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le coenzyme Q (vendu comme anti-
ride!), l’ATPase, des cytochromes à
la pelle, le facteur Fo, pour la mem-
brane interne. Le liquide interne
contient, outre le mtADN, de l’ARN,
des ribosomes (des organites qui ser-
vent à la synthèse des protéines et qui
existent aussi dans le cytoplasme des
cellules), et une pléthore d’enzymes
qui vont servir au cycle de Krebs et à la
béta oxydation des acides gras...
Donnez
leur de l’oxygène
Béta oxydation, cycle de Krebs : sous
ces deux noms étranges se cache
l’ensemble des réactions qui permet-
tent de transformer les lipides6en des
petites briques élémentaires. A leur
tour, elles seront brûlées par la respi-
ration oxydative des mitochondries au
niveau de la membrane interne pour
donner de l’ATP, réserve en énergie de
la cellule. C’est un raccourci qui dans
le détail se complexifie à l’extrême. On
retiendra que pour traiter les lipides, la
mitochondrie doit les faire rentrer
dans son milieu intérieur. Pour cela il
lui faut de l’énergie ...apportée par la
mitochondrie elle-même. Il lui faut
aussi une molécule, la carnitine, qui
agit comme une navette pour per-
mettre aux lipides de traverser sa
membrane interne. S’ensuit alors
une avalanche de réactions qui vont
grignoter les lipides (qui sont des mo-
lécules faites de longues chaînes de
carbone) pour en faire de l’acétyl-
CoA. Une fois la mitochondrie altérée,
les lipides ne peuvent plus y pénétrer
et s’accumulent dans la cellule sans
être dégradés.
Par ailleurs, la dégradation des glu-
c i d e s7, dans le cytoplasme de la cel-
lule, cette fois, aboutit à ce même
acétyl-CoA. (Pour ceux qui en veulent
encore, on appelle ça la voie d’Emb-
den Meierhoff). C’est le cycle de Krebs
qui prend alors en charge dans la mi-
tochondrie l’acétyl-CoA issu de la
transformation des lipides ou des glu-
cides. Cette molécule est dégradée en
CO2, le gaz carbonique que nous éli-
minons par les poumons, en hydro-
gène et en plusieurs électrons8. Les
électrons produits sont transmis au co-
enzyme Q puis à une chaîne de cyto-
chromes qui les repasse à l’oxygène.
C’est ce qu’on appelle la chaîne respi-
r a t o i r e9. L’oxygène intègre ces élec-
trons en se transformant en super-
oxyde puis en eau oxygénée puis en
eau. Ce flux d’électrons permet de li-
bérer de l’énergie qui sera stockée
sous forme d’ATP.
Des radicaux libre s ...
de nuire
On comprend donc qu’au final de la
combustion des aliments, c’est la ge-
nèse d’un flux d’électrons qui permet
de récupérer l’énergie pour la stocker
en vue d’une utilisation future pour
commander des réactions chimiques
au sein de la cellule. L’oxygène est un
élément primordial de cette chaîne. Il
capte les électrons en fin de chaîne. Si
tel n’est pas le cas, ceux-ci réagissent
avec les molécules environnantes
pour former des radicaux libres.
Les radicaux libres sont extrêmement
nocifs pour les structures de la cellule,
notamment pour les mitochondries et
peuvent les détruire. Des molécules
s p é c i fiques, dont certaines sont des
analogues des molécules de la chaîne
respiratoire, comme le coenzyme Q,
sont capables de dégrader ces radi-
caux libres . On appelle ces molécules
des antioxydants. La vitamine E, la
vitamine C, le sélénium, la super-
oxyde dismutase, le glutathion sont
impliqués dans ces processus anti-
oxydants. Mais ils ne sont pas les
seuls. A l’instar des molécules de la
chaîne respiratoire, ils fonctionnent en
chaîne, plusieurs molécules se pas-
sant le radical libre, qui perd de l’éner-
gie à chaque fois et qui se retrouve
neutralisé en fin de course.
Or, dans l’infection à VIH, tout se
passe comme si le métabolisme oxy-
datif était augmenté par les réactions
anti-infectieuses. C’est ce qu’on ap-
pelle le stress oxydatif. On a montré
que les éléments antioxydants
étaient par ailleurs déficients ce qui
abaisse les capacités de la cellule à
neutraliser les radicaux libres . Les
radicaux sont formés et libres de nuire,
ils détruisent alors l’ADN et les orga-
nites cellulaires dont les mitochon-
dries... ce qui aboutit à un cercle vi-
cieux, avec encore moins de
piégeage des électrons générateurs
de radicaux libres et plus de destruc-
tion cellulaire. Infection, stress oxyda-
tif; augmentation des radicaux libres,
destruction cellulaire et systèmes an-
tioxydants altérés, il n’en fallait pas
plus. Mais comme un malheur n’ar-
rive jamais seul, il se trouve aussi que
les inhibiteurs nucléosidiques de la
transcriptase inverse (NRTI) viennent
en rajouter une couche.
Analogues nucléosi -
diques : ils niquent
l ’ADN de ta mère
Comme l’explique Frank Rodenbourg
dans ce numéro, pages 1 à 4, un fais-
ceau de publications récentes
c o n fi rme les idées de publications plus
anciennes qui montraient le rôle dé-
létère des NRTI sur les structures mi-
tochondriales et les possibles effets se-
condaires que ces altérations
peuvent engendrer. Pour comprendre
comment ces analogues nucléosi-
diques peuvent agir sur les mito-
chondries, il faut se rappeler que
dans le milieu interne de celles-ci se
trouve un filament d’ADN, le mtADN.
La mitochondrie est comme une petite
cellule dans la cellule et son ADN, qui
a la particularité de provenir unique-
ment du patrimoine génétique de la
mère et lui sert à synthétiser ses
propres composants.
Le nombre des mitochondries est va-
riable en fonction des besoins éner-
gétiques de la cellule et la cellule doit
fabriquer ses mitochondries. Pour en
augmenter le nombre, il lui est néces-
saire de synthétiser du mtADN à par-
“ Pour faire re n t rer les lipides dans son
milieu intérieur, la mitochondrie a besoin
d ’ é n e r gie et de carnitine, qui permet aux
lipides de tra v e rser sa membrane interne
n o t e s
m i t o c h o n d r i e s
1.Traitement AntiRétroviral
Très Efficace :m u l t i t h é r a p i e s
antirétrovirales hautement ac-
t i v e s
2. Une combustionest une réac-
tion entre un matériau combus-
tible, ici les lipides ou les sucres
et un comburant, l’oxygène.
3. ATP : adénosine triphos-
phate, le “fioul” de la cellule.
4. Cytoplasme : une cellule est
une structure capable de se re-
produire qui sépare son milieu
intérieur du milieu extérieur par
une membrane. Le milieu inté-
rieur est appelé cytoplasme.
5. ADN :acide désoxyribonu-
cléique, molécule porteuse de
l’information génétique de la
cellule. Code et régule la syn-
thèse des protéines.
6. Lipides :un des trois grands
types de molécules qui servent
à la construction des êtres vi-
vants avec les glucides et les
protéines… Ils ont un rôle de
structure (ils composent la
membrane des cellules avec les
protéines. et un rôle énergé-
tique (comme les glucides..
1gramme de lipide = 9 calories.
7. Glucides :un des trois grands
types de molécule qui servent à
la construction des êtres vi-
vants. Un rôle énergétique très
important car ils sont brûlés
plus facilement que les lipides
bien que moins riches en éner-
gie.1 gramme de glucide = 4
calories. Un rôle structural en se
fixant à certaines protéines.
8. électrons : particules compo-
sant la matière. Quand ils sont
isolés, ils confèrent aux molé-
cules auxquels ils se fixent un
pouvoir très agressif vis-à-vis
des molécules du vivant, pro-
téines et acides nucléiques.
9. La chaîne respiratoirep e u t
être aussi considéré comme un
système antioxydant couplé à
un système de récupération de
l ’ é n e r g i e .
10. L’insulineest une hormone
secrétée par le pancréas lorsque
le taux de glucide s’élève dans
le sang. Elle facilite la pénétra-
tion des glucides dans la cellule.
11. Le mécanisme d’action d e
certains antiherpétiques (voir
infotraitement n° 56 page 3,sur
le mécanisme d’action des anti-
herpétiques par P.J. Lamy)
montre que l’innocuité d’un
médicament dépend de la spéci-
ficité qu’il a avec sa cible. La
durée des traitements devrait
orienter vers des molécule agis-
sant sur les structures virales et
pas sur les structures “ hu-
maines” dans les cellules. La re-
cherche d’autres cibles que la
transcriptase inverse, sans pa-
renté avec des structures cellu-
laires s’impose et ce d’autant
plus qu’avec les traitements ac-
tuels l’éradication du virus est
un objectif irréalisable.
12. Premièrement, ne pas nuire.
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