Septembre 2011 - N°6 Installation du Comité de pilotage du deuxième Plan National Maladies Rares Editorial Editorial En cette rentrée 2011, les questions de santé publique occupent une nouvelle fois une place centrale au sein de l’actualité politique française, tant dans le cadre de la réforme attendue du système d’évaluation et de contrôle des produits de santé, qu’avec la mise en place progressive du deuxième Plan National Maladies Rares. Face à l’importance de ces enjeux, il nous apparaît aujourd’hui primordial de poursuivre le dialogue établi depuis plusieurs années avec les pouvoirs publics, les professionnels de santé ainsi que les représentants des associations de patients, afin d’apporter notre contribution aux différents débats portant sur l’accès des patients aux soins. Ce sixième numéro de notre Newsletter aborde ainsi la question de l’hémophilie chez les femmes, grâce à l’éclairage de Dorothée PRADINES, responsable de la Commission Jeunes Adultes de l’Association Française des Hémophiles. A travers son témoignage, nous avons souhaité mettre en lumière la situation et les difficultés rencontrées par les femmes atteintes d’hémophilie, compte tenu de la rareté et de la méconnaissance de leur situation par les professionnels de santé non spécialistes de cette maladie ainsi que par les pouvoirs publics. Ce numéro nous permet également de revenir sur les actualités liées à la mise en place du deuxième plan national maladies rares, ainsi que sur la question du don du sang en France et dans le monde. Nous vous en souhaitons une bonne lecture. Denis CAVERT Président La Secrétaire d’Etat chargée de la Santé, Nora BERRA, et la Directrice générale de l’Offre de soins, Annie PODEUR, ont installé le 19 mai dernier le Comité de suivi et de prospective du PNMR 2011-2014. Cette installation fait suite à la publication du deuxième Plan National Maladies Rares (PNMR II), lors de la journée internationale des maladies rares le 28 février dernier. Le Comité de pilotage du PNMR II, qui se réunira deux fois par an, sera présidé par Annie PODEUR et aura pour principales tâches : - La mise en place d’une banque de données nationale sur les maladies rares ; - La création d’un groupe permanent chargé du suivi des centres de référence, de leur financement (qui sera fonction des actions réalisées), et de leur organisation en filières ; - La prise en charge de certains médicaments hors AMM, non remboursés mais jugés utiles au traitement de maladies rares ; - La formation des personnels paramédicaux en charge des maladies rares. Le Comité sera supervisé par les équipes de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et de la direction générale de la santé (DGS). Il comprendra des experts et des professionnels de santé, des représentants d’associations de patients, ainsi que des représentants des agences régionales de santé. Retour sur la 8ème journée mondiale des donneurs de sang Instaurée en 2004 par l’Organisation mondiale de la santé, la Journée mondiale des donneurs de sang vise, chaque année, à sensibiliser le grand public à la nécessité de donner régulièrement son sang afin d’éviter tout risque de pénurie, tout en montrant les efforts déployés par les différents systèmes de santé pour garantir un système transfusionnel sûr, assurant la sécurité des donneurs et du patient. La 8ème édition de la journée mondiale des donneurs de sang a eu lieu dans 190 pays le 14 juin dernier, autour du slogan « Plus de sang, c’est plus de vie », avec pour objectif de démontrer le caractère d’urgence d’un plus grand nombre de dons de sang au niveau mondial. Au niveau français, le Professeur Gérard TOBELEM, Président de l’Etablissement Français du Sang (EFS), est revenu à cette occasion sur la situation du don du sang sur le territoire français. Selon Gérard TOBELEM, la France connaît une situation d’urgence en matière de don de sang, le territoire pouvant cesser, dans un avenir proche, d’être autosuffisant dans ce domaine faute d’un nombre suffisant de dons. Cette situation est due, d’une part, à une augmentation de l’usage des médicaments dérivés du sang, notamment en raison du vieillissement de la population, ainsi qu’à certaines évolutions thérapeutiques (les chimiothérapies entraînant par exemple des déficits immunitaires sévères), d’autre part, à une baisse de plus de 15% du nombre de donneurs en 2010 par rapport à 2009. Pour garantir la pérennité du don de sang, une augmentation de 10% des dons de sang et de plasma est ainsi jugée nécessaire pour faire face à la demande d’ici fin 2011. Contact: PPTA France - 59, rue des Petits Champs - 75001 Paris - +33 (0)1 56 88 52 09 Plus d’informations ? http://www.pptafrance.fr L’hémophilie chez les femmes Eclairage sur une problématique méconnue Entretien avec Dorothée PRADINES, responsable de la Commission jeunes adultes de l’Association Française des Hémophiles (AFH). L’hémophilie chez les femmes : une maladie rare et méconnue Connue du grand public en tant que maladie génétique affectant uniquement les individus de sexe masculin, l’hémophilie concerne environ 6 000 patients aujourd’hui en France, dont la moitié est atteinte de la forme sévère de la maladie. Cette pathologie, qui résulte de l’absence ou du déficit d’un facteur de coagulation (facteur VIII ou IX) dont le gène est situé sur le chromosome sexuel X, affecte en effet de manière quasiment exclusive les hommes. Chez les femmes, qui disposent de deux chromosomes X, le chromosome « sain » compense en partie le déficit de coagulation lié au chromosome sur lequel se situe le gène déficient. Celles-ci ne manifestent généralement pas l’hémophilie dans sa forme sévère mais sont cependant porteuses de la maladie et peuvent la transmettre. Néanmoins, dans de rares cas, les femmes peuvent être atteintes, lorsque leurs deux chromosomes X sont touchés (par exemple lorsque le père est hémophile et la mère porteuse du gène) ou dans le cas d’une inactivation totale du second chromosome X « sain », c'est-à-dire non porteur du gène muté. En raison de la rareté de leur situation, les patientes atteintes d’hémophilie souffrent d’un manque de connaissance des spécificités de l’expression féminine de cette maladie, tant de la part des pouvoirs publics que des professionnels de santé. Si ce déficit d’information n’est pas pénalisant dans le suivi quotidien de leur maladie par un médecin spécialiste de l’hémophilie, la situation est en revanche problématique dans le cadre d’une intervention d’urgence (plaie ouverte, intervention chirurgicale, accouchement, etc.) effectuée par un personnel soignant non spécialiste, et dont la connaissance des risques hémorragiques encourus par la patiente est insuffisante. Ce déficit de connaissance peut également, dans certains cas, générer des difficultés dans la reconnaissance de la légitimité de leur prise en charge à 100% par l’Assurance Maladie. La question de l’accompagnement médical des femmes « porteuses à taux faible » se pose également. En effet, si les cas d’hémophilie sévère sont extrêmement rares chez la femme, de nombreuses femmes porteuses présentent des troubles de la coagulation, à des degrés très variables d’une patiente à l’autre. Un taux de coagulation situé entre 30% et 70% de la normale est ainsi couramment observé chez ces femmes, sans manifestation visible de symptômes cliniques à l’exception de règles très abondantes. Cependant, une proportion significative de porteuses présente un taux de facteur VIII ou de facteur IX inférieur à 30% du taux normal. Ces femmes, dont les symptômes sont comparables à ceux d’un hémophile mineur, découvrent le plus souvent leur maladie lors d’épisodes traumatisants et souffrent d’un réel manque d’information et d’accompagnement sur cette pathologie. Dans ce cadre, peu de consultations spécifiquement dédiées aux femmes de familles d’hémophiles sont organisées. La nécessité d’une meilleure prise en compte de l’avis du patient Dans un contexte de réforme du système de santé suite à l’affaire Mediator, il apparaît aujourd’hui primordial d’améliorer la prise en compte, tant par les pouvoirs publics que par les professionnels de santé, du point de vue et de l’expérience du patient dans l’élaboration des choix thérapeutiques qui le concernent. Consciente que l’amélioration de la situation des patients atteints d’hémophilie passera par une meilleure information de l’ensemble des acteurs de santé sur ce sujet, l’AFH multiplie les initiatives visant à améliorer les possibilités d’échanges entre les malades, leurs proches, et les autorités et professionnels de santé. Un programme d’information portant sur la question des femmes porteuses à taux faible de l’hémophilie a ainsi été mis en place depuis plusieurs années par l’intermédiaire de la Commission « Femmes » de l’association, et vise aussi bien les femmes elles-mêmes que les personnels médicaux, en particulier les gynécologues. Afin d’améliorer l’information et l’accompagnement des patients dans la gestion au quotidien de ces pathologies, la Commission Jeunes Adultes de l’AFH organise par ailleurs régulièrement des rencontres avec les jeunes patients, de 18 à 30 ans, atteints d’hémophilie ou de la maladie de Willebrand, ainsi que leurs proches. Dans ce cadre, une rencontre a été organisée les 19 au 21 août derniers sur le thème de l’hémophilie et des sports mécaniques (dont la pratique est fortement déconseillée aux patients hémophiles) afin d’encourager les malades passionnés de cette activité à vivre au mieux leur passion. L’éducation thérapeutique du patient : une priorité dans le traitement au quotidien de cette maladie Le traitement de l’hémophilie, ainsi que les diverses précautions à prendre pour éviter les hémorragies, sont contraignants, notamment en cas d’hémophilie sévère, pour laquelle il s’avère nécessaire de mettre en place une prophylaxie consistant en l’injection intraveineuse du traitement tous les deux à trois jours. Dans ce cadre, l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage (apprentissage de l’administration du traitement à domicile au patient ou à ses proches, apprentissage de la gestion de la maladie dans ses diverses manifestations, réflexion sur l’enjeu et l’impact de l’observance du traitement et des choix de vie liés, etc.) constitue l’une des priorités de l’AFH afin de renforcer l’autonomie du patient dans la gestion de sa maladie. Il convient à ce titre de rappeler que les parents peuvent administrer le traitement directement à leur enfant à partir de l’âge de 4 ans, tandis que l’enfant, dès qu’il en exprime le souhait, peut apprendre à s’injecter lui-même son traitement. De nombreux stages d’apprentissage sont ouverts aux parents et aux enfants au sein des centres de traitement de l’hémophilie. Dorothée PRADINES, 21 ans, est responsable de la Commission Jeunes Adultes de l’Association Française des Hémophiles (AFH). Etudiante à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et à l’Ecole Normale Supérieure, elle représente et défend les intérêts des patients atteints d’hémophilie auprès de plusieurs groupes de travail et collectifs associatifs, dont le collectif « *im+Patients, Chroniques & Associés » qui regroupe plusieurs associations de personnes touchées par une maladie chronique. En tant que patiente atteinte d’hémophilie A sévère, elle souha ite notamment, à travers l’AFH, faire connaître l’expression de l’hémophilie chez les femmes, dont les particularités sont aujourd’hui méconnues des pouvoirs publics et des professionnels de santé, et dont les implications peuvent s’avérer dramatiques pour les patientes en souffrant.