
différente selon l'origine sociale 
de la personne mise en cause, 
ce  qui  entraîne  un  risque  bien 
plus  élevé  d'être  condamné 
pour  les  mineurs  d'origine 
populaire.  Par  exemple,  une 
bagarre entre  jeunes  peut être 
jugée  comme  un  délit  sérieux 
qu'il  faut  immédiatement 
sanctionner  si  les  parents 
minimisent  le  problème  ou 
semblent un peu dépassés par 
la  situation,  ou  comme  une 
bêtise  de  gamin  sans 
conséquence  si  les  parents 
présentent,  aux  yeux  du 
magistrat,  des  garanties  de 
sérieux  qui  font  intervenir  en 
grande  partie  une  présentation 
de soi liée au milieu social. Bien 
souvent, le jugement porté sera 
autoréalisateur, la prison  ayant 
rarement un effet rédempteur. 
La  politique  pénale  peut 
également  évoluer  et  influer 
considérablement  sur  les 
statistiques.  Ainsi, 
l'augmentation apparente de la 
délinquance  des  mineurs  dans 
les  années  1995-2000  traduit 
principalement  les  instructions 
données par le parquet (*) aux 
services  de  police  de  signaler 
systématiquement  les  affaires 
impliquant des mineurs, ce qui 
n'était  pas  fait  jusque-là.  C'est 
pourquoi le nombre de mineurs 
impliqués dans des affaires de 
stupéfiants, qui était passé de 1 
000 à 4 000 entre 1975 et 1995, 
bondit  à  près  de  20  000  cinq 
ans plus tard, sans qu'on puisse 
en  déduire  quoi  que  ce  soit 
quant  à  l'évolution  du  nombre 
réel d'infractions. 
2. Les enjeux d'un chiffre 
Les  services  chargés  de  la 
constatation et de la répression 
des  infractions,  notamment  au 
niveau  des  commissariats  de 
police,  ont  divers  moyens  de 
peser sur les chiffres officiels de 
manière à atteindre les objectifs 
fixés  par  le  pouvoir  politique. 
Les  faits  de  délinquance  sont 
connus  à  partir  de  deux 
sources: les constatations faites 
par  l'administration  et  les 
déclarations des victimes. Dans 
le  premier  cas,  le  nombre  de 
crimes  et  délits  varie 
essentiellement  selon  l'activité 
des  services  administratifs 
(police,  douanes,  impôts, 
inspection  du  travail…).  Par 
exemple,  dans  les  affaires  de 
drogue,  qui  ne  donnent 
pratiquement  jamais  lieu  à 
dépôt de plainte, il suffit que la 
police et la douane cessent de 
s'intéresser  à  la  question  pour 
faire immédiatement diminuer la 
délinquance  constatée.  En 
dehors  de  toute  intention  de 
manipulation, il est clair que la 
délinquance  constatée  est  une 
fonction  directe  du  nombre 
d'agents présents sur le terrain 
et des moyens matériels dont ils 
disposent. 
Il  est  évidemment  possible  de 
s'appuyer sur cette perspective 
sans négliger les différences de 
ressources face à la justice ou à 
la police qu'entraîne la position 
occupée  par  chacun  dans  la 
société. C'est ce qu'essayait de 
faire  notamment  Pierre 
Bourdieu. 
Les  dépôts  de  plainte  sont 
influencés par le comportement 
des  victimes.  Par  exemple,  le 
changement de perception des 
violences  familiales  et  des 
crimes et délits sexuels fait que 
les victimes hésitent moins que 
par le passé à porter plainte. Le 
nombre  des  faits  constatés 
augmente donc, sans qu'il  soit 
possible de savoir précisément 
si cette augmentation est réelle 
ou si elle s'explique uniquement 
par  une  dénonciation  plus 
fréquente des actes commis. Or 
près de la moitié des actes de 
violence  déclarés  par  les 
victimes  se  passent  dans  le 
ménage et 80% sont le fait de 
personnes  connues  de  la 
victime. 
Les  modifications  des 
exigences  des  assureurs  font 
également varier le nombre de 
plaintes pour vol. Par exemple, 
si un dépôt de plainte est exigé 
pour obtenir un remboursement 
par  l'assureur,  le  nombre  de 
plaintes  (certaines  étant  de 
fausses  déclarations) 
augmente.  Inversement,  si  les 
franchises  de  remboursement 
sont relevées par les assureurs, 
les  vols  ou  dégradations  de 
faible  valeur  ne  seront  plus 
déclarés. 
Les  faits  peuvent  ensuite  faire 
l'objet  d'enregistrements 
statistiques  variables.  Par 
exemple, un sac déclaré volé et 
retrouvé  le  lendemain  peut  ne 
pas figurer dans les statistiques 
ou  être  considéré  comme  un 
"fait  élucidé".  Ou  encore,  un 
jeune  arrêté  lors  d'un  contrôle 
de  routine  est  trouvé  en 
possession  d'une  barrette  de 
haschisch. Les policiers vont-ils 
dresser  un  procès-verbal  et 
mettre  la  drogue  sous  scellés 
ou se contenter de confisquer la 
drogue?  Les  policiers  et  les 
gendarmes peuvent encourager 
ou  décourager  plus  ou  moins 
fortement  le  dépôt  de  plainte. 
Les  victimes  peuvent  préférer 
faire une déclaration sur la main 
courante,  informatisée  depuis 
1985,  qui  recense  les  faits 
portés  à  la  connaissance  des 
autorités,  sans  donner  lieu  au 
même  type  d'enregistrement 
qu'une  plainte.  Des  difficultés 
matérielles viennent compliquer 
le  travail  statistique.  Par 
exemple,  un  vol  à  la  roulotte 
commis  lors  d'un  mariage 
pourra  donner  lieu  à  une 
vingtaine de plaintes déposées 
dans  des  commissariats 
différents. 
D'autre  part,  les  faits 
enregistrés par les services de 
police peuvent faire l'objet d'une 
appréciation  différente  de  la 
part  de  la  justice.  Une  petite 
partie seulement des infractions 
font l'objet de poursuites, le plus 
souvent parce que l'auteur des 
faits est inconnu. Mais un tiers 
des  poursuites  sont  classées 
sans suite, parce que la plainte 
a  été  retirée  ou  que  les  faits 
sont  jugés  sans  gravité,  par 
exemple.  Les  statistiques  de 
condamnations  ne  sont  donc 
pas  toujours  cohérentes  avec