atteint les objectifs de l’OMS pour l’an 2000, notamment l’Europe
du Nord. En France, deux enquêtes épidémiologiques nationales ont
été entreprises en 1987 et 1991. Elles ont concerné un échantillon
représentatif de plus de 18 700 écoliers âgés de6à15ans
[16]
.La
comparaison des résultats entre 1987 et 1991 montre une importante
diminution de la prévalence de la carie à tous les âges, tant au
niveau des dents permanentes que des dents temporaires. L’indice
CAO à 12 ans est passé de 4,24 en 1987 à 2,59 en 1991, soit une
réduction de 38,91 %. Dans les pays scandinaves, en Angleterre et
en Suisse, les prévalences moyennes de la carie sont inférieures à 2,
grâce aux mesures de prévention collectives basées sur la fluoration
de l’eau de boisson ou du sel de table depuis de nombreuses années.
Les pays d’Europe de l’Est présentent des indices CAO
généralement moyens ou élevés et tendant à augmenter
[65]
.
La situation de la prévalence de la carie dentaire outre-Atlantique
montre de grandes disparités. On relève aux États-Unis un indice
CAO moyen de 1,4 à 12 ans. Cet indice très bas est le fruit de
mesures de prévention collectives basées principalement sur la
fluoration de l’eau de boisson, débutées dans les années 1950. Au
Canada, la prévalence de la carie est plus élevée qu’aux États-Unis.
Cependant, une réduction importante de la prévalence carieuse a
été observée ces 15 dernières années à la suite de la fluoration de
l’eau de boisson qui concerne la moitié de la population, de
programmes de prévention en milieu scolaire, de l’usage très
répandu de suppléments fluorés et des scellements des puits et
sillons dentaires.
Alors que les données disponibles sont abondantes pour les
populations jeunes, elles sont en nombre limité pour les adultes. Les
actions de prévention commencent à se concrétiser chez l’adulte
jeune. En effet, on observe une diminution des caries chez les adultes
jeunes dans les pays où le déclin s’est amorcé dans les années 1970.
Dans la tranche d’âge moyenne des 35-44 ans, la proportion de dents
obturées a augmenté. Plusieurs études menées aux États-Unis et en
Angleterre font apparaître, dans tous les groupes d’âge, une
réduction du nombre de dents cariées et de dents absentes, et,
parallèlement, une augmentation des dents soignées
[97]
. De façon
générale, bien que la prévalence des caries ait diminué de façon
notable chez les jeunes adultes dans plusieurs pays industrialisés, la
carie continue d’être la principale raison de l’édentation.
Dans les pays en voie de développement, à prévalence carieuse
basse, on note une tendance à l’augmentation des indices de carie.
Dans une enquête nationale effectuée aux États-Unis entre 1988 et
1991, sur 12 138 sujets âgés de plus de 18 ans
[97]
, il apparaît que les
caries radiculaires ou cervicales se développent dans les plus hautes
tranches d’âge. Pour l’ensemble de la population étudiée, on évalue
à 22,5 % la proportion de patients présentant des caries radiculaires,
6,9 % pour la tranche d’âge 18-24 ans, et 55,9 % pour la tranche
75 ans et plus.
Pour répondre à la question : « Quelles sont les raisons principales
qui font que les personnes âgées de 20 à 25 ans ont moins de caries
que celles d’ilya30ans?»,unquestionnaire de 25 items portant
sur l’alimentation, les fluorures, la plaque, la salive, les matériaux
dentaires, le praticien et les autres facteurs a été envoyé à 52 experts
internationaux de pays technologiquement développés
[13]
.
L’évaluation de l’importance des facteurs expliquant la réduction
de la carie est réalisée à partir d’un score allant de0à4.L’évaluation
par les experts de l’impact des divers facteurs sur la diminution de
la carie présente de grandes variations. Seuls les fluorures sont
retenus par 40 experts sur les 52 consultés. Le fluor contenu dans les
pâtes dentifrices est retenu par 63 % des experts concernés comme
le facteur expliquant à lui seul la diminution de la carie dans une
proportion de plus de 40 % (score 4).
Le rôle de l’élimination de la plaque semble controversé ; personne
à l’heure actuelle ne peut affirmer avec certitude que le brossage des
dents réduit la carie dentaire. En effet, aucune corrélation n’a jamais
été établie entre la quantité de plaque et la carie, ce qui n’est pas le
cas pour les gingivites et les maladies parodontales. Par ailleurs, la
réduction de la carie de ces trois dernières décennies coïncide
également avec l’augmentation exponentielle de l’usage des
antibiotiques, mais ce facteur n’a pas été retenu par les experts.
Cependant, il existe des particularités, au Japon par exemple, où
depuis 1970 la carie dentaire décline, alors que l’usage du fluor reste
limité. La diminution de consommation des sucres dans ce pays
pendant cette même période constitue vraisemblablement le facteur
le plus déterminant
[63]
.
NATURE DYNAMIQUE DU PROCESSUS CARIEUX
La carie dentaire est un processus dynamique avec des périodes de
progression alternant avec des périodes d’arrêt ou de réparation.
Les périodes actives de la maladie varient considérablement dans
leur durée et leur intensité‚ entre différents groupes de population,
d’individus, et, pour un même patient, en fonction de l’âge et peut-
être selon les moments de la journée. Comme toute maladie,
l’évolution du processus dépend de l’équilibre instable entre
l’intensité des facteurs pathologiques et la réponse biologique de
défense. Il existe une multitude de facteurs influençant cet équilibre
tels que des facteurs génétiques, physiologiques, socioculturels,
alimentaires, salivaires
[38]
. L’évaluation de l’un de ces facteurs
pourrait constituer un marqueur biologique de prédiction de
l’initiation, du développement ou de l’arrêt d’un processus
carieux
[55]
. L’initiation de la lésion carieuse au niveau d’une surface
dentaire, l’émail au niveau coronaire ou le cément d’une racine
exposée, est souvent expliquée par des séries de phénomènes
physicochimiques dans lesquels les acides produits par le
métabolisme de la plaque bactérienne induisent une
déminéralisation de subsurface des tissus calcifiés de la dent.
L’évolution va dépendre de l’équilibre entre les facteurs
physicochimiques tels que la solubilité des tissus calcifiés et le pH,
la perméabilité et la concentration ionique dans l’environnement de
la dent. Cependant, ce phénomène biologique est modulé par les
cellules salivaires sécrétoires responsables de la qualité et de la
quantité de salive présente et par des cellules locales et distantes
intervenant dans les mécanismes de défense immunitaire. Ces
phénomènes montrent combien la carie dentaire, processus
biologique complexe et dynamique, ne peut être définie en termes
d’observation d’une perte de substance au niveau d’une surface
dentaire.
Le développement d’une lésion carieuse met en jeu des interactions
de nombreux facteurs entre l’environnement de la cavité buccale et
la surface des tissus calcifiés de la dent. Le processus carieux est
initié par la fermentation des hydrates de carbone par les bactéries
de la plaque qui vont produire une variété d’acides organiques et
faire chuter ainsi le pH. Dans un premier temps, le proton (H
+
) est
neutralisé par le système tampon de la plaque et de la salive mais
lorsque le pH continue à baisser, le milieu s’appauvrit en ions OH
–
et PO4
3–
qui réagissent avec H
+
pour former H
2
O et HPO4
2–
.
L’apatite de l’émail est dissoute lorsque la phase aqueuse devient
insaturée par rapport à la phase cristalline et que le pH descend en
dessous de la valeur critique de 5,7
[5, 6]
.
La dissolution de l’émail ou du cément est définie comme une
dissolution chimique des cristaux d’apatite par les acides produits
par le métabolisme des bactéries.
La lésion érosive et carieuse correspond à une dissolution acide de
la surface de la dent par des agents acides. La lésion carieuse est
Tableau I. – Objectifs de l’Organisation mondiale de la santé pour
l’an 2015 en Europe.
Âge Objectifs
- 6 ans 80 % ou plus indemnes de caries
- 12 ans Indice CAO inférieur à 1,5
- 18 ans Pas de dents absentes pour causes de carie
- 35-44 ans Indice CAO inférieur à 10
Moins de 2 % d’édentés
90 % des personnes dentées devraient avoir au moins 20 dents
naturelles
- 65-74 ans Moins de 10 % d’édentés
Indice CAO : somme, pour un sujet, de ses dents cariées (C), absentes pour cause de carie (A) et obturées (O).
23-010-F-10 Thérapeutique étiopathogénique de la carie dentaire Odontologie
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