Sur le peuplement et les migrations
Lors d'une réunion sur le changement
climatique au siège des Nations-Unies en
septembre 2007, le chef du gouvernement
bangladais, Fakhruddin Ahmed, rappelait qu'
« une hausse d'un mètre du niveau de la mer
forcerait 25 à 30 millions d'habitants à fuir ». Il y
aura des millions de « réfugiés climatiques », soit
à l'intérieur du pays et d'abord vers les zones
urbaines, soit vers l'étranger. On peut s'attendre à
une pression, foncière et politique voire militaire,
accrue sur les régions de collines, telles les
Chittagong Hill Tracts, peu peuplées par des
populations autochtones déjà marginalisées.
Signalons à cet égard le très intéressant
article de Donatien Garnier paru dans Le Monde
diplomatique en avril 2007 sous le titre « Au
Bangladesh, les premiers réfugiés climatiques »
(accessible sur le site http://www.monde-
diplomatique.fr/2007/04/GARNIER/14594). Il
relate le sort d'habitants des Sundarbans d'ores et
déjà affectés par les modifications du milieu,
s'exilant à Dhaka, mais aussi s'informant et
réagissant au sein de « clubs écologiques » qu'ils
ont créés. En voici un extrait qui donne matière à
réflexion, là-bas ... et ici :
« Si, comme le prévoit le dernier rapport du
GIEC, la pression climatique continue de
s’exercer sur le Bangladesh, il faut s’attendre à
des déplacements massifs de population. Dacca ne
pourra pas – loin s’en faut – absorber cet exode
rural massif. Et ce d’autant plus que la capitale
risque d’être elle-même sujette à des inondations
de grande ampleur comme celles qu’elle a
connues en 2004 (et en 2007). Où iront alors les
réfugiés bangladais ? Dans les pays voisins ?
C’est, si l’on veut éviter les violences, très peu
probable.
Comme le dit le géographe Maudood Elahi,
« migrer vers l’Inde et la Birmanie sera très
difficile. L’Inde connaît déjà des problèmes
démographiques, et les deux pays seront
également très affectés par les changements
climatiques. Et je ne parle pas de la question
politique ! C’est pourquoi il faut dès maintenant
chercher des coopérations en dehors de l’Asie du
Sud. C’est vital ». Il poursuit : « Les organisations
internationales comme l’ONU et l’UNHCR [Haut-
Commissariat des Nations unies pour les réfugiés]
ont un rôle déterminant à jouer dans la
planification des migrations massives qui
s’annoncent. Pour être direct, je pense que les
pays qui disposent de plus de territoire vont
devoir changer leur politique migratoire. Si on
considère que le réchauffement climatique est un
problème global, on doit chercher des solutions
globales ». (...) Le professeur Atiq Rhaman,
fondateur du Bangladesh Center for Advanced
Studies, un centre de recherche pluridisciplinaire
précurseur dans l’étude des impacts socio-
économiques du climat propose depuis longtemps
la solution suivante : chaque pays doit prendre à
sa charge, à savoir transporter et accueillir, un
quota de réfugiés climatiques qui serait fonction
de ses niveaux d’émission de gaz à effet de serre
présents et passés. » Une solution qui passe peut-
être par l’ouverture du statut de réfugié, tel qu’il
est défini par la convention signée à Genève en
1951, à la notion de réfugié climatique.
L’hypothèse peut surprendre, elle a le mérite
d’inciter à la réflexion » ...
En conclusion
Au-delà de l'analyse de la situation et de la
prospective, on ne voit pas encore très bien
quelles mesures pratiques mettre en oeuvre au
Bangladesh, tant au niveau des comportements
individuels ou collectifs que des travaux de
prévention et d'infrastructure. On a de la peine à
imaginer les difficultés techniques et le coût des
opérations à réaliser pour réguler les flux des
eaux, fluviales ou maritimes côtières, pour
protéger les populations et les biens contre les
effets de cyclones encore aggravés par rapport à la
situation présente. La prise de conscience qui
commence à se faire devrait faciliter quelques
modifications de pratiques dommageables, telles
que le comblement des zones humides pour
gagner des terrains constructibles ou agricoles, le
déboisement et l'exploitation illégale et
désordonnée des ressources forestières. Mais le
désir (au Bangladesh comme partout dans le
monde) et le besoin (au Bangladesh beaucoup
plus qu'ailleurs et notamment en Occident) de
développer le niveau de vie vont hélas dans le
sens d'une « croissance » que l'on sait
incompatible avec la sagesse écologique et
climatique ...
Marc Chambolle
Membre du bureau
Vous pouvez voir sur
http://www.collectifargos.com/Bangladesh---
Le-grand-debordement,1,25,1 un remarquable
reportage photographique de Laurent Weyl sur le
Bangladesh, illustrant l'article du Monde
diplomatique.
Nous vous signalons aussi plusieurs articles
de la revue française de géographie Hérodote
(2ème trimestre 2006) concernant le Bangladesh,
en particulier l'article Changement climatique,
inondations et gestion des crues par Q. K. Ahmad
(22 pages), que nous pouvons vous faire parvenir
sur votre demande par courrier électronique ou
postal.