2ème trimestre 2008 • 147
En ville justement, le managed care a cherché de nouveaux modes de rémunérations
pour contenir les effets inflationnistes du paiement à l’acte : la solution magique
est ici le « paiement par capitation ». Le paiement à l’acte incite en effet par nature
le professionnel à réaliser le plus d’actes possible : plus de procédures, plus de visi-
tes, plus d’examens… Pour mettre fin à ces incitations, les assureurs américains ont
introduit dans les réseaux de soins des paiements fondés sur le nombre de patients
traités (per capita). Quand elle a eu lieu, la capitation, souvent regardée dans notre
pays avec angélisme3, s’est avérée très problématique. Quelles que soient ses moda-
lités, la capitation implique en effet une fidélisation des patients, affiliés à des pro-
fessionnels référents, à défaut de quoi l’assureur doit payer plusieurs fois. Elle réduit
ainsi les incitations à l’égard des professionnels en termes de qualité des soins, alors
qu’à l’inverse les médecins ont une incitation implicite à passer moins de temps avec
leur patient, à réaliser moins de tests, à réduire les séjours hospitaliers… Dans un
contexte dans lequel l’assureur développe par ailleurs les procédures de contrôle des
décisions médicales, la culture professionnelle des praticiens peut ne pas être une
prévention suffisante contre une réelle dégradation de la qualité des soins et l’ins-
tillation d’une perte de confiance dans la relation médecin-malade.
Le mirage de la standardisation des soins
Un rapport célèbre de l’Institute of Medicine publié à l’apogée de l’ère du managed
care a montré que le sur-traitement (overtreatment), le sous-traitement (undertreat-
ment) et les erreurs médicales étaient courants dans le système de soins américains4.
À ce défaut de qualité était imputé le mauvais rang du système de santé américain
dans le classement dressé par l’OMS, et notamment des niveaux de coûts déconnec-
tés des standards internationaux.
Ce constat laisse apparaître un grand nombre de niches pour les assureurs dans
lesquelles ils devraient être en mesure de réduire leurs coûts en misant sur la qua-
lité : par exemple, on sait que si les assureurs arrivent à améliorer la prescription de
béta-bloquants dans les mois qui suivent un accident vasculaire cérébral, ils rédui-
ront le risque de rechute des assurés et amélioreront ainsi l’état de santé du patient
tout en réduisant les coûts liés aux réadmissions. Reste à savoir comment intervenir
pour mobiliser ces niches ? Le choix implicite du managed care est une intrusion
3. Il est devenu courant en France de souligner les limites du paiement à l’acte sans constater les difficultés qu’il
y a à substituer à ce paiement d’autres solutions de paiement forfaitaire, tel qu’il en existe désormais pour le suivi
des patients en Affection Longue Durée. Cette évolution a été notamment soutenue par la mission de Bernard
Brunhes, Bernard Glorion, Stéphane Paul, Lise Rochaix, Mission de concertation pour la rénovation des soins de
ville, Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, juillet 2001
4. Institute of Medicine, To Err is Human : Building a Safer Health System, National Academy Press, 2000
Comment réinventer la concurrence dans le système de soins