquablement, à près de 50 %, signe d’une volonté de maintien qui a peut-être
été ravivée par l’ouverture des frontières à partir de 1990.
10)- Le cas du breton montre
à quel point la pratique
de la langue peut
se dissocier des autres
composantes de la culture :
les Bretons n’ont jamais
autant donné de prénoms
bretons à leurs enfants,
ni écouté autant de musique
celtique que depuis la
raréfaction de leur langue.
Pyramide des âges des adultes résidant en France,
ayant eu un père qui leur parlait d'habitude l'arabe
Source : Insee-Ined, Étude de l'histoire familiale, associée au recensement de 1999.
Langues de France
19
Pyramide des âges des adultes résidant en France,
ayant eu un père qui leur parlait d'habitude le portugais
Source : Insee-Ined, Étude de l'histoire familiale, associée au recensement de 1999.
On entre ainsi dans la zone des retransmissions aux enfants qui dépassent le seuil de 50 % : c’est le cas de l’arabe et de la plupart des langues
africaines, que les parents retransmettent deux fois sur trois. Dans le haut
du tableau, les taux les plus élevés s’observent dans les courants migratoires les plus récents (langues indo-iraniennes, langues chinoises). Mais,
à l’évidence, le facteur temps n’est pas le seul élément qui étale les taux
de retransmission. Ils sont particulièrement élevés dans des courants qui
semblent entretenir un régime de va-et-vient avec le pays d’origine ou un
“esprit de retour” particulièrement prononcé, comme les courants portugais et le turc. Ainsi, le fait que la migration portugaise soit plus récente
que l’espagnole ne suffit pas à expliquer que le portugais soit encore
retransmis à 67 %, tandis que l’espagnol l’est seulement à 38 %. Dans le cas
de l’immigration turque, la jeunesse relative du courant vient se cumuler
avec une volonté de maintien de la langue qui reste forte, même si cette
volonté se conjugue de plus en plus avec la transmission du français.
Il faut noter cependant qu’une retransmission, dans une proportion des
deux tiers, signifie une érosion rapide si elle se reconduit de génération en
génération. Au bout de deux générations, les deux tiers de deux tiers donnent 44 % de retransmission, lesquels descendent à 30 % au bout de trois
générations. Avec un taux initial à 38 % (le niveau espagnol), on arrive à
5,5 % de retransmission au bout de trois générations, autrement dit une
quasi-disparition. Dans la pratique, les courbes ne suivent pas une trajectoire multiplicative ; elles peuvent subir des phénomènes de débandade ou,
au contraire, de réactivation. Mais la tendance générale reste claire. Le fait
qu’un tiers des parents élevés habituellement en arabe ne fassent plus de
même avec leurs propres enfants témoigne en fin de compte de la rapidité
de l’érosion de la langue d’origine en l’espace d’une génération.
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N° 1252 - Novembre-décembre 2004
Résistance de la pratique,
déclin de la retransmission
En interrogeant des adultes de tous âges, on peut, en théorie, recueillir sur
la même période de transmission le point de vue de la génération qui
transmet la langue et celui de la génération qui reçoit. Si l’on avait affaire
à une langue fermée, purement interne au territoire national, les discordances de points de vue traduiraient simplement des divergences liées au
souvenir ou à la perception même de la langue. On le constate pour les
langues régionales : les enfants sont généralement plus nombreux à déclarer avoir reçu la langue que leurs parents ne se souviennent l’avoir transmise ; les enfants semblent surestimer l’importance de la transmission, à
moins que les parents ne la sous-estiment (ils connaissent bien la langue
et n’ont pas toujours le sentiment de l’avoir réellement transmise).
Ces décalages de perception existent aussi pour les langues de l’immigration, mais disparaissent sous un biais plus important. La plupart du
temps, en effet, le souvenir que l’on a des langues reçues du père ou de
la mère se rapporte à une période antérieure à la migration ; il reflète les
pratiques de transmission au pays d’origine dans la génération précédente. En revanche, lorsque les personnes interrogées décrivent l’éventuelle retransmission de la langue à leurs propres enfants, elles parlent
d’une pratique souvent postérieure à la migration : la concurrence du
français est déjà très forte et a érodé les positions de la langue d’origine.
Ceci n’est pas seulement vrai des langues liées à une immigration
ancienne et révolue, comme l’italien, mais se vérifie encore pour les
langues des courants migratoires qui ont fortement progressé au cours
du siècle, comme l’arabe.
Pyramide des âges des adultes résidant en France,
ayant eu un père qui leur parlait d'habitude le turc
Source : Insee-Ined, Étude de l'histoire familiale, associée au recensement de 1999.
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Pour mieux comprendre le mécanisme d’érosion, il convient de
revenir au taux de retransmission et de suivre son évolution dans le
temps. L’arabe a beau être en expansion du point de vue des effectifs
absolus de locuteurs et de la part qu’ils représentent dans l’ensemble
de la population résidente, il n’en reste pas moins que son taux de
retransmission est en recul. Chaque génération de migrants contribue
à la déperdition progressive de la langue et cette érosion s’aggrave
depuis vingt-cinq ans, puisque le taux de retransmission a chuté de
70 % à 45 %. Il commence à se passer pour l’arabe ce qui s’est passé
pour l’italien : la pratique occasionnelle avec l’entourage (conjoint, voisins, collègues, amis, commerçants…), que l’on peut qualifier sommairement d’horizontale, se maintient au fil du temps, alors que la
transmission verticale fléchit. À terme, la langue peut se maintenir au
sein des pairs tout en voyant sa reproduction compromise pour les
générations suivantes. Chose intéressante, l’écart entre hommes et
femmes n’est guère significatif pour une langue comme l’italien, tandis
que, pour l’arabe, les femmes sont plus conservatrices que les hommes,
aussi bien pour la pratique que pour la transmission.
Les facteurs de retransmission
L’ensemble de ces résultats requiert évidemment des analyses approfondies de type sociolinguistique ou anthropologique. Mais on peut aller
plus loin dans la logique statistique en recourant à une modélisation qui
dépasse le stade descriptif vers une orientation plus explicative. La technique est celle, classique, de la régression logistique. On part d’une
situation de référence (un certain type de migrant, doté de diverses proDistribution des immigrés ayant reçu la langue
hongroise de leurs parents
Source : Insee-Ined, Étude de l'histoire familiale, associée au recensement de 1999.
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priétés sociales, correspondant si possible à une figure centrale ou significative), et l’on regarde dans quelle mesure le comportement à étudier
– en l’occurrence le fait de retransmettre la langue d’origine plutôt que
de passer à l’usage exclusif du français – dépend de la modification de telle
ou telle propriété, conçue comme un possible
facteur explicatif. On peut mesurer ainsi
Les immigrés ou enfants
séparément l’“effet propre” de chaque facd’immigrés les plus francophones
teur, l’effet de tous les autres étant contrôlé.
ne rencontrent pas moins,
Prenons la situation de référence d’un
homme ouvrier, enfant de deux immigrés porsi ce n’est davantage, de difficultés d’insertion
tugais qui étaient agriculteurs. Il est né en
que les autres.
France, de même que son conjoint ; il a deux
enfants, dont l’un est né en France, l’autre à
l’étranger. L’enquête Famille montre qu’une personne cumulant ces traits
retransmet la langue d’origine à ses enfants comme langue habituelle
dans 23 % des cas, et de façon générale, que ce soit à titre habituel ou
occasionnel, dans 50 % des cas.
Que deviennent ces pourcentages quand on fait varier les facteurs
susceptibles de modifier la propension à retransmettre la langue ? Nous
avons extrait de l’enquête Famille les facteurs suivants : l’année d’arrivée
en France (annulée si l’on est né en France), le fait d’avoir des enfants
nés avant ou après la migration, le fait d’avoir des enfants nés à l’étranger ou en France, le pays de l’individu et celui de son conjoint, les aires
linguistiques de référence des père et mère, le sexe, le diplôme, le groupe
social de l’individu et celui de son conjoint, le groupe social des parents
et, enfin, l’existence d’un souhait de retour dans la région d’enfance.
De tous ces facteurs, les plus explicatifs sont ceux liés au lieu de naissance des enfants. Le taux de retransmission augmente de seize points si
tous les enfants sont nés à l’étranger, il baisse de dix-sept points s’ils sont
tous nés en France. Autre facteur, qui se cumule au précédent sans se
confondre avec lui : le taux de retransmission augmente de huit points
si les enfants sont tous nés au moins cinq ans avant la migration, et
chute de onze points si le dernier est né au moins vingt ans après. Des
écarts de même ampleur s’observent entre les pays de naissance des
individus ou de leurs conjoints selon qu’ils sont francophones ou non (la
non-francophonie limitant évidemment les chances de passer exclusivement au français). Le souhait de revenir un jour dans son pays est
aussi, toutes choses égales d’ailleurs, un facteur puissant de maintien
de la langue avec les enfants. En revanche, les caractéristiques sociales
des migrants jouent un rôle plus limité : on observe un écart de dix
points entre les ouvriers ou employés (qui transmettent davantage) et
les cadres (qui passent plus fréquemment au français). Le rôle du
conjoint est plus marqué : seize points d’écart entre les deux extrêmes,
avec la particularité que les hommes ou les femmes au foyer transmettent davantage leur langue à leurs enfants.
Langues de France
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Il faut noter enfin que l’analyse détaillée par pays ne permet pas de
relever des facteurs propres qui seraient indépendants des souhaits
individuels de retour ou de la prégnance de la francophonie dans ces
pays. Ainsi, la Turquie reste très proche de l’Espagne ou de l’Italie dans
ces analyses, dans une zone centrale où l’on ne décèle pas d’effets
propres significatifs sur la propension à retransmettre la langue. Cela
signifie en clair qu’il n’existe pas d’homo ottomanus qui aurait une
propension intrinsèque à conserver en famille l’usage de la langue
turque et à refuser l’intégration linguistique. Le maintien d’un taux de
retransmission très élevé s’explique entièrement par une combinaison
de traits où entrent la chronologie de la migration, les lieux de naissance des enfants, la non-appartenance à l’ancienne sphère coloniale
française, ainsi que le souhait de retour.
Au total, l’enquête Famille permet de retracer de façon dynamique
les processus de retransmission et d’intégration linguistique des divers
courants migratoires. L’intégration ne signifie pas l’abandon immédiat
de la langue d’origine au profit du français. Elle peut continuer de se
transmettre en même temps que le français pendant une ou deux générations, mais c’est bien le français qui finit par l’emporter avec le
temps. Il n’existe pas en France de ghettos linguistiques. Reste à étudier les raisons et les effets du décalage entre intégration linguistique
et insertion sur le marché du travail. Il semble, en effet, que les immigrés ou enfants d’immigrés les plus francophones ne rencontrent pas
moins, si ce n’est davantage, de difficultés d’insertion que les autres. Si
la connaissance de la langue du pays d’accueil devrait logiquement
favoriser l’accès des immigrés à l’emploi, comme le soulignent les économistes, l’inversion de cette corrélation laisse présumer au contraire
que des phénomènes de discrimination viennent brouiller la relation.
Ce sera l’objet d’une prochaine étude.
A PUBLIÉ
Martine Wadbled, “La transmission culturelle active dans les familles viêtnamiennes”
Ida Simon-Barouh, “Pratiques familiales et transmission chez les Cambodgiens”
Dossier France, terre d’Asie, n° 1234, novembre-décembre 2001
Michèle Tribalat, “À propos de catégories ethniques, réponse à Maryse Tripier”
Hors dossier, n° 1221, septembre-octobre 1999
Maryse Tripier, “De l’usage de statistiques ‘ethniques’”
Dossier Connaître et combattre les discriminations, n° 1219, mai-juin 1999
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