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La France
en héritage
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Je ne regrette pas les hommes,
les hommes se refont ;
je ne regrette pas l’or de leurs trésors,
les trésors se remplissent ;
mais qui rendra à ces peuples
les années qui s’écoulent ?
Denis Diderot.
Aujourd’hier
A VIE s’est montrée à mes yeux de gamin sous un jour qui étonnerait les jeunes d’aujourd’hui. Le pays venait de recouvrer sa liberté après quatre années d’une Occupation
désespérante. Rien de ce que nous voyons actuellement n’existait alors, peu de ce qu’il y avait
n’a subsisté. Les villages et leurs habitants, les boutiques et les ateliers, les bêtes et les usages,
tout a été emporté par le temps, le progrès et les modes.
L
Camille mon grand-père, le seul aïeul mâle que j’ai connu, était un vieux de la vieille paysannerie. Il appartenait à cet autrefois. À mes yeux, il en est une sorte de personnification
sacralisée. Ma jeunesse s’est greffée sur son âge patriarcal. Les histoires qu’il me racontait,
à la veillée, ont nourri mon imagination d’enfant. Ses coups de gueule ont fortifié mes révoltes
d’adulte. C’est de lui, aussi, que je tiens cet amour pour les gens ordinaires, laborieux et sans
esbroufe. Plus que de la terre au soleil, il m’a laissé en héritage un monde qui n’existe plus,
revendiqué par les uns et décrié par les autres : un monde au cœur duquel s’enfoncent mes
racines. Voilà un patrimoine que je garde pieusement. Je suis pareil au laboureur de la fable,
qui veillait sur le trésor caché dedans son champ.
Il était né en 1882, le grand-père Camille. Un peu après le début de la période traitée dans
cet ouvrage. Il est mort en 1964, un rien avant la fin de l’époque évoquée. Une de ses dernières satisfactions fut d’apprendre que le Service national m’avait affecté à Joigny, en cette
caserne où lui-même avait fait son régiment dans les Dragons. La continuité des générations
se répercutait jusque dans les obligations militaires. Mais comme en toutes choses, le changement était passé sous les drapeaux : le troufion de la décolonisation, fagoté en kaki, ne ressemblait plus au tourlourou d’avant la Grande Guerre.
Alors que mon vénérable bonhomme n’était qu’un trousse-pet, à la fin du siècle dix-neuvième, le monde allait encore à pied ou au pas du cheval, ainsi qu’il faisait depuis des siècles
et des siècles. Quelque soixante ans plus tard, on avait inventé les bolides automoteurs, les
engins volants et les fusées intersidérales, les appareils à photographier et les armes de destruction massive. L’homo sapiens s’apprêtait à poser le pied sur la lune. Les arlequins, ces
doux rêveurs sélénites, ne sont plus à l’abri d’indésirables rencontres.
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Pour ma part, sans renier un présent qui me procure d’indéniables facilités matérielles,
sans marcher à reculons non plus, je préfère me tenir un peu à la traîne. Il ne s’agit ni de
tourner le dos à mes contemporains, ni de me complaire dans une nostalgie inutile. Il n’empêche ! certaines courses aux innovations bouleversantes, dans cette société de l’éphémère,
ne m’emballent guère. À tout dire, je me méfie comme de la peste de ces trouvailles prodigieuses. Il est à craindre que la prétendue recherche du bonheur universel, qui ne fait qu’aggraver le pillage des ressources naturelles et accentuer l’égoïsme consumériste des peuples
favorisés, n’aboutisse à l’aliénation de l’individu, prélude à l’anéantissement de l’humanité.
C’est pourquoi, faute de pouvoir me réjouir d’un demain avantageux, je me suis intéressé à
fouiller dans un hier dont nous devrions tirer leçon. De la sorte, à défaut de savoir où l’on
va, on n’ignorera plus d’où l’on vient. La démarche n’a rien de passéiste, elle n’est qu’ethnologique et empreinte d’inquiétude.
Pendant plus de trente ans, calepin en poche et magnétophone en bandoulière, j’ai donc
engrangé, afin de ne pas la céder à l’oubli, une moisson formidable de témoignages oraux,
d’images fanées, de papiers jaunis. J’ai sillonné les terroirs métropolitains, de long en large,
n’en délaissant aucun, pour me nourrir de la parole des anciens, recueillie au mot près. J’ai
exhumé des bouquins poussiéreux, pris plaisir à farfouiller dans les greniers comme dans les
mémoires, à raviver des anecdotes impensables, semblables à celles que me racontait jadis
le grand-père Camille. J’ai déniché des ustensiles rares, des instruments usés par la poigne
qui s’en servait, des machins abandonnés à la rouille ; je les ai photographiés dans leur jus,
préférant la rudesse d’une authenticité sans apprêt à la rutilance sacramentelle des collections muséologiques. Ainsi ai-je pu amasser une documentation unique, avertie et vérifiée,
sur le vécu journalier de nos aînés.
C’était un temps âpre où les villes de province conservaient des allures de gros bourgs villageois. Les travaux se succédaient, de saison en saison, au train lourd des attelages. Dans
son atelier, l’artisan perpétuait, par la main et l’outil, le savoir-faire qu’il tenait d’un long
lignage. Cette richesse collective, ces besognes traditionnelles, ces façons d’œuvrer furent
condamnées à disparaître dès que la mécanisation promit des lendemains enchantés. Au profond de ce passé définitivement révolu – mais vivace encore dans les mémoires – dort l’essentiel de notre histoire commune.
Tout hommage littéraire se doit de satisfaire ceux qu’il honore. Ce dictionnaire encyclopédique, je l’ai conçu dans l’esprit des glaneurs d’antan qui aimaient partager le pain fait des
épis ramassés. Dans ma quête, le geste réel, plutôt que l’exposé théorique, a toujours primé.
Loin des traités pratiques et des catalogues techniques, des ouvrages pontifiants ou didactiques, il convenait que cette encyclopédie affective fût chaleureuse, abondamment illustrée,
emplie de mots dont la saveur mettrait en appétit de lire. Puisse-t-elle être un recueil d’émotions retrouvées, un coffret de souvenirs qu’on ne referme qu’à regret.
Gérard Boutet
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REPÈRES DE LECTURE.
Trois indications se répètent dans les chapitres. Se reporter à renvoie au développement d’un même
sujet. Voir signale une similitude ou un complément d’explication. Cf., abréviation du latin conferre,
permet d’établir une comparaison.
AVERTISSEMENT.
Il va de soi que les remèdes irrationnels, formules magiques et autres façons abracadabrantes sont
à lire avec amusement et curiosité, mais sans trop y croire. Les illustrations comportant une
marque commerciale ne présentent aucun message publicitaire : elles sont mentionnées
à titre de citations.
Il nous a semblé naturel de faire apparaître dans cet ouvrage, en hommage à leur renom, certains
articles manufacturés et plusieurs publications qui, en quelque sorte, agrémentent notre
patrimoine commun.
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Gérard Boutet
La France
en héritage
Dictionnaire encyclopédique
Métiers, coutumes, vie quotidienne
1850 - 1960
PERRIN
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Pour cet ouvrage,
Gérard Boutet a obtenu le prix Mottart,
décerné par l’Académie française
au titre de soutien à la création littéraire,
et le prix Delmas,
attribué par l’Institut de France.
ISBN : 978-2-262-02622-6
© Perrin / Jean-Cyrille Godefroy 2007.
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A
Abécédaire
Aboureur, aboureuse ou abouresse
Du latin “abecedarius”: des quatre premières lettres de
l’alphabet.
Le mot, en général, désignait un manuel élémentaire de
lecture dont chaque chapitre, selon l’ordre alphabétique,
illustrait une lettre différente. C’était aussi l’appellation
que l’on réservait aux instituteurs, dans les villages reculés. Avant la promulgation de l’instruction primaire, laïque
et obligatoire, l’enseignement populaire était parfois assuré par des magisters itinérants, plus riches de savoir que
d’écus. Ces pauvres hères étaient surnommés les “buissonniers” (cf. ce mot) par les paysans. Expression populaire. N’en être qu’à l’alphabet. Connaître peu de chose
d’une science. Se reporter à Maître d’école.
Du verbe “abourer” en vieux français: carder, du latin
“burra”: laine brute, donnant “bure”: lainage grossier,
et “bourre”.
Personne qui droussait la laine afin d’en rembourrer les
vêtements dont, parfois, elle assurait aussi la vente (cf.
Drousseur). Variante: l’éboureur. Voir Cardeur.
Accoucheuse
Du verbe “accoucher”, du latin “collocare”: étendre,
coucher.
Sage-femme (se reporter à ce mot).
Accouru, accourue
Du verbe “accourir”: venir en courant.
Sobriquet que les Beaucerons attribuaient à ceux qui
vivaient au pays, mais qui n’en étaient pas natifs. Les
Normands disaient les “horsains”.
Jeu de lettres,
vers 1940.
Acheveur
Du verbe “achever”, dans le sens de “mener à chef, au
bout”, de l’ancien français “chief”, du latin “caput”: tête.
Dans une forge ou dans un atelier, ouvrier qui donnait la
dernière façon aux pièces métalliques, en les polissant.
Synonymes: l’adoucisseur, le polisseur. En coutellerie, l’achevage s’effectuait au moyen de la polissoire, qui était
une meule en bois garnie de feutre ou de drap. Voir
Coutelier, Forgeur, Taillandier.
Acrobate
Du grec “akrobainein” : qui marche sur la pointe des
pieds.
Sur une estrade de foire ou dans les cirques, saltimbanque
qui se livrait à des tours d’agilité, de contorsion, d’équilibre ou de force.
Métier de spectacle forain, seul, en famille ou en troupe.
Abeilleur
Du latin “apicula”: petite abeille.
Exploitant d’un rucher, récoltant de miel. Variante: l’abeiller. Synonymes : le berger des abeilles, le mouchier.
Voir Ruchier. Se reporter à Apiculteur.
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ACT
À Luxeuil-les-Bains, un jour de pluie.
Accessoire : la batoude (tremplin). Voir Funambule,
Circassien.
miration des gens qui ne décollaient jamais leurs sabots
du plancher des vaches. Variante: l’aérostier, en langage
militaire. Un aérostat désigne tout appareil équipé d’une
poche gonflée d’un gaz plus léger que l’air, grâce à laquelle il peut s’élever dans l’atmosphère. La “guiderope” était
le cordage qu’on faisait traîner au sol, pour faciliter les
manœuvres de descente. Bref survol de l’Histoire. C’est
le 5 juin 1783, en leur bonne ville d’Annonay en Ardèche,
que les frères Étienne et Joseph Montgolfier, manufacturiers en papier, réalisèrent l’envol inaugural d’un ballon
de taffetas qui s’éleva à quelque cinq cents mètres. Quand
l’événement se reproduisit à Versailles le 19 septembre,
en présence de Louis XVI, il ne se trouvait que trois animaux dans la nacelle : un coq, un canard et un mouton.
Deux mois plus tard, Pilâtre de Rozier et le marquis
d’Arlandes réussirent un exploit inédit: une ascension avec
des passagers humains. Leur aéronef, gonflé à l’air chaud,
les transporta au-dessus des toits de Paris, depuis le château de La Muette jusqu’à la Butte-aux-Cailles. Désormais,
la conquête des nuages était lancée ! Dix jours après, le
1er décembre, le physicien Jacques Charles prenait de la
hauteur grâce à l’hydrogène : son appareil, largué des
Tuileries, s’éleva à plus de trois mille mètres devant une
Acteur, actrice ou acteuse
Du latin “actor”, même sens.
Saltimbanque dans un modeste théâtre (cf. Comédien
forain). Par extension, interprète au cinéma. L’acteuse occupait rarement le devant de la scène: ses rôles étaient moins
importants que ceux de l’actrice. Elle ne faisait souvent
que de la figuration.
Adoubeur
Du verbe “adouber” : équiper au XIe siècle ; en vieux
français : arranger, préparer. Du francique “dubban” :
frapper.
Qualificatif commun aux castreurs, aux rebouteux et,
plus rarement, aux tanneurs (cf. ces mots). Dans la chevalerie du Moyen Âge, l’adoubement désignait la cérémonie de parrainage au cours de laquelle l’écuyer recevait sa
tunique de combat. Cette “broigne”, une cotte de mailles,
en faisait un preux, un paladin sans peur et sans reproche.
Les rites s’affinèrent par la suite, notamment sous l’influence de l’Église, avec la veillée d’armes, la remise des
éperons dorés et la paumée.
Adoucisseur
Du verbe “adoucir”, du latin “dulcis”: doux.
Forgeur (cf. ce mot) qui achevait les articles métalliques
par une opération de polissage. Synonymes : l’acheveur,
le polisseur. Voir Coutelier, Taillandier.
Aéronaute
Du grec “aeros”: air, et “nautês”: nautonnier, navigateur.
Personne qui dirige un ballon ascensionnel de type
“mongolfière”, un dirigeable motorisé ou une “saucisse”
captive d’observation.
Métier de casse-cou dont les exploits soulevaient l’ad-
Image de collection, vers 1920.
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foule innombrable. Dès 1858, le photograAffienteur
phe Félix Tournachon, dit Nadar, réalisait
Du latin “fimus” : fumier, donnant
les premiers clichés de la navigation aérien“fiens”: fientes, déjections.
ne. Dans les années qui suivirent, la publiRécupérateur et marchand des déjections
cation du roman Cinq semaines en ballon
retirées des poulaillers et des colombiers,
fit la célébrité de Jules Verne. Enfin, l’aépuis des litières d’étable et d’écurie, du
rostation mérita de la Patrie lorsque, le
fumier des porcheries et des clapiers, des
7 octobre 1870, Léon Gambetta s’échappa
rognures de corne balayées dans les maréde Paris encerclé, à la barbe des Prussiens,
chaleries, enfin des matières fécales vidées
par la voie des airs: le ministre républicain
des latrines. Le qualificatif s’étendit par la
put se réfugier à Tours, où il organisa la
suite à tout négociant d’engrais.
défense nationale. Au cours des cent trenMétier de gagne-petit quand il ne s’ate-deux jours que dura le siège de la capigissait que de ramasser les fientes, mas“Morvilliers”
tale, s’envolèrent de la butte Montmartre
culin. Variantes: l’affienseur, le fienseur.
La Chapelle-St-Martin,
soixante-cinq “ballons montés”; les capriVilles réputées pour la fabrication d’enPetite Beauce.
ces des vents et les fusils de l’ennemi caugrais (cf. Jardinier) : Noyon dans l’Oise,
sèrent la perte de dix-huit d’entre eux. Par sécurité, beauPithiviers dans le Loiret, Redon en Ille-et-Vilaine, Saintcoup de messages furent confiés aux pigeons voyageurs.
Christol-lez-Alès dans le Gard, Saint-Girons en Ariège,
Superstitions. Les premiers aérostats qui se posèrent dans
Saint-Laurent-de-Céris en Charente. La poulaitte était l’enles campagnes, au hasard des vents, engendrèrent plus de
grais organique que les affienteurs obtenaient en curant
les poulaillers ; on disait également la “poulenée”. La
fumade consistait à parquer des bovins, la nuit, sur un terrain que l’on souhaitait amender. On procédait à un ébousage quand, dans un pré, on engraissait les endroits où
l’herbe poussait mal en y étendant des bouses. On “antoisait” le fumier quand on le mettait en tas, sur champ.
L’ivraie qu’il contenait était nuisible aux céréales d’automne; on le réservait donc aux plantes sarclées. Ce n’est
qu’après 1920 que les agriculteurs prirent l’habitude de
fertiliser leurs champs en y répandant d’autres engrais
qu’ils semaient à la volée. Leur but était d’amender les
sols avec des apports d’azote, d’acide phosphorique, de
potasse, de chaux. Ils utilisaient de la cyanamide, de la
marne, des nitrates de chaux ou de soude, des os dissous
(cf. Équarrisseur), des phosphates naturels, du chlorure de
17 sept. 1912 : atterrissage du “Conté” dans une prairie
potassium, des scories de déphosphoration, du sulfate
de Couture, en Vendômois.
d’ammoniaque, de la sylvinite. Le guano (d’un mot espacrainte que d’étonnement parmi les populations paysangnol) était un puissant amendement que les Péruviens obtenes. L’aventure, bien souvent, se termina par une levée de
naient à partir des fientes d’oiseaux marins. Le tangrum
fourches qui mit à mal le ventre dégonflé de la “créature”
définissait un engrais que l’on obtenait en broyant des
diabolique. Voir Avionnetteur.
déchets séchés de poisson. Prudence. Au temps jadis, à
cause des maladies contagieuses qui pouvaient être transAffachaire
mises aux populations par les cultures, potagères ou
Du latin “facere”: faire, façonner.
champêtres, l’enlèvement n’était autorisé que pour les
Dans une tannerie, une papeterie ou une draperie, ouvrier
immondices ayant séjourné pendant trois années dans une
chargé de l’apprêtage des cuirs, des papiers, des tissus.
bourrie (cf. Bourrier); la période de voiturage courait du
Se reporter à Apprêteur.
15 octobre au 15 mars, sans dérogation possible.
Dictons. Qui vend sa paille vend son grain/qui vend son
fumier vend son pain. Pluie (ou neige) de février/vaut du
Affaneur, affaneuse
fumier/et remplit le grenier. Pluie de mars, fumier de chat;
ou affaineur, affaineuse
pluie d’avril, fumier de brebis. À la Saint-Barthélemy
Du verbe “faner”, du latin “fenum”: foin.
(24 août), la perche au noyer/le trident au fumier. Neige
Personne qui était engagé dans les fermes durant la fenaide décembre est engrais pour la terre. Par moquerie, les
son – en Beauce, les vieux cultivateurs disent encore “faiesprits malicieux conseillaient aux freluquets, niais et
ner” pour “faner”. Par extension, le mot désigna n’imporimberbes, de se pommader la lèvre supérieure avec des
te quel brassier (cf. ce mot) qui se louait à la journée.
fientes de pigeon: c’était le moyen infaillible de se faire
Variante patoisante : l’affanaire en occitan. On affenait
pousser de belles et viriles moustaches! Notes de lecture.
ou l’on affenageait quand on donnait du fourrage aux besDans la rubrique Causerie agricole, on lisait à propos du
tiaux. Voir Journalier, Faneur, Fenassier.
contrôle des engrais synthétiques, sous la plume du chi-
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besoin, de corriger la maturation des fromages. Le mot
s’emploie également en sidérurgie et en verrerie. Le teilleur
(cf. ce mot) affinait aussi le chanvre avant de le confier au
tisserand. Patronyme évocateur: Laffineur. Voir Cabanière,
Fromager.
Affouager, affouagère
De l’ancien verbe “affouer” : faire du feu, du latin
“focus”: foyer.
Personne qui bénéficiait du droit de se chauffer en ramassant du bois mort dans une forêt communale ou domaniale. On “ébûchetait” quand on ne prenait que des branchettes.
Besogne d’appoint, pratiquée en automne et en hiver,
dans les forêts. Synonymes admis par l’Académie française (cf. Larousse Universel, 1922) : l’affouagiste, l’affouagé. L’autorisation d’affouager était accordée à l’anDu bon emploi des engrais.
miste-expert Fallot : Le prélèvement de l’échantillon sur
lequel doit porter l’analyse a une extrême importance, et
l’on ne saurait trop appeler l’attention des cultivateurs sur
ce point de contrôle. L’engrais est en général expédié dans
des sacs. La pratique qui consiste à ouvrir quelques sacs
dans le wagon de livraison et à prendre dans chacun une
poignée de matière, est absolument défectueuse. Fort
souvent, en effet, le marchand sait en profiter, et le dessus
du sac est plus riche que le milieu ou le fond (in Le
Protestant du Centre, mars 1910, page 31). Fraudes. C’est
précisément pour contrer la roublardise des marchands
d’engrais que le premier syndicat agricole fut créé à Blois,
en Loir-et-Cher, avant la Guerre de quatorze. Voir
Gadouard, Marneur, Potassier, Vidangeur.
Affileur
Les fagoteuses du Berry.
Du verbe “affiler”, du latin “affilare”.
Ouvrier dont l’ouvrage était de donner du fil aux objets
tranchants : couteaux, haches, outils à lame, armes blanches. Atelier: l’affilerie. Autres appellations: l’affûteur,
l’aiguiseur. Voir Émouleur.
née, par habitant ou par maison, sous réserve que les
demandeurs fussent domiciliés dans la commune depuis
un an au moins. Tout fonctionnaire pouvait y prétendre.
L’affouagement ne se pratiquait qu’un jour par semaine,
fixé selon les usages du pays. Il n’était pas sans rappeler
les anciens droits de glandée et de vaine pâture (cf. Gardeur
d’animaux, Gauleur). Le menu bois rapporté, la “broutille”, était interdit à la vente. Cette tolérance coutumière
avait des allures de survivance féodale. Elle ne datait pourtant que du 26 nivose de l’an II : le législateur s’était inspiré d’une indulgence que Stanislas de Pologne avait consentie aux miséreux de Lorraine. Gestes de besogne. Les
affouagers étaient principalement des enfants en guenilles
et des femmes désargentées vivotant dans les hameaux de
lisière. Ils devaient observer des règles intangibles. Il leur
était interdit de s’aider d’un outil coupant, taillant ou tranchant: ni serpe, ni hache, ni scie. Les branchages ramassés – les “boisettes” – devaient être morts, cassés à la seule
force des mains et rapportés en fagot, à dos, ou dans une
hotte de vendangeur. Les gardes forestiers veillaient, souvent avec un zèle exagéré, au strict respect de ces condi-
Affineur, affineuse
Du verbe “affiner”: rendre fin, du latin “finis”: parfait.
Dans une laiterie, personne chargée de surveiller et, au
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très émouvant. Les mots déferlèrent sur le cercueil de celui
qui n’avait jamais pu que se taire. Cela remua l’innombrable cortège, qui en eut la larme à l’œil. L’article du Petit
Parisien s’achevait sur ce louable souhait: Il reste à demander à l’administration forestière de prendre, pendant les
hivers aussi rigoureux que celui que nous venons de tra-
tions draconiennes. Dicton. Le vingt-cinq mars passé/plus
de bois à ramasser.
Il était une fois dans le comté de Foix de pauvres croquants qui, pour cuire leur brouet et ne point geler au creux
de leur masure, n’avaient qu’une solution: s’enfoncer dans
les forêts seigneuriales et en rapporter du bois mort. Mais
la chose était interdite, évidemment. Aussi se déguisaientils en innocentes jeunes filles afin de mieux tromper la
vigilance des gardes. D’où le surnom de “demoiselles”
qu’on leur attribuait. Volée de bois. Dans son supplément
littéraire illustré du dimanche 3 mars 1895, Le Petit
Parisien se faisait l’écho d’un fait divers particulièrement
dramatique. Sous le titre “Le Drame de la forêt de
Meudon”, il relatait comment le garde forestier Pestre, un
individu coléreux et brutal, était tombé, un soir, sur un
groupe de villageois occupés à ramasser du bois mort dans
les halliers. Tous avaient fui à son approche, terrorisés.
Revolver au poing, le cerbère, qui dans la loi n’aimait rien
tant que la rigueur, s’était lancé à leurs trousses. Il avait pu
en rejoindre un, lequel s’était réfugié dans le couloir d’une
maison, au bourg. Le fugitif se sentit acculé. C’était
Auguste Lecomte, un jeune homme de vingt-cinq ans. Le
garçon n’émit aucune parole, rien, ni supplication ni regret,
quand son impitoyable poursuivant le coucha en joue ; il
tenta seulement d’écarter l’arme qui le visait. Un coup de
feu claqua. Le jeune homme chancela. Sa chemise s’ensanglanta. Il était blessé à mort. L’opinion, bouleversée,
prit aussitôt fait et cause pour le malheureux. Las! on apprit
que la victime était un fils méritant, et sourd-muet de surcroît. Il s’était rendu au bois dans l’intention de soulager
sa pauvre mère ; le père, “un vieillard de soixante-cinq
ans”, finissait tristement ses jours dans un hospice. La
consternation fut unanime, la réprobation tout autant. On
révoqua le meurtrier en uniforme. Aux obsèques de l’infortuné garçon, en présence de Monsieur le ministre de
l’Agriculture, le maire de Meudon prononça un discours
verser, une mesure généreuse en faveur des indigents: cette
mesure consiste à permettre aux pauvres gens de ramasser le bois mort, sans crainte de poursuites, dans les forêts
de l’État. En l’an 2000, le droit d’affouage se maintient
dans les communes dont le territoire se couvre de forêts
banales. Voir Bûcheron, Fagoteur, Glaneur.
Par les bois de Sologne.
Affranchisseur de bestiaux
Fourchon
à fagot.
Du verbe “affranchir”: rendre franc, couper net.
Castreur (cf. ce mot) d’animaux domestiques. Voir
Coupeur de cochons, Hongreur.
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Affûteur, affûteuse
public : l’Assemblée permanente
Jouet,
des présidents des Chambres
vers
d’Agriculture. Ces instances
1965.
furent supprimées par l’État
français pendant l’Occupation,
puis rétablies à la Libération.
Les comices firent leur apparition pendant le Second Empire,
mais c’est sous la Troisième République que,
prenant parfois des allures de fêtes foraines, ils
attirèrent des affluences considérables. Leur rôle s’avéra
essentiel, quant à l’évolution du monde agricole, car ils
suscitèrent un courant d’émulation profitable à la paysannerie, société méfiante, repliée sur elle-même, souvent freinée dans son développement par la lourdeur des traditions
paysannes et la frilosité du conservatisme provincial.
C’était l’occasion d’organiser des expositions de mécaniques nouvelles (cf. Machinisme agricole) et des concours
de bêtes. Un urbaniste à la campagne. La grande œuvre
du notaire François-Philibert Dessaignes, qui tenait office dans la capitale et villégiature à Champigny-en-Beauce,
fut de créer près dudit village – dont il fut le maire pendant quarante ans! – une cité agricole, à l’image des corons
et des quartiers ouvriers. Le plan, pour lequel son promoteur obtint un prix, fut présenté à l’Exposition internationale de Paris en 1889. Avantage immédiat: dès son ouverture, le chantier de construction fournit du travail à
beaucoup d’artisans et de compagnons. Le lotissement se
constitua de vingt-cinq maisonnettes individuelles, qui
permirent aux journaliers des environs de se loger décemment. En fonction des ressources dont elle disposait,
chaque famille occupante avait le choix de rester locataire (les mensualités étaient modiques) ou de se porter
acquéreur auprès du Crédit foncier. Le faubourg posséda
bientôt un cabinet de médecin, son bureau de poste, sa
boulangerie, son épicerie et, pour finir, un café-hôtel.
Maître Dessaignes dota également sa commune rurale
d’une maternelle, d’une école primaire et d’un hospice de
vieillards. L’infatigable humaniste s’éteignit en 1897, nonagénaire. Son nom a été donné à un lycée de Blois. Une
école ménagère fut créée dans chaque département, entre
les deux guerres. Après le certificat d’études primaires,
selon le souhait des parents, les jeunes filles s’y formaient,
Du verbe “affûter”, du latin “fustis”: fût, bâton.
Ouvrier qui se chargeait de l’affûtage des objets tranchants. Autres appellations: l’affileur, l’aiguiseur. Le “denteleur” n’affûtait que les scies. Voir Émouleur.
Sur les quais de Châteaulin.
Agréeur
Du verbe “agréer”, du latin “gratus”: chose agréable,
gré.
Courtier en vins et en spiritueux, dont la tâche consistait
également à tester les produits afin d’en vérifier la qualité. Homonymie. Dans les tréfileries, l’agréeur – on disait
parfois “agréyeur” – était l’ouvrier qui engageait le fil de
fer dans la filière. Dans les ports, le mot (du norois “greida”, agrès) désignait le marchand de vergues et d’ancres,
de cordages et de voiles destinés aux gréements ou à l’accastillage, d’accessoires de navigation et d’équipement de
pêche, plus rarement de vêtements pour les marins.
Agréministe ou agriministe
Du verbe “agréer” (cf. Agréeur), donnant “agrément”.
Passementier (se reporter à ce mot) qui agrémentait les
vêtements, les tentures, les meubles, en leur adjoignant des
broderies, des enjolivures et des ornements. Autres appellations : le bouffetier, l’enjoliveur. Voir Chamarreuse,
Garnisseur, Guimpier, Panachier, Rubanier.
Agriculteur, agricultrice
Du latin “agri”: champ, et de “cultor”: qui cultive.
Personne qui exploite des surfaces agricoles (se reporter à Cultivateur) ou qui y pratique l’élevage.
Métier de la terre, masculin et féminin, pratiqué le plus
souvent en couple. Les chambres d’agriculture furent
créées en 1851, sous l’égide du futur Napoléon III, dans le
but de donner aux cultivateurs une représentation professionnelle. En 1935, elles constituèrent un établissement
Comice agricole en Normandie.
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Boutet A
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AIL
vateurs en leur consentant des prêts à court terme et à taux
d’intérêts préférentiels. À la veille de la Seconde Guerre
mondiale, la “banque verte” avait parsemé le territoire
national de quatre-vingt-dix caisses régionales et de six
mille guichets locaux. Les dépôts atteignaient, globalement, les onze milliards en francs de l’époque.
Distinction
de comice agricole.
Agrimenteur
Mot créé par Rabelais dans Pantagruel; du latin “agri”,
champ, associé à “menteur”.
Surnom péjoratif donné à l’arpenteur (cf. ce mot).
Aigrevinier
De “aigre” et de “vin” (cf. Vinaigrier).
Mot ancien désignant le fabricant de vinaigre. Voir
Moutardier.
Aiguadier
Du provençal “aigada”: aiguade, du latin “aqua”: eau.
Dans le Midi, sur un canal d’irrigation, personne chargée de surveiller le débit des eaux et d’en assurer la répartition souhaitée.
Menu de banquet.
Enseigne sur plaque
en une année scolaire, au
de
marbre,
Beaugency, Loiret.
rôle de la parfaite maîtresse de maison ; elles revenaient le samedi soir dans leur famille. Les cours traitaient
principalement de la cuisine, de l’habillement (couture et
repassage), du jardinage, de la puériculture et de la zootechnie. Avant que l’établissement du chef-lieu préfectoral proposât un internat, c’étaient les professeurs, détachés
des Services agricoles, qui se déplaçaient dans les communes. Chaque municipalité prêtait une salle où les leçons
étaient dispensées quotidiennement, pendant six mois. Le
local faisait également réfectoire. Les garçons ne fréquentaient l’École d’Agriculture que durant l’hiver, saison pendant laquelle leur présence n’était pas indispensable à la ferme paternelle.
Organismes agricoles. Le syndicalisme profita de la loi
d’association, votée le 21 mars 1884 sous la pression du
prolétariat des manufactures, pour se structurer et se développer pendant la Troisième République (cf. Paysan). La
mutualité fut instaurée par la loi Viger, en date du 4 juillet
1900 ; elle permit la constitution de nombreuses caisses
d’assurances. Les garanties s’étendirent ensuite aux protections sociales, aux allocations familiales (1946) et aux
droits à la retraite. Les sociétés coopératives n’obtinrent
leur statut, légal et définitif, que le 5 août 1920. Le mouvement associatif existait pourtant depuis le début du siècle. Les premiers regroupements d’entraide se seraient
constitués dans le Jura, dès le Moyen Âge, chez les récoltants de fruits. Grâce à la politique de soutien suivie par le
gouvernement du Front Populaire, la France comptait
quelque sept mille coopératives en 1939. Plus d’un millier
d’entre elles, à vocation essentiellement céréalière, collectaient 85 p.c. de la production frumentaire nationale.
Le Crédit Agricole, dès sa création le 5 novembre 1894,
s’employa à vider les bas de laine que la paysannerie
cachait sous les paillasses, au tréfonds des chaumières.
Cette mutuelle bancaire avait pour but d’appuyer les culti-
Pioche, piochon
à drainer.
Aiguiller, aiguillère
Du latin “aculeus”: aiguillon.
Fabricant et marchand d’aiguilles. Une couturière rangeait les siennes dans un étui qu’on appelait un “aiguillier”.
Métier artisanal, masculin et féminin, souvent pratiqué
en couple. L’homme fabriquait, la femme vendait. Atelier,
boutique : l’aiguillerie. Patronne corporative : la Vierge
Marie, fêtée le 15 août. Patronyme évocateur: Laguiller.
Villes réputées pour leurs aiguillers: L’Aigle dans l’Orne,
Oyonnax dans le Jura. Les aiguilles à coudre ou à tricoter, en dehors des merceries ayant pignon sur rue, étaient
proposées par les colporteurs, avec les bobines de fil, les
rubans, les dentelles et les boutons (cf. Mercelot). Le filifère était l’outil avec lequel on enfilait les aiguilles. On
“pressurait” une aiguille quand on l’empointait, lui donnait sa pointe ; on la “troquait” lorsqu’on en ébarbait le
chas. Le boutis était la grosse aiguille que les Provençales
utilisaient pour réaliser un ouvrage auquel elles donnaient
le même nom. La façon consistait à superposer deux pièces de batiste, à les assembler en piquant un dessin tracé
au préalable, enfin à remplir les entre-coutures avec du
coton et à border le tout. Le boutis servait à confectionner
des nappes, des couvre-pieds et des couvertures pour les
nourrissons. Les cœurs, les coquilles Saint-Jacques et la
grenade étaient les motifs de décoration qui revenaient le
plus souvent ; ils symbolisaient respectivement l’amour,
l’hospitalité et la fécondité. Voir Alênier, Épinglier,
Mercier.
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