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« Le « savoir des questions » : comment problématiser avec les
élèves ? Un exemple d'élément déclencheur : les éoliennes dans le
paysage genevois »
SGARD, Anne, JANZI BERNHARDT, Hyade Thérèse
Abstract
La capacité à construire le problème sur lequel travailler est une question encore peu étudiée
en didactique de la géographie, c’est pourtant un enjeu central pour une éducation en vue du
dévelop- pement durable : les sciences sociales construisent leurs objets d’études, les «
contenus » sont toujours discutables et discutés, les réponses sont rarement consensuelles.
Le groupe de recherche-action en didactique de la Géographie de l’Université de Genève a
choisi de centrer son travail sur cet enjeu. Cette communication part de l’exemple d’un «
élément déclencheur » sur un projet d’installation d’éoliennes, utilisé dans une classe de
secondaire II (classe de 2e de collège à Genève) pour expéri- menter une grille de conception
et d’analyse d’une démarche de problématisation, fondée sur les « versants » de C. Laplace
et les inducteurs de problématisation de M. Fabre.
SGARD, Anne, JANZI BERNHARDT, Hyade Thérèse. « Le « savoir des questions » : comment
problématiser avec les élèves ? Un exemple d’élément déclencheur : les éoliennes dans le
paysage genevois ». Penser l'éducation, 2013, vol. 33, p. 205-221
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:79986
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LE « SAVOIR DES QUESTIONS » :
COMMENT PROBLÉMATISER
AVEC LES ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE D’ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR :
DES ÉOLIENNES DANS LE PAYSAGE
GENEVOIS
Hyade JANZI
Chargée d’enseignement, IUFE – Collège Sismondi, Genève
Anne SGARD
Professeure, Université de Genève, Département de géographie – IUFE
RÉSUMÉ :
La capacité à construire le problème sur lequel travailler est une question encore peu étudiée en
didactique de la géographie, c’est pourtant un enjeu central pour une éducation en vue du dévelop-
pement durable : les sciences sociales construisent leurs objets d’études, les « contenus » sont toujours
discutables et discutés, les réponses sont rarement consensuelles. Le groupe de recherche-action en
didactique de la Géographie de l’Université de Genève a choisi de centrer son travail sur cet enjeu.
Cette communication part de l’exemple d’un « élément déclencheur » sur un projet d’installation
d’éoliennes, utilisé dans une classe de secondaire II (classe de 2
e
de collège à Genève) pour expéri-
menter une grille de conception et d’analyse d’une démarche de problématisation, fondée sur les
« versants » de C. Laplace et les inducteurs de problématisation de M. Fabre.
MOTS-CLÉS : problématisation ; question socialement vive ; élément déclencheur ; contro-
verse ; géographie.
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Penser l’éducation 2013
ABSTRACT:
The ability to build the problem the class will work on is still rarely studied in didactics of geography,
yet it is a key issue for education for sustainable development: the social sciences have to build their
objects, “contents” are always questionable and discussed, answers are rarely consensual. The action-
research group in teaching of Geography, (University of Geneva) has chosen to focus on this issue.
This communication is based on an example of “trigger element” concerning a wind turbines project,
in a secondary class (class 2 of college); the aim is to test analysis tolls, based on the “slopes of pro-
blematization” proposed by C. Laplace and on the “inducers” of problem conceived by M. Fabre.
KEYWORDS : problematics; socially significant issue; “trigger element”; controversy;
geography.
La capacité à construire le problème sur lequel travailler est une question encore peu
étudiée en didactique de la géographie, c’est pourtant un enjeu central pour une
éducation en vue d’un développement durable : les sciences sociales construisent leurs
objets d’études, souvent en interaction avec une demande sociale diffuse, mais pres-
sante, les « contenus » sont toujours discutables et discutés, les réponses sont rarement
consensuelles. De nombreux travaux défendent la nécessité de concevoir une géogra-
phie problématisée et ouverte sur les enjeux sociétaux, et d’amener les élèves à
construire leur questionnement, à élaborer des hypothèses, à raisonner (Audigier, 1995 ;
Le Roux, 2004 ; Thémines, 2006 ; ou Orange, 2005, pour la didactique des sciences).
La réflexion porte avant tout sur le choix du « bon problème » en termes scientifiques,
didactiques ou éthiques, et sur l’insertion dans un paradigme (Orange, 2005) ; sur le
choix des situations-problèmes (Guerin-Grataloup et al., 1994 ; Legardez, 2003), des
dispositifs de controverse ou de débat (Albe, 2009 ; Audigier et al., 2011) ou des média
(Clerc, 2001). La réflexion sur les « questions socialement vives » autour de Legardez
(2003) constitue ici un cadre théorique particulièrement pertinent. Toutefois peu de
travaux se penchent sur le « comment » : comment faire en sorte que la classe rentre
dans cette démarche d’identification des enjeux et de construction du questionnement,
dans cette interrogation préalable sur ce qui fait problème avant de rechercher des
réponses ? Si la géographie scolaire se donne comme finalité d’aider à rendre le monde
intelligible, la manière dont on détermine les problèmes à traiter devient un préalable
indispensable : prendre la mesure de sa pertinence en termes scientifiques, didactiques
et éthiques, établir le périmètre sur lequel va porter la réflexion, envisager des pistes
d’enquête possibles pour choisir un fil directeur et formuler le questionnement. La pro-
blématisation n’est donc pas seulement la porte d’entrée dans un thème, c’est aussi la
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Penser l’éducation 2013
production d’un cadre de référence permettant de réguler chacune des phases du pro-
cessus didactique et surtout la construction d’un réel apprentissage chez les élèves. Cela
interpelle la recherche en retour : comment élaborer une grille de conception et d’ana-
lyse des situations de problématisation ? Le groupe de recherche-action en didactique
de la géographie de l’Université de Genève a choisi depuis deux ans de centrer son
travail sur cet enjeu.
Ce groupe rassemble des enseignants du second degré et des chercheurs et forma-
teurs de l’IUFE de Genève
1
; il met au centre de son activité l’interaction avec le « ter-
rain » et le retour d’expérience. Les réflexions actuelles sont profondément influencées
par l’introduction récente du nouveau plan d’études dans l’enseignement primaire et
dans les cycles d’orientations (équivalent des collèges dans le système français) en Suisse
romande, plan d’étude qui met au centre de l’enseignement (et de la géographie en
particulier), les finalités de l’Éducation en vue d’un développement durable (EDD). Le
choix affirmé du groupe est de promouvoir dans cette géographie « colorée par l’EDD »
des outils de pensée répondant à des enjeux de durabilité : concevoir les savoirs comme
des constructions sociales, nées du débat et de la controverse, agir dans un monde
incertain, décider dans une « société du risque », aborder une pensée complexe,
construire des outils de pensée pour se projeter dans un futur qui se présente sous forme
de projets, de scenarios, de tendances, sans exclure l’imprévu. Cet éclairage décalé de
la géographie par l’EDD met en lumière (entre autres aspérités) le rôle décisif de la
phase de problématisation :
« La véritable liberté du citoyen ne devrait pas se borner à choisir entre les
solutions qu’on lui propose, mais s’étendre à la gestion des problèmes eux-
mêmes qui sont après tout ses problèmes. (...) Cette participation à la définition
et à la construction des problèmes est devenue en effet une sorte de leitmotiv
dans le paradigme du développement durable qui veut rompre avec l’applica-
tionnisme et les conceptions “descendantes” de l’expertise » écrivent Fleury et
Fabre (2007).
Problématiser relève donc davantage d’une finalité citoyenne, que d’une opération
technique difficile et volontiers remise à plus tard dans la classe.
Cette communication est centrée sur un dispositif didactique que le groupe a tout
particulièrement analysé, l’élément déclencheur, et spécifiquement ici sur le moment
de l’amorce, à partir d’une expérience menée conjointement par un enseignant en for-
mation et une formatrice. Ce choix vise à confronter la grille d’analyse constituée par
le groupe de recherche avec une expérience en formation.
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Penser l’éducation 2013
1. MISE EN PLACE D’UNE GRILLE DE CONCEPTION/ANALYSE
DES SITUATIONS DE PROBLÉMATISATION DANS/AVEC LA CLASSE
La difficulté à concevoir la problématisation apparait à plusieurs niveaux : lors de
la conception en amont de la séquence par l’enseignant, lors de l’élaboration collective
avec les élèves pendant les premières étapes de la séquence, lors de l’institutionnalisa-
tion, lors de l’évaluation. À quoi il faut ajouter la difficulté à l’aborder dans le cadre de
la formation des enseignants.
Toutefois, la recherche s’est focalisée sur la phase introductive de la séquence
d’enseignement, quand la problématique prend forme. Pour cela le dispositif de l’élé-
ment déclencheur (ici abrévié ED) a été privilégié, une bonne part du travail du groupe
de recherche consistant à se constituer un fonds de retours d’expériences d’ED pour y
analyser le rôle de l’enseignant (dans le choix de l’amorce), la conduite de ce moment
en classe, l’analyse des propositions des élèves et de la dynamique qui est installée
grâce à ce dispositif, la question délicate de la stabilisation de la problématique, l’arti-
culation avec la séquence. À cette étape, le groupe s’est essentiellement appuyé sur des
travaux en sciences de l’éducation, et tout particulièrement sur les apports de M. Fabre.
L’élément déclencheur : déclencheur d’intérêt, de questionnement,
de problématisation ?
L’élément déclencheur permet d’ouvrir au maximum le questionnement avant de le
structurer grâce à la problématisation, ouvrir aux propositions des élèves, aux interactions dans
la classe, mais aussi aux débats publics, aux questions socialement vives. Dans cette perspec-
tive, l’enjeu est de ne pas donner le problème mais de le construire avec les élèves, confrontés
àunesituationdedépartintrigantenigmatiqueouparadoxale
2
,etdeleurpermettrede
trouver du sens dans le thème qui va être abordé d’un point de vue géographique. C’est un
moment qui donne le ton, crée une ambiance, propice ou non à l’émergence d’un désir
fondamental : « celui d’avoir envie d’aller plus loin, avec les personnes qui sont là »
3
.
Dans le cadre de ce processus, nous distinguons trois phases chronologiques
(Legardez) :
a) la pose d’une amorce, d’un « accrocheur cognitif » avec une consigne permettant
une production de la part des élèves ;
b) une mise en commun durant laquelle le débat prend tout son sens (prise de
conscience des représentations d’autrui, de leurs questionnements...) et la problémati-
sation prend forme, se développe ;
c) une phase de stabilisation, de clarification et d’explicitation de la problématique
qui devrait faire sens collectivement.
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