UMR6539
Laboratoire des Sciences de l’Environnement marin
Adaptations métaboliques des organismes dans la zone de balancement des marées. Implications
sur la biodiversité locale dans un contexte de changement climatique.
Collaborations internationales: Jason, Hall-Spencer Université de Plymouth, Andrew Davies, Université
de Glasgow et IMR de Bergen
Argumentaire scientifique :
Le Prix Nobel 1995 de chimie Paul Crutzen, de l’Université de Mainz, a proposé il y a quelques années le
néologisme « Anthropocène » pour décrire cette nouvelle ère de notre planète marquée par l'impact
croissant de l'humanité sur la biosphère. Si l’impact anthropique sur le climat de la planète ne peut
désormais plus être nié, son impact sur la biosphère reste toutefois relativement difficile à évaluer. La
présente proposition se place dans ce contexte de changement globale et vise à évaluer sur la zone
intertidale, dans une approche pionnière empruntant à la biogéochimie des techniques de mesure de flux
d’O2 et de CO2, l’adaptation à l’émersion des organismes marins. Ce sujet propose de décrire leur capacité
à vivre hors de l’eau dans des conditions de température et de dessiccation variables le long de l’estran
puisque ces conditions sont directement dépendantes du climat. La physiologie mesurée in situ selon des
cycles de marée et à plusieurs latitudes selon des cycles saisoniers doit nous permettre d’envisager la futur
distribution de ces organismes intertidaux lors d’un changement climatique globale. Il convient de noter
qu’en retour, bon nombre de ces organismes intertidaux à squelette externe calcaire, par leur respiration,
leur consommation de producteurs primaires et leur calcification ont une rétroaction sur le climat en
participant au budget du carbone sur les zone intertidales.
La présente proposition de travail est articulée autour de trois réseaux d’observation : (1) l’Observatoire du
Domaine Côtier (ODC) coordonné par Jacques Grall, (2) le réseau SOMLIT-IUEM-OSU associé aux
mesures Marel-Iroise et enfin (3) les observations du Rebent (C. Hily). Par ailleurs, les fortes collaborations
que le Lemar et l’ODC entretiennent avec des collaborateurs britanniques et norvégiens nous permettra
d’étendre cette étude à la façade atlantique européenne.
Contexte scientifique : La vie en environnement intertidal demande l’adaptation à une grande variation
des facteurs écologiques, parmi lesquels l’alternance entre l’émersion et l’immersion joue un rôle
fondamental (Barnes et al., 1963). Elle conditionne notamment le comportement ou l’alimentation donc la
croissance des organismes, et détermine la zonation de la faune et de la flore sur l’estran, tout
particulièrement en substrat dur.L’adaptation à l’émersion des organismes marins repose sur leur capacité
à vivre hors de l’eau dans des conditions de température et de dessiccation variables le long de l’estran et
directement dépendantes du climat. L’évolution climatique sous influence anthropique aura donc des
conséquences sur la distribution de ces organismes intertidaux. En retour, ces derniers sont des acteurs du
climat par les émissions de CO2 liés à leur respiration et à leur calcification (Middelburg et al., 2005).
De récents travaux réalisés par le LEMAR sur une espèce de balanes et sur les huîtres creuses ont montré
que l’adaptation écophysiologique des organismes intertidaux pouvait prendre des formes diverses allant
d’une respiration aérienne très affaiblie pour l’huître Crassostrea gigas (thèse Morgane Lejart) à un
métabolisme équivalent en situation émergée et sous-marine pour le crustacé cirripède Chthamalus
montagui (Clavier et al. sous presse).
Par ailleurs, les travaux réalisés dans le cadre de l’ODC de l’OSU brestois depuis le milieu des années 90
et ceux réalisés dans le cadre du réseau REBENT permettent de disposer d’informations sur les variations
des communautés intertidales des côtes de Bretagne qui permettront une extrapolation des résultats à une
échelle régionale. Les collaborations internationales entretenues par les encadrants offrent l’opportunité
d’élargir l’emprise des résultats à la façade atlantique européennne. Les séries de données obtenues au
LEMAR dans le cadre de ce programme de suivi à long terme sur les estrans rocheux et sableux, et dont la
continuité est d’ores et déjà assurée pour les prochaines années, sont à même d’identifier de manière
pertinente les espèces cibles et de les positionner dans la structure, le fonctionnement et l’évolution des
écosystèmes intertidaux. Ainsi la connaissance de leur représentativité et de leur rôle fonctionnel à l’échelle
régionale permettra d’évaluer le degré de redondance et de compétition effective au sein de groupes
fonctionnels comme les microbrouteurs et les suspensivores, en particulier dans le cadre de l’extension
géographique d’espèces en limite nord et d’espèces exotiques envahissantes.
Le présent sujet correspond donc à une thématique originale qui commence à être abordée
expérimentalement au niveau mondial aussi bien à travers le métabolisme respiratoire (Sokolova & Pörtner,
2001) que la calcification (Gollety et al, 2007, projet européen EPOCA). Il propose d’approfondir les
premières approches réalisées au LEMAR par une étude écophysiologique des adaptations des
organismes le long de l’estran sur les côtes de Bretagne. L’évolution de la respiration et de la calcification
(flux de CO2) à l’air et sous l’eau, et les conséquences conjointes de la température et de la dessiccation