Le corps pur polyphasé

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Ch. T3 : Le corps pur polyphasé
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CHAPITRE 3
LE CORPS PUR POLYPHASE
Dans tout ce chapitre, sauf indication contraire, nous raisonnerons sur un système fermé : l’unité de
masse d’un corps pur.
1.
EQUILIBRES ENTRE PHASES DU CORPS PUR
1.1.
Variance d’un corps pur polyphasé
L’unité de masse d’un corps pur peut être décrite par trois paramètres intensifs : pression P,
température T, volume massique v.
Lorsque le corps pur est monophasé (état gazeux par exemple), ces trois paramètres sont liés par une
équation d’état du type f(P, v, T) = 0. Il reste alors deux paramètre intensifs indépendants : le système est
divariant, de variance va = 2. Ainsi, à P et T fixées, le volume massique du corps dans l’état considéré
(solide, liquide, vapeur) est fixé.
Quand deux phases coexistent en équilibre, la valeur de la pression impose celle de la température et
réciproquement : il existe donc, entre la pression et la température d’un système diphasé en équilibre,
une relation du type P = f(T). Le système devient monovariant, de variance va = 1 .
On doit remarquer cependant qu’une nouvelle variable intensive précisant l’état du système apparaît :
la proportion relative de chacune des phases du corps pur. Pour l’équilibre liquide-vapeur par exemple,
m v nv
on définit le titre vapeur x = mT = nT : si x = 0,8, le système est formé de 80% (en masse ou en quantité
de matière) de vapeur et de 20% de liquide. Les fonctions d’état du mélange à l’équilibre (en particulier
le volume massique) dépendent, on le verra, de ce paramètre.
Enfin, le système très particulier formé de trois phases (solide, liquide, vapeur) en équilibre est de
variance nulle, va = 0. Ceci implique qu’il n’existe qu’une pression PT et une température TT où les trois
phases coexistent en équilibre, l’indice T signifiant triple ou triphasé.
1.2.
Représentations de l’état d’un corps pur
1.2.1. Surface des états
Aux trois variables P, v, T, on peut associer trois axes orthogonaux et dans cet espace à trois
dimensions, associer un point à l’état d’équilibre d’un système.
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Tous les points d’équilibre d’un système monophasé, liés par f(P, v, T) = 0 seront sur une même
surface caractéristique de l’état, solide, liquide ou vapeur de ce système.
Tous les points d’équilibre d’un système diphasé seront également sur une surface, caractéristique de
l’équilibre (liquide-gaz, solide-liquide, etc...). Les trois surfaces correspondant aux trois équilibres
possibles sont orthogonales au plan (P, T) puisque, dans ce plan, l’équilibre est représenté par une courbe
P = f(T).
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Enfin, tous les points caractéristiques de l’état triple sont sur une droite se projetant en un point (PT,
TT) dans le plan (P, T).
Comme on le voit, même si la représentation à 3 dimensions caractérise le mieux l’état d’un corps pur
(sauf en ce qui concerne l’état triple), des représentations projectives bidimensionnelles, notamment dans
les plans (P, T) et (P, v) sont très utiles à la discussion.
1.2.2. Diagramme (P, T) des états du corps pur
Dans le diagramme (P,T) la dimension de l’espace d’existence d’un système en équilibre correspond à
sa variance : au corps pur monophasé correspond une surface, à un système diphasé une courbe
d’équilibre, au système triphasé un point ( d’où le nom de point triple ).
Chaque courbe d’équilibre du type 1-2 sépare les domaines de stabilité des systèmes monophasés
dans les états 1 et 2. Les trois courbes S-L, S-V, L-V se rencontrent au point triple. En ce point, la pente
de la courbe relative à l’équilibre S-L est très élevée et, en valeur absolue, toujours plus grande que
celles relatives aux équilibres S-V et L-V. D’autre part la pente de la courbe d’équilibre S-V est plus
importante que celle de l’équilibre L-V.
Rq. Les trois pentes des courbes d’équilibre sont positives, sauf dans les cas exceptionnels de l’eau et
du bismuth, pour lesquels la pente de l’équilibre S-L, toujours très élevée, est négative.
La courbe L-V est limitée par le point critique : au-delà de la température critique TC, il n’y a plus de
discontinuité entre l’état liquide et l’état vapeur. Ceci signifie que toutes les grandeurs relatives au corps
(densité , indice optique, constante diélectrique etc...) , qui subissent une discontinuité quand on traverse
une courbe, varient continûment : on parle d’état fluide, ou de fluide hypercritique. Cet état est
représenté par une surface dans le diagramme tridimensionnel, surface limitée par l’isotherme critique
T = TC.
P
S
L
C
PC
PT
etat
fluide
T
V
TT
TC
T
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1.2.3. Diagramme de Clapeyron de l’équilibre L - V
Il fait apparaître trois zones : celles du liquide seul et de la vapeur seule (systèmes monophasés) et
celle de la coexistence du liquide et de la vapeur (système diphasé). Cette dernière zone est limitée vers
le haut par la courbe de saturation, courbe « en cloche » dont le point le plus élevé correspond à la
température TC, et vers le bas par le palier du point triple ( non représenté su la figure ci-dessous ).
P
L
PC
M
D
B
V
L+V
vl
(1 - x) v l + x v v
v
vv
On peut tracer dans ce diagramme différents isothermes (isothermes d’Andrews) qui tous, dans le
domaine liquide-vapeur seront des segments horizontaux reliant le liquide saturant à la vapeur saturante :
quand on parcourt un tel segment DB de gauche à droite, on passe de la première bulle de vapeur (sur la
courbe d’ébullition ) à la dernière goutte de liquide ( sur la courbe de rosée ).
Le titre x en vapeur est tel que, pour un point M quelconque du palier, de volume massique v :
DM
v = (1- x) vl + xvv, d’où x = DB .
Toute autre grandeur caractéristique (énergie interne massique u, enthalpie massique h, entropie
massique s etc...) du mélange L-V en équilibre est calculable à partir de x et des valeurs extrêmes du
palier selon la formule :
g = (1- x) gl + xgv
avec
DM
x = DB
On peut également faire apparaître dans un tel diagramme les courbes d’isocomposition x = cte. Ce
réseau de courbes permet par exemple de déterminer immédiatement si au cours d’une compression
isochore un mélange liquide-vapeur s’enrichit ou s’appauvrit en vapeur (en fait, si V > Vc le mélange
s’enrichit en vapeur).
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1.2.4. Diagramme entropique de l’équilibre L - V
Ce diagramme associe à l’état d’équilibre du système un point de coordonnées s, T, où s est son
entropie massique. Il fait apparaître les mêmes zones que le diagramme précédent. Le réseau
d’isothermes est simplement remplacé par un réseau d’isobares...
T
L
TC
L+V
D
B
M
V
DM
On a, là encore x = DB
1.3.
Utilisation des diagrammes - Pression de vapeur saturante
Considérons un état d’équilibre du système en phase vapeur par exemple ( point A dans les différents
diagrammes ), à la température T0 et la pression P0. Effectuons alors une compression isotherme
réversible : le point représentatif de l’état du système rejoint progressivement la frontière L-V. En B, on
atteint le point où apparaît la première goutte de liquide : on dit que la vapeur est saturante .
La pression d’équilibre L-V à une température donnée est la pression
maximale admissible de vapeur à cette température : on parle de
pression de vapeur saturante souvent notée Ps (T).
Une tentative de compression supplémentaire en ce point ( par diminution du volume par exemple )
ne change pas la pression mais fait progressivement passer le système de l’état vapeur à l’état liquide.
Rq. Ce processus n’existe que pour une température inférieure à TC. D’où l’affirmation :
La température critique est celle au-delà de laquelle on ne pourra
jamais liquéfier une vapeur par simple compression.
Les lois PS(T) sont données pour de nombreux éléments par des lois empiriques parmi lesquelles :
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C2
- La loi de Dupré : lnPS(T) = C1 - T - C3lnT
θ
- La loi de Duperray pour l’eau : PS(θ)bar = (100 )4 où θest la température en °C.
En D, confondu avec B dans le diagramme (P, T), le système est passé à l’état de liquide saturant.
Une compression isotherme supplémentaire fait alors passer dans le domaine du liquide monophasé en
E...
De la même façon, un réchauffement isobare faisant passer de A’, B’, D’ à E’ peut être suivi dans les
3 diagrammes.
Notons enfin que ces diagrammes peuvent être utilisés pour prévoir l’évolution d’un système à priori
hors d’équilibre : si on dépose une goutte de liquide dans une enceinte vide maintenue à T0, le point
représentatif correspondant (0, T0), situé dans le domaine d’équilibre de la vapeur, montre que le liquide
est hors d’équilibre : on va donc assister à une vaporisation dans le vide de ce liquide. L’enceinte étant
fermée, la pression ne sera plus nulle : le point représentatif évolue sur une verticale ascendante en
diagramme (P, T). Deux cas peuvent alors se produire : la quantité liquide introduite est suffisamment
faible pour qu’une vaporisation totale engendre une pression inférieure à Ps(T) : l’état final est alors une
vapeur sèche. Au contraire, on atteint Ps(T) avant vaporisation totale : l’état final est alors un équilibre LV à Ps(T).
Ce type de raisonnement est très utilisé pour déterminer l’état final d’un système, vapeur sèche ou
vapeur saturante : on calcule la pression imposée par les contraintes s’appliquant au système, en le
supposant totalement vaporisé, en on compare le résultat obtenu à la valeur de PS à la température
supposée de l’équilibre...
1.4.
Vaporisation - Evaporation - Ebullition
On a jusqu’à présent raisonné avec un corps pur. Si on prend un mélange de gaz, la pression à prendre
en compte est la pression partielle du corps considéré.
♦ L’évaporation est une vaporisation en atmosphère illimitée.
Prenons une flaque d’eau à 20°C. A cette température, PS(20°C) = 0,023 bar. Donc l’eau de la flaque
va se vaporiser dans l’air jusqu’à ce que la pression partielle de l’eau dans l’air atteigne cette valeur. Si
on est en « atmosphère illimitée », cette valeur risque de ne jamais être atteinte et la flaque d’eau se
vaporise totalement.
Pour caractériser la teneur en eau dans l’air on introduit la notion de d° hygrométrique à la
pH20
température θ considérée : D = PS(θ) . Plus D est grand plus la teneur en eau dans l’air est élevée, et plus
le phénomène de vaporisation sera lent.
C’est ce qui explique que le linge sèche mieux lorsqu’il y a du vent, que l’on supporte mieux les
chaleurs sèches que les chaleurs humides (à condition de pouvoir boire !)...
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♦ Plus la température est élevée, plus la vaporisation est importante, puisque PS(θ) est une fonction
croissante de θ. Si on atteint une température telle que PS(θ) = Ptotale , alors le phénomène de vaporisation
est tellement rapide que l’on voit des bulles se former dans le liquide : on a alors atteint l’ébullition.
A l’air libre au niveau de la mer, Ptotale = 1bar. θ = 100°C vérifie PS(θ) = 1 bar : l’eau bout à 100°C
sous 1 atm.
Mais pour Ptotale < 1 atm, l’eau bout à une température inférieure à 100°C. C’est ce qu’on obsrve en
montagne (la durée de cuisson des aliments y est rallongée).
Pour Ptotale > 1 atm, l’eau bout à une température > 100°C : c’est sur ce fait que repose le principe des
auto-cuiseurs dans lesquels on peut atteindre des pressions de l’ordre de 1,5 atm correspondant à des
températures d’ébullition de 110°C environ.
1.5.
Fonctions caractéristiques d’un mélange L - V
1.5.1. Échanges énergétiques et variations des fonctions
d’état lors d’un changement de phase
Quand l’unité de masse d’un corps pur passe réversiblement de l’état 1 (S, L, V) à l’état 2, elle
échange avec l’extérieur un travail W et un échange thermique Q tels que :
W = - Ps(T) (v2 - v1 )
Q = L(T)
L est appelée chaleur latente de changement de phase ( ici en J.kg-1 ). Cette chaleur latente L
dépend de la température T et on dispose de formules empiriques plus ou moins précises. En première
approximation, on utilise souvent la formule de Regnault , loi linéaire : L(T) = A - BT...
Rq.1 L est toujours positive dans le sens de passage d’une phase plus condensée à une phase moins
condensée. On définit d’ailleurs classiquement Ls ( sublimation ), Lf ( fusion ), Lv ( vaporisation )
Rq.2 L1-> 2= - L2 -> 1
Rq.3 Au point triple Ls = Lf + Lv
En ce qui concerne les variations associées des fonctions u, h, s, f, g, on a :
Δu = - Ps(T)( v2 - v1 ) + L(T)
Δh = L(T)
L(T)
Δs = T
Δf = - Ps(T)( v2 - v1 )
Δg = 0
On retrouve la propriété de conservation de l’enthalpie libre lors d’une transformation isotherme et
isobare d’un système soumis aux seules forces de pression. Nous reviendrons sur cette intéressante
propriété au prochain paragraphe.
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1.5.2. Enthalpie et entropie massiques d’un mélange L-V
Nous supposons connue la valeur h0 de P
l’enthalpie massique et s0 de l’entropie massique du
corps pur à l’état liquide, à une température T0, sous
une pression P0. En outre nous négligeons les
variations avec P et T de la chaleur massique du
liquide, donc supposée ici égale à une constante c.
Pour déterminer la valeur de h et s pour un
mélange L-V, caractérisé par une température T et
un titre vapeur x, on peut déterminer les variations
de h et s lors d’une transformation réversible
amenant le corps pur de l’état liquide à P0 et T0 au
mélange considéré . On a :
Δh = h - h0 = c(T - T0) + xL(T)
T
T0
P0
M0
M(x)
et
v
T xL(T)
Δs = s - s0 = c LnT0 + T
Nous retiendrons :
h(x, T) = cT + xL + cste
xL(T)
s(x, T) = c LnT + T + cste
2.
RELATION DE CLAPEYRON
2.1.
Condition fondamentale d’équilibre d’un corps pur diphasé
Quand l’unité de masse d’un corps pur passe d’une phase 1 à une phase 2, à P, donc T, fixées, son
enthalpie libre se conserve. C’est dire que, pour ce couple P, T, l’enthalpie massique de la phase 1 g1 est
égale à celle de la phase 2 g2. C’est d’ailleurs aussi l’enthalpie de tout mélange 1-2 à cette pression et
cette température :
g = (1-x) g1 + x g2 = g1 = g2
Pour tout corps pur diphasé en équilibre à P et T, on a g1(P, T) = g2(P, T)
Comme nous le voyons, cette condition fondamentale d’équilibre du corps pur diphasé fixe, pour une
pression donnée par exemple, la température correspondante d’équilibre : c’est bien elle qui est à
l’origine de la relation P = f(T) que nous avons constamment évoquée et utilisée.
Nous allons à présent exploiter cette condition pour mieux faire apparaître la loi d’équilibre entre
phases P = f(T) :
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2.2.
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Relation de Clapeyron
Nous partons d’un corps pur diphasé en équilibre à P et T, et nous faisons évoluer le point
représentatif correspondant du diagramme (P, T) le long de la courbe d’équilibre : le système reste donc
diphasé en équilibre.
Au cours de cette évolution élémentaire, la pression a varié de dP et la température de dT, et le
dP
quotient dT représente la pente de la courbe d’équilibre P = f(T) au point (P, T). En outre, le système
étant en équilibre à l’état initial et à l’état final, on a :
g1(P, T) = g2(P, T) et g1(P + dP, T + dT) = g2(P + dP, T + dT)
D’où :
dg1 = dg2
Cependant, le chapitre précédent nous a permis d’établir l’identité : dg = v dP - s dT pour l’unité de
masse d’un corps pur dans un état donné. Nous obtenons donc :
v1 dP - s1 dT = v2 dP - s2 dT => (v2 - v1) dP = (s2 - s1) dT
s2 - s1 enfin représente la variation d’entropie associée au changement de phase 1 -> 2 à P et T :
L(T)
s2 - s1 = T
Il vient alors :
dP
L(T) = T (v2 - v1) dT Relation de Clapeyron
Cette relation de Clapeyron lie la pente de la courbe d’équilibre entre les phases 1 et 2, la chaleur
latente L, la température T et la différence des volumes massiques des 2 phases.
Rq. Nous avons dit précédemment que L > 0 pour un passage d’une phase plus condensée 1 à une
phase moins condensée 2. Généralement, on a alors v2 - v1 > 0. La relation de Clapeyron montre alors
que la pente de la courbe d’équilibre est positive. Dans le cas exceptionnel de l’eau, le volume massique
de la glace est supérieur à celui de l’eau liquide et la pente de l’équilibre S-L est donc négative...
2.3.
Utilisation de la relation de Clapeyron
A partir de la relation de Clapeyron, nous pouvons remonter à l’équation de la courbe d’équilibre par
intégration, pourvu que nous fassions quelques hypothèses simplificatrices. Nous raisonnerons
uniquement sur l’exemple de l’équilibre L-V, avec les hypothèses :
- Le volume massique du liquide est négligeable devant celui de la vapeur
- La vapeur se comporte comme un GP d’équation Pvv = rT
- L(T) est de la forme L(T) = A - BT
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Avec ces hypothèses, la relation de Clapeyron devient :
(A - BT)dT
dP
=rP
T2
=>
A
r LnP = - T -B LnT + cste
C2
LnP = C1- T -C3 LnT
qui est la loi de Dupré évoquée précédemment.
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