accompagnement au long cours, repetitions et allers retours dans

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ACCOMPAGNEMENT AU LONG COURS,
REPETITIONS ET ALLERS RETOURS DANS LES
SOINS
Présentation : Quelques réflexions sur l’accompagnement au long cours de patients
addicts à partir de l’expérience de Marmottan.
Du point de vue du clinicien, psychiatre, addictologue et thérapeute familial systémicien,
Témoignages et réflexions à partir de l’expérience du centre Marmottan, de cet outil de soins
particulier.
Travaillant au centre médical Marmottan qui, en plus de 45 ans, a vu se transformer le paysage
des addictions et a bien participé à cette clinique évolutive des addictions et les changements de
paradigmes dans les soins. Pour le faire rapidement : abstinence vers réduction des risques,
professionnalisation et médicalisation du champs d’intervention, élargissement de la problématique
à l’addiction…
Question de la temporalité dans les addictions évidente et en même temps difficile à
appréhender
- La nature même du processus addictif : Initiation aux drogues à l’adolescence, quasi
exceptionnel après 30 ans, âge de début très prédictif, installation progressive, souvent sur
plusieurs années, maintien avec variations, périodes d’arrêt et de rechutes, puis plus ou
moins stabilisation voire arrêt. Parcours parait chaotique, sans cohérence : Difficile d’avoir le
recul suffisant, données scientifiques partielles, études prospectives difficiles à mettre en place,
souvent que des photographies et pas le fil de la vie.
« Habitude plaisante, soulageante ou socialisante qui progressivement devient nocive,
insatisfaisante ou envahissante ».
- Histoire naturelle des addictions marquée par une variabilité individuelle importante (la
majorité des usagers abandonnent leur addiction aux drogues illicites au bout de quelques
années sans recours au traitement) fonction de nombreux facteurs additionnels qui influencent
la persistance de l’usage dans la durée :
- Le type d’addiction : marijuana très utilisé, décroit après 25 - 30 ans; cocaïne plutôt après
40ans
- La polyconsommation
- Les comorbidités psychiatriques,
troubles
personnalité,
psychotrauma,
troubles
psychiatriques…
- Les comorbidités somatiques
- Les ressources sociales individuelles et de l’entourage
=> population très hétérogène selon les points de vue : population générale, dans centres de
soins, prisons, écoles…
Sous la bannière de l’addiction se rassemblent des réalités très différentes :
- Pour certains patients suivis en csapa, maintien de consommations de produits illicites comme
opiacés, cocaïne pendant des dizaines d’années
- Des modes en fonction du moment socio culturel, Passage de la toxicomanie à l’addiction ces
dernières années : Apparition depuis 2000 de l’addictologie : Goodman 1990, rapprochement
structures alcool tox, addictologie hospitalière
Diversification de la population et des problématiques
Ouverture à d’autres addictions où pas de traitements médicamenteux et encore moins de
dépendance vraiment physique et où craving a là aussi une place centrale
Diversification des types de sortie
Marc Henry Soulet : sortie de la dépendance par subjectivation et non par inculcation normative
« On ne change pas de vie, on change sa vie, pour mettre en cohérence ce qu’on fait, ce qu’on
éprouve et ce qu’on pense, en liant continuité et transformation, grâce à un travail sur soi ».
Transformations des formes d’accompagnement
Marmottan depuis 10 ans : demande centrée sur suivi psy en ambulatoire, devant hospitalisation
ou traitement de substitution
Accompagner, soigner plutôt que guérir.
Accompagner, comme l’ont dit beaucoup de gens avant moi, et comme l’a simplement formulé
Jean Pierre Couteron, « Accompagner, ce n’est pas choisir la destination », ce n’est pas
guider, c’est accepter d’avancer au rythme de celui qui demande à être accompagné, accepter
qu’il explore certaines zones que l’on connait déjà, qu’ils se perdent dans certaines impasses ou
voire qu’ils nous entraînent dans des espaces inconnus pas forcément maitrisé, hors de notre
zone de confort. Cela ne signifie pas qu’il faut accepter d’aller n’importe où et faire n’importe quoi,
c’est là qu’une éthique du soin et un accompagnement partagé à plusieurs, institutionnel,
partageable, pensable, explicable est particulièrement important.
Nous y reviendrons plus tard…
Certains psychothérapeutes comme Daniel Stern parlent de « cheminement » en psychothérapie.
Ethique relationnelle et demande
Volontariat, anonymat, gratuité : Le positionnement relationnel est particulièrement important dans
les addictions avec des personnes chez qui la part d’opposition et de disqualification est souvent
présente. Le volontariat prend en compte cet aspect. Comme le souligne Marc Valleur : « Cette
exigence du respect de la demande des sujets place la clinique sous le signe de l’intersubjectivité,
et dans un contexte où la qualité humaine de l’accompagnement prime sur toute volonté
d’efficacité ».
Respecter la demande c’est d’une certaine façon reconnaître une certaine expertise au patient, lui
reconnaître une place de sujet alors que bien souvent, vis-à-vis de son entourage, vis-à-vis de
lui-même il ne se sent plus grand-chose d’autre que toxicomane, alcoolique, joueur impuissant. Il
est intéressant de respecter la demande pour être le moins menaçant possible. En partant de ce
que la personne vient demander, en organisant le suivi à partir de réponses ponctuelles,
cela pourra amener à la création d’un cadre de soins adapté le plus sécurisant possible. C’est
dans le respect d’une relation équilibré où l’un ne risquera pas de prendre le dessus sur l’autre,
dans laquelle la clinique reste subjective, naît d’une rencontre particulière qui prenne en compte le
moment et le lieu de cette rencontre, partant du vécu de l’intéressé et de sa demande. Cette
approche phénoménologique des situations reste l’approche clinique privilégiée à Marmottan.
La question de la demande reste une question centrale importante dans les addictions. Le
problème récurrent principal réside dans le fait que les individus ayant besoin de soins n'ont pas
forcément de demande. Et les personnes en ayant le plus besoin sont celles qui ont le plus de mal
à faire la demande, le plus souvent du fait même de leur addiction, (l'addiction permettant un
échappement de la réalité). Toute la difficulté réside dans la reconnaissance par la personne ellemême de sa souffrance et les patients ont souvent besoin des autres pour prendre conscience
de leur problème. L'entourage peut jouer un rôle important dans la reconnaissance et la
possibilité d’expression de cette souffrance, mais la demande de l’entourage, qu’il est nécessaire
d’entendre, ne doit pas passer avant celle de l’intéressé. Je ne parle pas bien entendu des
situations d’urgence ou de problèmes légaux.
.
Le contexte de la demande est souvent primordial. La plupart des toxicomanes et autres patients
qui viennent consulter la première fois dans les centres de soins, viennent souvent dans des
moments de crise qui surviennent avec leur entourage familial, leur milieu professionnel, la justice.
Derrière une demande apparemment individuelle, se dissimule souvent une situation
problématique : ma femme menace de me quitter, elle me demander d’arrêter de boire, mon
employeur a découvert que je détourner de l’argent pour pouvoir jouer…
En termes de soins, il est important de développer des stratégies d'information, de
prévention et de réduction des risques qui permettent un accès aux soins facilité pour la
personne intéressée. Il est également nécessaire de permettre l'accompagnement de la
demande de la famille, du conjoint, du proche mandaté pour porter la demande de soins.
Autrement dit : pouvoir entendre l'entourage et accompagner cette demande en donnant
une place à ce médiateur.
L’abord phénoménologique, la rencontre et l’intersubjectivité. Toujours reprendre à partir de la
clinique, du vécu du patient et ne pas partir de théories à priori…
Offrir des services, que le client vient chercher, en respectant un certain contrat, mais c’est lui qu’i
reste demandeur. Préoccupation mais liberté de ne pas venir.
Temporalité particulière du soin
La plupart des cliniciens s’accordent pour considérer que le « traitement » d’un sujet addicté
demande :
Du temps, beaucoup de temps.
Le temps psychique a déjà une temporalité particulière, le temps psychique figé dans les
addictions semble encore plus lent, comme « congelé » pour reprendre l’image qu’il
emploie à propos des grands précaires et du syndrome d’autoexclusion.
Un patient disait : c’est comme si pendant dix ans j’avais regardé les trains passer et moi je
rester assis dans la gare sans jamais en prendre un.
Des alternances de présence/absence avec parfois des périodes de ruptures de soins
pendant 2/3 ans après des engagements thérapeutiques qui ont semblé fructueux :
possibilité de réactiver le soin rapidement
Un recours/retour fréquent aux sensations marquées par des rechutes chaque fois que surgit
la menace d’un débordement émotionnel => Pour le thérapeute une solide capacité
d’empathie capable de résister à l’effondrement dépressif sans verser dans l’illusion de
l’omnipotence solitaire
Pour un accompagnement souple avec plusieurs portes d’entrée possibles
Accès facilité aux soins (rdv rapide, sans rdv médecine générale, accès matériel rdr,
plusieurs outils dans un même endroit)
« Tout en étant sérieux, vous vulgarisez la médecine »
Morel : Si l’accompagnement se déroule dans la durée, il ne doit pas être confondu avec une
thérapie « longue ». En cela, la notion de durée n’est pas contradictoire avec les approches «
brèves » et des moments « forts ». Le trajet de soins est fait d’étapes, de séquences. C’est
cette capacité à adapter et faire varier l’intensité qui fera la qualité de l’accompagnement,
permettant de sortir d’un cycle prise en charge/rupture, au profit d’un continuum
d’accompagnement dont l’intensité s’adapte. Il y a une pluralité des entrées, il y aura donc une
pluralité des trajectoires et des sorties.
Pour une partie des patients qui viennent consulter à Marmottan, l’accompagnement est très
ponctuel : quelques consultations suffisent à répondre à leurs interrogations à les aider par
rapport à un usage envahissant, parfois ce n’est pas véritablement une addiction, mais un autre
problème au premier plan pour lequel ils sont orientés…
Et d’autres deviennent de véritables clients de l’institution et sont suivis pendant des
années, soit de manière épisodique dans les moments de crises, suivi intense,
disparaissent et réapparaissent, soit de manière plus régulière autour de traitement de
substitution ou psychotropes notamment, ou de soins somatiques.
Construction progressive de l’alliance thérapeutique à partir de réponses ponctuelles
médico-psycho-sociales, modèle intégrant réponses diverses de réduction des risques, du suivi
psychothérapique, du sevrage, du suivi social….
Marmottan structure à la fois médico-sociale et sanitaire
Equipe pluridisciplinaire à la fois médecin, psycho, infirmier mais aussi éducateur, assistante
sociale, médiateur santé, ex usager…
Concepts sous-jacents dans les soins influent forcément sur le discours, le dispositif et la nature
des soins, dans cette co-construction de l’accompagnement qui se fait entre patient et soignant;
Conjuguer approche « médicale », et approche « psycho-sociale », coté intégratif, bricolé, assumé,
adapté à la carte…qui permet de se servir des outils les plus adaptés à un moment donné pour un
usager en fonction de là où il en est dans sa trajectoire. Parfois travail dans une fonction de
« médecin », parfois « d’éducateur » ou « d’assistante sociale ».
Partage, Tiers institutionnel et Intentionnalité de soin
Les soins aux addictés nécessitent un espace évolutif fait de lieux divers, de personnes
différentes (travail en équipe, thérapies plurifocales). Cela rejoint certaines conceptions
« d’espace psychique élargi » nécessaire dans la clinique des adolescents ou des états limites, qui
permettent plus de souplesse, de diversité et de contenance que la relation duelle
psychothérapique.
Pour éviter de se perdre dans l’accompagnement :
Quand nous ne parvenons plus à partager avec d’autres collègues, soignants, pairs ce que nous
faisons avec quelqu’un cela devient souvent problématique. Ceci est valable pour les relations
interpersonnelles en général, le tiers, la triangulation appose les tensions et peut permettre de
métacommuniquer.
Ouvrir la relation aux collègues de l’institution, à des collègues d’autres institutions
Pouvoir adresser au bon moment, au bon endroit
Michel Hautefeuille : L’intentionnalité de soins réside dans la nécessité faite au patient mais
encore plus au thérapeute qui en est le porteur et le garant de restituer tout acte thérapeutique,
toute décision, toute orientation, toute indication dans la perspective de cette prise en charge. Par
certain côté, ce qui menace le plus le toxicomane et le thérapeute, c'est l'absence de sens et la
chronicisation qui peuvent prendre la forme de sevrages à répétition, d'ordonnances immuables,
d'orientations hâtives, de réponses stéréotypées. Nous avons à interroger régulièrement nos
actes et nos pratiques, la signification des projets établis avec notre patient afin de
s'assurer si ceux-ci ont un sens dans son cheminement. Pour cela il est nécessaire de
l'écouter. Nous savons bien que la demande du toxicomane peut apparaître ambivalente ou
inauthentique parce que pour lui il n'est pas si facile d'abandonner un système de régulation de sa
souffrance, un système de vie, un système de référence qu'il connaît par coeur.
Suivi souple, à la carte, Faits de moments forts
Dans ces suivis certains moments forts sont particulièrement féconds, marquants, souvent des
moments de crise, qui servent ensuite de points d’appuis au suivi.
Parmi certains moments forts, je retiendrais :
1. Bien sur des moments « médicaux » :
- Moments somatiques, traitement hepatite C (prise en charge in situ de hepatite C en convention
avec équipe de la Pitié)
- Moments psychiatriques
2. des moments « relationnels », certains diraient« transférentiels », notion de psychisme
élargi :
- Moments d’attaque du lien, de provocation, test des limites et de la solidité du lien
- Moments désabusés ou de perte d’estime de soi : demande qu’on y croit
- Moments de travail avec d’autres équipes : capacité d’articuler, conjuguer les différents styles et
contraintes
3. des moments d’accompagnements existentiels, dans « les choses de la vie » :
- Moments de deuil
- Moments de parentalité
- Moments de séparation
- Moments de conflits au travail
Par rapport à psychothérapie classique, notion d’espace psychique élargi, pluridisciplinarité,
nécessité d’espaces différents, de figures thérapeutiques différentes…
Moments forts : moments urgents et moments de rencontre
Souvent les moments forts ne se présentent pas de manière évidente dans la thérapie, il faut
savoir les saisir, y être attentifs. ce sont souvent des mouvements infracliniques autant liés à
l’accordage affectif et à l’attention qui peut y avoir dans la relation, qu’au contenu.
Moments forts selon l’acception de Daniel Stern, moments intersubjectifs qui permettent au
patient de sentir que le thérapeute est vraiment de son coté. Daniel Stern décrit, dans le moment
présent en psychothérapie « un monde dans un grain de sable » 2004, les moments forts comme
des moments relationnels qui permettent d’entrer dans la conscience intersubjective ou réflexive.
Ce sont les moments dont on se souvient, autour desquels s’articulent souvent les récits narratifs.
Parmi ces moments forts, il distingue dans la relation en psychothérapie « les moments
urgents » et les « moments de rencontre ». le moments urgent « est un moment présent qui
surgit soudain et qui est chargé de conséquences imminentes. C’est un instant de kairos, pour de
présent et du besoin d’agir; le moment de rencontre est un moment présent pendant lequel les
deux parties réussissent une rencontre intersubjective. A cet instant, les deux deviennent
conscients (conscience intersubjective) de ce que vit l’autre. ils partagent un paysage mental
suffisamment semblable pour qu’un sentiment de correspondance spécifique naisse. Les moments
de rencontre suivent généralement immédiatement les moments urgents qui les ont favorisés. le
moment de rencontre résout alors le besoin de résolution créé dans le moment urgent.
CAS CLINIQUE
Choix suivi : un des plus longs, à l’ancienne junkie en platine…, héroinomane…
EN CONCLUSION
Pour la possibilité de suivi long, souple, à intensité variable avec des moments
forts, des ruptures…
Recours à une équipe diverse et pluridisciplinaire, ainsi que des lieux de soins
multiples, pour répondre aux différents moments de la trajectoire d’un usager
Enfin importance de prendre en compte autant la part médicale que la part
existentielle de l’addiction, nécessaire pour accompagner cette clinique du
paradoxe.
Non seulement les traitements médicaux ne peuvent pas fonctionner, mais le caractère
phénoménologique de l’addiction, la capacité qu’un sujet peut avoir à agir contre ses
apparemment propres intérêts, font que la perception, la représentation que les addicts ont d’eux
même est important, et que l’on a d’eux même.
Augmenter les capacités à agir, approche expérientielle…vont dans ce sens
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