dmt Dermatoses professionnelles aux résines polyacrylates

dmt
N° 63 87 TA 63
Dermatoses professionnelles
aux résines polyacrylates
et polyméthacrylates
fiche d’allergologie-dermatologie professionnelle
dmt
87 TA 63
M. N. CRÉPY (*)
(*) Dermatologie profes-
sionnelle, hôpital Cochin,
Paris, et hôpital
Raymond Poincaré,
Garches.
Dermatoses professionnelles
aux résines polyacrylates
et polyméthacrylates
N°63
allergologie-dermatologie professionnelle
Documents
pour le médecin
du travail
N° 87
3etrimestre 2001
345
L
es résines polyacrylates et
polyméthacrylates appartien-
nent à la classe des thermo-
plastiques
dont l’état physique et la
viscosité peuvent être modifiés réversi-
blement par chauffage et refroidissement successif.
Développées dans les années 1930, elles sont large-
ment utilisées dans l’art dentaire, l’art graphique, les
revêtements, les colles et adhésifs, et les plastiques.
Les monomères (acrylates et méthacrylates) sont
de forts sensibilisants professionnels [1]. Les produits
obtenus après polymérisation ne sont pas, ou peu,
allergisants [2]. La batterie standard européenne ne
contient pas d’acrylates ou de méthacrylates, le dia-
gnostic implique donc de rechercher par l’anamnèse
un contact avec des produits contenant ces derniers.
CLASSIFICATION PAR
FAMILLES CHIMIQUES
[3 à 5]
Les résines sont obtenues à partir des monomères
qui seuls seront détaillés ci-après et dont les formules
figurent en encadré 1. Les acrylates sont des esters de
l’acide acrylique qui comporte un groupe carboxyle lié
à un groupe vinyle. Les méthacrylates sont des esters
de l’acide méthacrylique.
Les monomères peuvent être classés en :
monomères d’acrylates monofonctionnels (mono-
acrylates et monométhacrylates) ;
monomères d’acrylates multifonctionnels, qui
contiennent au moins deux groupes acryliques réac-
tifs ; ce sont soit des acrylates ou méthacrylates de
n-(éthylèneglycol), soit des polyacrylates ou polymé-
thacrylates d’autres polyols ;
prépolymères, obtenus par la réaction de résines
époxy (ou de bisphénol A), de polyuréthannes, de
polyéthers ou de polyesters avec au moins 2 groupes
acrylates ou méthacrylates réactifs ;
cyanoacrylates.
De très nombreux monomères d’acrylates et
méthacrylates sont utilisés, mais un nombre relative-
ment faible d’allergènes est responsable de la majorité
des sensibilisations [6]. Les principaux composés res-
ponsables de dermatites de contact sont rassemblés
dans le tableau I.
Les acrylates : esters d'acide acrylique
CH2=CH-COOH.
Les méthacrylates : esters d'acide méthacrylique
CH2=C-COOH.
CH3
Les monomères d'acrylates monofonctionnels
- monoacrylates CH2=CH-COOR
- monométhacrylates CH2=C-COOR
CH3
Les monomères d'acrylates multifonctionnels
- acrylates ou méthacrylates de n-(éthylèneglycol)
R1-(O-CH2-CH2)n-O-R2
- polyacrylates ou polyméthacrylates d'autres polyols
Les cyanoacrylates
CH2=C-COOR
CN
Formules des monomères à partir desquels
sont obtenues les résines
E
NCADRÉ
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pour le médecin
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ABLEAU
I
Classification Molécule Abréviation
Acrylates et méthacrylates
monofonctionnels acrylate d’éthyle EA
acrylate de butyle BA
acrylate de tert-butyle ter BA
acrylate de 2-éthylhexyle 2-EHA
acrylate de 2-hydroxyéthyle 2-HEA
acrylate de 2-hydroxypropyle 2-HPA
acrylate de 2-éthoxyéthyle EEA
méthacrylate de méthyle MMA
méthacrylate d’éthyle EMA
méthacrylate de n-butyle BMA
méthacrylate de 2-hydroxyéthyle 2-HEMA
méthacrylate de 2-hydroxypropyle 2-HPMA
méthacrylate de tétrahydrofurfuryle THFMA
Acrylates et méthacrylates
multifonctionnels diméthacrylate d’éthylène-glycol EGDMA
diméthacrylate de diéthylène-glycol DEGDMA
diméthacrylate de triéthylène-glycol TREGDMA
diméthacrylate de tétraéthylène-glycol TEGDMA
diacrylate de diéthylène-glycol DEGDA
diacrylate de triéthylène-glycol TEGDA
diacrylate de tripropylène-glycol TPGDA
triacrylate de triméthylolpropane TMPTA
diacrylate de 1,6-hexanediol HDDA
diacrylate de 1,4-butanediol BUDA
diméthacrylate de 1,4-butanediol BUDMA
triacrylate de pentaérythritol PETA
triméthacrylate de triméthylol propane TMPTMA
oligotriacrylate-480 OTA 480
Prépolymères 2,2-bis[4-(2-
méthacryloxypropoxy)phényl]propane Bis-PMA
2,2-bis[4-(méthacryloxy)phényl]propane Bis-MA
2,2-bis[4-(2-
méthacryloxyéthoxy)phényl]propane Bis-EMA
époxy diacrylate Bis-GA
uréthanne diméthacrylate UEDMA
uréthanne diacrylate aliphatique al-UDA
uréthanne diacrylate aromatique ar-UDA
Autre 2-cyanoacrylate d’éthyle ECA
Principaux composés responsables de dermatites de contact
(d’après Kanerva [7] 1995 et Geukens [2])
Nombre de patients testés Allergènes à l’origine
de tests positifs
*
Kanerva [7] 124 2-HPMA
2-HEA
2-HEMA
2-HPA
TREGDA
Tucker [15] 67 2-HEA
TREGDA
2-HPA
EA
2-HEMA
Geukens [2] 31 EGDMA
2-HEMA
TREGDMA
MMA
1,4-BUDMA
(*) Par ordre de fréquence décroissant
Principaux allergènes retrouvés positifs lors de tests épicutanés
T
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II
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du travail
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Selon Kanazawa [17], les études animales montrent
une augmentation du pouvoir sensibilisant des méthacry-
lates avec l’allongement de la chaîne alkyle de C1 à C12.
Les cyanoacrylates bien qu’ils se lient immédiate-
ment à la surface de la kératine peuvent être allergi-
sants, notamment le 2-cyanoacrylate d’éthyle, princi-
pal composant des colles cyanoacryliques [18, 19].
De manière générale, les produits acryliques non
polymérisés sont les plus allergisants, comparés
aux produits finis, polymérisés peu ou non allergisants
[2]. Néanmoins certaines résines peuvent être incom-
plètement polymérisées et relarguer des monomères
[20].
Sources professionnelles d’exposition
aux polyacrylates et polyméthacrylates
Produits utilisés en dentisterie
L’utilisation des amalgames au mercure a considé-
rablement diminué (< 10 % des restaurations den-
taires) au profit des résines composites à base d’acry-
lates et méthacrylates [21]. La plupart de ces résines
composites contiennent du Bis-PMA et du TREGD-
MA [22, 23], mais aussi du Bis-MA, MMA,
2-HEMA, EGDMA et DEGDMA [24]. Des sys-
tèmes adhésifs permettant une adhésion plus solide
du matériau d’obturation à la dent se sont développés
parallèlement.
Kanerva a décrit les premiers cas en 1991 [13],
avec allergie au 2-HEMA et au Bis-PMA. D’autres
allergènes peuvent également être présents :
UEDMA, TEGDMA et des diméthacrylates de poly-
éthylèneglycol [24].
Les prothèses dentaires contiennent aussi des acry-
lates ou méthacrylates. Le MMA est encore le plus lar-
gement utilisé, mais de nouveaux acrylates ayant un
potentiel sensibilisant plus important, notamment les
acrylates photopolymérisables, ont été introduits
récemment.
Les nouveaux systèmes de fabrication de prothèses
polymérisables sous ultraviolets peuvent contenir
des prépolymères (Bis-PMA ou Bis-MA, uréthannes
diméthacrylates), des acrylates monofonctionnels
(2-HEMA) et multifonctionnels. Les principaux
allergènes des prothèses dentaires sont le MMA, le
2-HEMA, TREGDMA, EGDMA, Bis-PMA et les
uréthanne acrylates [25].
Les ciments de scellement (de prothèse fixe ou
d’appareils orthodontiques) contiennent également
des acrylates notamment du MMA et des méthacry-
lates [26].
Les systèmes adhésifs et les ciments de scellement
ÉTIOLOGIES
Pouvoir irritant et sensibilisant
Le potentiel irritant varie suivant les acrylates [8] :
fort pour les diacrylates, avec possibilité de réac-
tion retardée pour le diacrylate de 1,4-butanediol et
surtout pour le diacrylate de 1,6-hexanediol (brûlures
survenant quelques heures à 24 heures après le
contact) [9] ;
modéré à faible pour les monoacrylates ;
faible à non irritant pour les monométhacrylates et
les diméthacrylates.
Les acrylates multifonctionnels et les prépolymères
acrylates sont généralement plus irritants que les
méthacrylates correspondants.
Le pouvoir sensibilisant des acrylates est très
controversé, notamment entre les études animales et
les résultats de tests épicutanés chez l’homme.
Certains d’entre eux sont de forts sensibilisants, pou-
vant entraîner des sensibilisations actives lors de tests
épicutanés avec des concentrations trop élevées ou
lors de projections accidentelles [10 à 12]. Kanerva,
en 1992, a enlevé l’acrylate d’éthyle, l’acrylate de 2-
hydroxyéthyle et l’acrylate de 2-hydroxypropyle des
batteries de tests systématiques aux acrylates du fait
de 4 cas de sensibilisation active lors des tests [12].
La sensibilisation active est l’induction d’une sensi-
bilisation à un allergène lors de l’application du
test épicutané ; elle se caractérise par l’apparition
d’une positivité au test 10 à 21 jours après son appli-
cation et lors d’un second test la positivité apparaît à
48-96 heures [13].
Selon Björkner [8], les études de sensibilisation
animales (sur cobayes) montrent que les mono-, di- et
triacrylates sont de forts sensibilisants comparés aux
méthacrylates correspondants (pouvoir faible à modé-
ré). Les époxyacrylates sont également classés comme
forts sensibilisants. Ils peuvent parfois contenir des
groupes époxy réactifs allergisants [8]. Des réactions
croisées sont possibles par ailleurs entre les époxydia-
crylates et les résines époxy (diglycidyléther de bis-
phénol A) [14].
Les 5 principaux allergènes retrouvés positifs lors
des tests épicutanés chez l’homme, selon différentes
études [2, 7, 15], sont présentés dans le tableau II.
Les acrylates et méthacrylates les plus récents,
notamment ceux présents dans les résines photopoly-
mérisables à la lumière ou aux ultraviolets (2-HEMA),
sont plus allergisants que le MMA [16].
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