De la clinique au microscope
Images en Dermatologie • Vol. VI • n
o
4 et 5 • juillet-octobre 2013
92
Cas clinique
Vous n’avez pas d’idée ?
Demandez au patient, lui sait !
You have no idea? Ask the patient, he knows!
E. Amsler1, B. Matard2, I. Moulonguet3
(1 Service de dermatologie et d’allergologie, hôpital Tenon, Paris ;
2 Cabinet de dermatologie, Croissy-sur-Seine ; 3 Cabinet d’anatomopathologie, Paris).
Lorsqu’une dermatite de contact est suspectée, un interrogatoire quasi
“policier” est nécessaire pour ne pas méconnaître un diagnostic rare.
Observation
Un homme de 31ans, sans antécédent ni prise médicamenteuse, a consulté pour un
placard infl ammatoire du haut de la cuisse
(fi gure 1).
Il révèle fi nalement que la lésion
est apparue 8jours après un contact accidentel avec une solution de poppers, contenue
dans une ampoule de verre qui s’était brisée dans sa poche. Une biopsie cutanée a
montré des remaniements infl ammatoires lichénoïdes pouvant correspondre à une
réaction lichénoïde de contact
(fi gures 2 et 3)
. Les lésions ont régressé après quelques
jours d’un traitement avec une crème à la bétaméthasone à 0,1 %.
Discussion
Le mot “poppers” est l’appellation communément attribuée à des dérivés du nitrite,
dont les plus connus sont le nitrite d’amyle, le nitrite de butyle, le nitrite d’isopropyle,
le nitrite de pentyle et le nitrite de cyclohexyle. Le poppers est un liquide transparent,
jaunâtre, très volatil et infl ammable. Il est vendu dans de petites bouteilles de verre
(de 9 à 30ml en général) de couleur ambre ou brun. L’utilisation se fait par inhalation
de ses vapeurs par le nez et parfois par la bouche. La prise de poppers provoque en
quelques secondes une accélération du rythme cardiaque, un relâchement musculaire
et une sensation de chaleur intense, notamment au niveau de la peau, par vasodilatation
brutale des vaisseaux sanguins superfi ciels
(1)
.
L’analyse de la littérature sur les effets indésirables dermatologiques montre l’exis-
tence d’une dermatite au poppers due à l’inhalation du produit; elle est décrite depuis
les années 1970. Il s’agit de lésions croûteuses jaunâtres du nez ou des narines,
semblables à un impétigo et dont le mécanisme pathogénique semble être irritatif
(2)
. En revanche, les effets indésirables dermatologiques dus à un contact du liquide
avec la peau ont été peu rapportés. Un article récent
(3)
a décrit, chez 2patients, des
lésions infl ammatoires cutanées en regard du contact accidentel avec le liquide, dans
un délai de quelques heures pour l’un des cas, et non précisé pour l’autre. Aucun de
ces cas n’avait été biopsié. Nous rapportons donc un cas de dermatite au poppers
histologiquement documenté. Bien que la présentation clinique chez notre patient
soit superposable aux cas rapportés par J.Schauber et al.
(3)
, le délai d’apparition
des lésions, de 8 jours, est inhabituel pour une dermatite irritative de contact, et
pourrait évoquer un mécanisme allergique tel que celui proposé dans un article plus
ancien
(4)
.
II
Dermatite de contact • Poppers
Contact dermatitis • Poppers
Légendes
Figure 1. Placard infl ammatoire bien limité
du haut de la cuisse, correspondant à la zone
de contact du liquide accidentellement
renversé dans la poche.
Figure 2. Altérations lichénoïdes : infi ltrat
lymphocytaire dermique superfi ciel émiet-
tant la basale qui est vacuolisée.
Figure 3. Détail des remaniements liché-
noïdes : altérations vacuolaires de la basale,
présence d’un corps rond et d’un infiltrat
lymphocytaire émiettant la basale.
Références bibliographiques
1.
http://www.drogues-info-service.fr/?Poppers,
972&var_recherche=poppers
2.
Foroozan M, Studer M, Splingard B, Cuny JF,
Barbaud A, Schmutz JL. Facial dermatitis due to
inhalation of Poppers. Ann Dermatol Venereol
2009;136(3):298-9.
3.
Schauber J, Herzinger T. Poppers dermatitis.
Clin Exp Dermatol 2012;37(5):587-8.
4.
Bos JD, Jansen FC, Timmer JG. Allergic contact
dermatitis to amyl nitrite (‘poppers’). Contact
Dermatitis 1985;12(2):109.
Le premier auteur déclare ne pas avoir de liens
d’intérêts.