Conclusion de M. Eric Fiat à l’exposé de M. Jacques Arenes 16 décembre 2009 Dans un exposé d’une impeccable clarté et d’une maîtrise toute classique auquel une trachéite, même, n’a rien enlevé de sa force. Jacques Arenes nous raconte les métamorphoses de la guérison. En toute logique il commence son exposé par une réflexion sur la notion de maladie Éconduisant les définitions trop simples de la maladie notamment celle totalement utopique de l’ OMS qui voudrait que la santé, ce soit un état de complet bien être comme celle, trop simple, lorsqu’il s’agit des maladies de l’âme, qui voudrait que toute maladie fut causée par l’action d’un agent pathogène extérieur au malade et conduisant donc aux définitions trop simple de la maladie et de la santé, notre conférencier repère au fond de toute souffrance psychique la présence d’un conflit intérieur, qu’il n’est jamais possible de supprimer totalement. Contrairement à certaines thérapies, qui prétendent sauver presque magiquement l’homme de ses propres conflits et de sa souffrance, la psychanalyse est la thérapie qui reconnaît la présence au fond de toute âme humaine de ce conflit archaïque et donc une certaine forme de souffrance Oui, l’homme est un animal névrosé et souffrant et pourquoi ? Eh bien parce qu’il est un être de désir et parce que le désir ça se dit en grec Éros et que Éros vous savez, c’est un lieu tragique comme le disait Georges Bataille. Pas de désir sans manque, pas de désir sans inachèvement, pas de désir sans souffrance. Il ne s’agira donc pas, pour guérir, de supprimer le conflit, de supprimer la souffrance mais de faire histoire avec eux. Hegel disait que la santé c’est la fluide activité du tout. Il parlait de la santé du corps et non point de la santé de l’âme. Mais la formule est magnifique qui laisse à penser justement que lorsqu’on est malade, eh bien c’est parce qu’il y a des parties de notre âme qui se durcissent, qui se pétrifient. Et précisément aller un peu mieux c’est essayer de remettre de la fluidité dans ces lieux là. Prendre conscience de ce qui nous fait souffrir ne nous en libèrera pas totalement et magiquement, mais nous donnera un plus grand pouvoir sur notre vie et donc une plus grande liberté. Deux termes sont revenus souvent dans ce très bel exposé, l’optimisme et le pessimisme. Il me semble que notre conférencier est vraiment disciple de Freud en ceci qu’il y a chez lui un mélange, un bel équilibre peut-être, d’optimisme et de pessimisme. Chez Freud en effet de l’optimisme et du pessimisme on peut presque dire qu’il y eut deux Freud un Freud disciple des philosophes des lumières, qui pensait justement que si l’on pouvait descendre dans les profondeurs de l’âme avec (inaudible…) des lumières on finirait par aider l’homme à aller mieux, et aller bien. Mais il y a un deuxième Freud, plus pessimiste, qui lui a repéré l’existence au fond de toute âme, de ce qu’on pourrait appeler un infracassable noyau de nuit. Même une psychanalyse infinie ne saurait jamais mettre fin au conflit et à la souffrance qui se trouvent au fond de nous parce que même la psychanalyse ne peut pas totalement entrer dans cet infracassable noyau de nuit. Le premier Freud est plutôt optimiste, le deuxième est plutôt pessimiste. Le deuxième Freud eh bien c’est le Freud qui se souvient du judéo-christianisme si vous voulez et du fait que l’homme est toujours déjà coupable et toujours encore coupable. C’est le Freud qui se souvient du fait que tout homme est en dette et que cette dette il n’arrivera jamais à la solder à s’en acquitter complètement. Voilà pourquoi Jacques Arenes, nous semble-t-il renvoie dos à dos l’optimisme niais et le pessimisme noir, et nous murmure qu’il est urgent de ne pas choisir entre l’un et l’autre. L’optimisme niais c’est celui qui se trouve au fond de ces thérapies en effet, qui croient pouvoir vous libérer de vos souffrances magiquement et définitivement par l’intervention d’une cellule psychologique, qui va vous aider à faire votre deuil alors qu’il ne s’agit pas chez Freud de faire son deuil mais de faire un travail de deuil et qui dit travail dit peine, souffrance inachèvement le mot travail est un …(inaudible)… qui veut dire instrument de torture à trois pieux, de l’optimisme niais qui se trouve dans ces deux thérapies là, eh bien, notre conférencier nous dit aussi les dangers qu’en matière de psyché, il n’y a jamais du gagnant gagnant, qu’il faut toujours perdre un peu pour espérer gagner. Plusieurs exemples nous ont été donnés. J’en donne un que j’ai déjà donné à certains mais que je rappelle parce qu’il st très éloquent : Il y a un livre de Martin Buber, le grand Martin Buber qui s’appelle « Problème de l’Homme » C’est un livre où Buber nous dit que l’homme est un être fondamentalement souffrant et que l’homme est un être, comme disait les grecs, dainon, à la fois merveilleux et terrible. Or le livre le « Problème de l’Homme » je l’ai trouvé récemment dans une petite FNAC, rangé dans le rayon développement personnel plus précisément au rayon consacré à l’impuissance masculine. Donc j’imagine aisément que la niaise et inculte ou le niais et inculte employé de la FNAC qui ne savait où ranger ce livre philosophique s’est dit le problème de l’homme, bon …et donc le livre se trouvait juste à côté, voilà… Donc optimisme niais qui suppose une méconnaissance de ce qu’est l’homme d’une part mais également, refus par notre conférencier de ce pessimisme noir qui voudrait au fond qu’on ne puisse jamais aider l’homme à aller mieux puisqu’il serait ontologiquement un être en dette, un être souffrant. Et voilà pourquoi il nous aide à ne pas choisir entre optimisme niais et pessimisme noir et la formule si l’on veut, et elle est très éloquente consiste à se guérir de l’idée de guérison. La vérité libère et le mensonge aliène et la vérité c’est que le mal n’est pas foncièrement étranger au cœur humain, c’est qu’il y a au fond de chacun d’entre nous un conflit qu’on n’arrivera jamais complètement à dépasser mais prendre conscience de tout cela, eh bien, ça peut en un sens nous en libérer en quelque chose. C’est en quoi au fond la psychanalyse me semble rejoindre la philosophie car la philosophie comme la psychanalyse repèrent que l’homme est fondamentalement un être de désir. Parce qu’il est un être de désir il ne sera toujours incomplet, toujours souffrant. Il n’accèdera jamais à la « pénardité » animale (l’adjectif pénardité étant un concept que j’essaie de mettre sur le marché des concepts sans aucun succès pour l’instant mais ça viendra peut-être, on ne sait jamais) Or, faut-il s’en désoler ?Eh bien non, il faut s’en féliciter et je pense que Rousseau est le philosophe qui a dit le mieux dans la nouvelle Héloïse le fait qu’au fond pour aller mieux il faut se guérir du désir d’aller complètement bien. Lequel Rousseau dans la nouvelle Héloïse nous montre que le véritable bonheur consiste peut-être à désirer le bonheur. La formule est la suivante : « Tant qu’on désire, on peut se passer d’être heureux, on s’attend à le devenir. Si le bonheur ne vient point l’espérance se prolonge et l’inquiétude dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même et l’inquiétude qu’il donne est une sorte de jouissance qui supplée à la réalité. Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il désire. On jouit moins de ce que l’on obtient que de ce que l’on espère, et l’on n’est jamais heureux qu’avant d’être heureux. L’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peut obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire et c’est ce qui fait de l’imagination sa passion la plus douce ». Donc renoncer à l’idée de guérison c’est peut-être le meilleur moyen de guérir, de guérir du désir de complétude, de guérir du désir de posséder complètement le bonheur, ça consiste à admettre que nous sommes des êtres de désir, des êtres tout à fait inachevés, et que donc le pire malheur qui pourrait nous arriver, ça serait d’ être heureux. Et bientôt, il va y avoir les vœux. Je crois qu’on fait une grosse erreur quand on dit aux être humains, que tous vos désirs se réalisent ce serait terrifiant, ce serait l’ennui donc souhaitons que tous nos désirs ne se réalisent pas et peut-être même notre désir de guérir à tout jamais C’est en quoi il me semble que la parole psychanalytique rejoint la parole philosophique.