Douleurs abdominales..

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DOSSIER FMC
Les douleurs
abdominales de l’enfant
Dr Isabelle Métreau
Les douleurs abdominales de l’enfant nous mettent souvent dans l’embarras : sommes-nous en train
de négliger une urgence chirurgicale ou, à l’inverse, d’imposer à notre jeune patient une intervention
inutile voire dangereuse ? Pour éviter ces deux écueils, prenez le temps d’écouter et n’hésitez pas à
revoir l’enfant au moindre doute.
A banalité des douleurs
abdominales de l’enfant
n’est plus à démontrer, que
ce soit en pratique de ville
ou à l’hôpital où elles représentent
8 à 10 % des admissions aux
urgences pédiatriques. Plusieurs
séries, dans la littérature, révèlent
que 50 % de ces enfants ressortent
sans diagnostic précis, que 40 %
sont porteurs d’une affection
médicale (constipation, cystite ou
infection extradigestive…) et que
cette symptomatologie correspond pour 10 % d’entre eux à une
urgence chirurgicale (invagination intestinale, appendicite…).
L
Selon l’âge de l’enfant, on envisage différents diagnostics.
Avant 3 ans, pensez
à l’invagination
Chez un nourrisson, une douleur abdominale aiguë doit immédiatement faire rechercher une
invagination intestinale, même s’il
n’y a pas de selles glairo-sanglantes (celles-ci ne sont en effet
présentes que dans 10 % des cas).
Les données cliniques ont peu
de valeur compte tenu de la difficulté à examiner un enfant de cet
âge lorsqu’il souffre. C’est donc
l’interrogatoire des parents, long
et minutieux, qui met en évidence
l’existence de crises douloureuses
paroxystiques, entrecoupées de
phases d’apathie avec pâleur, très
évocatrices de l’invagination
intestinale. L’abdomen sans préparation et l’échographie permettent
d’affirmer le diagnostic. Le lavement baryté est curateur dans
> MESSAGES CLÉS
Chez le petit enfant, le diagnostic est évoqué dès l’interrogatoire. Il est confirmé par
les examens complémentaires
du fait de la pauvreté de l’examen clinique.
Chez le grand enfant, c’est
la répétition des examens cliniques qui permet d’aboutir
rapidement à un diagnostic.
90 % des cas. A défaut la réduction de l’invagination est chirurgicale.
Les autres diagnostics sont
beaucoup plus rares. L’appendicite
est possible avant l’âge de 3 ans,
mais elle se révèle au stade des
complications (abcès, péritonite).
Les hernies inguinales étranglées
sont une autre éventualité.
Après 5 ans :
l’appendicite d’abord
Même si l’interrogatoire est
encore un moment important, le
diagnostic d’appendicite est clinique. Il repose le plus souvent
sur la répétition de l’examen clinique à quelques heures d’intervalle. Un examen isolé n’a pas
beaucoup de valeur.
Le diagnostic d’appendicite est
évoqué à partir de l’association et
de la persistance d’une douleur de
la fosse iliaque droite (localisation
la plus fréquente) avec défense,
d’un syndrome fébrile et d’un examen clinique général permettant
d’éliminer une infection extradigestive (angine ou otite le plus
souvent).
La numération-formule sanguine, lorsqu’elle est normale
(nombre de globules blancs inférieurs à 7 000 éléments par millimètre cube), rend très peu probable le diagnostic d’appendicite.
En revanche, l’hyperleucocytose
n’est pas spécifique puisqu’elle
témoigne seulement de l’existence
d’une infection, sans préjuger de
sa localisation. Dans les cas difficiles, l’échographie se révèle intéressante si elle montre un gros
appendice.
Une douleur abdominale, chez
le grand enfant, intense, non
localisée à la fosse iliaque droite,
impose une échographie en
Dans la grande majorité
des cas, un interrogatoire long
(dix minutes) et minutieux,
portant sur la douleur et les
signes associés, suivi d’une
observation attentive du comportement de l’enfant donne
une idée précise de l’orientation diagnostique.
urgence. Celle-ci peut révéler différentes pathologies :
— hydronéphrose aiguë ou
lithiase pour une douleur lombaire ;
— hydrocholécyste lié à une
hépatite virale ou à une mononucléose infectieuse pour une douleur sous-hépatique ;
— torsion ovarienne (même
chez la petite fille) en cas de douleur pelvienne.
En fait, la situation la plus fréquente reste l’hyperplasie des
plaques de Peyer, lorsque celles-ci
participent à une réaction immunologique virale, quel que soit son
point de départ. Les adénites
mésentériques sont à rapprocher
de ce tableau.
N° 2165 - MARDI 8 JANVIER 2002
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Une gastro-entérite fébrile,
avec diarrhée et douleurs abdominales, peut correspondre, dans un
cas sur dix, à une péritonite. A
l’inverse, une infection à salmonelle ou à rotavirus peut provoquer une défense abdominale.
A l’adolescence :
testicule et gyn’écho
Un garçon faisant une torsion
de testicule se plaindra rarement
de ses organes génitaux pour des
raisons évidentes de pudeur. Par
conséquent, toute « douleur
abdominale » doit conduire rapidement à l’examen des testicules,
Principales étiologies
des douleurs abdominales
de l’enfant
Douleurs aiguës des affections chirurgicales :
— appendicite typique ou ectopique (sous-hépatique, mésocæliaque, cæcale, rétro-cæcale, pelvienne) ;
— occlusion par étranglement herniaire, invagination intestinale
sur bride, tumeur ;
— péritonite appendiculaire, perforation d’un diverticule de
Meckel, d’un ulcère ou secondaire à un corps étranger ;
— rupture post-traumatique d’un organe intra-abdominal.
Douleurs aiguës des affections médicales :
— hyperplasie lymphoïde des plaques de Peyer ;
— gastro-entérite ;
— pancréatite ;
— acidocétose précomateuse du diabète ;
— intoxication (produits toxiques, médicaments, champignons) ;
— pleuro-pneumonie ;
— hépatite virale à la phase préictérique ;
— néphropathie ;
— rhumatisme articulaire aigu ;
— purpura rhumatoïde.
Douleurs chroniques :
— adénites mésentériques ;
— tumeur digestive, extradigestive, rétropéritonéale, fosse postérieure (épilepsie abdominale) ;
— diverticule de Meckel (douleurs périombilicales) ;
— malformations des voies excrétrices rénales ;
— lithiase urinaire ;
— parasitose ;
— colopathie spasmodique ;
— maladie inflammatoire du côlon ;
— ulcère gastro-duodénal, malposition cardio-tubérositaire ;
— lithiase biliaire ;
— pancréatite biliaire ;
— pancréatite chronique ;
— troubles des premières règles ;
— troubles métaboliques (acétone, hypoglycémie, hypocalcémie);
— hypertension artérielle ;
— maladie périodique et drépanocytose ;
— maltraitance sexuelle.
Examiner l’enfant
L’enfant est examiné allongé, sans oreiller, les bras le long du
corps et les jambes demi-fléchies. Il faut l’observer pendant que
l’on écoute les parents : est-il prostré, apathique ou, au contraire,
joue-t-il comme d’habitude ?
L’examen passe en revue :
— l’abdomen (respiration abdominale, défense, contracture…) ;
le toucher rectal est inutile ;
— les organes génitaux externes surtout chez l’adolescent ;
— la sphère ORL (angine, otite…) ;
— les conjonctives (subictère) ;
— les poumons (broncho-pneumopathie) ;
— les membres inférieurs (purpura rhumatoïde) ;
— la raideur de nuque surtout si céphalées, vomissements et
température.
Les bandelettes urinaires sont très utiles pour éliminer une
infection, une colique néphrétique, une acidocétose diabétique
ou une "crise d’acétone".
Lorsque la situation n’est pas, à l’évidence, chirurgicale, il faut
demander à revoir l’enfant quelques heures plus tard, sans
attendre nécessairement le rappel des parents. L’état d’un enfant
peut s’améliorer aussi rapidement qu’il peut s’aggraver.
dans la mesure où, dans le cas
d’une torsion, on ne dispose que
d’un délai très court (six heures)
pour éviter l’ischémie irréversible.
Ce risque existe essentiellement
chez le nouveau-né et l’adolescent. Il est lié à la grosseur des testicules spécifique à ces tranches
d’âge.
Une jeune fille présentant une
douleur abdominale ne doit pas
être opérée avant d’avoir bénéficié
d’une échographie qui recherche
essentiellement l’hémorragie ou la
torsion d’un kyste ovarien.
Lorsque l’échographie est peu
probante, l’intervention se fait le
plus souvent sous cœlioscopie,
permettant ainsi la prise en charge
d’une pathologie gynécologique.
Douleurs chroniques :
ça trompe énormément
L’appendicite chronique n’est
pas une entité démontrée. Il faut
accepter de voir dans cette plainte
le mode d’expression d’une souffrance psychique, voire de sévices
sexuels. Seule une écoute attentive et répétée de la part de l’entourage permet de débrouiller ces
situations complexes.
Les parasitoses intestinales
sont à l’origine de certaines douleurs abdominales. On trouve par-
fois des amas d’oxyures dans des
appendices.
La crise d’acétone est une réalité objectivée grâce à la bandelette urinaire par la présence de
corps cétoniques. Une réhydratation sucrée (Coca-Cola) ne permet pas toujours d’arrêter les
vomissements. Une brève hospitalisation, avec mise en place de
perfusions durant quelques
heures, suffit le plus souvent à
traiter efficacement la crise.
Les migraines à manifestation
abdominale sont parfois suspectées, mais il s’agit surtout d’un
diagnostic d’élimination. De plus,
elles sont couramment associées à
des céphalées.
En règle générale, des douleurs
abdominales chroniques s’installant chez un enfant qui ne présente aucun trouble de la croissance ne justifient aucun examen
complémentaire, tout au plus une
échographie abdominale pour rassurer les parents. A l’inverse, une
cassure de la courbe de croissance
doit faire rechercher une très rare
affection organique (maladie de
Crohn, par exemple). ■
D’après un entretien avec le
Pr Y. Héloury
(chirurgie infantile, CHU de Nantes)
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