membre réseau ASTREDHOR Les cochenilles, des ravageurs envahissants et nuisibles Aussi envahissantes et nuisibles que les pucerons et les aleurodes, les cochenilles s’installent sur de très nombreuses espèces végétales en arboriculture ornementale et fruitière, viticulture et oléiculture, dans les cultures ornementales et florales. Ces homoptères, du même ordre que les pucerons et les aleurodes, sont parmi les plus spécialisés et implantés dans tous les biotopes de la toundra aux zones tropicales. Les cochenilles sont de sérieux ravageurs des plantes, souvent difficiles à discerner, repérables seulement quand le niveau des dégâts est très important. On peut les trouver sur toutes les parties de la plante-hôte, feuilles, branches, tronc et racines. Les dégâts sont causés par le prélèvement de sève, mais ils peuvent aussi être provoqués par la transmission de pathogènes, de toxines et par les effets de la production de miellat, avec un développement de fumagine qui couvre la surface des feuilles, réduisant ainsi la photosynthèse. Une super famille de nuisibles qui possède une espèce ‘utile’ à la production de colorant alimentaire et de cosmétiques : le carmin de cochenille (Dactylopius coccus élevé sur Opuntia). DESCRIPTION La grande particularité morphologique est un fort dimorphisme sexuel (pour exemple une cochenille farineuse photo 1). Les femelles adultes sont totalement dépourvues d’ailes et presque immobiles, elles peuvent avoir ou non des pattes et ont l’allure de sac sans distinction entre la tête, le thorax et l’abdomen. La plupart produisent des sécrétions cireuses qui recouvrent leur corps, et vont d’une mince feuille translucide à une masse épaisse, elles peuvent présenter des aspects poudreux, farineux. Les populations sont groupées en colonies. Photo 1 : Mâle ailé sur femelle de Planococcus citri (source INRA) Les mâles adultes ressemblent à des insectes que l’on peut qualifier de « classiques », car ils possèdent une paire d’ailes, de pattes bien développées et une nette segmentation têtethorax-abdomen. Les mâles sont rarement capturés parce qu’ils sont très petits. Dépourvus de mandibules, ils sont incapables de se nourrir et ne vivent que quelques jours. CLASSIFICATION Plus de 6 000 espèces ont été décrites par la plupart des « coccidologistes » qui les ont classées dans une vingtaine de familles. Historiquement la classification des cochenilles est basée sur la morphologie des femelles. Les caractères morphologiques internes des larves et la carte génétique sont des outils précieux pour l’identification des espèces. Ainsi trois grandes familles de cochenilles ont été constituées : - les cochenilles à corps mou (farineuses) : les pseudococcidés - les cochenilles à carapace : les coccidés - les cochenilles à bouclier : les diaspididés BIOLOGIE Chez les pseudococcidae, les cochenilles à corps mou, les femelles adultes sont caractérisées par une sécrétion farineuse blanche recouvrant tout le corps. Les individus peuvent mesurer 5 mm. Après la ponte, le cycle biologique est de 3 stades larvaires pour la femelle et 4 chez le mâle. Les œufs sont pondus dans une masse collante de filaments cireux appelée ovisac (Fig. 1). La femelle meurt après la ponte. Les larves de premier stade sont marron jaune. La plupart des espèces ont une à deux générations par an, mais peuvent avoir jusqu’à huit générations dans les cultures sous serre où elles se maintiennent en hiver. Photo 2 : Cochenilles à carapace Coccus hesperidum (Scradh) Source : Financement : Action pilotée par le ministère en charge de l’agriculture, avec l’appui financier de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, par les crédits issus de la redevance pour pollutions diffuses attribués au financement du plan Ecophyto 2018 Figure 1 : cycle biologique d’une espèce de cochenille farineuse A : femelle adulte, B : ovisac, C : œufs, D-E : larves, G : mâle larve, F : femelle larve, H : mâle adulte (source www.mrec.ifas.ufl.edu). parfois la taille évitent la formation de gros foyers. Les outils de taille et de récolte devront alors être désinfectés. Des traitements à base de pyrèthre naturel, savon noir ou savon potassique peuvent limiter les infestations. Ils doivent être pulvérisés en touchant les populations de la face inférieure des feuilles, des tiges et des branches. En hiver, des traitements à base d’huile minérale complètent la lutte. La présence de fourmis indique l’installation des cochenilles : signe d’un niveau élevé de population. Il faudra également les éliminer avant d’entreprendre les lâchers d’auxiliaires car elles peuvent les tuer. La lutte biologique offre la meilleure garantie de réussite lorsque les conditions sont réunies (absence de résidus chimiques). Historiquement, elle a débuté par des lâchers de Rodolia cardinalis, coccinelle prédatrice, sur la cochenille australienne Iceria purchasi. Aujourd’hui, la coccinelle la plus couramment utilisée dans la lutte contre les cochenilles farineuses et à carapace est Cryptolaemus montrouzieri (photo 3). Elle consomme tous les stades préférant les individus à corps mou. Les lâchers sont faits directement sur les foyers dans une population de femelles avec ovisac, au mieux fin mars en région méditerranéenne. La dose curative conseillée est de cinq larves ou adultes au m² de culture, mais le prix reste prohibitif. Attention la larve de C. montrouzieri peut être confondue avec une cochenille femelle. Le corps de la larve de coccinelle est plus grand et couvert d’appendices laineux (photo 3 à gauche). B A C H D G F E Les espèces les plus communes sous serre sont Pseudococcus longispinus, P. viburni, P. constocki et Planococcus citri,. Ajoutons également Vryburgia amaryllidis et Phenacoccus madeirensis connues depuis plusieurs années au Scradh sur Gerbera, Alstroemeria et agapanthe. Les coccidés, cochenilles à carapace, ont 2 ou 3 stades larvaires chez la femelle et 4 chez le mâle, avec une à deux générations par an dans les régions tempérées et parfois six générations sous serre. Dans la plupart des cas le premier stade colonise les feuilles de la plante-hôte. Les femelles immatures continuent de se nourrir sur les feuilles jusqu’à la fin de l’été ou le début de l’automne moment où elles migrent vers les tiges ou les branches. Les plus communes sont Saissetia oleae (cochenille noire de l’olivier et du laurier-rose) et Coccus hesperidum (pou des Hespérides) qui s’implante aussi sur fleurs coupées sous serre (Anthurium, Gerbera, …). Les diaspididés, cochenilles à bouclier, sont considérées comme les plus évoluées. Les femelles adultes sont caractérisées par la présence d’un abri, d’une protection qui n’est pas attachée au corps de l’insecte et qui est constituée de sécrétions cireuses. Les œufs sont pondus sous le bouclier et une petite fente de la partie postérieure permet aux larves de s’échapper. D’une biologie très diverse, elles comprennent une à six générations par an, la période de repos pouvant apparaître quasiment à tous les stades. Les diaspididae infestent les feuilles et les branches de leur hôte, rarement les parties souterraines. Parmi les plus communes Aonidiella aurantii (cochenille des agrumes), Quadraspidiotus perniciosus (pou de San José), Aulacaspis rosae (cochenille du rosier) et Aonidiella citrina (nouvelle cochenille de l’agrume, en Corse). MOYENS DE PROTECTION DES PLANTES Les cochenilles sont difficiles à combattre, notamment les cochenilles femelles matures à bouclier et carapace, par contre les jeunes larves ne possèdent pas encore d’organe de protection. Une vigilance régulière est nécessaire pour éviter les attaques importantes. La lutte chimique est difficile, il faut retarder les infestations par des mesures prophylactiques (vide sanitaire, désinfection des structures et matériel de culture). Il s’agit aussi de vérifier l’état sanitaire des plantes avant leur mise en serre, puis régulièrement pendant la culture. Le nettoyage manuel et Photo 3 : larves et proies (g); adulte de C. montrouzieri (d) (Scradh) A La larve du chrysope est également efficace sur une attaque moyenne. Mais son activité diminue lorsque le foyer augmente. Les autres organismes de contrôle des cochenilles sont souvent spécifiques. Citons les parasitoïdes qui sont monophages tel que Leptomastix dactytlopii qui pond ses œufs uniquement dans la cochenille Planococcus citri, et le genre Metaphycus qui parasite les larves de Saissetia oleae. D’autres parasitoïdes peuvent s’implanter naturellement d’où la nécessité d’observer les points d’infestation. Sources bibliographiques : Connaître et reconnaître MH MALAIS et WJ RAVENSBERG. Koppert bv Homoptera Coccoïdea, Pratique d’identification au laboratoire. JF. GERMAIN, ENSAM mars 2001 Bulletin de la société entomologique de France, P. KREITER, JF. GERMAIN, 2005, vol.110, n°2 p132. Bilan de dix années d’expérience dans le cadre de la protection biologique intégrée contre la cochenille farineuse Planococcus citri. GIE FP du Sud Ouest. Janvier 2010, fiche 09 « Eco-production et développement durable » Cochenilles farineuses, la biologie moléculaire pour la lutte biologique. Unité expérimentale INRA Lutte Biologique. N. RIS et al. PHYTOMA février 2010 n°631.