famille parisienne, elle a fait toutes
ses études au monastère d’Argenteuil.
Au bout de quelques temps s’établit
entre le maître et l’élève un amour
passionnel… Toujours est-il qu’Hé-
loïse attend un enfant. Le chanoine
Fulbert informé de la chose, chasse
Abélard. Celui-ci, avant de s’exiler en
Bretagne, entraîne avec lui Héloïse,
sa bien-aimée. Quelques mois plus
tard la jeune femme accouchera d’un
garçon qu’ils prénommeront Astro-
labe.
Pensant que la colère du chanoine
Fulbert s’est apaisée et laissant leur
enfant aux bons soins de la sœur
d’Abélard, les deux amants repartent
à Paris. Héloïse accepte, à contrecœur
d’ailleurs, d’épouser Abélard, mais
par un mariage secret. C’est sans
compter sur le chanoine, bien décidé
à punir celui qui a trahi sa confiance.
Quelque temps après et avec la com-
plicité d’un serviteur, Fulbert engage
des hommes de mains qui s’introdui-
sent chez Abélard, le capturent et
l’émasculent. Pour cet acte contre
nature, ses agresseurs seront condam-
nés par le roi Louis VI, et le chanoine
Fulbert démis de sa charge.
Désormais Héloïse et Abélard en
sont réduits à s’aimer de façon pla-
tonique, mais tout aussi passionnelle.
Héloïse se fait religieuse au monas-
tère d’Argenteuil et Abélard, après
s’être remis de sa blessure se fera
moine à l’abbaye de Saint-Denis.
C’est alors que va s’établir entre les
époux une correspondance secrète,
ou se mêle la ferveur religieuse,
l’amour encore plus fort sur fond de
béatitude. Si Héloïse reste fidèle au
monastère d’Argenteuil, Abélard
parcourt les abbayes. Il y crée des
oratoires où il dispense ses enseigne-
ments, comme celui du Paraclet près
de Nogent-sur-Seine.
Quelques années plus tard, Abé-
lard devient le prieur du monastère
de Saint-Gildas-de-Rhuys, près de
Vannes, en Bretagne. Vers 1129, il
rencontre Pierre le Vénérable, prieur
de l’abbaye de Cluny. Celui-ci lui
demande de fonder un monastère
près de l’oratoire du Paraclet. Un an
plus tard, Héloïse qui vient d’être chas-
sée, avec d’autres moniales, du
monastère d’Argenteuil par l’abbé
Suger, est accueillie dans le nou-
veau monastère et en devient l’ab-
besse. Abélard, pour sa part, rejoint
les moines de Cluny et intègre l’ab-
baye Saint-Marcel près de Chalon-
sur-Saône. Après quelques retours
à Paris, c’est en ce lieu qu’il termine
ses jours en 1142. C’est en 1139
que le Concile du Latran instituera
le célibat des clercs de l’église.
Héloïse qui est toujours l’abbesse
du Paraclet, obtient de l’abbaye de
Cluny, que le corps d’Abélard soit
inhumé dans l’enceinte de son
monastère. Il lui reste encore de
nombreuses années à vivre et elle
honorera celui qui fut son époux
tant aimé, qu’elle rejoindra dans
l’au-delà en l’an 1164.
En 1792, le monastère est vendu
comme bien national, puis détruit
par les acquéreurs qui ont quand
même le souci de sauvegarder les
sépultures d’Abélard et d’Héloïse.
Après un long parcours , leurs cen-
dres seront finalement réunies pour
l’éternité dans un même tombeau
en 1817, au cimetière du Père
Lachaise à Paris.
Ainsi se termine la belle histoire
d’Abélard et d’Héloïse qui ont laissé
au monde l’image d’un amour par-
fait et une correspondance sous
forme de poèmes dont chacun de
nous peut s’inspirer.
RACINES 45 mars 2013
Le Pallet
se souvient
En septembre 2011, une statue
d’Héloïse et Abélard a été érigée sur le
site de la Chapelle Sainte-Anne au Pal-
let, œuvre de Sylviane et Bilal Hassan-
Courgeau (notre photo).
Quant à Astrolabe, fils d’Héloïse et
Abélard, né en 1117 et recueilli par
Denise, sœur d’Abélard, il passe, selon
toute vraisemblance, son enfance au Pal-
let. Puis il se fait moine dans une abbaye
près de Nantes, à la mort de son père,
en 1142.
Lettre d’Héloïse à Abélard
Dans ces lieux habités par la seule innocence,
Où règne, avec la paix, un éternel silence,
Où les cœurs, asservis à de sévères lois,
Vertueux par devoir, le sont aussi par choix ;
Quelle tempête affreuse à mon repos fatale,
S' élève dans les sens d' une faible vestale ?
De mes feux, mal éteints, qui ranime l'ardeur ?
Amour, cruel amour, renais-tu dans mon cœur ?
Hélas, je me trompais ! J'aime, je brûle encore !
Ô nom cher et fatal ! ... Abailard ... je t'adore !
Cette lettre, ces traits, à mes yeux si connus,
Je les baise cent fois, cent fois je les ai lus.
De sa bouche amoureuse Héloïse les presse ;
Abailard ! Cher amant ! Mais quelle est ma
faiblesse ?
Quel nom, dans ma retraite, osé-je prononcer ?
Ma main l'écrit ! ... Eh bien, mes pleurs vont
l'effacer !
Dieu terrible, pardonne, Héloïse soupire.
Au plus cher des époux tu lui défends d'écrire,
À tes ordres cruels Héloïse souscrit...
Que dis-je ? Mon cœur dicte... et ma plume obéit (…)
Extrait : traduction de Charles-Pierre Colardeau,
poète (1732-1776). Orthographe modernisée
(Photo : René Seigneuret)
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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
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