Mode d allocation de ressources des hôpitaux : quels

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La Lettre du Pneumologue - Volume III - no2 - avril 2000
L
e PMSI, ou Programme de médicalisation des systèmes
d’information, est actuellement un mode d’allocation de
ressources des hôpitaux.
Les médecins ont chaque jour à s’impliquer dans cette démarche,
pour laquelle ils n’ont reçu aucune formation. Pourtant, les bud-
gets de service seront attribués d’après l’activité dont les méde-
cins auront rendu compte dans les résumés d’unité médicale
(RUM) remplis pour chaque patient.
PRINCIPES DU RECUEIL
En tant que médecin, nous remplissons pour chaque séjour d’un
patient dans notre service un RUM reprenant des informations
administratives et médicales (diagnostic principal, diagnostics
associés) ainsi que les actes effectués, dont certains sont clas-
sants (figure 1). Lorsque l’hospitalisation d’un patient comporte
plusieurs séjours dans des unités différentes d’une même entité
juridique, ces RUM sont rassemblés dans un résumé standardisé
de sortie (RSS). Ils sont secondairement anonymisés. Chaque
RSS est analysé par un groupeur qui le classe en fonction du dia-
gnostic principal, des complications majeures associées et de
l’existence ou non d’actes (chirurgicaux) classants dans un
Groupe homogène de malades (GHM). Il existe 594 GHM. Cha-
cun est assorti d’un numéro compris entre 1 et 887. Cette classi-
fication a été définie par la mission PMSI du ministère. À chaque
GHM est attribué un certain nombre de points ISA (Indice syn-
thétique d’activité), déterminé nationalement et qui varie chaque
année. Les GHM sont classés en Catégories majeures de dia-
gnostic (CMD). Il existe une CMD par “appareil” ainsi qu’une
CMD (23) concernant les complications et une CMD (24) pour
les séjours de moins de 24 heures. La CMD 04 regroupe les affec-
tions de l’appareil respiratoire, mais certains diagnostics pneu-
mologiques peuvent se retrouver dans des CMD différentes de
la CMD 04, notamment en cas de complications ou pour les chi-
miothérapies qui durent moins de 24 heures. Par exemple, une
ponction pleurale qui se complique d’un pneumothorax iatrogène
fait sortir le séjour de la CMD 04 si la complication est retenue
en diagnostic principal. Il est donc difficile pour les cliniciens
d’avoir le reflet exact de leur activité au quotidien. Dans le cadre
d’une aide à la codification, la Société de pneumologie de langue
française a proposé une segmentation de l’activité pneumolo-
gique qui permet de regrouper en son sein les principaux dia-
gnostics de la discipline (1).
VIE PROFESSIONNELLE
Mode d’allocation de ressources des hôpitaux :
quels retentissements sur la qualité des soins en pneumologie ?
A. Bénard*, P.M. Ramon*, F. Gueuze**, H. Barbieux*
* Fédération de pneumologie, hôpital Victor-Provo, Roubaix.
** Fédération médico-administrative, hôpital Victor-Provo, Roubaix.
L’actuel mode d’allocation de ressources des hôpitaux pose plusieurs problèmes. En effet, les médecins à la source du recueil n’ont
aucune formation en matière d’optimisation du remplissage des résumés standardisés de sortie. Or ces résumés de sortie sont
directement à l’origine de l’attribution des points ISA (et donc du budget) qui correspondent à un séjour. Par ailleurs, les résultats
qu’ils en tirent reflètent difficilement leur activité au quotidien. Il existe une réelle inadéquation entre le coût de certaines prises
en charge en pneumologie et leur allocation en points ISA, et donc en budget. À partir de deux exemples d’activité en pneumologie,
la pathologie tumorale et les maladies obstructives, et de l’activité d’un centre hospitalier général, les aspects “pervers” du sys-
tème sont illustrés. Deux grandes questions se posent alors : faut-il privilégier certains secteurs d’activité, refuser certaines prises
en charge ? Quelles sont les alternatives ?
Figure 1. Principes du recueil PMSI.
ISA
ISA
ISA
ISA
ISA
LOGICIEL
GROUPEUR
1 RUM par séjour
par service
1 GHM
par
séjour
1 RSS par séjour
anonyme
Valorisation
en points ISA
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Répartition par RUM Budget de l’hôpital
SEGMENTATION EN PNEUMOLOGIE
L’activité en pneumologie peut se décliner en dix segments
parmi lesquels on retrouve les grandes orientations des services
(figure 2). Cette segmentation a, entre autres, l’intérêt de réinté-
grer sous un libellé de “lisibilité médicale” des patients qui sont
dans un GHM différent ou une CMD différente de la CMD 04.
Par exemple, le segment “Tumeur” regroupe toutes les prises en
charge qui y sont relatives, c’est-à-dire à la fois primo-diagnos-
tics, traitements, complications. Il reprend donc à la fois des hos-
pitalisations conventionnelles et des hospitalisations de moins de
24 heures correspondant aux chimiothérapies qui sont réintégrées
du GHM 681 et de la CM 24, où elles sont classées selon la règle
du PMSI.
La segmentation permet également de réintégrer des séjours pour
lesquels des actes techniques ont été nécessaires, par exemple
une thoracoscopie chirurgicale pour un diagnostic de tumeur
pleurale.
Il existe malgré tout un certain nombre de séjours qui, bien
qu’ayant lieu en pneumologie, ne sont pas comptabilisés dans
l’activité de cette CMD, et c’est là une faiblesse de la segmenta-
tion. On peut en effet avoir à retenir en diagnostic principal un
diagnostic non pneumologique pour des raisons de valorisation
en points ISA. Par exemple, si l’on prend le cas d’une septicé-
mie survenant chez un patient en aplasie médullaire à la suite
d’une chimiothérapie pour un cancer bronchique, l’ordre “Sep-
ticémie” en diagnostic principal, puis “Aplasie”, “Chimiothéra-
pie”, “Cancer” conduira au GHM 604 (2 479 points ISA version
V4 1997) ou au GHM 602 (4 768 points ISA version V4) si le
patient présente durant son séjour une comorbidité majeure asso-
ciée (CMA) telle que “Pneumopathie SAI” ou “Bronchopneu-
mopathie”. Le fait de retenir “Cancer” en diagnostic principal
puis “Chimiothérapie”, “Aplasie” et “Septicémie” en diagnos-
tics secondaires conduira au GHM 122 (1 846 points ISA ver-
sion V4 1997) pour une prise en charge et une dépense identiques
de la part du service. Nous avons donc à faire face à deux types
de problèmes : d’une part, sur un plan communautaire, le dia-
gnostic principal et les diagnostics associés figurant sur chaque
RUM peuvent être codés dans un ordre le plus “valorisant” pos-
sible, mais il est vrai que, si le diagnostic principal doit être celui
qui mobilise les coûts les plus importants durant le séjour, il n’est
pas toujours un diagnostic pneumologique au sens de la pneu-
mologie pure, ce qui peut rendre une segmentation d’activité plus
délicate à réaliser, car plus discutable. Si la règle de codage du
diagnostic principal est assez précise, le RUM ne reflète pas tou-
jours l’activité pneumologique telle que les pneumologues le sou-
haiteraient. Toutefois, le PMSI n’est pas une analyse d’activité
médicale, mais une base économique de répartition budgétaire à
travers les points ISA.
LE CENTRE HOSPITALIER DE ROUBAIX EN 1997
Roubaix est une ville située à une dizaine de kilomètres de Lille,
qui possède un hôpital général de 950 lits de court séjour. Il com-
prend 75 lits de pneumologie (60 en hospitalisation convention-
nelle et 15 en hospitalisation programmée). L’effectif médical se
compose de 5 praticiens et de 2 assistants spécialistes. L’activité
1997 représente 47 650 RSS, dont 3 111 en pneumologie.
Gestion et comptabilité analytique
Le centre hospitalier de Roubaix est doté d’un logiciel ATHAC,
fruit de la collaboration avec deux sociétés spécialisées dans
l’ingénierie d’applications à caractère décisionnel (2). Ce logi-
ciel permet de mettre en place une comptabilité analytique qui,
au même titre que le PMSI, constituera un outil de gestion et de
pilotage.
Selon le principe de la comptabilité analytique (figure 3), un
séjour se décompose selon six secteurs : l’hôtellerie, les charges
d’exploitation correspondant aux différents consommables et aux
dépenses de pharmacie courantes, les dépenses médico-tech-
niques puis les postes budgétaires correspondant aux personnels
médicaux et non médicaux, et aux dérivés sanguins et médica-
ments coûteux, les commandes concernant ces produits étant
nominatives. Chacun de ces postes peut être partiellement réaf-
fecté à chacun des RSS. En additionnant la fraction budgétaire
allouée à chaque RSS, on obtient donc le budget alloué à ce poste
de dépense.
Figure 2. Segmentation de l’activité en pneumologie.
Tumeur (diagnostic, complications, traitement)
Infection
Tuberculose
Plèvre
BPCO
SAS
IRC
Allergie
Symptômes et divers
Autres activités
Blanchisserie
Restauration
Charges
d’exploitation
Produits sanguins et
médicaments coûteux
Dépenses
médico-techniques
Personnel
médical
Personnel
non médical
Figure 3. Comptabilité analytique : répartition des coûts liés à un séjour.
VIE PROFESSIONNELLE
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RÉSULTATS EN TERMES DE COÛT DE SÉJOUR
Parmi les différents segments existant en pneumologie, nous
avons retenu deux exemples à partir de notre expérience : d’une
part, le segment “Tumeur”, d’autre part, celui des “Maladies obs-
tructives”, totalisant respectivement 862 et 531 séjours en 1997.
Ces deux segments ont été choisis en raison de leur importance
en nombre de séjours et parce qu’ils illustrent de façon caracté-
ristique la perversité du système.
Le tableau I reprend le nombre des séjours et la dotation totale
en points ISA pour chaque segment. La dernière colonne cor-
respond à la durée moyenne de séjour (DMS) : elle est abaissée
pour le segment “Tumeur” en raison des durées d’hospitalisation
pour chimiothérapie inférieures à 24 heures. On peut voir que le
nombre de points ISA par séjour ou par RUM est d’emblée très
différent, deux fois plus élevé pour les maladies obstructives que
pour les tumeurs. Il n’existe pas de correspondance avec le rap-
port de 2 que l’on retrouve dans la dernière colonne (DMS) entre
ces deux segments puisque la durée de l’hospitalisation n’inter-
vient que partiellement dans l’attribution des points ISA dès
qu’elle dépasse 24 heures. En effet, tous les postes de la comp-
tabilité analytique ne sont pas ventilés en fonction de l’unité
d’œuvre qu’est la journée. Par conséquent, dès qu’une patholo-
gie est traitée en moins de 24 heures dans le cas, par exemple,
d’une chimiothérapie, la dotation en points ISA est réduite.
D’autre part, la chimiothérapie n’est pas prise en compte à un
tarif ISA différent de celui d’autres soins, alors qu’une chimio-
thérapie engendre un coût beaucoup plus élevé, par exemple,
qu’un bilan d’évolutivité, que ce soit en termes de dépenses de
pharmacie, de consommation de médicaments coûteux, de per-
sonnel infirmier qualifié mobilisé. Le segment “Tumeur” repré-
sente donc un amalgame au sein duquel le PMSI ne prend pas en
compte la diversité des soins, et en particulier ceux durant moins
de 24 heures.
Les séjours pour “Maladies obstructives” représentent un groupe
relativement plus homogène, constitué essentiellement d’hospi-
talisations conventionnelles. Les prises en charge pour cette
pathologie sont sans comparaison avec une prise en charge pour
chimiothérapie. Il est donc étonnant que la valorisation en points
ISA dans ce segment soit le double de celle du segment
“Tumeur”.
En tant que médecins, il nous est particulièrement difficile de rai-
sonner en termes de rentabilité financière et de points ISA, mais
jusqu’à quand pourrons-nous continuer à garantir une qualité des
soins et, par exemple, à privilégier la brièveté des séjours, notam-
ment lorsque ceux-ci sont coûteux ?
Pour reprendre l’exemple de la chimiothérapie, elle est le plus
souvent réalisée dans les secteurs d’hospitalisation programmée,
“géographiquement distincts” du secteur d’hospitalisation
conventionnelle, et dotés d’infirmières qualifiées dans ce
domaine. Or, une chimiothérapie en hôpital de jour se voit attri-
buer 239 points ISA dans le GHM 817, et 930 points ISA en hos-
pitalisation conventionnelle de plus de 24 heures sans complica-
tion majeure associée dans le GHM 587 (version V4 en 1997).
Devrions-nous alors opter pour ce mode de prise en charge, et
donc non seulement hospitaliser un peu plus longuement des
patients déjà très éprouvés, mais aussi les exposer sur un plan
infectieux à des complications potentielles ?
Pour équilibrer un budget de service, nous pourrions par ailleurs
être incités à refuser certaines prises en charge coûteuses et déva-
lorisées, soit en refusant certains patients, soit en les privant des
traitements les plus récents ; il nous serait également possible de
garder une activité diversifiée et de modifier nos pratiques dans
les secteurs les moins rentables, au détriment d’une certaine qua-
lité de soin.
Il est bien évident que ces deux éventualités sont peu satisfai-
santes, et même peu éthiques. Par ailleurs, on voit mal comment
réaliser des économies toujours plus importantes, et sur quel poste
budgétaire, alors que les médicaments sont de jour en jour plus
coûteux, et que les dérivés sanguins sont soumis à toujours plus
de contraintes majorant leur coût. Il semble également hors de
propos d’économiser sur le coût des personnels, au risque de
mettre en jeu la sécurité des patients et de ne pas pouvoir satis-
faire à la qualité de soins que l’on nous demande.
Puisque la comptabilité analytique nous permet d’évaluer un coût
moyen par patient dans un segment, on peut imaginer que l’attri-
bution d’un “forfait patient” soit une réponse possible au pro-
blème. Plus largement, l’élaboration d’un coût par pathologie
pourrait permettre une valorisation plus juste.
CONCLUSION
Les médecins ont donc à se mobiliser et à argumenter pour une
valorisation exacte, s’ils veulent continuer à préserver leur façon
d’exercer la médecine. Le risque de nous voir imposer une modi-
fication de notre pratique nécessite d’être des acteurs attentifs,
capables de proposer des solutions alternatives pour que notre
pratique, tout en restant rentable sur le plan financier, le soit éga-
lement pour notre éthique médicale et la qualité des soins.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Vergnenègre A. et le Groupe d’évaluation de la SPLF. Codage PMSI. Thé-
saurus de codage de l’activité en pneumologie. Info Respiration, octobre
1998 ; 27 : 15-22.
2. Leclercq M., Gueuze F. ATHAC : une nouvelle approche du management
hospitalier. Gestions hospitalières, octobre 1998 ; 629-34.
Segment Séjour Total ISA /séjour Patients /patient Journées /jour DMS
Tumeur 862 641 769 745 221 2 903,9 3 161 203 3,67
Mal. obstr. 531 802 677 1 512 398 2 016,7 3 991 201 7,52
Tableau I. Répartition du nombre de points ISA totalisés dans les seg-
ments “Tumeur” et “Maladies obstructives”.
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