Manuel de conjugaison du tachelhit

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Manuel de conjugaison
du tachelhit
(Langue berbère du Maroc)
Tira - Langues, littératures
et civilisations berbères
Collection dirigée par Kamal Nai"t-Zerrad
Cette collection est consacrée aux études littéraires,
linguistiques, didactiques et de civilisation berbères ainsi qu'à
la littérature proprement dite (roman, théâtre...) qu'elle soit en
berbère ou sous forme bilingue.
Outre les publications originales, elle remettra à la
disposition des chercheurs et du grand public des ouvrages de
première importance, aujourd'hui épuisés, sur l'histoire, la
langue et la culture berbères.
La collection contribuera ainsi non seulement à enrichir les
études scientifiques par la publication de travaux de recherche,
mais égalementà la diffusion d'une meilleure connaissance d'un
monde berbère éclaté.
Déjà parus
Kamal NAIT-ZERRAD, L'officiel des prénoms berbères, 2003.
Djamel BENAOUF, Timlilit n tyermiwin / La ville-rencontre,
roman en kabyle.
Abadallah
EL MOUNT ASSIR, Dictionnaire
des verbes
Tachelhit-Français.
Kmal NAIT-ZERRAD (éd.), Articles de linguistique berbère,
Mémorial Vycichl.
Abdallah BOUMALK
Manuel de conjugaison du tachelhit
(Langue berbère du Maroc)
L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris
FRANCE
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
HONGRIE
L'Harmattan Italia
Via Bava, 37
10214 Torino
ITALIE
(Ç)L'Harmattan,
2003
ISBN: 2-7475-5527-5
INTRODUCTION
La langue berbère ou l'amazigh désigne l'ensemble des parlers en
usage chez les communautés linguistiques berbérophones de l'Afrique du
Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye) et d'une partie de l'Afrique
subsaharienne (Mali, Niger, Burkina ).
Dans ce manuel, les matériaux linguistiques présentés appartiennent
exclusivement au domaine du tache/hit. C'est l'un des trois ensembles
linguistiques du berbère au Maroc, à côté du tariftt au nord et au nord-est,
(chaîne du Rif) et du tamazight au centre.
Le tachelhit couvre le Haut-Atlas méridional, l'Anti-Atlas et la
plaine du Souss au sud et au sud-ouest, vaste zone allant de l'Océan
Atlantique, à l'ouest, au cours du Dra, à l'est et de la région d'Essaouira, au
sud, à celle de Demnat /Azilal, au nord. De ce fait, le tachelhit comprend les
divers parlers locaux en usage dans cette aire géographique. Les principales
communautés tachelhitophones installées dans cette zone sont: Achtouken,
Ayt Baâmrane, Ilalen, Ihahane, Ida Outanane, Imsegginne, Ida Oultite, à
l'ouest; Imtouggen, Idemsiren, Igedmiwen, Id Ouzdaghe ..., au centre; Ayt
Ouawzgit, Indouzal, Isektan ..., à l'est. Le tachelhit est parlé dans les
principales agglomérations de la région comme Agadir, Ayt Melloul,
Inezgane, Tiznit, Taroudant, Imi n Tanout, etc. Il existe aussi une
importante communauté chleuh dans les villes marocaines (Casablanca,
Rabat, Marrakech, Fès, Meknès, Kénitra, Tanger, Laâyoune, etc. ) et en
Europe, surtout en France (région parisienne, Nord-Pas-de-Calais, etc.), en
Belgique, et aux Pays-Bas.
En l'absence d'études fines et sérieuses de géographie linguistique, il
est malaisé de délimiter avec précision les lignes de démarcation entre les
zones dialectales frontalières. C'est le cas du tachelhit et du tamazight au
nord et à l'est, par exemple.
Les formes proposées dans ce manuel ne relèvent pas d'un parler
particulier. Pour aller d'abord dans le sens d'une standardisation à l'échelle
du tachelhit, on a essayé de présenter des données qui soient valables, le
plus possible, pour l'ensemble des parlers chleuhs.
La matière essentielle de cet ouvrage consiste dans la conjugaison
des formes verbales. L'objectif ultime est de mettre à la disposition de
l'apprenant un instrument didactique pratique. Outre la conjugaison de
verbes, le manuel est une initiation à l'écriture. Aussi, s'inscrit-il
6
profondément dans le processus du passage à l'écrit avec toutes les
implications que cela suppose. Les formes écrites peuvent paraître parfois
quelque peu éloignées de la prononciation effective d'un locuteur natif.
Le manuel est composé de trois parties. La première donne un
aperçu sur la grammaire du verbe. La deuxième qui est la plus importante
est constituée de tableaux de conjugaison. Quant à la dernière, elle se
présente sous forme de deux index. L'un regroupe les verbes et leur type de
conjugaison. L'autre comprend un glossaire berbère-français et françaisberbère.
ABRÉVIA TIONS
A.
Aff.
AI.
Dir.
ê.
EA.
fém.
Ind.
intr.
Inv.
lange enf.
masc.
Nég.
P.
Par.
pers.
pl.
PN.
Pro
Pro Aff. Dir.
Pro Aff. Ind.
Provo
sIng.
th.
tr.
aoriste
affixe
aoriste intensif
direct
être
état d'annexion
féminin
indirect
intransitif
invariable
langage enfantin
masculin
négation
prétéri t
participe
personne
pluriel
prétérit négatif
pronom
pronom affixe direct
pronom affixe indirect
proverbe
singulier
thème
transi tif
9
ALPHABET
Voyelles
a
ar
<~usqu'à »
izbel «poil»
udem « visage» (<<ou » français)
nker «lève-toi»
u
e
Consonnes
Labiales b
f
m
baba « papa, père»
fad «soif»
lml « bouche»
Dentales d
d
n
t
t
Sifflantes s
dar «chez»
aejar «pied»
ini « dire»
tama « à côté»
attan « maladie»
sawel« parler»
ssabun « savon»
zrl « passer»
zer « regarder»
JJU « sentir bon»
jju « puer»
ecc «manger» (<<ch » français)
~z
?
Pré-palatales
J
J
c
Vélaires
k
g
y
Pharyngales
x
q
akal «terre»
agadir
« Agadir»
yer «lire»
xdem « travailler»
qed «cautériser»
£
h
a£elluc
« veau»
/lmel « aimer, préférer»
10
Laryngales
h
aha! «attention!
Liquides
I
r
lai
rar
rmi
aydi
awal
r
Semi-voyelles y
w
»
«naître»
« rendre»
« être fatigué»
«chien»
« parole»
Les labio-vélarisée :
kO
gO
yO
qO
L'ordre des lettres adopté dans le classement des verbes en annexe:
a-b-c-d-
et
- w - x - z -z - [;
- e - f - g - h - !z- i -j - j -k - l -m - n - y- q - r -r - s -~ -t -! - u
Il
1. NOTATION ET REGLES n'ECRITURE
Le système de notation utilisé dans ce manuel est pour l'essentiel
inspiré des recommandations de l'atelier «Notation usuelle» du Centre de
Recherche Berbère de l'!nalco. Pour des raisons pratiques, il ne tient pas
compte de toutes les variations individuelles, régionales et contextuelles.
Ainsi, ses principales caractéristiques sont:
. l'omission de la labiovélarisation, car elle est imprévisible et varie d'un
parler à un autre, et parfois d'un idiolecte à un autre. Ainsi, le lecteur pourra
la marquer conformément à son usage propre.
Lorsqu'il y a, cependant, risque d'ambiguïté, elle est notée à l'aide
du signe diacritique 0. C'est le cas des paires suivantes:
kOti
ssekOti
yOi
ikola
« se rappeler»
« rappeler»
« saisir, attraper»
« il a colorié»
/ kti
/ ssekti
/ yi
/ ikla
« être attisé (feu) »
« attiser»
« ICI»
« il a passé la journée»
. l'usage
du trait d'union: il facilite la lecture et le décodage immédiat de
l'énoncé. Le tiret sépare le Nom, le Verbe ou la Préposition de leurs
satellites (affixes, particules, etc. ) :
tamyart-ad
fkiy-as
tarwa-nnes
dar-un
« cette femme»
« je lui ai donné»
«ses enfants»
« chez vous»
. l'emploi de la voyelle neutre e ou le schwa.
Le schwa est noté pour éviter la succession de plus de trois
consonnes et faciliter ainsi la lecture. Même si certaines représentations
peuvent apparaître superflues pour le locuteur natif, nous avons opté pour sa
représentation, au moins, graphique. Faut-il rappeler que le passage à l'écrit
implique une certaine distanciation par rapport à l'oral.
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La voyelle neutre est maintenue stable à l'intérieur du paradigme de
conjugaison, les indices de personne faisant partie intégrante de la forme
verbale (conjuguée ou participe).
Règles d'écriture
Elles varient selon la structure du verbe. Pour les verbes trilitères (à
trois consonnes), la voyelle neutre s'insère après la 1ère lettre de la forme
nue (CleC2C3) et avant l'indice de personne suffixé (CleC2C3e+ind.).
Ex.
lkem «arriver»
forme nue = lkm
Aoriste et Prétérit
lekmey
tlekmet
tlekmem
tlekmemt
lekmen
lekment
Cette règle est valable pour tout le paradigme de conjugaison sauf
pour les formes dont les indices de personne sont préfixés. Cela concerne les
3e p. masc./ fém. sing. et la 1èrep. pl. pour lesquelles on insère le schwa
après la marque de personnel et avant la dernière consonne.
ilkem
telkem
nelkem
Pour les bilitères, on maintient la forme nue telle quelle et on insère
la voyelle après les marques personnelles préfixées et avant les suffixées si
elles ne commencent pas par un élément vocalique (ex. -amt « vous fém. »)
Exemple du verbe efk « donner»
Prétérit
Aoriste
fkiy
fkey
tefkit
tefket
ifka
ifk
1
sauf si c'est une voyelle.
13
tefka
nefka
tefkam
tefk
nefk
tefkem
tefkamt
tefkemt
fkan
fken
fkant
fkent
Lorsque la dernière consonne de la forme nue se trouve assimilée à
l'indice de personne, la voyelle se met juste après la première. Ainsi, on
écrira genn au lieu de gnen « ils se sont endormis ».
Les tendues à l'initiale et à la finale sont toujours séparées par la
voyelle neutre e de la consonne qui les précède ou les suit.
bedd !
« Lève-toi! »
ttelmad «Apprends (habituellement)>>
ssexdem «Faire travailler, embaucher»
Si les tendues figurent dans une autre position (médiane, par ex.), on
intercale le schwa avant et après si la consonne qu'elles précèdent n'est pas
suivie d'une voyelle. Comparez:
seJerref «embellir », sdewwer «promener»
arrivés»
et lekkmat «soyez
2. LE VERBE
Le verbe berbère est obtenu à partir d'une racine lexicale sur laquelle
viennent se greffer une marque aspectuelle et un indice de personne qui peut
être soit continu soit discontinu. Une forme verbale comme izra « il a vu »
se compose ainsi de :
i-: indice de 3e personne de masc. sing.
« il » ;
?r: racine lexicale évoquant l'idée de « voir »;
-a : marque aspectuelle du prétérit.
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2.1. Les indices de personne
Les indices de personnes
thème verbal. On relève:
ère
1 pers. sing.
---r
2e pers. sing.
t---t
3e pers. masc. sing.
i--3e pers. fém. sing.
t--1èrepers. pl.
n---
peuvent être préfixés et/ou suffixés au
«Je»
« tu »
« il »
« elle»
« nous»
;rir
tezrit
izra
« j'ai vu »
« tu as vu »
« il a vu »
tezra
nezra
« elle a vu »
« nous avons vu »
t---m
2e pers. masc. pl.
« vous»
tezram
« vous avez vu »
t---mt
---n
2e pers. fém. pl.
---nt
3e pers. fém. pl.
«vous»
« ils»
« elles»
tezramt
zran
zrant
« vous avez vu »
« ils ont vu »
« elles ont vu »
e
3 pers. masc. pl.
En berbère, le sujet lexical en position pré-verbale (indicateur de
thème) ou post-verbale (complément explicatif) n'entretient pas de rapport
d'exclusion avec les indices de personne. Ceux-ci apparaissent
obligatoirement dans le thème verbal.
ddan inebgiwn « les invités sont partis»
inebgiwn ddan « les invités sont partis»
2.2. Les thèmes verbaux:
emplois et valeurs
Le berbère est une langue aspectuelle. On considère seulement le
développement de l'action et on ne la situe pas par rapport au moment de
l'énonciation. Le verbe indique alors si le procès est achevé ou non-achevé.
Procès effectif:
Procès non-effectif:
idda
« il est parti»
ra yddu
«il va partir / il partira»
ar itteddu «il part habituellement»
Pour chaque verbe, on distingue quatre thèmes:
l'aoriste (A.),
l'aoriste intensif (AI.), le prétérit (P.) et le prétérit négatif (PN.).
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Aoriste
al
« trouver»
azze l «courir»
mel «montrer»
AI.
ttaJa
ttazzal
mmal
Prétérit
ufa
uzzel
mel
PN.
ufi
uzzil
mli
Le système verbal du tachelhit peut se ramener aux trois premiers thèmes
(Aoriste, Aoriste intensif et Prétérit). Le paradigme des thèmes verbaux
s'enrichit de deux autres thèmes, en l'occurrence le participe et l'impératif.
Participe
yufan
yuzzeln
imlan
Impératif
af
azzel
mel
2.2.1 L'aoriste
C'est la forme verbale neutre et indéterminée. Venant après un autre
verbe déterminé sur le plan aspectuel, l'aoriste reçoit sa valeur du contexte
linguistique. Aussi, peut-il rendre diverses valeurs.
2.2.1.1. L'aoriste avec la particule modale (ad / rad / ra)
Les principales particules qui accompagnent l'aoriste en tachelhit sont
ad (ou son allomorphe a) et rad (ou son allomorphe ra).
ad awin
a tawi
rad awin
ra tawi
« Qu'ils emportent / ils emporteront»
« Qu'elle emporte / elle emportera»
« Ils emporteront»
« Elle emportera»
Accompagné de la particule modale, l'aoriste met en avant l'expression du
désir ou de la crainte ou de l'éventualité.
A- La particule ad
Elle recouvre des valeurs assez diverses. S'agissant du tachelhit, o,ndira que
la particule ad modalise (non-réel) le thème verbal d'aoriste.
16
.
Valeur hypothétique (éventualité)
mla kn-ifra rad awn iyr dar imkli
« s'il vous avait vus, il vous aurait invités au déjeuner»
. Valeur optative
ad ay-iqqil rbbi y walln n midden
« que Dieu nous préserve du mauvais œil»
ad d-isahl rbbi !
« que Dieu facilite! (expression pour éconduire un mendiant)
. Valeur finale
ssery tifawt a tisfiwt
« allume la lumière pour que tu voies clair»
Remarque:
La valeur modale finale peut être exprimée aussi à l'aide de la particule fad /
afad.
ddu yila fad a telkmet urta tillas
« vas-y maintenant pour que tu arrives avant la tombée de la nuit»
B- Formes réduites de ad
La forme brève (a) apparaît généralement en tachelhit lorsqu'il y a insertion
du pronom régime direct ou des particules d'orientation (proximité ou
éloignement) ou de négation entre le préverbe d'aoriste et le verbe.
a kk-fery azekka
a nn ur tackt
a ssar d-is ur tmunt!
« Il faut que je te voie demain»
« Ne viens pas»
« Ne le fréquente plus jamais! »
La forme courte a peut également apparaître devant les indices de personne
ou les satellites à initiale consonantique. On aura ainsi
a tasit
a nasl
« que tu portes, tu porteras»
« nous porterions, porterons»
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Au contact de la semi-voyelle Iwl ou Iyl, les deux formes (ad la) sont
possibles. On peut ainsi rencontrer concurremment ad yasi ou a yasi / ad ur
tasit ou a wr tasit. Mais, la forme la plus courante, en particulier dans la
plaine du Souss, est nettement la variante brève a.
c- La particule rad
Pour exprimer le futur, le tachelhit recourt au préverbe rad. Il
accompagne les thèmes verbaux d'aoriste rad awin (A.) et d'aoriste intensif
ra ttawin (AI.) à l'exclusion du prétérit *ra yiwi pour inscrire le procès dans
le futur.
rad ak t-mle}' azekka
radAt-inn mmiqqirey
rad darsn ilin inebgiwn
«je te le montrerai demain»
« j'irai à sa rencontre; j'irai le chercher»
« ils aurontdes invités» (ily aurades invitéschez eux)
Cette particule peut se réaliser localement sous sa forme primitive irad.3.
irad d-tacket azekka ?
« viendras-tu demain? »
ad iffu llzal irad am~ey ayaras
« dès que l'aube poindra, je partirai»
D- Formes réduites de rad / irad
Comme variante brève de la particule rad I irad, on relève ra I ira.
Les règles d'apparition de ces formes sont identiques à celles gouvernant la
particule ad (supra).
ra yerml
ira nasi imendi aseggas-a
« il sera fatigué»
« on aura une bonne récolte cette année»
3 Cette forme s'analyse en ira « il veut» + forme ad. La fusion des constituants
de leur grammaticalisation.
Cf. Chaker (1995, 1997) et Leguil (1992).
témoigne
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E- La particule ddad
Cette particule n'est pas connue dans toute l'aire dialectale chleuh.
Ce sont surtout les parlers du Haut-Atlas avoisinant Marrakech et Taraudant
qui en font usage. On s'en sert pour souligner l'imminence et la certitude du
procès envisagé dans le futur.
2.2.1.2. L'aoriste sans particule
En l'absence de la particule pré-verbale, l'aoriste peut rendre
n'importe quelle valeur aspectuelle, et tire sa valeur modale de son
entourage immédiat.
. L' injonction (après l'impératif)
ssexsi tifawt teddut maya teggant !
« Eteins la lumière et va te coucher! »
. L'exhortation
lkem-t-inn tek/et-as tiyrad-nns
« Va le voir et rembourse-le»
. L'optatif
.
ad ay iy/er rbbi isamft-ay
« Que Dieu nous pardonne»
La permission
kra tra tawi-t
« Qu'elle prenne tout ce qu'elle voudra»
2.2.2. L'aoriste intensif
L'aoriste intensif présente le procès soit dans son développement,
soit dans son déroulement habituel (présent ou passé). En principe, il est
susceptible de rendre « tous les temps» du français et surtout le présent,
mais aussi l'imparfait lorsque l'action se situe dans le passé.
2.2.2.1. Morphologie de l'aoriste intensif
Tout verbe berbère possède un aoriste intensif qui s'oppose à
l'aoriste et au prétérit. Le thème verbal d'aoriste intensif s'obtient soit par
l'adjonction du préfixe (tt-) au verbe primaire (thème d'aoriste), soit par la
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tension d'une radicale (à l'initiale ou en deuxième position), soit par une
alternance vocalique. Les trois procédés peuvent se combiner.
. Tension de la première radicale.
kerz (A.)
fern (A.)
kers (A.)
kkerz (AI.)
ffern (AI.)
kkers (AI.)
« labourer»
« trier »
« nouer»
. Tension de la deuxième radicale.
nker (A.)
mdi (A.)
. Préfixation de
nekker (A.I.)
meddi (AI.)
«se lever»
«tendre»
ttqqen (AI.)
ttagur (AI.)
ttebbok (AI.)
« fermer»
« rester»
« frapper»
tt-
qqen (A.)
agur (A.)
bbok (A.)
. Alternance vocalique -e- / V4 avant la dernière radicale.
sker (A.)
sers (A.)
ssiwd (A.)
. Tension
skar (AI.)
srus (AI.)
ssiwid (AI.)
« faire»
« poser»
« faire peur»
de la première radicale et insertion de la voyelle -a- avant la
dernière.
sy (A.)
mel (A.)
fel (A.)
4
ssay (AI.)
mmal (AI.)
ffal (AI.)
V pouvant être indifféremment -a- ; -u- ; -i-.
« acheter»
« indiquer»
« laisser»
20
. Alternance vocalique 0 / -a- à la finale
zzenz (A.)
ssels (A.)
zzenza (AI.)
sselsa (AI.)
. Préfixationde tt- et alternance
lmed (A.)
nqqer (A.)
bikkes (A.)
« vendre»
« habiller»
vocalique -e- / -a- avant la dernière radicale
ttelmad
ttenqqar
ttbikkas
« apprendre»
« frapper»
« se ceindre»
2.2.2.2. Particules de l'aoriste intensif
L'aoriste intensif s'emploie toujours accompagné de la particule ar
(ou son allomorphe a) dans la quasi-totalité des parlers chleuhs. La partie
Nord-Ouest et une partie de la zone Nord-Est connaissent la particule da.
Ainsi, peut-on avoir, selon la zone géographique, soit ar ttazzaln soit da
ttazzaln « ils courent, ils sont en train de courir». Contrairement à d'autres
dialectes berbères (rifain et kabyle, par ex.), le thème verbal d'aoriste
illtensif ne peut se réaliser sans le préverbe ar ou da5. Par conséquent, un
énoncé de type *ttazzaln ifrxan «les enfants courent» est impossible en
tachelhit.
a- Forme réduite de la particule ar
La particule ar se réalise a dans un contexte interrogatif, ou négatif ou après
un subordonnant.
- Contexte interrogatif
is a tsawalt tacelbit ?
« Est-ce que tu parles le chleuh? »
mad d a ttmunam ?
« Qui fréquentez-vous? »
man tizi a tteddum s tegmert « Quand est-ce que vous partez à la pêche? »
5
sauf dans les cas d'omission
énoncés dans b.
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