Les prébiotiques : une stratégie pour lutter contre les allergies ?1

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MISE AU POINT
Les prébiotiques :
une stratégie pour lutter
contre les allergies ?1
Prebiotics: a strategy to fight allergies?
M. Bodinier*, P. Gourbeyre*
L
es allergies ont été classées au quatrième rang
mondial des problèmes de santé publique.
Il n’existe pas à ce jour de traitement curatif
ni de méthode préventive pour ces pathologies.
Toutes les stratégies visant à les diminuer ou à les
prévenir doivent donc être explorées. L’une d’entre
elles consiste à agir sur le microbiote. Les prébiotiques semblent être de bons candidats pour modifier
cet écosystème et ainsi agir sur les allergies (1).
[asthme et rhinite] qui persisteront toute leur vie.
Lorsque les patients passent d’un eczéma dans la
petite enfance à la rhinite et à l’asthme, on parle
de “marche atopique”. Les AR atteignent 10 % de
la population générale (rapport du CREDES 2009).
Elles peuvent survenir sans antécédent d’AA et sont
des maladies chroniques parfois graves, mortelles
ou invalidantes.
1  ©
La Lettre du Pneumologue,
Vol. XV, n° 4, juillet-août 2012.
* Inra, UR1268, unité de recherche
sur les biopolymères, leurs inter­
actions et assemblages, Nantes.
L’allergie : une pathologie
complexe en pleine évolution
Les allergies en bref
Les allergies sont provoquées par certaines
substances selon des modes d’introduction variés
(inhalation, ingestion, contact cutané, injection). On
en distingue principalement 3 types : les allergies
alimentaire, cutanée et respiratoire. Leur prévalence
n’a cessé de croître au cours des 50 dernières années
dans les pays développés, atteignant aujourd’hui
environ 30 % dans la population générale. L’allergie
alimentaire (AA) touche environ 3,2 % de la
population (2) et occasionne des lésions d’eczéma
et/ou d’urticaire, des problèmes gastro-intestinaux,
de l’asthme et, parfois, des chocs anaphylactiques
qui peuvent être mortels et qui sont dans certains
cas associés à l’exercice physique. Elle survient plus
fréquemment chez l’enfant (4,0 à 8,5 % des cas) [2]
que chez l’adulte. Les enfants guérissent habituellement spontanément de leur AA mais développent
souvent par la suite des allergies respiratoires (AR)
Figure 1. Interactions entre le microbiote, le système immunitaire et les muqueuses : les
bactéries du microbiote peuvent agir sur la barrière intestinale en augmentant l’expression
de protéines chaperons assurant l’intégrité cellulaire (HSP) du mucus ou de protéines
des jonctions serrées. De même, ils peuvent moduler le système immunitaire en étant
capturés par des cellules dendritiques (ou d’autres cellules présentatrices d’antigènes)
pour stimuler la production d’IgA (voie Th3) ou d’IgG2a (voie Th1) par des plasmocytes.
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 | 27
Mots-clés
Allergies
Prébiotiques
Système immunitaire
Microbiote
Prévention
Highlights
»» Allergies are immune patho­
logies that are increasing since
five decades and are still incurable.
»» An impaired composition of
microbial systems (microbiota)
of organism may explain the
emergency of allergies.
»» Prebiotics are often nondigestible carbohydrates selectively stimulating the growth
of indigenous bacteria and thus
acting on immune system.
»» Prebiotics are interesting as
a strategy to prevent allergies.
Keywords
Allergies
Prebiotics
Immune system
Microbiota
Prevention
Points forts
»» Les allergies sont des pathologies liées au système immunitaire ; elles ne cessent de progresser depuis
environ une cinquantaine d’années et demeurent incurables.
»» L’altération des systèmes microbiens (microbiote) de l’organisme peut expliquer l’émergence des allergies.
»» Les prébiotiques sont souvent des glucides non digestibles stimulant sélectivement la croissance de
bactéries autochtones et agissant ainsi sur le système immunitaire.
»» Les prébiotiques sont intéressants en tant que stratégie de prévention des allergies.
À ce jour, il n’existe pas de traitement efficace
pour guérir une allergie. Différentes stratégies sont
envisagées. L’immunothérapie, également appelée
“désensibilisation”, est un des moyens connus
pour essayer de faire régresser une allergie. Elle
consiste, par des injections répétées d’allergène,
à faire dévier les réponses du système immunitaire
vers la tolérance. Des études ont montré des effets
notables de la désensibilisation dans le cas des AR
et des AA (3). L’induction d’une tolérance par voie
orale est aussi une piste thérapeutique à ne pas
négliger pour les AA. Elle consiste à administrer
quotidiennement des doses croissantes de l’aliment
allergène, jusqu’à atteindre la quantité usuellement
consommée. Cette approche vise à créer ou à
accélérer une tolérance immunologique en voie
de constitution. Des études dans le cas du lait, de
l’œuf et de la farine de blé ont donné des résultats
positifs (4).
Le rôle des barrières de défense
et du système immunitaire
(figure 1, p. 97)
Les muqueuses (nasale, buccale, respiratoire,
digestive et urogénitale) sont de véritables barrières
défensives de l’organisme face aux éléments nocifs
de l’environnement. Ces tissus épithéliaux sont
composés de cellules polarisées étroitement juxtaposées, capables de se renouveler et reliées entre
elles par différentes jonctions (serrées, communicantes et desmosomes). Ces structures assurent
l’étanchéité des muqueuses. De plus, ces dernières
sont capables de sécréter des molécules ayant des
propriétés de défense : des mucines, des peptides
antimicrobiens et des enzymes. Au niveau de ces
épithéliums, on retrouve un système immunitaire diversifié et dense – notamment celui de la
muqueuse intestinale, qui est le plus important
de l’organisme par la quantité de cellules immunitaires (lymphocytes, macrophages) déployée le
long de la muqueuse. Les cellules immunitaires
associées aux muqueuses synthétisent des
anticorps, notamment les immuno­g lobulines
A sécrétoires (IgAs) chargées de reconnaître les
pathogènes et les protéines alimentaires pour
28 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 induire leur tolérance par l’organisme. Les IgAs
tapissent toutes les muqueuses et jouent ainsi un
rôle important dans leurs mécanismes de défense.
Leur production est intimement liée à l’équilibre
des écosystèmes, d’où l’importance d’un microbiote
optimal et d’une muqueuse intègre. Si une barrière
est déficiente en IgAs, les allergènes potentiels
(pollens ou protéines alimentaires) vont passer dans
la circulation sanguine, entraînant une réaction de
l’organisme de type allergique. La survenue des
allergies peut aussi être due à une hyperperméabilité des muqueuses, qui laissent alors passer des
allergènes vers le compartiment sanguin.
Le mécanisme de l’allergie
Les AA et AR sont souvent des réactions d’hypersensibilité immédiate de type I médiées par les
immuno­globulines E (IgE). Le mécanisme de ces
réactions correspond à l’activation des cellules
T CD4+ de type Th2 contre les allergènes et se
déroule en 2 phases. La première phase, dite
de sensibilisation, correspond au transport de
l’allergène à travers l’épithélium intestinal ou
bronchique, à sa capture par une cellule présentatrice d’antigène (cellules dendritiques ou cellules
épithéliales) et à sa présentation aux lymphocytes
Th0 naïfs qui se différencient en présence d’IL-4
en lymphocytes Th2. Les cellules Th2 activées
produisent alors des cytokines comme l’IL-4, qui
permet la production d’IgE spécifiques des allergènes par les cellules B différenciées en plasmocytes. Ces IgE sécrétées vont alors se lier à des
mastocytes ou à des basophiles via le récepteur de
forte affinité aux IgE FcεRI. Cette phase de sensibilisation, sans manifestation clinique, prépare
l’organisme à réagir de façon immédiate lors d’un
autre contact avec l’allergène. La deuxième étape
correspond à la réaction allergique proprement
dite. Lors d’un contact ultérieur avec l’allergène,
le pontage des IgE spécifiques membranaires
produites lors de la phase de sensibilisation active
les mastocytes et les basophiles et entraîne alors la
libération de médiateurs chimiques. Ces médiateurs
sont responsables des manifestations cliniques de
nature allergique.
MISE AU POINT
Altération (dysbiose)
du microbiote et association
avec la survenue des allergies
Le microbiote et son altération
L’ensemble des muqueuses accessibles de l’organisme
humain est colonisé par des populations microbiennes
abondantes et diversifiées, appelées microbiote (5).
On estime que le microbiote humain est constitué
de 400 à 1 000 espèces bactériennes différentes, et
que la totalité de ce microbiote représente environ
1014 cellules pour un individu qui, lui, ne comporte
que 1013 cellules. Le microbiote colonise le tractus
gastro-intestinal, la cavité orale, le nez, la gorge, les
yeux, la peau et le tractus urogénital. La majorité du
microbiote est localisée dans l’intestin, plus particulièrement au niveau du côlon, où l’on dénombre
jusqu’à 1012 micro-organismes par gramme de contenu.
Le séquençage du microbiote intestinal (3,3 millions
de gènes) a montré que celui-ci était 150 fois plus
grand que le génome humain (6). Si l’on ne considère
que les grands groupes microbiens et leur abondance
relative, le microbiote est sensiblement le même au
sein de l’espèce humaine. Cependant, si l’on observe la
diversité des espèces bactériennes, chaque individu a
un microbiote qui lui est propre. Celui-ci est constitué
en partie de micro-organismes résidents qui sont
tolérés par le système immunitaire. Le microbiote
“normal” et “équilibré”, appelé “eubiose”, est celui qui
est présumé remplir toutes les conditions pour nous
faire bénéficier de ses effets positifs sur la santé. Il joue
un rôle crucial dans l’établissement de la tolérance
aux antigènes. Malheureusement, dans certains cas,
on rencontre des microbiotes “déviants”, ou dysbiose,
qui ont pu être modifiés par différents facteurs, parmi
lesquels : le mode d’accouchement (voies naturelles
ou césarienne), la prématurité, l’alimentation, l’environnement, l’administration d’antibiotiques ou les
traitements antiacides. Outre les infections opportunistes, diverses pathologies ont été corrélées à des
modifications caractéristiques de la composition du
microbiote. La plupart de ces affections sont associées
à des phénomènes allergiques ou inflammatoires et
comportent donc vraisemblablement une composante immunitaire. Parmi les pathologies associées
à une dysbiose, les plus fréquemment décrites
sont l’obésité, les cancers colorectaux, les maladies
atopiques (AA, asthme, etc.), le syndrome du côlon
irritable et les maladies inflammatoires chroniques
de l’intestin comme la rectocolite hémorragique et
la maladie de Crohn. L’étiologie de ces manifestations
est multifactorielle, impliquant des facteurs immunitaires, génétiques, environnementaux, alimentaires et
microbiens interconnectés.
Le rôle du microbiote altéré
dans la survenue des allergies
Aujourd’hui, les scientifiques tentent de déterminer
les relations entre les changements de nos modes
de vie depuis ces dernières décennies, notre microbiote, et la forte augmentation de la prévalence des
allergies dans les pays développés (7). Pour expliquer
ces relations, D.P. Strachan a proposé l’“hypothèse
de l’hygiène” (8). Cette hypothèse est fondée sur
différentes observations évidentes :
➤➤ les citadins sont exposés à une gamme plus
étroite de microbes que les personnes vivant dans
les zones rurales et ils développent plus d’allergies ;
➤➤ les enfants vivant en milieu rural au Burkina Faso,
où les allergies sont rares et le régime alimentaire
riche en fibres, ont un profil microbien fécal très
différent des enfants vivant en Europe ;
➤➤ l’augmentation rapide des maladies allergiques
dans les pays occidentaux pourrait coïncider avec
l’utilisation généralisée des antibiotiques. Ceux-ci,
en détruisant une grande partie du microbiote intestinal, pourraient favoriser la survenue d’allergies.
K. Wickens et ses collaborateurs ont en effet montré
que l’utilisation d’antibiotiques pouvait être associée
à une augmentation du risque de développer un
asthme (9) ;
➤➤ les microbiotes des patients allergiques et des
individus sains sont différents. En effet, B. Björksten
et al. (10) ont mis en évidence une faible colonisation par des bactéries anaérobies (bifidobactéries)
et une proportion élevée de certaines espèces
aérobies (coliformes) chez les enfants développant
une tendance allergique à l’âge de 2 ans. Il semble
donc y avoir un lien entre le microbiote intestinal
et la survenue d’allergies.
Notre sensibilité aux allergies n’est pas seulement
façonnée par le microbiote intestinal mais peut
aussi être modulée par d’autres microbiotes,
comme le microbiote cutané (11). L’épithélium
bronchique possède un microbiote très caractéristique, différent chez les individus sains et chez les
asthmatiques (12). Certaines infections bactériennes
pulmonaires peuvent aggraver les AR. En effet, les
nourrissons, dont les poumons sont infectés par des
bactéries pathogènes peu après la naissance, sont
plus susceptibles de développer de l’asthme. De plus,
les poumons des adultes asthmatiques contiennent
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 | 29
MISE AU POINT
Les prébiotiques : une stratégie pour lutter contre les allergies ?
beaucoup plus de bactéries que les poumons des
personnes sans asthme. Par ailleurs, les individus
développant un asthme sévère présentent une plus
grande diversité bactérienne que les patients atteints
d’asthme modéré (7). Cependant, la bactérie Helicobacter pylori, vivant dans l’estomac et provoquant
des ulcères et des cancers, semble être bénéfique
contre l’asthme. Des études montrent que les
enfants infectés par H. pylori étaient 40 à 60 % moins
susceptibles de souffrir d’asthme que les enfants non
infectés (13). Lors de l’infection, des lymphocytes T
régulateurs semblaient s’accumuler dans l’estomac
puis se déplacer vers les poumons ; ainsi, une bactérie
de l’estomac peut influencer des réponses immunitaires systémiques (14).
Certaines données de la littérature suggèrent donc
un effet bénéfique de certaines bactéries infectant les
muqueuses (intestin, estomac, peau) sur la sensibilité
aux allergies. Ces observations incitent à développer
des stratégies thérapeutiques et de prévention visant
à équilibrer les microbiotes associés aux muqueuses
pour assurer la santé de l’hôte. Ce rôle pourrait être
attribué aux prébiotiques.
Les prébiotiques :
des suppléments alimentaires
intéressants
Définition
Les prébiotiques ont été définis comme “des
ingrédients alimentaires non digestibles affectant
l’organisme hôte de manière bénéfique en stimulant
sélectivement la croissance et/ou l’activité d’une
ou d’un nombre limité d’espèces bactériennes déjà
présentes dans le côlon, et, de ce fait, capables d’améTableau I. Exemples de composés prébiotiques commercialisés (28, 29).
Prébiotiques
Nom
Structure
Fournisseur
Inuline
Raftilose®
Fru-Frun + Glc-Frun
Orafti (Belgique)
Fructo-oligosaccharides
Actilight®
Glc-Frun Beghin
Meiji Industries (France)
Galacto-oligosaccharides
Oligomate®
Glc-Galn
Yakult (Japon)
Lactulose
MLS-50®
Gal-Fru
Morinaga (Japon)
Oligosaccharides de soja
Soya-Oligo
Galn-Glc-Fru
Calpis (Japon)
Isomalto-oligosaccharides
IMO 900
Glcn Showa
Sangyo (Japon)
Gluco-oligosaccharides
Bioecolia®
Glcn
Solabia (France)
Manno-oligosaccharides
Bio-MOS®
Mann
Alltech Biotechnology
(États-Unis)
Xylo-oligosaccharides
Xylo-oligo
Xyln
Suntory (Japon)
30 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 liorer la santé de l’hôte ” (15). Bien que, à ce jour, les
prébiotiques les plus étudiés demeurent les fructanes
(l’inuline et ses dérivés les fructo-oligosaccharides
[FOS]) et les galacto-oligosaccharides (GOS), il existe
une multitude de molécules considérées comme
prébiotiques potentiels : des xylo-oligosaccharides (XOS), des oligosaccharides de soja (SOS), de
l’amidon résistant à la digestion, etc. (tableau I).
La très grande majorité de ces molécules sont des
fibres ou des oligosaccharides, qui sont métabolisés
par les bactéries et induisent la production d’acides
gras à chaîne courte (AGCC) dont les principaux
représentants sont l’acétate, le propionate et le
butyrate.
Propriétés immunomodulatrices
des prébiotiques
Les prébiotiques peuvent exercer un effet sur la
barrière intestinale et le système immunitaire
associé à l’intestin via les AGCC produits par le
microbiote. Le butyrate est le plus étudié des AGCC.
Il a été identifié comme un modulateur de l’acétylation de la queue des histones, et, par conséquent,
il peut augmenter l’accessibilité de nombreux gènes
à des facteurs de transcription (16). Les effets transcriptionnels du butyrate ont été étudiés tant in
vitro sur différentes cellules du système immunitaire et de l’épithélium intestinal (17) qu’in vivo
chez l’homme (18). Le butyrate est produit par les
genres Clostridium, Eubacterium et Ruminococcus,
tandis que d’autres AGCC tels que l’acétate ou le
propionate sont produits par des bactéries lactiques
des genres Bifidobacterium et Lactobacillus. Ces 2 derniers AGCC jouent également un rôle clé dans
la régulation de l’expression des gènes du système
immunitaire. Des effets directs des prébiotiques ont
néanmoins été décrits : on sait notamment que le
GOS peut limiter la fixation de certaines bactéries
aux cellules épithéliales en se liant aux récepteurs
d’adhésion de ces micro-organismes (19). D’autres
effets directs des prébiotiques sur la physiologie
intestinale sont, à l’heure actuelle, fortement
supposés, mais le mécanisme sous-jacent demeure
inconnu (tableau II). Les chercheurs de l’Institut
national de la recherche agronomique (Inra) de
Nantes ont par exemple récemment démontré
que les prébiotiques (GOS et inuline) agissaient
sur le développement et probablement sur le
métabolisme énergétique du souriceau in utero
ou pendant la lactation, voire sur le comportement
maternel (20).
MISE AU POINT
Tableau II. Effets positifs des prébiotiques sur la santé (effets probables ou suspectés) [28, 30-32].
Preuves scientifiques fortes
Effets des prébiotiques
Mécanismes des prébiotiques
Faible valeur calorique
Non-digestibilité et fermentation colique complète en lactate, acides gras
à chaîne courte (acétate, propionate et butyrate) et gaz (CO2, H2, CH4)
Modulation de la flore intestinale
Fermentation sélective par le microbiote au détriment de la flore pathogène
Amélioration de la motilité
intestinale et soulagement
de la constipation
- Augmentation de la pression osmotique
- Production de butyrate fournissant de l’énergie aux colonocytes
- Production de gaz
- Accroissement de la biomasse bactérienne
Preuves scientifiques prometteuses
Effets des prébiotiques
Mécanismes des prébiotiques
Stimulation de l’absorption
des minéraux et réduction
des risques d’ostéoporose
Acidification du milieu améliorant la solubilisation du calcium et du magnésium
Effet hypolipidémique,
effet hypoglycémique
et prévention du diabète
- Production d’acétate et de propionate modulant la lipogenèse hépatique
- Production de propionate modulant la gluco-néogenèse hépatique
- Libération d’hormones intestinales (incrétines)
Diminution des diarrhées
- Fermentation sélective par le microbiote au détriment de la flore pathogène
- Production d’acides gras à chaîne courte stimulant l’absorption d’eau par le côlon
Diminution du risque du cancer
du côlon
- Modulation du système immunitaire via le microbiote endogène
- Production de butyrate régulant la prolifération des cellules altérées
- Modulation du microbiote exhibant une faible activité enzymatique carcinogénique
Prévention des infections
intestinales
- Fermentation sélective par le microbiote endogène
- Production d’acides gras à chaîne courte induisant un environnement acide
- Modulation du système immunitaire via le microbiote
Prévention des allergies
Diminution du risque de dermatite atopique
Réduction des maladies
inflammatoires de l’intestin
- Effet possible à dose modérée sur le syndrome du côlon irritable
- Réduction de la pouchite
- Réduction de l’inflammation mucosale au cours de la colite ulcérative
- Réduction de l’inflammation et de l’activité de la maladie de Crohn
Effet sur la physiologie humaine
- Amélioration de la santé des os (absorption du calcium, résorption osseuse)
- Diminution du poids corporel
- Diminution de la masse graisseuse
- Stimulation du système immunitaire : augmentation de l’activité des cellules NK,
de la phagocytose, de la production d’IL-10, de la production d’IgA, etc.
L’intérêt des prébiotiques
en tant que stratégie
de traitement et de prévention
des allergies
L’effet supposé des prébiotiques
Selon l’hypothèse hygiéniste, un lien probable existe
entre la modification du microbiote et la régulation
de la survenue des allergies. Utiliser des suppléments
alimentaires capables de modifier le microbiote et/
ou d’agir sur le système immunitaire et la barrière
intestinale, comme les prébiotiques, constitue une
stratégie de prévention des allergies intéressante
(figure 2, p. 32). Les effets des prébiotiques sur la
prévention et le traitement des allergies ne sont à
ce jour pas complètement identifiés. La plupart des
études ont été réalisées dans un cadre préventif. Seule
une étude a testé l’efficacité des prébiotiques dans un
contexte thérapeutique à l’aide d’un modèle animal.
Les modèles animaux
Toutes les études animales ont été réalisées chez la
souris (21-23). Divers prébiotiques ont été utilisés :
GOS (21), FOS (21, 24), ou une combinaison de
GOS et d’inuline avec ou sans oligosaccharides
acides dérivés des pectines (22). Toutes les études
ont montré un effet préventif des prébiotiques sur
l’allergie. S. Fujitani et al. (24) ont observé un effet
antiallergique du FOS, caractérisé par une réduction
des mastocytes et des œdèmes intestinaux chez des
souris sensibilisées à l’ovalbumine (OVA). J. Watanabe
et al. (23) ont démontré une réduction des réactions
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 | 31
MISE AU POINT
Les prébiotiques : une stratégie pour lutter contre les allergies ?
Figure 2. Hypothèse sur les effets potentiels des prébiotiques : selon l’hypothèse hygiéniste, un lien probable existe entre la modification du microbiote et la survenue des
allergies. Une modification de la composition et/ou de l’activité du microbiote, exercée
par des prébiotiques, pourrait, d’une part, renforcer la barrière intestinale, et, d’autre part,
orienter le système immunitaire vers des voies de tolérance et ainsi prévenir certaines
allergies alimentaires.
d’hypersensibilité chez les souris sous régime enrichi
en FOS. A.P. Vos et al. (22) ont observé que le GOS
combiné à l’inuline induisait une diminution du
nombre de cellules inflammatoires dans le liquide
bronchoalvéolaire et une tendance à la baisse des IgE
spécifiques dans un modèle de souris asthmatiques.
S. Pirapatdit et al. (21) ont montré que les souris
sensibilisées à l’OVA et sous régime enrichi en GOS
produisaient moins de cytokines chimiotactiques pour
les cellules impliquées dans la réaction allergique.
Toutes ces études ont été réalisées sur des souris
adultes (âgées de 4 à 6 semaines lors du contact
avec le prébiotique). Les chercheurs de l’Inra de
Nantes (équipe allergie, UR1268 BIA) ont eu
pour objectif de définir la période d’exposition
(postnatale ou combinant les périodes périnatale
et postnatale) aux prébiotiques (mélange de GOS
et d’inuline) la plus efficace pour modifier le microbiote et orienter le système immunitaire vers la
tolérance. Ils ont montré que seule l’exposition aux
prébiotiques combinant les périodes périnatale et
postnatale était associée à une augmentation de
la production des immunoglobulines en relation
avec les réponses immunes impliquées dans la
tolérance : Th1 et T régulatrice. Cet effet tolérogène
des prébiotiques semblait médié par le microbiote
32 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 et/ou les constituants immunomodulateurs du lait
maternel (IgA et TGF-β). Ils ont aussi montré que
les prébiotiques donnés à cette même période
augmentaient la production de propionate par le
microbiote et renforçaient l’intégrité de la barrière
intestinale (HSP25, MUC-2, ZO-1). Une exposition
très précoce aux prébiotiques semble donc très
efficace pour activer les voies de régulation du
système immunitaire et renforcer la barrière intestinale. Ces résultats ont amené les chercheurs
de Nantes à évaluer l’effet de cette exposition
combinée aux prébiotiques sur l’allergie. Après
induction d’une réaction allergique chez la souris,
ils ont constaté une conservation du pouvoir
d’induction des voies de tolérance par les prébiotiques. Cependant, cette réponse de tolérance
n’était pas suffisante pour inhiber la voie Th2 et
réduire les symptômes.
Y. Metugriachuk et al. (25) ont été les seuls à
étudier les effets des prébiotiques pour traiter
l’allergie. Ils ont démontré une diminution du taux
d’IgE spécifiques et du taux d’IgG totales chez des
souris sensibilisées à l’OVA et traitées avec un
prébiotique (lait contenant un composé d’origine
végétale fermenté).
La seule étude réalisée chez l’homme
Une cohorte italienne de nourrissons, ayant des
antécédents parentaux d’eczéma atopique, de
rhinite allergique ou d’asthme, a été observée
pour évaluer l’efficacité des prébiotiques dans la
prévention des allergies (26, 27). Les prébiotiques
testés correspondaient à un mélange de GOS et
d’inuline inclus dans une formule hypoallergénique contenant des protéines du lactosérum de
lait de vache hydrolysées. Les nourrissons ont été
nourris avec la formule GOS et inuline pendant
6 mois, et les symptômes liés à l’allergie ont été
évalués au cours des 6 premiers mois de vie (27),
puis 18 mois après la fin de la supplémentation
en prébiotiques (26). À l’âge de 6 mois et de
2 ans, l’incidence des maladies allergiques a été
sensiblement réduite chez les enfants alimentés
avec la formule GOS et inuline (26, 27). Chez les
nourrissons traités pendant 6 mois, il a été observé
une augmentation des bifidobactéries dans les fèces
et une baisse du taux d’IgG1, d’IgG2, d’IgG3 totales
et du taux d’IgE spécifiques des protéines du lait de
vache (27). Ainsi, une intervention nutritionnelle
précoce avec les prébiotiques semble efficace pour
orienter le système immunitaire de l’enfant vers
MISE AU POINT
des voies potentiellement protectrices de l’allergie.
De plus, cet effet préventif semble être préservé à
long terme, même lorsque la supplémentation en
prébiotiques a été arrêtée.
En conclusion, la stratégie des prébiotiques semble
très prometteuse dans la prévention de l’allergie,
car toutes les études réalisées chez l’animal et chez
l’homme ont montré des résultats encourageants.
Cet effet protecteur pourrait être dû à l’induction
par le prébiotique d’une prolifération accrue de
certains genres bactériens autochtones capables
d’interagir avec la barrière intestinale et le système
immunitaire pour moduler la réponse allergique.
La naissance et l’allaitement sont des périodes
cruciales pour l’implantation du microbiote.
Ainsi, agir pendant cette fenêtre de temps avec
des prébiotiques constituerait une stratégie très
efficace pour modifier et orienter le microbiote vers
un écosystème équilibré et protecteur des allergies.
Cette supposition est en accord avec les données
obtenues sur la cohorte d’enfants italiens (27) et
avec celles récemment acquises chez la souris par
les chercheurs de l’Inra de Nantes.
À ce jour, le nombre d’études utilisant les prébiotiques reste cependant insuffisant pour conclure à
leur effet protecteur sur les allergies.
Conclusion
Les allergies sont des pathologies de plus en
plus fréquentes, faisant intervenir divers acteurs
impliqués dans des mécanismes complexes et encore
inconnus : le système immunitaire, le microbiote, les
muqueuses et les allergènes. Le microbiote joue un
rôle central en interagissant avec le système immunitaire et les muqueuses. En modulant celui-ci très tôt,
on peut espérer prévenir la pathologie allergique.
Cette modulation pourrait être obtenue grâce aux
prébiotiques, mais les données de la littérature
restent à ce jour trop préliminaires pour confirmer
cette hypothèse.
■
Remerciements
Nous remercions la région Pays
de la Loire pour le financement
du stage postdoctoral
de M. Pascal Gourbeyre au sein
du projet régional REAL2.
Références bibliographiques
1. Gourbeyre P, Denery S, Bodinier M. Probiotics, prebiotics, and synbiotics: impact on the gut immune system and
allergic reactions. J Leukoc Biol 2011;89:685-95.
2. Kanny G, Moneret-Vautrin DA, Flabbee J, Beaudouin
E, Morisset M, Thevenin F. Population study of food
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133-40.
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Agenda
le 13 avril 2013 à Brest
■■ “L’avenir de l’ORL”
Comité d’organisation : Pr Rémi Marianowski
Programme
• Nouvelles pratiques en chirurgie thyroïdienne
• Chirurgie au robot en ORL
• Prise en charge des enfants atteints de mucoviscidose
• Nouvelles réhabilitations en otologie
• Résultat de l’enquête nationale sur l’ORL : quel futur pour nos jeunes collègues ?
• Techniques innovantes
Avec la participation du Pr Renaud Garel (Montpellier), du Pr Marc Pellicer
­(Barcelone) et du Dr Jean-Michel Klein (président du SNORL).
Lieu
Faculté de médecine
22 avenue Camille Desmoulins
29200 Brest
Renseignements et inscription
AS.CONNECT Événement
14 rue Piètrus Joubert
44300 Nantes
E-mail : [email protected]
Site : www.asconnect-evenement.fr
MISE AU POINT
Les prébiotiques : une stratégie pour lutter contre les allergies ?
Références bibliographiques
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