ONZIÈME SUJET PIERRE ABÉLARD, PÈRE DE LA THÉOLOGIE En doutant, nous venons à la recherche et en cherchant, nous percevons la vérité. Pierre Abélard I PRÉSENTATION 1 - Présentation d’Abélard 2 - Abélard dans la philosophie médiévale, un maître d’école et non de cloître 3 - Un auteur du 12ème siècle, époque charnière pour la philosophie au moyen-âge 4 - Son opposition avec Saint-Bernard, représentant de la tradition II ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES (1079-1142) 1 - Éléments biographiques 2 - Un fils de la noblesse bretonne 3 - Ses études auprès de Roscelin de Compiègne, puis de Guillaume de Champeaux 4 - Il devient un maître parisien et commence à enseigner vers 1102 5 - Son séjour à Laon vers 1113 auprès de Saint Anselme de Laon 6 - Son retour à Paris vers 1114, où il obtient la chaire de l’école de Notre-Dame 7 - Sa relation avec Héloïse, entre 1116 et 1118 (il a 37 ans) 8 - Son parcours monastique, entre Saint-Denis, le Paraclet et Saint-Gildas 9 - Il revient enseigner à Paris la philosophie et la théologie vers 1133 10 - Ses démêlés avec l’église : le concile de Soissons en 1121 et celui de Sens en 1141 11 - Son décès en 1142 à Saint-Marcel, près de Chalon sur Saône III SA PENSÉE 1 - Une œuvre abondante : quadrivium, logique, théologie, lettres, poèmes, chansons 2 - Ses œuvres de dialecticien 3 - Les principales positions philosophiques d’Abelard A - Un positionnement platonicien conventionnel B - L’importance de la raison, de la dialectique et du doute pour atteindre la vérité C - Sa position médiane dans la querelle des universaux, le conceptualisme 1 - La question des universaux, la première querelle 2 - Abelard, Roscelin et Guillaume de Champeaux 3 - Il répond en dialecticien 4 - Une critique du réalisme de Guillaume de Champeaux 5 - Le conceptualisme 6 - Une théorie du langage et non plus des Idées 7 - L’universel dégagé de l’individuel, ont donc une corrélation avec la réalité 8 - La distinction entre la fonction significative et et dénominative D - La recherche d’une analyse sémantique du langage E - Sa théorie morale de l’intention (dans Le Connais-toi toi-même) F - Qui dit dialectique dit dialogue, donc aussi avec les autres religions 4 - Les principales positions théologiques A - L’emploi nouveau du terme théologie, mettre du logos dans le théos B - L’utilisation de la dialectique dans l’étude théologique C - Abelard et les juifs, il excuse leur déicide E - Son effort pour comprendre la trinité, ce qui provoquera les attaques de Saint-Bernard F - Sur la foi, elle est une opinion sur les réalités cachées G - Sur l’incarnation du Christ, puissance salvatrice ou exemple moral ? Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 133 IV CONCLUSION 1 - Un précurseur des universités 2 - L’initiateur de la théologie philosophique au sens classique 3 - Un précurseur de la scolastique, qui rayonnera au 13ème siècle ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 134 Document 1 : Abelard sur l’échelle du temps. 1079-1142 6ème 7ème 8ème 9ème 10ème 11ème 12ème 13ème 14ème 15ème 16ème Document 2 : Abélard et Heloïse dans un manuscript du Roman de la Rose (14ème siècle) de Jean de Meung. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 135 Document 3 : Principaux ouvrages d’Abelard, classés par genre. Les œuvres de dialectique - Dialectica, 1120 - Tractatus de intellectibus, 1124 - Glossae super Topica, 1102 - Gloses littéraires sur Porphyre, Aristote et Boèce - Introductiones parvulorum - Logica Ingredientibus - Logica Nostrorum petitioni sociorum - De generibus et speciebus - Sententie secundum Magistrum Petrum Les œuvres théologiques - Theologia Summi Boni - Theologia Christiana - Theologia Scholarium - Sic et Non - Ethica sive Scito te ipsum (1137) - Dialogus inter Philosophum, Christianum et Iudaeum - De unitate et trinitate Dei - Soliloquium - Commentaria In Epistolam Pauli ad Romanos - Commentaires de l'Epître aux Romains - Problemata Heloissae - Apologia Ne juxta Boethianum (1140) - Confessio fidei Universis (1140) - Confessio fidei ad Heloisam - Sermones - Epistola introductoria Abaelardi - Expositio Orationis Dominicae - Expositio Symboli Apostolorum - Expositio in Hexaemeron - Commentaires de l'Hexaemeron Lettres, poèmes, chansons et musiques - Historia calamitatum - Epistolae - Epistolae Duorum amantium - Carmen ad Astralabium - Epithalamica - Hymnarius Paraclitensis - Planctus Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 136 Document 4 : Un éclairage sur son invention de la théologie nous est donné dans son Historia calamitatum. Or il arriva que je m'attachai d'abord à discuter le principe fondamental de notre foi par des analogies, et que je composai un traité théologique (quendam theologie tractatum) sur l'unité et la trinité divine à l'usage de mes élèves, qui demandaient sur ce sujet des raisonnements humains et philosophiques, et auxquels il fallait des démonstrations plutôt que des discours. Ils disaient, en effet, qu'ils n'avaient pas besoin de vaines paroles, qu'on ne peut croire que ce que l'on a compris, et qu'il est ridicule de prêcher aux autres ce qu'on ne comprend pas soi même plus que ceux auxquels on s'adresse; que le Seigneur lui même condamne les aveugles qui conduisent les aveugles. Abélard Historia calamitatum Document 5 : Le texte ci-dessous est extrait de la première partie du Dialogue d'un philosophe avec un juif et un chrétien qui met en scène un philosophe et un juif. MISÉRABLE CONDITION DU PEUPLE JUIF EXPATRIÉ ET DISPERSÉ C'est attribuer à Dieu la pire cruauté qu'imaginer que reste sans salaire la persévérance de notre zèle après tout ce qu'il supporte. Il n'est, en effet, ni su, ni même croyable qu'aucune race jamais ait pu subir pour Dieu autant que pour Lui nous ne cessons de souffrir ; et il ne peut être rouille de péché dont on ne doive concéder que la consume la fournaise de cette affliction. N'est-il vrai que, dispersés parmi toutes les nations, seuls, sans roi ni prince ici-bas, nous sommes soumis à tant d'exactions que presque chaque jour, pour racheter notre misérable vie, il nous faut payer une intolérable rançon ? Aux yeux de tous nous méritons tant de mépris et de haine qu'il n'est injure contre nous qui ne soit estimée suprême justice et suprême sacrifice offert à Dieu. Car tout le monde prétend que n'aurait pu nous frapper le malheur d'une telle captivité si nous ne portions à Dieu la plus grande des haines, et c'est pourquoi tant gentils que chrétiens considèrent comme juste vengeance chaque sévice exercé à notre endroit. Les gentils gardent en mémoire les antiques oppressions que jadis nous leur fîmes subir en nous emparant de leur terre et les longues poursuites par lesquelles nous les avons épuises et détruits ; aussi tout ce qu'ils nous imposent leur semble une revanche bien méritée. Quant aux chrétiens, dont nous avons, disent-ils, mis à mort le Seigneur, plus fort est le motif qu'ils semblent avoir de nous persécuter. Voilà ceux entre qui se poursuit notre exil, ceux à la protection de qui nous devons nous confier ! C'est à nos pires ennemis que nous remettons notre vie et nous sommes contraints de croire à la bonne foi des infidèles. Même la détente du sommeil, qui réchauffe et recrée la nature, nous trouble de tant de soucis que même en dormant nous ne pouvons penser à autre chose qu'au péril de notre servitude. Vers aucun lieu, si ce n'est vers le Ciel, ne s'ouvrent pour nous de sûrs accès, car riches de dangers nous restent toutes habitations. S'il nous faut chercher refuge un peu plus loin, c'est un bien lourd loyer que nous payons pour un local auquel nous ne pouvons guère nous confier. Les princes sous l'autorité desquels nous vivons, et dont nous achetons cher la protection, souhaitent d'autant plus notre mort qu'elle leur permet de faire plus licitement main basse sur nos biens. Soumis à tant de contraintes et d'oppressions, comme si contre nous seuls s'était ligué le monde entier, c'est miracle déjà qu'il nous soit licite de vivre ; on ne nous permet de posséder ni champs ni vignes ni aucune sorte de terre, car rien ne nous les pourrait garantir contre des attaques manifestes ou occultes. D'où vient qu'il ne nous reste principalement que le lucre par lequel, prêtant à intérêts aux étrangers, nous pouvons survivre de façon misérable, mais non sans susciter les pires haines de la part de ceux qui se jugent ainsi gravement lésés. Sur cette extrême misère de notre existence et sur les incessants périls qui nous accablent, aux yeux de tous notre état même est plus éloquent qu'aucune parole. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 137 Document 6 : De manière symétrique, voici la position de Saint Bernard. Les Juifs ne doivent point être persécutés, ni mis à mort, ni même bannis. Interrogez ceux qui connaissent la divine Écriture. Qu'y lit-on de prophétisé dans le Psaume, au sujet des Juifs. Dieu, dit l'Église, m'a donné une leçon au sujet de mes ennemis : "ne les tuez pas, de crainte que mes peuples ne m'oublient" . Ils sont pour nous des traits vivants qui nous représentent la passion du Seigneur. C'est pour cela qu'ils ont été dispersés dans tous les pays, afin qu'en subissant le juste châtiment d'un si grand forfait, ils servent de témoignage à notre rédemption. Bernard de Clairvaux Lettre 363 Document 7 : Un exemple des relations entre Saint Bernard de Clairvaux et Abélard. Blessures faites à la foi, injures au Christ, insultes aux Pères et mépris pour eux, c'est un scandale pour le présent et un danger pour l'avenir ; on se moque de la foi des simples, on met à jours les secrets divins, on traite témérairement les questions sur les plus hauts sujets : on reproche aux Pères d'avoir dit qu'il fallait les laisser en sommeil plutôt que les résoudre... Ainsi l'intelligence humaine usurpe tout pour elle, ne laissant rien à la foi ; elle veut aller trop haut, en des recherches qui dépassent sa puissance ; ce qui est bien clos et scellé, elle ne l'ouvre pas, elle le rompt ; ce qu'elle ne trouve pas d'un accès facile pour elle, elle pense que ce n'est rien, et elle dédaigne de croire. Lettre adressée à la Curie et au pape pour se plaindre d'Abélard, 1140 Quelques surnoms que lui donnera Saint Bernard : - acolyte de l'Antéchrist - un pervers fabricateur de dogme - un moine sans règle - prélat sans responsabilité - abbé sans discipline, qui dispute avec les garçons et fraie avec les femmes. Document 8 : Sa tombe au cimetière du Père Lachaise. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 138 Document 9 : Statue d’Abelard dans la cour du Louvre Palace (par Jules Cavelier). Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 139 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS Sur le paysage intellectuel de son époque - Saint Bernard de Clairvaux, Pierre Aubé, Fayard, 2003 - L'essor des universités au XIIIe siècle, Jacques Verger, Cerf, 1998 - Jean Jolivet et Jacques Verger, Bernard, Abélard, ou le cloître et l'école, 1982 - Abélard et son temps, Actes du colloque international de Nantes, Les Belles Lettres, 1979 - Le siècle de Saint Bernard et Abélard, Jacques Vergès et Jean Jolivet, Perrin, 2006 Sur Abélard et Héloise - Héloïse revisitée, Roland Oberson, Éditions Hermann, 2008 - Abélard et Héloïse, Correspondance, traduction et commentaires, Etienne Gilson et Octave Gréard, Gallimard, 2000 - Héloïse et Abélard, Régine Pernoud, Albin Michel, 2000 Sur Abélard - Abélard, Michael Clanchy, Grandes bibliographies, Flammarion, 2000 - Pierre Abélard, J.P. Letort-Trégaro, Petite Bibliothèque Payot, 1997 Sur la pensée d’Abélard - Théories de l'intentionnalité au Moyen-Age, Dominik Perler, Vrin, 2003 - Pierre Abélard, Jean Jolivet et Henri Habrias, colloque international de Nantes, Presses Universitaires de Rennes, 2003 - "Les collationes d'Abélard et la question juive au XIIeme siècle", Peter von Moos, Journal des Savants, 1999 - La théologie d'Abélard, Jean Jolivet, Cerf, 1997 - Abélard ou la philosophie dans le langage, Jean Jolivet, CERF, 1994 - Arts du langage et théologie chez Abélard, Jean Jolivet, Vrin, 1982 Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 140