VIVE La ville de Colon Colon est la seconde ville panaméenne après la capitale Panama, elle se situe à l'entrée caribéenne du Canal de Panama, et sa province regroupe plus de 204 000 habitants (en 2000). Elle a été fondée en 1851, avant l'existence du canal au moment de la construction de la première voie ferrée interocéanique: la Panama Railroad Company. Sa situation privilégiée sur une route commerçante, en constante relation avec les Caraïbes, les États Unis (via New York) et les pays d'Amérique du sud, ainsi que les pays orientaux via le canal, lui a valu d'être durant l'entre-deux guerre une des plus riches villes des Caraïbes. Cette prospérité s'est traduite par une architecture éclectique, mélange des différentes écoles esthétiques en vogue à l'époque, où le style colonial se mélange avec des motifs Art déco ou Streamline, comme preuve de son ouverture au monde et de son attention aux idéaux de l'époque. C'est principalement avec la création de la Zone Libre, en 1948 (conversion d'un quartier même de la ville, depuis la 16e rue jusqu'à Cuartos Altos), qu’a commencé la décadence actuelle de la ville, cet espace de libre échange commercial a absorbé une grande partie de l'économie de Colon. Aujourd’hui 40% de la population est sans emploi, un état de délabrement tel, économique, social, architectural, que la ville est devenue un ghetto. Un ghetto, aux yeux du reste de la province, de Panama la capitale et du pays, il est donc strictement recommandé à tous les touristes qui font escale à Colon d'éviter scrupuleusement le centre ville (on leur recommande la visite de la Zone Libre, du Fort San Lorenzo ou de Portobello). Ce reniement de la ville se manifeste notamment par les médias et le fait que le seul espace d'information sur la ville est la colonne des faits divers appelée "crónica roja" qui énumère les décès dus aux actes de délinquances et aux accidents liés à la vétusté des bâtiments, les manifestations culturelles par exemple sont ignorées, bien que Colon possède une école des beaux arts très active. En réduisant l'image de la ville à ses difficultés, c'est non seulement le quotidien d'une ville qui est occulté, mais surtout son identité sur laquelle repose une grande partie de la culture panaméenne. De nombreuses personnalités panaméennes sont nées à Colon: Billy Cobham, musicien, Edison Simons, écrivain, Floyd Britton leader politique du mouvement révolutionnaire MAR. Ville prospère durant la première moitié du 20e siècle, Colon a été La Ville panaméenne de référence tant au niveau de la finesse de son architecture que des produits de luxe qu'on y pouvait trouver, c'était la ville où on allait faire ses emplettes, passer ses dimanches, se promener ou danser sur la place du 5 Novembre, ce souvenir est toujours présent dans la mémoire collective panaméenne. C’est peut-être la fragilité actuelle de Colon expliquée en partie par la création de la zone libre, son identité très forte de ville caribéenne puisque l’essentiel de sa population est constituée des descendants des ouvriers antillais venus à Panama pour la construction du canal, qui ont encouragé la capitale à stigmatiser Colon. Car en effet, comme sur un bouc émissaire, le reste du pays y projette ses propres difficultés. Colon, ville pauvre, noire, endosse son statut de ghetto. Si la violence est à Colon, alors elle n’est pas à Panama: dans l’inconscient collectif, ce rôle joué par la ville de Colon aide les habitants de Panama à accepter sa propre violence, ses propres incohérences. A Panama comme à Colon, une seule rue peut séparer des quartiers dont les niveaux de vies sont écartés, à Panama comme à Colon la délinquance est présente. Enfin, c’est peut-être l'envie de la richesse de la culture de Colon dont la capitale est dépourvue qui encouragerait les panaméens, de façon perverse, à considérer Colon sous des formes réductrices, car elle lui renvoi ses propres faiblesses. Au delà de Colon et de son histoire avec Panama, il donc est intéressant d'observer que ces lieux stigmatisés ou abandonnés constituent des brèches qui permettent de lire les écueils du fonctionnement de la société, comme aucun autre espace ne le permet, ils sont donc incontournables pour l’analyse de nos villes. La situation de Colon: cette juxtaposition de richesse et de misère est symptomatique du fonctionnement de l’économie panaméenne. Un rapport à la richesse qui finalement n’a pas beaucoup changé depuis l’époque des conquistadors espagnols: quand l’or passait sous les yeux des autochtones sans qu’ils puissent ne serait-ce le toucher. Aujourd’hui l’or s’est transformé en containeur qui naviguent sur le canal et Colon tombe en ruines. Regard sur la ville, Interventions sur les espaces intermédiaires / espaces délaissés en milieu urbain caribéen. “Colon Vive” Projet Nº 60276. 2