actualité, info avancée thérapeutique Conserver le tissu testiculaire avant la puberté Comment, en aval des progrès accomplis en matière de traitements de certains cancers chez des enfants prépubères, préserver la fertilité de ces derniers ? Nous avons vu ce qu’il pouvait en être pour les petites filles (Revue Médicale Suisse du 22 mai 2013). Qu’en est-il pour le sexe masculin ? Une synthèse actualisée de cette activité novatrice vient d’être faite devant l’Académie nationale française de médecine par le Pr Nathalie Rives (Laboratoire de biologie de la reproduction – Cecos, CHU Charles Nicolle, Rouen). La cellule germinale souche (spermatogonie souche) constitue une cible de choix de la toxicité avec un risque de stérilité inhérent à certains traitements anticancéreux. Il faut ici savoir que chez l’enfant la congélation du tissu testiculaire est un procédé récent et potentiel de préservation de la fertilité masculine. Si les cancers de l’en- fant représentent moins de 1% de l’ensemble des cancers, ils représentent aussi, avant l’âge de quinze ans, la première cause de décès par maladie. Les nouveaux cas observés sont en plus forte proportion dans le groupe d’âges des 0-4 ans avec une fréquence de 36%. Les traitements anticancéreux ont une toxicité qui peut concerner tous les organes ou tissus. Les gonades constituent toutefois une cible de choix de cette toxicité, le testicule étant plus vulnérable que l’ovaire. Ici, le testicule peut être atteint à la fois au niveau de sa fonction exocrine, la spermatogenèse (cellules germinales et cellules de Sertoli) et de manière plus exceptionnelle au niveau de sa fonction endocrine (cellules de Leydig). La toxicité gonadique est dépendante des modalités thérapeutiques mises en œuvre (radiothérapie, chimiothérapie) ainsi que des vienne ou testiculaire. Et en dépit d’un faible taux de prolifération cellulaire observé au niveau des spermatogonies, le testicule prépubère n’est nullement protégé des effets toxiques de la chimiothérapie ou de la radiothérapie. C’est ainsi qu’une azoospermie peut être observée chez près de 18% d’hommes guéris d’un cancer traité durant l’enfance.1 «Des stratégies pour préserver leur fertilité doivent être proposées si un traitement à … Aussi les techniques maîtrisées risque majeur d’altération définitive de la pour les spermatozoïdes ne sontcellule germinale elles pas ici adaptées … souche est envisagé» souligne le Pr Rives. greffe de cellules souches hémaLa préservation de la fertilité est topoïétiques (CSH) comme de actuellement envisageable pour l’irradiation corporelle totale et de les hommes pubères et pour les la chimiothérapie aplasiante. Il en femmes pubères ou les filles préva de même avec l’intensification pubères. Mais chez le garçon préthérapeutique avec autogreffe de pubère cette préservation ne repose CSH, des traitements utilisés pour que sur la possibilité de conserver les tumeurs des tissus mous méles cellules germinales souches. tastatiques et des protocoles de Aucune autre stratégie de préserchimiothérapie pouvant inclure vation de la gonade n’est actuellel’utilisation d’agents alkylants ment disponible, pas plus qu’un pour traiter certains lymphomes. traitement médical de protection Ainsi que de la radiothérapie pel- des cellules germinales souches. doses et des durées. L’âge du patient, sa susceptibilité individuelle à la toxicité de ces traitements et la qualité de la spermatogenèse préalable à l’introduction des traitements sont également ici des paramètres à prendre en considération. On sait toutefois que certains schémas thérapeutiques sont à risque très élevé d’altération définitive de la cellule germinale souche. Il en va ainsi des conditionnements qui précèdent l’allo- Dr Jacques Meizoz Rue de l’Hôpital 11 1920 Martigny [email protected] 1170 42_45.indd 1 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 29 mai 2013 27.05.13 11:45 D.R. La conservation par congélation des cellules germinales souches peut s’envisager selon différentes modalités. «Un prélèvement chirurgical de tissu testiculaire doit tout d’abord être effectué. Puis, le tissu testiculaire ainsi prélevé sera utilisé sous la forme de fragments ou d’une suspension de cellules testiculaires ou d’une fraction enrichie en cellules germinales souches, obtenue après dissociation mécanique ou enzymatique du tissu» explique le Pr Rives. Par la suite, les fragments de tissu testiculaire (ou la suspension cellulaire) pourront avant (ou après) congélation être mis en culture de façon à reproduire in vitro une spermatogenèse (maturation in vitro) – les spermatozoïdes ainsi générés seront congelés en vue d’une utilisation ultérieure dans le cadre d’une PMA (procréation médicalement assistée). Ils pourront aussi être greffés ou transplantés chez le patient après guérison afin d’obtenir une spermatogenèse in vivo (maturation in vivo) et la restauration de sa fertilité naturelle. On pourrait aussi imaginer qu’ils soient greffés ou transplantés chez l’animal (xénogreffe ou xénotransplantation) afin, là encore, d’aboutir aussi à une spermatogenèse in vivo.2 Si les indications sont envisageables (tumeurs pouvant métastaser et envahir le tissu testiculaire) les maturations in vitro ou in vivo chez l’animal présentent néanmoins un certain nombre d’inconvénients, comme le souligne le Pr Rives : modifications d’ordre génétique ou épigénétique pouvant être à l’origine de pathologies de la descendance et contamination par des agents infectieux d’origine animale. «On peut s’interroger s’il est acceptable sur le plan éthique d’utiliser en PMA des spermatozoïdes humains obtenus chez un animal» ajoute-t-elle. De fait, on le peut. Peut-être même le doit-on. Ajoutons que la congélation (-196 °C) et la conservation de fragments de tissu testiculaire permettent aussi de préserver l’architecture des tubes séminifères et plus spécifiquement le micro-environnement propre à la niche de la cellule germinale souche. Comment congeler le tissu testiculaire ou les cellules germinales souches ? Le Pr Rives traite dans le détail de cette question complexe d’un point de vue technique. Le tissu testiculaire prépubère est en effet constitué de cellules riches en cytoplasme (cellules germinales souches, cellules de Sertoli et cellules de Leydig) comportant un risque accru de formation de cristaux de glace dans le cytoplasme de ces cellules lors de la congélation. Aussi les techniques maîtrisées (depuis 1953) pour les spermatozoïdes ne sont-elles pas ici adaptées. Les premières congélations effectives commencent à être rapportées dans la littérature spécialisée, et ce dans et en dehors (orchidectomies bilatérales) des indications pour cancer. En France, la congélation du tissu testiculaire s’inscrit dans la loi de bioéthique de juillet 2011. Elle dispose que «toute personne peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de son tissu germinal… lorsqu’une prise en charge médicale est susceptible d’altérer sa fertilité, ou lorsque sa fertilité risque d’être prématurément alté- rée». «Cependant, cette procédure de préservation de la fertilité masculine se met en place lentement en France et en Europe, rapporte le Pr Rives. Et ce, du fait de la nécessité de maîtriser la procédure de congélation du tissu testiculaire mais aussi de pouvoir mettre en place un réseau pluridisciplinaire associant les onco-hématologues de l’enfant, les chirurgiens infantiles et les médecins et biologistes de la reproduction pour assurer une prise en charge optimale des jeunes patients.» Pour l’heure, aucune utilisation de tissu testiculaire humain décongelé n’a encore été rapportée. Cela ne saurait désormais tarder. Jean-Yves Nau [email protected] 1 Romerius P, Ståhl O, Moëll C, et al. High risk of azoospermia in men treated for childhood cancer. Int J Androl 2011;34: 69­76. 2 Goossens E, Van Saen D, Tournaye H. Spermatogonial stem cell preservation and transplantation : From research to cli­ nic. Hum Reprod 2013;28:897­907. en hâte auprès d’un confrère psychiatre, me confie à ma collègue, dors mal et décide le lendemain d’hospitaliser cet homme contre son gré. Le médecin­chef de l’hôpital psychia­ trique contacté partage cette décision et se dit prêt à accueillir et traiter ce patient malgré sa normalité apparente. Inquiet du déroule­ ment de l’intervention, je demande l’aide de policiers. L’intervention menée dans le calme par des professionnels bien informés au préalable par mes soins se déroule sans violence. Présent à leurs côtés, je rassure et informe mon patient de la décision prise et des raisons qui la motivent. A notre grande surprise, celui­ci accepte sans résistance, avec un étrange détachement l’hospitalisa­ tion qui lui est imposée. Un grand soulage­ ment emplit chacun de nous. La tempête dans ma tête s’apaise enfin. Un mois plus tard, Pablo se présente au rendez­vous fixé à sa sortie d’hôpital pour la suite de son traitement. Son sourire n’a pas changé. Il ne m’en veut pas, accepte son traitement. Plus ouvert, il parle librement de ses voix : depuis longtemps elles ordonnaient, crachaient des injures, des injonctions diver­ ses… La dynamite bien sûr c’est elles… mais n’ont pas eu l’occasion de dicter son usage ! Cette histoire est une fiction adaptée libre­ ment d’une expérience vécue. 1006667_rms_120_ct 1 23.05.13 15:05 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 29 mai 2013 42_45.indd 2 1171 27.05.13 11:45