2P. DELIGNE ET A.B. GONCHAROV
Variante : soient Sun ensemble de places finies de ket OSl’anneau des S-entiers de k.De
façon peut-être artificielle, mais commode, on peut définir la catégorie tannakienne MT(OS)de
motifs de Tate mixte sur OScomme une sous-catégorie de MT(k).Voir1.7.
Autre variante : par descente d’une extension finie galoisienne k1àk, on définit la catégorie
tannakienne MAT(k1/k)des motifs d’Artin–Tate mixte, qui deviennent de Tate mixte sur k1.
Passant à la limite sur k1, on obtient la catégorie MAT(k)des motifs d’Artin–Tate mixte sur k.
Elle contient celle des motifs d’Artin (représentations rationnelles de Gal(¯
k/k)).
Dans Deligne [11], l’un de nous a défini, pour certaines variétés algébriques Xsur k,un
“système de réalisations” du groupe fondamental π1(X,0) rendu unipotent : une algèbre de
Hopf commutative dans une catégorie de Ind-systèmes de réalisations – ou plutôt son spectre.
Si Xest unirationnelle, nous construisons ici un groupe fondamental rendu unipotent motivique
π1(X,0)mot : une algèbre de Hopf commutative dans la catégorie Ind-MAT(k)des Ind-objets
de MAT(k)dont la précédente se déduise par application du foncteur réalisation. Ceci implique
des bornes supérieures sur la taille de l’action de Galois sur le complété -adique du π1(cf. [17]),
et sur le degré de transcendance de corps engendrés par des périodes.
Nous considérons aussi le cas de points base “à l’infini”. Nous le faisons à peu de frais, en
utilisant que le foncteur “réalisations” est pleinement fidèle et réflète les sous-quotients : pour
prouver qu’un système de réalisations est motivique, i.e. provient d’un objet de MAT(k),il
suffit de l’exhiber comme sous-quotient d’un autre système de réalisations dont on sache déjà
qu’il est motivique.
Dans la fin de l’article, nous utilisons ces constructions dans le cas où Xest le complément,
dans P1,de0,∞et du groupe µNdes racines N-ièmes de l’unité. Nous obtenons des résultats
sur la structure de l’action du groupe de Galois motivique sur le π1. Pour N=1, ils impliquent
les résultats de Terasoma [31] donnant la partie “borne supérieure” de la conjecture de Zagier sur
le nombre de valeurs multizêta de poids wlinéairement indépendantes sur Q.
1. Motifs de Tate mixte sur l’anneau des S-entiers d’un corps de nombres
1.1. Soit kun corps. Nombre de résultats cités dépendant de la résolution des singularités,
nous supposons kde caractéristique 0. Hanamura [19], Levine [26] et Voevodsky [32] ont
chacun défini une catégorie triangulée de motifs sur k, et Levine [26], VI 2.5.5, construit une
équivalence entre sa catégorie triangulée et celle de Voevodsky. Cette dernière sera pour nous
la plus commode. Nous la noterons DM(k)et noterons DM(k)Qcelle qui s’en déduit par
tensorisation avec Q. On dispose dans DM(k)d’objets de Tate Z(n)(n∈Z), dont les images
dans DM(k)Qseront notées Q(n). Seule nous importera la sous-catégorie triangulée DMT(k)Q
de DM(k)Qengendrée par les Q(n): celle des “extensions itérées” de Q(n)[m]. Rappelons que
Eest extension de Bpar As’il existe un triangle distingué A→E→B→A[1].
On dispose dans DM(k)d’un produit tensoriel associatif et commutatif à unité ⊗, compatible
à la structure triangulée. L’automorphisme de symétrie de Z(1) ⊗Z(1) est l’identité [32], 2.1.5,
M→ M(1) := M⊗Z(1) est une équivalence (loc. cit. 4.1.3), et Z(n)est Z(1)⊗n(n∈Z). Le
produit tensoriel ⊗est rigide (loc. cit. 4.3.7) : existence pour tout objet Md’un dual M∗muni de
ev : M∗⊗M→Z(0) et δ:Z(0) →M⊗M∗tels que les composés M→M⊗M∗⊗M→M
et M∗→M∗⊗M⊗M∗→M∗soient l’identité.
Rappelons, d’après Levine [24], comment, lorsque la conjecture d’annulation de Beilinson–
Soulé (1.1.3) ci-dessous est vérifiée pour k, on peut extraire de DMT(k)Qune catégorie
tannakienne MT(k)qui mérite le nom de catégorie des motifs de Tate mixte sur k.
Écrivons Homj(M,N)pour Hom(M,N[j]).LesHom∗(Z(a),Z(b)) ne dépendent que de
i=b−a. Ils sont donnés par les groupes de Chow supérieurs convenablement numérotés de
4eSÉRIE –TOME 38 – 2005 – N◦1